CA Versailles, ch. com. 3-1, 3 octobre 2024, n° 21/05800
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Bluteams Consulting (SARL)
Défendeur :
Humano (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Nicolas, Me Petreschi, Me Marest-Chavenon, Me Cassel
EXPOSE DES FAITS
La SARL Bluteams Consulting, ci-après dénommée la société Bluteams, créée en mai 2010, est une société de services dans le domaine du conseil en informatique et de la gestion de systèmes d'information employant 20 salariés.
Son capital est réparti entre Mme [P] [F], gérante (49,8%), M. [R] [O] (49,8 %) et Mme [U] [L] (0,4%).
M. [O] a été engagé en qualité de directeur commercial par contrat à durée indéterminée du 2 avril 2015.
Considérant être victime d'actes de détournement de clientèle et de salariés de la part de la société Humano, créée par M. [O] le 15 novembre 2017 et dont il est associé avec sa fille et son fils, la société Bluteams a sollicité du président du tribunal de commerce de Versailles le 1er février 2019 une mesure d'instruction in futurum, afin que soit désigné un huissier de justice en vue de procéder à un constat informatique dans les locaux de la société Humano à partir de mots clés correspondant notamment aux noms de sociétés clientes de la société Bluteams ou d'anciens salariés de cette dernière.
Par ordonnance du 12 février 2019, il a été fait droit à la requête. Le constat a été réalisé le 15 février 2019 et les éléments trouvés ont été placés sous séquestre. Par acte d'huissier du 28 octobre 2020, M. [O] et la société Humano ont fait assigner en référé la société Bluteams afin d'obtenir la rétractation de l'ordonnance du 12 février 2019. Par ordonnance du 23 novembre 2020, le président du tribunal de commerce de Versailles a rejeté la demande.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2019, M. [O] a été licencié pour faute lourde.
Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Versailles du 6 juin 2019, confirmée par arrêt du 12 mars 2020 de la cour d'appel de Versailles, la mainlevée du séquestre a été ordonnée.
Par acte d'huissier du 3 avril 2019, M. [O] a fait assigner la société Bluteams devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant en référé afin d'obtenir sa condamnation au paiement du solde de son compte courant d'associé. Par ordonnance du 2 juillet 2019, M. [O] a été renvoyé à mieux se pourvoir.
Le 3 mai 2019, M. [O] a créé la société Amago, dont il est l'associé unique et ayant pour activité la délégation de personnel informatique en mode régie, la formation, la vente de produits matériels et licences informatiques, la vente de logiciels informatiques et matériels informatiques et le portage salarial.
Par acte d'huissier du 28 juin 2019, la société Bluteams a fait assigner la société Humano et M. [O] devant le tribunal de commerce de Versailles afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices consécutifs aux actes de concurrence déloyale qu'elle leur attribue.
Par jugement du 8 septembre 2021, le tribunal a condamné in solidum la société Humano et M. [O] à payer à la société Bluteams la somme de 60.000 € au titre du préjudice moral, mais l'a déboutée de ses autres demandes. Le tribunal a condamné la société Bluteams à payer à M. [O] la somme de 53.206 € au titre du remboursement de son compte courant d'associé, débouté ce dernier et la société Humano de leur demande indemnitaire au titre du préjudice moral et les a condamnés à payer à la société Bluteams la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le tribunal a considéré que M. [O] avait eu un comportement déloyal vis-à-vis de son employeur en utilisant ses liens personnels avec les clients et les salariés de la société Bluteams au profit de sa société concurrente Humano. En revanche, il a estimé que le préjudice matériel et financier invoqué par la société Bluteams n'était pas justifié, que cette dernière ne pouvait prétendre au remboursement du coût salarial de M. [O], dès lors qu'il avait eu une part active dans l'activité de la société pendant la période courant de la création de la société Humano jusqu'à son licenciement et que la preuve de la perte définitive de clients n'était pas rapportée, tout comme celle du préjudice d'image.
Par déclaration du 22 septembre 2021, la société Bluteams a interjeté appel de ce jugement.
Par procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 2021, la société Humano a fait l'objet d'une dissolution amiable.
Par ordonnance du 3 avril 2023, le président du tribunal de commerce d'Ajaccio, faisant droit à la demande de la société Bluteams, a désigné Mme [I] [O], associée de la société Humano, en qualité de mandataire ad hoc de cette dernière.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 mai 2024.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par rpva le 26 avril 2024, la société Bluteams demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné in solidum M. [O] et la société Humano à lui payer la somme de 60.000 € au titre du préjudice moral ;
- débouté la société Humano et M. [O] de leurs autres demandes reconventionnelles et les a condamnés in solidum à lui payer la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
- le réformer pour le surplus ;
en conséquence,
- condamner in solidum la société Humano représentée par son mandataire ad hoc et M. [O] à lui verser les sommes suivantes :
- 336.238,80 € au titre de la perte de marge causée par les agissements déloyaux des intimés et les frais réglés indument à M. [O] en sa qualité de directeur commercial ;
- 100.000 € au titre du trouble commercial lié à la perte définitive de ses clients ;
- 60.000 € au titre du préjudice d'image consécutif à la désorganisation de la société ;
- 60.000 € au titre de la réparation du préjudice moral consécutif à la désorganisation de la société ;
- condamner solidairement Mme [I] [O] à ces mêmes sommes au regard des fautes commises par celle-ci en qualité de liquidateur amiable de la société Humano ;
- débouter les appelants (sic) de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et notamment de leurs demandes reconventionnelles ;
- condamner in solidum la société Humano représentée par son mandataire ad hoc et M. [O] à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais des intimés dans les publications suivantes : Capital, L'entreprise, la Tribune, les Echos, Strategies, et Cb News.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par rpva le 2 avril 2024, M. [O] et Mme [I] [O] en qualité de mandataire ad hoc de la société Humano, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 8 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a condamné la société Bluteams à payer à M. [O] la somme de 53.206,10 € au titre du solde de son compte courant d'associé ;
- le réformer pour le surplus ;
et statuant à nouveau,
- constater l'intervention volontaire de Mme [I] [O] ès qualités ;
- débouter la société Bluteams de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et de sa demande de publication de l'arrêt ;
en tout état de cause,
- la condamner à payer à M. [O] une somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral ;
- la condamner à payer à chacun des intimés deux sommes de 10.000 € au titre de la procédure abusive et de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 mai 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les actes de concurrence déloyale
La société Bluteams fait valoir que sa gérante, après avoir constaté une baisse importante du chiffre d'affaires et la démission de salariés de confiance, a découvert que M. [O] pourtant tenu aux termes de son contrat de travail d'une clause d'exclusivité, avait créé le 15 novembre 2017 une société concurrente dénommée Humano, dont il est associé majoritaire et gérant de fait, sa fille, Mme [I] [O] associée minoritaire et gérante, et son fils M. [X] [O] associé minoritaire.
L'appelante expose que la mesure de constat a mis en évidence le détournement de deux clients, les sociétés Sopra Steria et Adroma par M. [O] au bénéfice de sa société Humano, le débauchage d'un salarié, M. [K] au profit tout d'abord de la société Humano, puis de la société Amago et la tentative de débauchage de M. [E] et de M. [B]. Enfin, la société Bluteams fait valoir que M. [O] a sollicité le remboursement des mêmes frais auprès d'elle et de la société Humano ou encore de frais n'ayant aucun lien avec son activité professionnelle.
M. [O] répond qu'il n'était soumis à aucune obligation de non-concurrence liée à son statut d'associé non dirigeant de la société Bluteams. Il conteste tout acte déloyal de sa part ou de la part de la société Humano, estimant que la simple immatriculation d'une société exerçant la même activité ou les quelques échanges ou relations avec certains sous-traitants, fournisseurs ou salariés ne suffisent pas à caractériser des agissements de concurrence déloyale. Il considère qu'il ne peut lui être fait interdiction d'exercer toute activité dans le domaine des prestations informatiques. L'intimé souligné par ailleurs que son contrat de travail ne comportait pas de clause de non-concurrence et que la clause d'exclusivité qui y est stipulée est illicite au regard de son caractère trop général. M. [O] soutient que les griefs de concurrence déloyale sont invoqués dans le seul but de ne pas régler les conditions financières de son départ de la société Bluteams. Il explique que la société Humano a été créée par et pour ses enfants et qu'il n'a pas cherché à le dissimuler, de sorte qu'aucun élément intentionnel de déloyauté n'est établi.
Les intimés contestent le détournement de la clientèle reproché. Ils considèrent que l'appelante ne démontre pas ne pas avoir pu exécuter les missions qui lui ont été confiées par les deux clients évoqués. Ils ajoutent que la prestation confiée par la société Adroma à la société Humano est d'une autre nature que celle qui a été attribuée à la société Bluteams et que les factures invoquées par l'appelante ne sont pas des pièces comptables définitives. S'agissant de la société Sopra Steria, les intimés soulignent que le contrat conclu avec la société Humano est antérieur à celui que le client a conclu avec la société Bluteams et que cette relation contractuelle, dont l'objet est distinct de la prestation exécutée par la société Bluteams, n'a pas empêché la société Sopra Steria de contracter par la suite avec cette dernière.
M. [O] et sa fille, ès qualités, contestent également le débauchage de salariés, estimant que le départ allégué de 3 salariés sur 2 exercices sociaux n'est pas anormal. Ils précisent que seuls M. [K] et M. [B] ont été salariés de la société Bluteams, puisque M. [E] était un consultant indépendant et que seul M. [K] a été embauché par la société Humano durant quelques mois, alors que la clause de non-concurrence lui étant applicable, au demeurant nulle, ne visait que les clients chez lesquels il avait travaillé. Ils ajoutent que la société Bluteams ne démontre pas que le débauchage allégué a entrainé sa désorganisation.
Il ressort des éléments de la procédure que le conseil des prudhommes de Paris a été saisi par M. [O] d'une action en contestation de son licenciement fondé sur les mêmes actes de concurrence déloyale que ceux invoqués par la société Bluteams dans le cadre de la présente instance. Par jugement du 19 janvier 2022, la juridiction du travail s'est ainsi déjà prononcée sur les actes de concurrence déloyale reprochés à M. [O] dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail. Dans ces conditions et compte tenu de l'incompétence de la juridiction commerciale en matière d'exécution du contrat de travail, la société Bluteams ne peut agir à l'encontre de ce dernier devant la juridiction commerciale qu'au titre d'actes de concurrence déloyale commis en sa qualité d'associé et non en tant que salarié.
Sauf stipulation contraire des statuts qui n'est pas invoquée, M. [O], en sa qualité d'associé de la société à responsabilité limitée Bluteams, n'est tenu ni de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société, ni d'informer celle-ci d'une telle activité. Il lui est néanmoins interdit d'accomplir des actes déloyaux.
Il résulte de l'extrait Kbis de la société Humano qu'elle a été créée le 15 novembre 2017, alors que M. [O] était déjà associé de la société Bluteams, et que son activité est la délégation de personnel informatique en mode régie, forfait, la formation, la vente de produits, matériels et licences informatiques, la vente de logiciels informatiques et matériels informatiques, le portage salarial pour les informaticiens. Elle est donc concurrente à celle de la société Bluteams qui est, aux termes de son extrait Kbis, la délégation de personnel informatique en mode régie, forfait, la formation, la vente de produits, matériels et licences informatiques.
Il ressort des statuts de la société Humano que le capital social est détenu, en majorité par M. [O], à concurrence de 65 actions, sa fille, Mme [I] [O], ne détenant que 25 actions et son fils, [X] [O], les 10 actions restantes.
Sur le détournement de la clientèle
La société Bluteams se prévaut du détournement de deux clients, la société Sopra Steria et la société Adroma.
S'agissant de la société Sopra Steria, l'appelante expose que M. [O] a, « durant l'exécution de son contrat de travail, manqué à son obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur (') en agissant au profit d'une entreprise concurrente qu'il a lui-même constituée ». Cependant, comme indiqué précédemment, la société Bluteams ne peut invoquer devant la juridiction commerciale que les actes de concurrence déloyale commis M. [O] en sa qualité d'associé.
En outre, la société Bluteams invoque un contrat de sous-traitance portant sur des prestations d'assistance technique conclu avec la société Sopra Steria, alors que le 15 mai 2018, M. [O], en sa qualité de directeur de la société Humano, a adressé une proposition commerciale à la société Sopra Steria et que le 4 octobre 2018, celle-ci a adressé à la société Humano un virement d'un montant de 12.000 euros. Or, comme le souligne M. [O], le contrat de sous-traitance conclu entre la société Bluteams et la société Sopra Steria est daté du 3 janvier 2019. Il est donc postérieur à la relation contractuelle ayant existé entre la société Sopra Steria et la société Humano. L'existence de relations entre la société Sopra Steria et la société Bluteams antérieurement au 15 mai 2018 n'est pas démontrée. La preuve d'un acte déloyal commis par M. [O] en sa qualité d'associé de la société Bluteams n'est donc pas rapportée.
S'agissant du client Adroma, la société Bluteams reproche à nouveau à M. [O] un manquement à son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur durant l'exécution de son contrat de travail au profit de sa société, alors que pour les motifs précités, la juridiction commerciale ne peut connaître que des actes de concurrence déloyale commis par l'intimé en sa qualité d'associé.
En outre, la société Bluteams expose avoir conclu un contrat de prestation de services avec la société Adroma le 14 septembre 2018, alors que la société Humano a émis cinq factures au nom de cette dernière entre le 28 août 2018 et le 18 juin 2019. Au soutien de ses dires, la société Bluteams communique en pièce n°17, le contrat conclu avec la société Adroma. Il ressort de l'article 2 relatif à la durée du contrat qu'il entre en vigueur à « la date de commencement de l'exécution de la prestation et ce, pour la période prévue au présent contrat définie en annexe », laquelle vise la période courant du 17 septembre 2018 au 31 mars 2019 (article 3).
La cour constate que les deux factures émises par la société Humano les 28 août et 17 octobre 2018 ne comportent pas les dates d'exécution des prestations facturées, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elles sont postérieures à la conclusion du contrat entre la société Bluteams et la société Adroma. Alors que l'existence de relations entre cette dernière et la société Bluteams avant le contrat du 14 septembre 2018 n'est pas démontrée, il n'est pas non plus prouvé que M. [O] a utilisé des informations dont il disposait pour en faire profiter sa société.
Par ailleurs, les trois factures émises par la société Humano datées du 25 juin 2019 sont incohérentes. Deux d'entre elles visent des prestations exécutées le 25 juillet 2019, soit postérieurement à leur facturation et M. [O] souligne pertinemment que ces factures ont été obtenues dans le cadre du constat d'huissier réalisé le 15 février 2019, soit plusieurs mois avant leur établissement. Dans ces conditions et en l'absence de preuve du règlement de ces factures par la société Adroma, aucun caractère probant ne peut leur être attribué.
Le détournement du client par M. [O] en sa qualité d'associé de la société Bluteams n'est par conséquent pas établi.
Sur le débauchage
Le débauchage de salarié est libre dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'un acte déloyal. Il sera considéré comme fautif s'il s'avère massif ou s'il est à l'origine d'une désorganisation de l'entreprise.
La société Bluteams invoque le débauchage ou la tentative de débauchage de MM. [E], [K] et [B].
- S'agissant de M. [E], l'appelante explique que M. [O] a tenté de le débaucher au profit de la société Humano alors qu'il était directeur commercial de la société Bluteams.
Cependant, à nouveau, pour les motifs précités, seuls les actes de concurrence déloyales commis par M. [O] en qualité d'associé peuvent être invoqués au soutien d'une action indemnitaire exercée devant la juridiction commerciale.
En outre, la société Bluteams explique que M. [E] est dirigeant d'une société sous-traitante qui effectue des prestations pour son compte au profit de son client Capgemini. Comme le relève M. [O], M. [E] n'est donc pas salarié de la société Bluteams. Il n'est pas davantage un client de cette dernière. Aucun débauchage illicite ne peut par conséquent être retenu le concernant.
- S'agissant de M. [K], la société Bluteams produit le contrat de travail conclu avec ce dernier le 15 juillet 2017. L'appelante indique que le salarié a démissionné le 7 novembre 2018 et communique les pièces justificatives de la prise d'effet de cette démission le 31 décembre 2018.
La société Bluteams soutient que lors de sa démission, M. [K] exécutait une mission pour un client, la société INTM au sein de la Société Générale et que dès le 18 décembre 2018, la société Humano a conclu un contrat avec la société INTM à effet au 2 janvier 2019, prévoyant l'intervention de M. [K]. Elle précise que des factures ont été émises par la société Humano à l'adresse de la société INTM les 26 janvier et 18 juin 2019 au titre de la mission exécutée par M. [K] moyennant la somme totale de 13.860 euros.
Il résulte du registre d'entrée et de sortie du personnel de la société Humano que cette dernière a conclu un contrat de travail avec M. [K] le 2 janvier 2019. Cependant, M. [O] conteste toute man'uvre de débauchage et la cour constate qu'aucun élément de preuve ne démontre que ce dernier est à l'origine de la démission de M. [K], ce d'autant que les intimés produisent en pièce n°15 un projet de contrat de travail daté du 26 novembre 2018 entre une société Gemini et M. [K], cette pièce, antérieure au contrat conclu le 18 décembre 2018 entre la société Humano et INTM, tendant à démontrer que M. [K] a démissionné afin de rejoindre la société Gemini. L'appelante affirme que M. [O] a usé de ses relations avec M. [K] pour l'inciter à travailler pour la société Humano, cependant il n'est justifié par la société Bluteams d'aucun procédé déloyal imputable à M. [O] afin que M. [K] rejoigne sa société.
L'appelante ajoute que le 1er juillet 2019, un autre contrat de sous-traitance a été conclu entre M. [K] et la société Amago, deuxième société créée par M. [O]. Ces relations contractuelles sont postérieures de plus de 6 mois à la rupture du contrat de travail ayant lié la société Bluteams à M. [K] et il n'est pas davantage établi par la société Bluteams que M. [O] a usé de procédés déloyaux à l'origine de la démission de M. [K].
Le débauchage allégué par l'appelante n'est donc pas caractérisé.
- S'agissant enfin de M. [B], la société Bluteams expose qu'elle a conclu avec ce dernier un contrat de travail le 30 avril 2018 et que le 14 juin 2019, M. [O] a tenté de le débaucher au profit de ses sociétés Humano et Amago.
Pour en justifier, l'appelante produit un échange de messages intervenu entre M. [O] et M. [B] le 14 juin 2019, dans le cadre duquel M. [O] demande à M. [B] s'il est intéressé par une mission à exécuter à [Localité 7] et quelles seraient ses prétentions financières.
Cependant, comme le relève M. [O], il n'est justifié d'aucun contrat de travail entre la société Humano et M. [B], ni d'aucune prestation réalisée par ce dernier pour le compte de la société Humano. M. [O] communique en pièce n°22 le registre d'entrée et de sortie du personnel de la société Humano sur lequel M. [B] ne figure pas.
Au surplus, l'échange de messages dont se prévaut la société Bluteams ne révèle aucun procédé déloyal de la part de M. [O] qui se limite à proposer une mission et à demander les prétentions salariales de M. [B]. Ces seuls éléments sont insuffisants à caractériser la faute reprochée qui suppose, de surcroît, d'établir qu'il a résulté des agissements de M. [O] une désorganisation de la société Bluteams, ce que celle-ci s'abstient de faire.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le débauchage reproché par la société Bluteams n'est pas établi.
Sur les notes de frais de M. [O]
Comme indiqué précédemment, la société Bluteams reproche à M. [O] d'avoir sollicité le remboursement des mêmes frais auprès d'elle et de la société Humano ou encore de frais n'ayant aucun lien avec son activité professionnelle.
Pour justifier ses dires, la société Bluteams communique en pièce n°24 des listes de frais, dont le remboursement aurait été obtenu par M. [O], au titre des mois d'octobre et novembre 2018, auprès des deux sociétés. Elle produit également en pièce n°30 une liste de frais dont elle se borne à affirmer, sans le démontrer, qu'il s'agit de faux frais.
Cependant, ces faits ne sont pas constitutifs d'actes de concurrence déloyale et la cour relève que la société Bluteams, qui ne justifie pas du remboursement effectif de l'ensemble de ces frais à M. [O], n'en sollicite pas la restitution.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les actes de concurrence déloyale invoqués par la société Bluteams ne sont pas établis. En conséquence, l'appelante doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et de celle tendant à la publication de l'arrêt. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum M. [O] et la société Humano au paiement de la somme de 60.000 euros au titre du préjudice moral.
Sur la responsabilité de Mme [I] [O] en tant que liquidateur amiable de la société Humano
La société Blueteams soutient qu'en clôturant les opérations de liquidation amiable de la société Humano le 31 décembre 2021 sans préserver sa créance, même éventuelle, sur la société Humano, Mme [O] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 237-12 du code commerce. Elle demande en conséquence sa condamnation personnelle et solidaire au paiement des sommes dues par M. [O] et la société Humano, représentée par son mandataire ad hoc.
Mais, dès lors que la cour, ne retenant aucun acte de concurrence déloyale commis par la société Humano, déboute la société Blueteams de ses demandes indemnitaires à son encontre, la société Blueteams ne peut prétendre avoir subi des préjudices à raison de la faute alléguée à l'encontre de Mme [O], à la supposer établie.
La société Blueteams sera dès lors également déboutée de ses demandes indemnitaires dirigées contre Mme [O].
Sur les demandes de M. [O] et de la société Humano représentée par son mandataire ad hoc
Sur le remboursement du compte courant d'associé
M. [O] réclame le remboursement de son compte courant d'associé à concurrence de la somme de 53.206,10 euros comprenant la somme de 42.646 euros au titre du montant de son compte courant d'associé et celle de 10.560 euros au titre de la facture d'un consultant de la société Bluteams qu'il soutient avoir réglée sur ses fonds personnels.
Si la société Bluteams a déféré à la cour le chef du jugement l'ayant condamnée à payer à M. [O] la somme de 53.206 euros et sollicite, aux termes du dispositif de ses conclusions, le débouté de ce dernier sur ce point, elle ne soutient aucun moyen à l'appui de cette demande.
Il n'est pas discuté que M. [O] a entendu quitter la société Bluteams en 2017. Il ressort de la liasse fiscale de la société Bluteams au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017 que le montant du compte courant d'associé de M. [O] s'élevait alors à la somme de 42.646 euros.
Par ailleurs, il n'est pas non plus discuté que M. [O] a réglé sur ses fonds personnels une somme de 10.560 euros à un consultant en lieu et place de la société Bluteams, alors que M. [O] produit un relevé de compte bancaire mentionnant un virement de ce montant le 26 septembre 2018.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Bluteams à payer à M. [O], non pas la somme de 53.206, 10 euros mentionnée dans les conclusions des intimés mais celle de 53.206 euros, au titre du remboursement de son compte courant d'associé.
Sur les demandes indemnitaires au titre du préjudice moral et de la procédure abusive
Les intimés réclament une somme de 10.000 euros chacun en réparation du préjudice moral consécutif aux diverses procédures engagées à leur encontre pendant plusieurs années et de l'entrave à leur liberté d'entreprise.
La cour constate que si les intimés ont déféré à la cour le chef du jugement les ayant déboutés de leurs demandes indemnitaires, aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions, aucune demande indemnitaire n'est formulée par la société Humano, représentée par son mandataire ad hoc, au titre de son préjudice moral, de sorte que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande.
Par ailleurs, le préjudice moral invoqué par M. [O] n'est corroboré par aucun élément de preuve.
Enfin, l'exercice d'un droit ne dégénère en abus qu'en cas de faute équipollente au dol qui n'est pas démontrée en l'espèce à l'égard de la société Bluteams.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes indemnitaires.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Au regard de la solution du litige, le jugement sera infirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.
La société Bluteams, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel et ne peut prétendre à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera en outre condamnée à payer à M. [O] et la société Humano, représentée par Mme [O] ès qualités, ensemble, une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ses dispositions condamnant la société Bluteams Consulting à payer à M. [O] la somme de 53.206 euros au titre du remboursement de son compte courant d'associé et déboutant M. [O] et la société Humano de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit qu'aucun acte de concurrence déloyale imputable à M. [O] en sa qualité d'associé de la société Bluteams Consulting n'est établi ;
Déboute en conséquence la société Bluteams Consulting de toutes ses demandes indemnitaires et de sa demande de publication de la décision ;
Condamne la société Bluteams Consulting aux dépens de première instance et d'appel ;
Déboute la société Bluteams Consulting de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Bluteams Consulting à payer à M. [R] [O] et la société Humano, représentée par Mme [I] [O] ès qualités, ensemble, une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.