Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 10, 3 octobre 2024, n° 23/10124
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2024
(n° 443 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10124 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHX4I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2023-Juge de l'exécution de Paris- RG n° 22/00096
APPELANT
Monsieur [T] [U]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493
Ayant pour Avocat plaidant Maître Denis DEL RIO, Avocat au Barreau de NICE
INTIMÉES
Madame [M] [L] épouse [K]
Chez Me [B] huissier de justice [Adresse 13]
[Localité 1]
n'a pas constitué avocat
La SAS BDR & ASSOCIÉS (venant aux droits de la SCP [W] [Z]), prise en la personne de Maître [N] [W], mandataire judiciaire, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 844 765 487, dont le siège social est sis [Adresse 8] ' [Localité 14], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BEAULIEU PATRIMOINE DÉVELOPPEMENT, société par actions simplifiée au capital social de 8.333.864 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 440 993 665 et dont le siège social est sis [Adresse 2] ' [Localité 15], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de Paris du
15 décembre 2015,
Représentée par Me Bernard VATIER de l'AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280
S.C.I. TASTET
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Ayant pour Avocat plaidant Maître Audrey BAGARRI, membre de la SELARL AB-JURIS, Avocat au Barreau de GRASSE
Sarl CX PARTICIPATION
[Adresse 16]
[Localité 12]
Représentée par Me Géraud BOMMENEL de la SELARL JURIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570
Ayant pour avocat plaidant
La SELARL PERSEA
Représentée par Claude DE VILLARD
Avocat au Barreau de LYON
S.A. SOCIETE GENERALE au capital de 1.003.724.927,50€, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 15]
N° SIRET : 552 12 0 2 22
Représentée par Me Isabelle VINCENT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0345
S.A.S. AGIR PACA ès qualité de mandataire ad-hoc du Syndicat des Copropriétaires 'CITE MARCHANDE DE LA BUFFA
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 4]
[Localité 17]
n'a pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant jugement du 15 décembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Beaulieu Patrimoine Développement, exerçant une activité de marchand de biens, et a désigné en qualité de liquidateur judiciaire la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [N] [W].
Par ordonnance du 7 mars 2018, le juge-commissaire du tribunal de commerce a autorisé la cession de gré à gré des 79 lots appartenant à la société Beaulieu Patrimoine Développement dans un ensemble immobilier « Cité Marchande de la Buffa » situé [Adresse 11], [Adresse 10] à [Localité 18].
La vente a été régularisée par acte authentique du 20 septembre 2018 pour un prix global de 4.250.000 euros.
La créance de M. [T] [U] a été admise à titre privilégié (privilège du vendeur) à hauteur de 979.616,18 euros par décisions du juge-commissaire en date du 8 décembre 2021.
Le 14 février 2022, Me [W] a déposé un état de collocation des créanciers, qui a été publié au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) les 12 et 13 mars 2022.
Par requête du 12 avril 2022, M. [U], qui a été colloqué à hauteur de 83.920,65 euros, a contesté cet état de collocation.
Par jugement du 25 mai 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
- débouté M. [U] de l'intégralité de ses prétentions,
- entériné l'état de collocation des créanciers déposé le 14 février 2022 par Me [W],
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de distribution.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré notamment que c'était à tort que M. [U] prétendait que Me [W], en appliquant la méthode du prorata des millièmes, aurait modifié sa créance, et qu'il n'avait aucunement été lésé par cette méthode de calcul, qui était la seule envisageable, en raison de l'état de copropriété de l'immeuble vendu et de l'absence de prévision d'un prix distinct pour chaque lot.
Par déclaration du 6 juin 2023, M. [U] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 24 octobre 2023, M. [T] [U] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- fixer sa créance garantie par un privilège en date du 15 septembre 2010,
- rétablir dans l'état de collocation sa créance aux montants admis par décision du juge-commissaire en date du 8 décembre 2021, soit :
766.281,25 euros
167.158,05 euros
45.976,88 euros,
soit un total de 979.616,18 euros,
- lui restituer son rang,
- constater l'impossibilité du règlement des créanciers :
SCI du Tastet : 71.083,66 euros
CX Participation : 200.000 euros,
- fixer, dans l'état de collocation, les sommes qui lui sont dues à :
83.920,65 euros
271.083,66 euros,
soit un total de 355.004,31 euros,
- ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la communication du détail des paiements effectués à la Société Générale,
- après transmission du détail des paiements effectués à la Société Générale, en cas de paiement de sommes indues au-delà de l'hypothèque prise, lui allouer le bénéfice de ce surplus,
- statuer ce que de droit sur les frais de procédure contestés,
- condamner la société BDR & Associés au paiement de la somme de 7.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.
En premier lieu, il rappelle qu'en dépit de l'omission de Me [W] de l'inviter personnellement à déclarer sa créance dès l'ouverture de la procédure collective, sa créance a bien été admise par le juge-commissaire à hauteur de 979.616,18 euros à titre privilégié.
Il fait valoir en deuxième lieu que la vente est intervenue pour un prix global de 4.250.000 euros pour l'ensemble immobilier ; qu'il n'est pas possible, après admission de sa créance sans affectation, de cantonner son privilège à un seul lot en application d'une règle non légale issue du tantième de propriété ; qu'il en résulte que son privilège étant inscrit le 15 septembre 2010, il n'est pas en concurrence avec la SCI Tastet dont le privilège date du 20 octobre 2011 ; que sa créance est de 979.616,18 euros, et non de 83.920,65 euros comme établi dans l'état de collocation ; que le calcul effectué par Me [W] au prorata des millièmes, qui revient à réduire sa créance, est juridiquement infondé ; que la réduction de sa garantie au seul lot dont il était initialement propriétaire est en contradiction avec l'admission de sa qualité de créancier privilégié ; que l'absence de prévision d'un prix distinct pour chacun des lots cédés ne lui est pas imputable ; que la règle des millièmes ne correspond pas à la réalité des prix d'acquisition, chaque lot ayant été librement négocié par les parties, et ne répond à aucune base légale.
En troisième lieu, sur l'ordre des créanciers, il explique qu'en vertu du principe d'égalité de traitement des créanciers, le liquidateur ne peut opérer de distinction que pour respecter l'ordre des créanciers titulaires de sûreté, et qu'en application de l'article 2425 du code civil, l'ordre des créanciers privilégiés et hypothécaires est déterminé par les dates d'inscription régulièrement publiées, soit en l'espèce : la Société Générale, M. [U], la SCI du Tastet, la société CX Participation, puis le syndicat des copropriétaires du Marché de la Buffa. Il fait valoir que Me [W] a commis une erreur dans la répartition du prix de cession puisqu'il l'a distribué au prorata des millièmes à tous les créanciers hypothécaires et privilégiés sans respecter l'ordre, alors qu'il aurait dû désintéresser le créancier à hauteur de la totalité de sa créance avant de payer le créancier suivant, c'est-à-dire désintéresser la Société Générale et le syndicat des copropriétaires, de sorte qu'il aurait perçu le solde et que la SCI du Tastet et la société CX Participation auraient dû ne rien percevoir. Il souligne que la Société Générale a perçu la somme de 3.469.541 euros alors que sa créance est de 3.000.000 euros. Il ajoute qu'étant titulaire d'un privilège spécial de vendeur d'immeuble, qui prime les privilèges généraux, il aurait dû être payé avant la SAS BDR & Associés au titre des frais de justice. Il demande donc à la cour de le rétablir dans son rang et dans son droit de créance à hauteur de 979.616,18 euros, conformément à l'article L.643-8 du code de commerce, étant précisé que la règle de la quote-part s'applique au régime de l'indivision, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par conclusions du 7 août 2023, la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Beaulieu Patrimoine Développement, demande à la cour de :
- débouter M. [U] de l'ensemble de son appel,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Elle fait valoir en premier lieu que l'admission d'une créance ne peut fixer le rang de collocation du créancier, ce rang n'étant fixé que par la procédure de distribution du prix de vente de l'immeuble ; que la cession a porté sur les 79 lots de l'ensemble immobilier « Cité Marchande de la Buffa » ; que M. [U] dispose d'un privilège de vendeur sur le seul lot n°10 ; que la SCI du Tastet dispose d'un privilège de vendeur sur le seul lot n°26, de sorte que ces deux créanciers se sont vus attribuer une quote-part du prix au prorata des millièmes attribués à chaque lot par le règlement de copropriété ; qu'en appliquant cette méthode du prorata des millièmes, la créance admise par le juge-commissaire n'a pas été modifiée ; que M. [U] n'a pas été lésé, puisque le prix qui lui revient a bien été déterminé en fonction du rang de sa créance et de l'intégralité du prix de vente.
En deuxième lieu, elle explique que l'argumentation de M. [U] sur l'ordre des créanciers est dépourvue de toute pertinence dès lors que les inscriptions ont été prises sur des lots distincts de sorte que les droits des créanciers privilégiés ne sont pas en concurrence ; que le principe d'égalité des créanciers est inapplicable aux créanciers privilégiés ; que M. [U] a précisément été payé en fonction de son rang et sur l'intégralité du prix du vente.
Enfin, il soutient que les frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture priment les créances garanties par une sûreté immobilière en application de l'article L.641-13 II du code de commerce.
Par conclusions du 25 août 2023, la SCI Tastet demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [U] de ses prétentions,
- entériné l'état de collocation des créanciers,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de distribution,
En conséquence, statuant de nouveau,
- juger que l'état de collocation déposé le 14 février 2022 par la société BDR & Associés ès qualités est conforme au rang des créanciers en présence,
- juger que c'est à bon droit qu'elle a été colloquée à hauteur de la somme de 71.083,66 euros aux termes de l'état de collocation du 14 février 2022,
- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [U] à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que M. [U] confond admission de créance et établissement de l'état de collocation et que seule la procédure de distribution du prix détermine le rang de collocation du créancier et non l'admission de créance.
Elle souligne que l'appelant ne justifie pas de l'inscription de privilège dont il se prévaut, de sorte qu'il ne peut contester l'état de collocation. Elle estime que le liquidateur judiciaire a justement effectué un calcul au prorata du prix perçu, réparti par millièmes de copropriété, lui permettant d'être utilement colloquée, et que M. [U] ne peut valablement soutenir qu'il aurait un droit de préférence par rapport à elle alors qu'elle bénéficie comme lui d'un privilège sur l'un des lots de copropriété.
Par conclusions du 28 juillet 2023, la Sarl CX Participation demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
Par conséquent,
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [U] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de Me Bommenel, avocat.
Elle soutient que M. [U] ne justifie pas de la réalité de la créance qu'il invoque, ni de l'inscription de privilège dont il se prévaut, et ne produit pas sa déclaration de créance, de sorte qu'en l'absence de pièces, il ne peut être statué sur le bienfondé de sa contestation.
Elle fait valoir que la cession est intervenue pour 79 lots pour un prix de 4.250.000 euros et que M. [U] dispose d'un privilège de vendeur sur un seul lot, de sorte que c'est à juste titre qu'il s'est vu allouer une quote-part du prix au prorata des millièmes attribués à ce lot par le règlement de copropriété ; qu'il serait injustifié et inéquitable qu'il dispose d'un privilège sur le prix de vente des autres lots ; qu'en outre, M. [U] n'établit pas l'obligation pour le liquidateur d'avoir recours à une autre méthode de calcul.
Elle ajoute que l'ordre des créanciers n'a pas lieu d'être modifié.
Par ordonnance du 14 septembre 2023, la SAS Agir Paca, ès qualités de mandataire ad'hoc du syndicat des copropriétaires « Cité marchande de la Buffa », a été déclarée irrecevable à déposer des conclusions en application de l'article 905-2 du code de procédure civile.
Bien qu'ayant régulièrement reçu signification de la déclaration d'appel (à domicile élu pour la première, à personne morale pour les deux autres) et des conclusions d'appelant, Mme [M] [L] épouse [K], la SA Société Générale et l'Unedic AGS Cgea Idf Ouest n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.
Par arrêt du 21 mars 2024, la cour a :
- ordonné la réouverture des débats pour l'audience du jeudi 5 septembre 2024 à 14h00,
- invité les parties, notamment la SCP BDR & associés, prise en la personne de Me [N] [W], en qualité de mandataire liquidateur de la société Beaulieu Patrimoine Développement, à produire :
- les déclarations de créance de tous les créanciers, comprenant les annexes, et toutes les décisions d'admission,
- les justificatifs de sûreté de chaque créancier concerné,
- un état de toutes les inscriptions portant sur l'ensemble immobilier vendu établi par le service de la publicité foncière sur publication de la vente,
- dit que ces pièces devront parvenir au greffe de la chambre 1-10 de la cour au plus tard le 20 juin 2024, avec justificatif de la communication préalable aux autres parties par RPVA,
- sursis à statuer sur la contestation et l'ensemble des demandes,
- réservé les dépens.
La SCP BDR a transmis à la cour et aux parties des nouvelles pièces le 28 mai 2024, de même que M. [U] le 19 juin 2024. La société CX Participation a communiqué de nouvelles pièces également.
Le 9 août 2024, la SA Société Générale a constitué avocat. M. [U] a dénoncé ses conclusions et pièces le 19 août 2024 à l'avocat constitué.
Par conclusions du 2 septembre 2024, la Société Générale demande à la cour d'appel de :
- débouter M. [U] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, telles que dirigées à son encontre,
- confirmer le jugement entrepris,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle fait valoir que le privilège de vendeur revendiqué par M. [U] est inscrit sur le seul lot n°10, alors qu'elle dispose quant à elle d'une inscription d'hypothèque conventionnelle antérieure de premier rang sur 69 lots ; que sa créance a été admise intégralement par ordonnance du juge-commissaire du 28 mai 2014 ; que le versement à titre provisionnel de sa créance de 3.469.541 euros a été ordonné par décision du juge-commissaire du 11 décembre 2019 ; et que l'état de collocation établi par Me [W] ès qualités était parfaitement exact s'agissant des conditions de désintéressement de sa créance.
Par conclusions du 3 septembre 2024, la société CX Participation maintient ses demandes antérieures à la réouverture des débats. Elle fait valoir que l'inscription de privilège inscrite par M. [U] n'était effective que jusqu'au 31 décembre 2011 et n'a pas été renouvelée, de sorte qu'il ne peut prétendre venir en deuxième rang derrière la Société Générale et contester à ce titre l'état de collocation ; qu'il ne fournit pas d'éléments sur sa déclaration de créance et était manifestement hors délai ; et que l'état de collocation n'a donc pas lieu d'être contesté.
Par conclusions du 4 septembre 2024, M. [U] maintient ses demandes antérieures à la réouverture des débats. Il ajoute que les éléments qu'il communique confirment le bien fondé de sa contestation ; qu'il convient de lui reconnaître la qualité de créancier privilégié, avant de reprendre les dates d'inscription de privilèges ; qu'aucune vente par lot n'est intervenue, de sorte qu'il n'est pas possible de réduire son privilège à un seul lot ; que l'application de la règle des tantièmes à la distribution du prix n'a pas été opposée à la banque qui a pu être payée sur l'entièreté du prix, alors qu'elle n'a pas financé l'acquisition du lot qu'il a vendu. Il souligne que l'état de collocation fait mention de son privilège de vendeur et de ses renouvellements et que ces inscriptions ont légitimé une requête aux fins de radiation des inscriptions et ont été pris en compte dans l'admission des créance, de sorte que la contestation de la société CX Participation n'est pas sérieuse.
La clôture a été révoquée et prononcée de nouveau par ordonnance du 5 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L.642-18 du code de commerce dispose :
« Les ventes d'immeubles ont lieu conformément aux articles L.322-5 à L.322-12 du code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des articles L.322-6 et L.322-9, sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du présent code. Le juge-commissaire fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente.
[...]
Le juge-commissaire peut, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans de meilleures conditions, ordonner la vente par adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe ou autoriser la vente de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine. En cas d'adjudication amiable, les articles L. 322-7, L. 322-8 à L. 322-11 et L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution sont applicables, sous la réserve prévue au premier alinéa, et il peut toujours être fait surenchère.
Pour les adjudications réalisées en application des alinéas qui précèdent, le paiement du prix au liquidateur et des frais de la vente emportent purge des hypothèques et de tout privilège du chef du débiteur. L'adjudicataire ne peut, avant d'avoir procédé à ces paiements, accomplir un acte de disposition sur le bien à l'exception de la constitution d'une hypothèque accessoire à un contrat de prêt destiné à l'acquisition de ce bien.
Le liquidateur répartit le produit des ventes et règle l'ordre entre les créanciers, sous réserve des contestations qui sont portées devant le juge de l'exécution.
[...] »
Il résulte de l'article R.643-6 du même code qu'après l'accomplissement par l'acquéreur des formalités de purge en cas de vente de gré à gré, le liquidateur dresse l'état de collocation au vu des inscriptions, des créances admises et de la liste de créances mentionnées à l'article L.641-13.
L'article L.643-8, I. du code de commerce dispose :
« Sans préjudice du droit de propriété ou de rétention opposable à la procédure collective et des dispositions des articles L. 622-17 et L. 641-13, le montant de l'actif distribuable est réparti dans l'ordre suivant :
1° Les subsides prévus à l'article L. 631-11 restés impayés ;
2° Les créances garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail ;
3° Les frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure restés impayés à l'échéance ;
4° Les créances garanties par le privilège prévu par l'article L. 624-21 ;
5° Les créances garanties par le privilège de conciliation établi par l'article L. 611-11 ;
6° Les créances garanties par des sûretés immobilières classées entre elles dans l'ordre prévu au code civil ;
7° Les créances de salaires restées impayées à l'échéance dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 3253-6, L. 3253-8 à L. 3253-12 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 641-13 ;
8° Les créances garanties par le privilège établi au 2° du III de l'article L. 622-17 restées impayées à l'échéance et par le privilège établi à l'article L. 626-10 ;
9° Les créances résultant de l'exécution des contrats mentionnées au 3° du III de l'article L. 622-17 restées impayées à l'échéance ;
10° Les sommes dont le montant a été avancé en application du 5° de l'article L. 3253-8 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 641-13 ;
11° Les autres créances non soumises à l'interdiction énoncée au premier alinéa de l'article L. 622-7, restées impayées, selon leur rang ;
12° Les créances garanties par le privilège du Trésor établi à l'article 1920 du code général des impôts, à l'exception des créances de toutes natures en matière de contributions indirectes et de celles mentionnées à l'article 379 du code des douanes ;
13° Les créances garanties par un nantissement, par le privilège du bailleur prévu à l'article 2332 du code civil dans la limite de six mois de loyers et celles garanties par le privilège prévu aux article L. 141-5 et suivants ;
14° Les créances de toutes natures en matière de contributions indirectes et celles mentionnées à l'article 379 du code des douanes ;
15° Les créances chirographaires, en proportion de leur montant.
Le tout sans préjudice des autres droits de préférence. »
Par ailleurs, selon l'article L.641-13,
« I.- Sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :
- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;
[...]
En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17.
II.- Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège conformément à l'ordre prévu par l'article L. 643-8.
[...] »
A titre liminaire, la cour s'étonne et déplore que, malgré sa demande, les parties, et notamment le liquidateur, ne soient pas en mesure de lui fournir un état hypothécaire complet de l'ensemble immobilier vendu actualisé à la date de la publication de la vente, conformément aux dispositions de l'article R.643-4 du code de commerce. Il convient donc de s'en tenir aux pièces communiquées.
Il ressort des pièces versées au débat, notamment les actes notariés de vente ou de prêt, l'état hypothécaire actualisé au 28 novembre 2014 (produit par la Société Générale), les états des créances, la requête de l'acquéreur aux fins de purge des inscriptions hypothécaires en date du 5 février 2019 et l'acte de vente du 20 septembre 2018 :
- que la vente de gré à gré du 20 septembre 2018 porte sur 73 lots de copropriété de la cité marchande de la Buffa, ainsi qu'un lot n°80 ne dépendant pas de la cité, soit un total de 74 lots, et ce pour un prix global de 4.250.000 euros ;
- que la Société Générale dispose d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur 70 lots, ne comprenant pas les lots n°10 et 26, outre le lot n°80, publiée 2 février 2010 avec effet jusqu'au 8 janvier 2020, pour une créance de 3.000.000 euros en principal ;
- que M. [U] bénéficie d'une inscription de privilège de vendeur sur le seul lot n°10 publiée le 15 septembre 2010, renouvelée le 14 décembre 2011, puis le 27 novembre 2012, puis le 10 octobre 2013, puis le 2 décembre 2015 (volume 2015 V n°3454) avec effet jusqu'au 31 décembre 2025 ;
- que la SCI Tastet bénéficie d'une inscription de privilège de vendeur sur le seul lot n°26 publiée le 20 octobre 2011, renouvelée le 27 novembre 2012, puis le 1er octobre 2013, puis le 2 décembre 2015 avec effet jusqu'au 31 décembre 2025 ;
- la société CX Participation dispose notamment d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur de nombreux lots, dont les lots n°10 et 26, prise le 13 décembre 2012, renouvelée le 20 mars 2015 avec effet jusqu'au 31 décembre 2025.
La créance de M. [U] a été admise par décisions du juge-commissaire en date du 8 décembre 2021 à la somme totale de 979.616,18 euros à titre privilégié. Contrairement à ce que tente d'obtenir la société CX Participation, il n'y a pas lieu de revenir sur cette décision, qui est définitive et s'impose à tous les créanciers de la procédure collective.
Pour autant, M. [U] confond admission de créance et état de collocation. Il n'a aucun droit acquis à obtenir le paiement de sa créance, dès lors que le paiement qu'il recevra dépend d'une part, de l'étendue de l'actif du débiteur et du prix de vente, d'autre part, du montant des autres créances et du rang des autres créanciers sur le bien sur lequel il bénéficie lui-même d'un privilège de vendeur.
M. [U] ne peut prétendre être créancier de deuxième rang, derrière la Société Générale, et être prioritaire sur la SCI Tastet, alors que son privilège ne porte que sur le lot n°10, lot pour lequel ces dernières ne bénéficient pas d'une inscription hypothécaire. L'ordre des créanciers ne peut être établi que pour les créanciers qui sont en concurrence sur un même bien, soit en l'espèce sur un même lot de copropriété. Par conséquent, M. [U] n'est en concurrence sur le lot n°10 qu'avec la société CX Participation, ainsi que les créanciers ayant un privilège général portant sur l'ensemble des biens (frais de justice, super privilège et privilège des salaires, super privilège et privilège du syndicat des copropriétaires).
C'est à tort que l'appelant soutient qu'il n'est pas possible de cantonner son privilège de vendeur sur un seul lot du fait de son admission de créance sans affectation. Ce n'est pas la décision d'admission de créance qui détermine l'affectation de la sûreté mais l'inscription de la sûreté elle-même. Or M. [U] n'ayant vendu à la société Camax, devenue Beaulieu Patrimoine Développement, que le lot n°10, son privilège de vendeur est nécessairement limité à ce lot, comme cela résulte d'ailleurs de l'état des inscriptions de l'ensemble immobilier. Oui parfait !
Dès lors, c'est à juste titre que le liquidateur a procédé à une répartition du prix de vente au prorata des tantièmes de copropriété détenus respectivement par M. [U] et la SCI Tastet s'agissant des lots n°10 et 26. Il serait incohérent que M. [U] soit payé sur la totalité du prix de vente des 74 lots de copropriété, alors qu'il dispose d'un privilège sur un seul lot, tandis que d'autres créanciers bénéficient de sûretés sur l'ensemble ou la majorité des lots. Ce n'est pas la méthode de calcul choisie qui a pour effet de réduire sa créance, mais l'absence d'actif suffisant pour payer toutes les créances. Cette insuffisance explique d'ailleurs que sa quote-part du prix de vente ne corresponde pas à la réalité du prix d'acquisition initial du lot.
C'est également en vain que M. [U] invoque le principe d'égalité des créanciers, ce principe ne s'appliquant qu'aux créanciers chirographaires, de même que l'article 2425 du code civil relatif à l'ordre des créanciers, qui ne s'applique qu'aux créanciers inscrits sur un même bien : la prise en compte de la date d'inscription pour déterminer le rang des créanciers n'a de sens que pour les créanciers en concurrence sur un même bien. Sur le lot n°10, le seul créancier inscrit en concurrence avec M. [U] est la société CX Participation. Or, il n'est pas contesté que l'inscription d'hypothèque de cette dernière est postérieure à l'inscription du privilège de M. [U], de sorte que le paiement de la créance de ce dernier est prioritaire sur celle de la société CX Participation, raison pour laquelle celle-ci n'a pu être colloquée.
M. [U] ne peut pas non plus soutenir valablement que son privilège spécial prime les privilèges généraux, tels que les frais de justice de la SCP BDR & Associés, alors que les articles L.641-13 et L.643-8 précités du code de commerce énoncent le contraire, s'agissant de frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture.
En revanche, c'est à juste titre que M. [U] fait valoir que la distribution au prorata des millièmes de copropriété n'a pas été opposée à la Société Générale, qui a été payée sur la totalité du prix de vente, alors qu'elle ne bénéficie pas d'un privilège général ni d'une hypothèque conventionnelle sur l'ensemble des lots. Comme il a été dit supra, la Société Générale n'a aucune sûreté sur les lots n°10 et n°26, de sorte qu'elle ne peut être payée sur la quote-part du prix de vente de ces lots. Si le liquidateur souhaitait, à juste titre, procéder à une répartition du prix au prorata des tantièmes de copropriété, il devait le faire pour l'ensemble des créanciers concernés et pas seulement pour M. [U] et la SCI Tastet.
En conséquence, il convient, pour ce seul motif, d'infirmer le jugement et d'enjoindre au liquidateur de refaire le calcul au prorata des millièmes de copropriété pour la Société Générale, M. [U] et la SCI Tastet, ces trois créanciers n'étant en concurrence sur aucun lot, tout en déboutant M. [U] de l'ensemble de ses demandes.
Sur les demandes accessoires
Il convient de condamner la société BDR & Associés ès qualités aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties. Les demandes respectives des parties à ce titre seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement rendu le 25 mai 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
ENJOINT à la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Beaulieu Patrimoine Développement, de refaire le calcul au prorata des millièmes de copropriété tant pour M. [T] [U] et la SCI Tastet que pour la Société Générale, et d'établir un nouvel état de collocation,
DEBOUTE M. [T] [U] de ses demandes,
DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Beaulieu Patrimoine Développement, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le Président,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2024
(n° 443 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10124 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHX4I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2023-Juge de l'exécution de Paris- RG n° 22/00096
APPELANT
Monsieur [T] [U]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493
Ayant pour Avocat plaidant Maître Denis DEL RIO, Avocat au Barreau de NICE
INTIMÉES
Madame [M] [L] épouse [K]
Chez Me [B] huissier de justice [Adresse 13]
[Localité 1]
n'a pas constitué avocat
La SAS BDR & ASSOCIÉS (venant aux droits de la SCP [W] [Z]), prise en la personne de Maître [N] [W], mandataire judiciaire, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 844 765 487, dont le siège social est sis [Adresse 8] ' [Localité 14], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BEAULIEU PATRIMOINE DÉVELOPPEMENT, société par actions simplifiée au capital social de 8.333.864 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 440 993 665 et dont le siège social est sis [Adresse 2] ' [Localité 15], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de Paris du
15 décembre 2015,
Représentée par Me Bernard VATIER de l'AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280
S.C.I. TASTET
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Ayant pour Avocat plaidant Maître Audrey BAGARRI, membre de la SELARL AB-JURIS, Avocat au Barreau de GRASSE
Sarl CX PARTICIPATION
[Adresse 16]
[Localité 12]
Représentée par Me Géraud BOMMENEL de la SELARL JURIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570
Ayant pour avocat plaidant
La SELARL PERSEA
Représentée par Claude DE VILLARD
Avocat au Barreau de LYON
S.A. SOCIETE GENERALE au capital de 1.003.724.927,50€, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 15]
N° SIRET : 552 12 0 2 22
Représentée par Me Isabelle VINCENT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0345
S.A.S. AGIR PACA ès qualité de mandataire ad-hoc du Syndicat des Copropriétaires 'CITE MARCHANDE DE LA BUFFA
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 4]
[Localité 17]
n'a pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant jugement du 15 décembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Beaulieu Patrimoine Développement, exerçant une activité de marchand de biens, et a désigné en qualité de liquidateur judiciaire la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [N] [W].
Par ordonnance du 7 mars 2018, le juge-commissaire du tribunal de commerce a autorisé la cession de gré à gré des 79 lots appartenant à la société Beaulieu Patrimoine Développement dans un ensemble immobilier « Cité Marchande de la Buffa » situé [Adresse 11], [Adresse 10] à [Localité 18].
La vente a été régularisée par acte authentique du 20 septembre 2018 pour un prix global de 4.250.000 euros.
La créance de M. [T] [U] a été admise à titre privilégié (privilège du vendeur) à hauteur de 979.616,18 euros par décisions du juge-commissaire en date du 8 décembre 2021.
Le 14 février 2022, Me [W] a déposé un état de collocation des créanciers, qui a été publié au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) les 12 et 13 mars 2022.
Par requête du 12 avril 2022, M. [U], qui a été colloqué à hauteur de 83.920,65 euros, a contesté cet état de collocation.
Par jugement du 25 mai 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
- débouté M. [U] de l'intégralité de ses prétentions,
- entériné l'état de collocation des créanciers déposé le 14 février 2022 par Me [W],
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de distribution.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré notamment que c'était à tort que M. [U] prétendait que Me [W], en appliquant la méthode du prorata des millièmes, aurait modifié sa créance, et qu'il n'avait aucunement été lésé par cette méthode de calcul, qui était la seule envisageable, en raison de l'état de copropriété de l'immeuble vendu et de l'absence de prévision d'un prix distinct pour chaque lot.
Par déclaration du 6 juin 2023, M. [U] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 24 octobre 2023, M. [T] [U] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- fixer sa créance garantie par un privilège en date du 15 septembre 2010,
- rétablir dans l'état de collocation sa créance aux montants admis par décision du juge-commissaire en date du 8 décembre 2021, soit :
766.281,25 euros
167.158,05 euros
45.976,88 euros,
soit un total de 979.616,18 euros,
- lui restituer son rang,
- constater l'impossibilité du règlement des créanciers :
SCI du Tastet : 71.083,66 euros
CX Participation : 200.000 euros,
- fixer, dans l'état de collocation, les sommes qui lui sont dues à :
83.920,65 euros
271.083,66 euros,
soit un total de 355.004,31 euros,
- ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la communication du détail des paiements effectués à la Société Générale,
- après transmission du détail des paiements effectués à la Société Générale, en cas de paiement de sommes indues au-delà de l'hypothèque prise, lui allouer le bénéfice de ce surplus,
- statuer ce que de droit sur les frais de procédure contestés,
- condamner la société BDR & Associés au paiement de la somme de 7.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.
En premier lieu, il rappelle qu'en dépit de l'omission de Me [W] de l'inviter personnellement à déclarer sa créance dès l'ouverture de la procédure collective, sa créance a bien été admise par le juge-commissaire à hauteur de 979.616,18 euros à titre privilégié.
Il fait valoir en deuxième lieu que la vente est intervenue pour un prix global de 4.250.000 euros pour l'ensemble immobilier ; qu'il n'est pas possible, après admission de sa créance sans affectation, de cantonner son privilège à un seul lot en application d'une règle non légale issue du tantième de propriété ; qu'il en résulte que son privilège étant inscrit le 15 septembre 2010, il n'est pas en concurrence avec la SCI Tastet dont le privilège date du 20 octobre 2011 ; que sa créance est de 979.616,18 euros, et non de 83.920,65 euros comme établi dans l'état de collocation ; que le calcul effectué par Me [W] au prorata des millièmes, qui revient à réduire sa créance, est juridiquement infondé ; que la réduction de sa garantie au seul lot dont il était initialement propriétaire est en contradiction avec l'admission de sa qualité de créancier privilégié ; que l'absence de prévision d'un prix distinct pour chacun des lots cédés ne lui est pas imputable ; que la règle des millièmes ne correspond pas à la réalité des prix d'acquisition, chaque lot ayant été librement négocié par les parties, et ne répond à aucune base légale.
En troisième lieu, sur l'ordre des créanciers, il explique qu'en vertu du principe d'égalité de traitement des créanciers, le liquidateur ne peut opérer de distinction que pour respecter l'ordre des créanciers titulaires de sûreté, et qu'en application de l'article 2425 du code civil, l'ordre des créanciers privilégiés et hypothécaires est déterminé par les dates d'inscription régulièrement publiées, soit en l'espèce : la Société Générale, M. [U], la SCI du Tastet, la société CX Participation, puis le syndicat des copropriétaires du Marché de la Buffa. Il fait valoir que Me [W] a commis une erreur dans la répartition du prix de cession puisqu'il l'a distribué au prorata des millièmes à tous les créanciers hypothécaires et privilégiés sans respecter l'ordre, alors qu'il aurait dû désintéresser le créancier à hauteur de la totalité de sa créance avant de payer le créancier suivant, c'est-à-dire désintéresser la Société Générale et le syndicat des copropriétaires, de sorte qu'il aurait perçu le solde et que la SCI du Tastet et la société CX Participation auraient dû ne rien percevoir. Il souligne que la Société Générale a perçu la somme de 3.469.541 euros alors que sa créance est de 3.000.000 euros. Il ajoute qu'étant titulaire d'un privilège spécial de vendeur d'immeuble, qui prime les privilèges généraux, il aurait dû être payé avant la SAS BDR & Associés au titre des frais de justice. Il demande donc à la cour de le rétablir dans son rang et dans son droit de créance à hauteur de 979.616,18 euros, conformément à l'article L.643-8 du code de commerce, étant précisé que la règle de la quote-part s'applique au régime de l'indivision, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par conclusions du 7 août 2023, la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Beaulieu Patrimoine Développement, demande à la cour de :
- débouter M. [U] de l'ensemble de son appel,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Elle fait valoir en premier lieu que l'admission d'une créance ne peut fixer le rang de collocation du créancier, ce rang n'étant fixé que par la procédure de distribution du prix de vente de l'immeuble ; que la cession a porté sur les 79 lots de l'ensemble immobilier « Cité Marchande de la Buffa » ; que M. [U] dispose d'un privilège de vendeur sur le seul lot n°10 ; que la SCI du Tastet dispose d'un privilège de vendeur sur le seul lot n°26, de sorte que ces deux créanciers se sont vus attribuer une quote-part du prix au prorata des millièmes attribués à chaque lot par le règlement de copropriété ; qu'en appliquant cette méthode du prorata des millièmes, la créance admise par le juge-commissaire n'a pas été modifiée ; que M. [U] n'a pas été lésé, puisque le prix qui lui revient a bien été déterminé en fonction du rang de sa créance et de l'intégralité du prix de vente.
En deuxième lieu, elle explique que l'argumentation de M. [U] sur l'ordre des créanciers est dépourvue de toute pertinence dès lors que les inscriptions ont été prises sur des lots distincts de sorte que les droits des créanciers privilégiés ne sont pas en concurrence ; que le principe d'égalité des créanciers est inapplicable aux créanciers privilégiés ; que M. [U] a précisément été payé en fonction de son rang et sur l'intégralité du prix du vente.
Enfin, il soutient que les frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture priment les créances garanties par une sûreté immobilière en application de l'article L.641-13 II du code de commerce.
Par conclusions du 25 août 2023, la SCI Tastet demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [U] de ses prétentions,
- entériné l'état de collocation des créanciers,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de distribution,
En conséquence, statuant de nouveau,
- juger que l'état de collocation déposé le 14 février 2022 par la société BDR & Associés ès qualités est conforme au rang des créanciers en présence,
- juger que c'est à bon droit qu'elle a été colloquée à hauteur de la somme de 71.083,66 euros aux termes de l'état de collocation du 14 février 2022,
- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [U] à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que M. [U] confond admission de créance et établissement de l'état de collocation et que seule la procédure de distribution du prix détermine le rang de collocation du créancier et non l'admission de créance.
Elle souligne que l'appelant ne justifie pas de l'inscription de privilège dont il se prévaut, de sorte qu'il ne peut contester l'état de collocation. Elle estime que le liquidateur judiciaire a justement effectué un calcul au prorata du prix perçu, réparti par millièmes de copropriété, lui permettant d'être utilement colloquée, et que M. [U] ne peut valablement soutenir qu'il aurait un droit de préférence par rapport à elle alors qu'elle bénéficie comme lui d'un privilège sur l'un des lots de copropriété.
Par conclusions du 28 juillet 2023, la Sarl CX Participation demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
Par conséquent,
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [U] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de Me Bommenel, avocat.
Elle soutient que M. [U] ne justifie pas de la réalité de la créance qu'il invoque, ni de l'inscription de privilège dont il se prévaut, et ne produit pas sa déclaration de créance, de sorte qu'en l'absence de pièces, il ne peut être statué sur le bienfondé de sa contestation.
Elle fait valoir que la cession est intervenue pour 79 lots pour un prix de 4.250.000 euros et que M. [U] dispose d'un privilège de vendeur sur un seul lot, de sorte que c'est à juste titre qu'il s'est vu allouer une quote-part du prix au prorata des millièmes attribués à ce lot par le règlement de copropriété ; qu'il serait injustifié et inéquitable qu'il dispose d'un privilège sur le prix de vente des autres lots ; qu'en outre, M. [U] n'établit pas l'obligation pour le liquidateur d'avoir recours à une autre méthode de calcul.
Elle ajoute que l'ordre des créanciers n'a pas lieu d'être modifié.
Par ordonnance du 14 septembre 2023, la SAS Agir Paca, ès qualités de mandataire ad'hoc du syndicat des copropriétaires « Cité marchande de la Buffa », a été déclarée irrecevable à déposer des conclusions en application de l'article 905-2 du code de procédure civile.
Bien qu'ayant régulièrement reçu signification de la déclaration d'appel (à domicile élu pour la première, à personne morale pour les deux autres) et des conclusions d'appelant, Mme [M] [L] épouse [K], la SA Société Générale et l'Unedic AGS Cgea Idf Ouest n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.
Par arrêt du 21 mars 2024, la cour a :
- ordonné la réouverture des débats pour l'audience du jeudi 5 septembre 2024 à 14h00,
- invité les parties, notamment la SCP BDR & associés, prise en la personne de Me [N] [W], en qualité de mandataire liquidateur de la société Beaulieu Patrimoine Développement, à produire :
- les déclarations de créance de tous les créanciers, comprenant les annexes, et toutes les décisions d'admission,
- les justificatifs de sûreté de chaque créancier concerné,
- un état de toutes les inscriptions portant sur l'ensemble immobilier vendu établi par le service de la publicité foncière sur publication de la vente,
- dit que ces pièces devront parvenir au greffe de la chambre 1-10 de la cour au plus tard le 20 juin 2024, avec justificatif de la communication préalable aux autres parties par RPVA,
- sursis à statuer sur la contestation et l'ensemble des demandes,
- réservé les dépens.
La SCP BDR a transmis à la cour et aux parties des nouvelles pièces le 28 mai 2024, de même que M. [U] le 19 juin 2024. La société CX Participation a communiqué de nouvelles pièces également.
Le 9 août 2024, la SA Société Générale a constitué avocat. M. [U] a dénoncé ses conclusions et pièces le 19 août 2024 à l'avocat constitué.
Par conclusions du 2 septembre 2024, la Société Générale demande à la cour d'appel de :
- débouter M. [U] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, telles que dirigées à son encontre,
- confirmer le jugement entrepris,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle fait valoir que le privilège de vendeur revendiqué par M. [U] est inscrit sur le seul lot n°10, alors qu'elle dispose quant à elle d'une inscription d'hypothèque conventionnelle antérieure de premier rang sur 69 lots ; que sa créance a été admise intégralement par ordonnance du juge-commissaire du 28 mai 2014 ; que le versement à titre provisionnel de sa créance de 3.469.541 euros a été ordonné par décision du juge-commissaire du 11 décembre 2019 ; et que l'état de collocation établi par Me [W] ès qualités était parfaitement exact s'agissant des conditions de désintéressement de sa créance.
Par conclusions du 3 septembre 2024, la société CX Participation maintient ses demandes antérieures à la réouverture des débats. Elle fait valoir que l'inscription de privilège inscrite par M. [U] n'était effective que jusqu'au 31 décembre 2011 et n'a pas été renouvelée, de sorte qu'il ne peut prétendre venir en deuxième rang derrière la Société Générale et contester à ce titre l'état de collocation ; qu'il ne fournit pas d'éléments sur sa déclaration de créance et était manifestement hors délai ; et que l'état de collocation n'a donc pas lieu d'être contesté.
Par conclusions du 4 septembre 2024, M. [U] maintient ses demandes antérieures à la réouverture des débats. Il ajoute que les éléments qu'il communique confirment le bien fondé de sa contestation ; qu'il convient de lui reconnaître la qualité de créancier privilégié, avant de reprendre les dates d'inscription de privilèges ; qu'aucune vente par lot n'est intervenue, de sorte qu'il n'est pas possible de réduire son privilège à un seul lot ; que l'application de la règle des tantièmes à la distribution du prix n'a pas été opposée à la banque qui a pu être payée sur l'entièreté du prix, alors qu'elle n'a pas financé l'acquisition du lot qu'il a vendu. Il souligne que l'état de collocation fait mention de son privilège de vendeur et de ses renouvellements et que ces inscriptions ont légitimé une requête aux fins de radiation des inscriptions et ont été pris en compte dans l'admission des créance, de sorte que la contestation de la société CX Participation n'est pas sérieuse.
La clôture a été révoquée et prononcée de nouveau par ordonnance du 5 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L.642-18 du code de commerce dispose :
« Les ventes d'immeubles ont lieu conformément aux articles L.322-5 à L.322-12 du code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des articles L.322-6 et L.322-9, sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du présent code. Le juge-commissaire fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente.
[...]
Le juge-commissaire peut, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans de meilleures conditions, ordonner la vente par adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe ou autoriser la vente de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine. En cas d'adjudication amiable, les articles L. 322-7, L. 322-8 à L. 322-11 et L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution sont applicables, sous la réserve prévue au premier alinéa, et il peut toujours être fait surenchère.
Pour les adjudications réalisées en application des alinéas qui précèdent, le paiement du prix au liquidateur et des frais de la vente emportent purge des hypothèques et de tout privilège du chef du débiteur. L'adjudicataire ne peut, avant d'avoir procédé à ces paiements, accomplir un acte de disposition sur le bien à l'exception de la constitution d'une hypothèque accessoire à un contrat de prêt destiné à l'acquisition de ce bien.
Le liquidateur répartit le produit des ventes et règle l'ordre entre les créanciers, sous réserve des contestations qui sont portées devant le juge de l'exécution.
[...] »
Il résulte de l'article R.643-6 du même code qu'après l'accomplissement par l'acquéreur des formalités de purge en cas de vente de gré à gré, le liquidateur dresse l'état de collocation au vu des inscriptions, des créances admises et de la liste de créances mentionnées à l'article L.641-13.
L'article L.643-8, I. du code de commerce dispose :
« Sans préjudice du droit de propriété ou de rétention opposable à la procédure collective et des dispositions des articles L. 622-17 et L. 641-13, le montant de l'actif distribuable est réparti dans l'ordre suivant :
1° Les subsides prévus à l'article L. 631-11 restés impayés ;
2° Les créances garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail ;
3° Les frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure restés impayés à l'échéance ;
4° Les créances garanties par le privilège prévu par l'article L. 624-21 ;
5° Les créances garanties par le privilège de conciliation établi par l'article L. 611-11 ;
6° Les créances garanties par des sûretés immobilières classées entre elles dans l'ordre prévu au code civil ;
7° Les créances de salaires restées impayées à l'échéance dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 3253-6, L. 3253-8 à L. 3253-12 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 641-13 ;
8° Les créances garanties par le privilège établi au 2° du III de l'article L. 622-17 restées impayées à l'échéance et par le privilège établi à l'article L. 626-10 ;
9° Les créances résultant de l'exécution des contrats mentionnées au 3° du III de l'article L. 622-17 restées impayées à l'échéance ;
10° Les sommes dont le montant a été avancé en application du 5° de l'article L. 3253-8 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 641-13 ;
11° Les autres créances non soumises à l'interdiction énoncée au premier alinéa de l'article L. 622-7, restées impayées, selon leur rang ;
12° Les créances garanties par le privilège du Trésor établi à l'article 1920 du code général des impôts, à l'exception des créances de toutes natures en matière de contributions indirectes et de celles mentionnées à l'article 379 du code des douanes ;
13° Les créances garanties par un nantissement, par le privilège du bailleur prévu à l'article 2332 du code civil dans la limite de six mois de loyers et celles garanties par le privilège prévu aux article L. 141-5 et suivants ;
14° Les créances de toutes natures en matière de contributions indirectes et celles mentionnées à l'article 379 du code des douanes ;
15° Les créances chirographaires, en proportion de leur montant.
Le tout sans préjudice des autres droits de préférence. »
Par ailleurs, selon l'article L.641-13,
« I.- Sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :
- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;
[...]
En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17.
II.- Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège conformément à l'ordre prévu par l'article L. 643-8.
[...] »
A titre liminaire, la cour s'étonne et déplore que, malgré sa demande, les parties, et notamment le liquidateur, ne soient pas en mesure de lui fournir un état hypothécaire complet de l'ensemble immobilier vendu actualisé à la date de la publication de la vente, conformément aux dispositions de l'article R.643-4 du code de commerce. Il convient donc de s'en tenir aux pièces communiquées.
Il ressort des pièces versées au débat, notamment les actes notariés de vente ou de prêt, l'état hypothécaire actualisé au 28 novembre 2014 (produit par la Société Générale), les états des créances, la requête de l'acquéreur aux fins de purge des inscriptions hypothécaires en date du 5 février 2019 et l'acte de vente du 20 septembre 2018 :
- que la vente de gré à gré du 20 septembre 2018 porte sur 73 lots de copropriété de la cité marchande de la Buffa, ainsi qu'un lot n°80 ne dépendant pas de la cité, soit un total de 74 lots, et ce pour un prix global de 4.250.000 euros ;
- que la Société Générale dispose d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur 70 lots, ne comprenant pas les lots n°10 et 26, outre le lot n°80, publiée 2 février 2010 avec effet jusqu'au 8 janvier 2020, pour une créance de 3.000.000 euros en principal ;
- que M. [U] bénéficie d'une inscription de privilège de vendeur sur le seul lot n°10 publiée le 15 septembre 2010, renouvelée le 14 décembre 2011, puis le 27 novembre 2012, puis le 10 octobre 2013, puis le 2 décembre 2015 (volume 2015 V n°3454) avec effet jusqu'au 31 décembre 2025 ;
- que la SCI Tastet bénéficie d'une inscription de privilège de vendeur sur le seul lot n°26 publiée le 20 octobre 2011, renouvelée le 27 novembre 2012, puis le 1er octobre 2013, puis le 2 décembre 2015 avec effet jusqu'au 31 décembre 2025 ;
- la société CX Participation dispose notamment d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur de nombreux lots, dont les lots n°10 et 26, prise le 13 décembre 2012, renouvelée le 20 mars 2015 avec effet jusqu'au 31 décembre 2025.
La créance de M. [U] a été admise par décisions du juge-commissaire en date du 8 décembre 2021 à la somme totale de 979.616,18 euros à titre privilégié. Contrairement à ce que tente d'obtenir la société CX Participation, il n'y a pas lieu de revenir sur cette décision, qui est définitive et s'impose à tous les créanciers de la procédure collective.
Pour autant, M. [U] confond admission de créance et état de collocation. Il n'a aucun droit acquis à obtenir le paiement de sa créance, dès lors que le paiement qu'il recevra dépend d'une part, de l'étendue de l'actif du débiteur et du prix de vente, d'autre part, du montant des autres créances et du rang des autres créanciers sur le bien sur lequel il bénéficie lui-même d'un privilège de vendeur.
M. [U] ne peut prétendre être créancier de deuxième rang, derrière la Société Générale, et être prioritaire sur la SCI Tastet, alors que son privilège ne porte que sur le lot n°10, lot pour lequel ces dernières ne bénéficient pas d'une inscription hypothécaire. L'ordre des créanciers ne peut être établi que pour les créanciers qui sont en concurrence sur un même bien, soit en l'espèce sur un même lot de copropriété. Par conséquent, M. [U] n'est en concurrence sur le lot n°10 qu'avec la société CX Participation, ainsi que les créanciers ayant un privilège général portant sur l'ensemble des biens (frais de justice, super privilège et privilège des salaires, super privilège et privilège du syndicat des copropriétaires).
C'est à tort que l'appelant soutient qu'il n'est pas possible de cantonner son privilège de vendeur sur un seul lot du fait de son admission de créance sans affectation. Ce n'est pas la décision d'admission de créance qui détermine l'affectation de la sûreté mais l'inscription de la sûreté elle-même. Or M. [U] n'ayant vendu à la société Camax, devenue Beaulieu Patrimoine Développement, que le lot n°10, son privilège de vendeur est nécessairement limité à ce lot, comme cela résulte d'ailleurs de l'état des inscriptions de l'ensemble immobilier. Oui parfait !
Dès lors, c'est à juste titre que le liquidateur a procédé à une répartition du prix de vente au prorata des tantièmes de copropriété détenus respectivement par M. [U] et la SCI Tastet s'agissant des lots n°10 et 26. Il serait incohérent que M. [U] soit payé sur la totalité du prix de vente des 74 lots de copropriété, alors qu'il dispose d'un privilège sur un seul lot, tandis que d'autres créanciers bénéficient de sûretés sur l'ensemble ou la majorité des lots. Ce n'est pas la méthode de calcul choisie qui a pour effet de réduire sa créance, mais l'absence d'actif suffisant pour payer toutes les créances. Cette insuffisance explique d'ailleurs que sa quote-part du prix de vente ne corresponde pas à la réalité du prix d'acquisition initial du lot.
C'est également en vain que M. [U] invoque le principe d'égalité des créanciers, ce principe ne s'appliquant qu'aux créanciers chirographaires, de même que l'article 2425 du code civil relatif à l'ordre des créanciers, qui ne s'applique qu'aux créanciers inscrits sur un même bien : la prise en compte de la date d'inscription pour déterminer le rang des créanciers n'a de sens que pour les créanciers en concurrence sur un même bien. Sur le lot n°10, le seul créancier inscrit en concurrence avec M. [U] est la société CX Participation. Or, il n'est pas contesté que l'inscription d'hypothèque de cette dernière est postérieure à l'inscription du privilège de M. [U], de sorte que le paiement de la créance de ce dernier est prioritaire sur celle de la société CX Participation, raison pour laquelle celle-ci n'a pu être colloquée.
M. [U] ne peut pas non plus soutenir valablement que son privilège spécial prime les privilèges généraux, tels que les frais de justice de la SCP BDR & Associés, alors que les articles L.641-13 et L.643-8 précités du code de commerce énoncent le contraire, s'agissant de frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture.
En revanche, c'est à juste titre que M. [U] fait valoir que la distribution au prorata des millièmes de copropriété n'a pas été opposée à la Société Générale, qui a été payée sur la totalité du prix de vente, alors qu'elle ne bénéficie pas d'un privilège général ni d'une hypothèque conventionnelle sur l'ensemble des lots. Comme il a été dit supra, la Société Générale n'a aucune sûreté sur les lots n°10 et n°26, de sorte qu'elle ne peut être payée sur la quote-part du prix de vente de ces lots. Si le liquidateur souhaitait, à juste titre, procéder à une répartition du prix au prorata des tantièmes de copropriété, il devait le faire pour l'ensemble des créanciers concernés et pas seulement pour M. [U] et la SCI Tastet.
En conséquence, il convient, pour ce seul motif, d'infirmer le jugement et d'enjoindre au liquidateur de refaire le calcul au prorata des millièmes de copropriété pour la Société Générale, M. [U] et la SCI Tastet, ces trois créanciers n'étant en concurrence sur aucun lot, tout en déboutant M. [U] de l'ensemble de ses demandes.
Sur les demandes accessoires
Il convient de condamner la société BDR & Associés ès qualités aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties. Les demandes respectives des parties à ce titre seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement rendu le 25 mai 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
ENJOINT à la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Beaulieu Patrimoine Développement, de refaire le calcul au prorata des millièmes de copropriété tant pour M. [T] [U] et la SCI Tastet que pour la Société Générale, et d'établir un nouvel état de collocation,
DEBOUTE M. [T] [U] de ses demandes,
DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Beaulieu Patrimoine Développement, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le Président,