Décisions
CA Grenoble, ch. com., 3 octobre 2024, n° 24/01603
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/01603 -
N° Portalis DBVM-V-B7I-MHHN
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL BARD
la SELARL AEGIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 03 OCTOBRE 2024
Appel d'un jugement (N° RG 23/02204)
rendu par le Président du TJ de VALENCE
en date du 17 avril 2024
suivant déclaration d'appel du 23 avril 2024
APPELANT :
M. [D] [B]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représenté par Me Vincent BARD de la SELARL BARD, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉS :
S.E.L.A.R.L. SBCMJ au capital de 917.400 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 504 384 504 RCS CHERBOURG,représentée par son gérant en exercice, Maître [G] [T], ès qualité de liquidateur judiciaire suivant jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de VALENCE du 17 avril 2024, ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [D] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Sandrine CUVIER de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE
M. LE PROCUREUR GENERAL
Palais de Justice
[Adresse 6]
[Localité 3]
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice richet, Greffière.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et représentée lors des débats par Mme Françoise BENEZECH, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2024, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. [D] [B], agriculteur à Châteauneuf sur Isère, a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Valence du 18 octobre 2023. La période d'observation a été fixée à six mois, et a été prorogée jusqu'au 18 avril 2024. Cette procédure a été ouverte sur assignation de la Mutualité Sociale Agricole du 19 juillet 2023, en raison de cotisations impayées pour 277.811,89 euros dont 180.360,52 euros au titre de la part salariale.
2. Par jugement du 17 avril 2024, le tribunal judiciaire a :
- jugé n'y avoir lieu à renouveler la période d'observation à échéance au 18 avril 2024 ;
- jugé que tout redressement est impossible ;
- prononcé la liquidation judiciaire de [D] [B] ;
- ordonné la cessation d'activité ;
- nommé la Selarl SBCMJ en la personne de Me [G] [T] en qualité de mandataire liquidateur ;
- maintenu madame [Z] [K] en qualité de juge-commissaire et monsieur [Y] [V] en qualité de juge-commissaire suppléant ;
- dit que la clôture de la procédure devra être examinée dans le délai de deux ans à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l'article L 643-9 du code de commerce ;
- ordonné la signification, la notification, la publicité prévues aux articles R. 631-12, R.621-7 , R.621-8, R. 621-9 et R. 621-13 du code de commerce y compris pour les établissements hors ressort et l'exécution provisoire du présent jugement prévues par la loi ;
- employé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
3. [D] [B] a interjeté appel de cette décision le 23 avril 2024, en ce qu'elle a :
- jugé n'y avoir lieu à renouveler la période d'observation à échéance au 18 avril 2024 ;
- jugé que tout redressement est impossible ;
- prononcé la liquidation judiciaire ;
- ordonné la cessation d'activité ;
- nommé la Selarl SBCMJ en la personne de Me [G] [T] en qualité de mandataire liquidateur ;
- maintenu madame [Z] [K] en qualité de juge-commissaire et monsieur [Y] [V] en qualité de juge-commissaire suppléant ;
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 4 juillet 2024.
Prétentions et moyens de [D] [B] :
4. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 4 juin 2024, il demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté,
- réformer la décision entreprise,
- dire et juger que la période d'observation est renouvelée,
- condamner le requis à payer la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le requis aux entiers dépens.
5. Au soutien de son appel, monsieur [B] développe que l'essentiel de la motivation du jugement déféré est l'absence d'informations comptables et le défaut de poursuite d'activité pérenne, alors que le mandataire judiciaire ne justifie pas avoir sollicité préalablement à l'ouverture de la liquidation les pièces comptables nécessaires, souhaitant rapidement une liquidation. Il indique qu'aucune demande n'a été formalisée auprès du concluant sur ses projets professionnels ; que la vérification des créances est en cours ; que le passif est constitué pour l'essentiel de la créance MSA qui a été contestée. Il soutient qu'avant l'audience, les réquisitions du représentant des créanciers n'ont pas été transmises au débiteur qui a découvert le jour de l'audience que la liquidation judiciaire est sollicitée, ce qui constitue une violation manifeste du principe du contradictoire alors qu'il est reproché au concluant de ne pas avoir fourni de pièces comptables.
6. L'appelant soutient que tribunal a méconnu l'article L.640-1 du code de commerce, précisant que le redressement doit être manifestement impossible, le tribunal ayant en effet retenu une probabilité, et non un état manifeste. S'il a évoqué que le concluant aurait fait état de sa prise de retraite, il ne s'agit que d'une éventualité et non d'un projet à court terme, puisque il est âgé de 63 ans, alors que la retraite à taux plein est à 67 ans et qu'il peut ainsi poursuivre son activité dans le cadre d'un plan d'apurement du passif, et envisager la transmission de l'exploitation à son fils.
7. Monsieur [B] conclut que l'absence de transmission d'éléments comptables n'est pas constitutive d'un juste motif de la preuve d'un état de cessation des paiements, et ainsi pas plus d'une liquidation judiciaire et que le tribunal a donc inversé la charge de la preuve.
Prétentions et moyens de la Selarl SBCMJ prise en la personne de maître [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de [D] [B] :
8. Selon ses conclusions remises le 3 juillet 2024, elle demande à la cour, au visa de l'article L.622- 24 du code de commerce :
- de confirmer le jugement en date du 17 avril 2024 rendu par le tribunal judiciaire de Valence ;
- de débouter [D] [B] de l'intégralité de ces demandes ;
- de juger que l'appelant ne fournit aucun élément sérieux de projets de plan de redressement ;
- de condamner l'appelant à payer à la concluante ès-qualités de mandataire judiciaire la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
9. L'intimée indique que la cessation des paiements étant déjà intervenue lors de l'ouverture de la procédure collective du 18 octobre 2023, le tribunal n'avait pas à se prononcer sur la cessation des paiements au moment de la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
10. Elle note que contrairement aux dires de l'appelant, le jugement a procédé à la conversion du redressement judiciaire étant donné que l'appelant n'a fourni aucune comptabilité, aucun bilan et aucun prévisionnel d'activité pour apurer le passif.
11. Elle ajoute que le passif né après l'ouverture de la procédure collective le 18 octobre 2023 n'est pas réglé par monsieur [B], et que par courriers des 29 mars et 4 avril 2024, la direction générale des finances publiques a écrit à monsieur [B] et à la concluante pour demander de régler sans délai le montant des sommes restant dues au titre de la TVA pour la période allant du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2023 pour 7.809 euros.
12. Elle observe que monsieur [B] ne coopère pas avec le commissaire-priseur qui lui a écrit à maintes reprises pour pouvoir prendre un rendez-vous et faire l'inventaire de ses biens.
13. Elle ajoute que l'état des créances déclarées et du passif est de :
- passif échu : 324.603,15 euros,
- passif à échoir : 30.878,60 euros,
- passif provisionnel : 42.408 euros,
soit au total 397.889,80 euros.
14. Elle conclut que monsieur [B] ne fournit aucun élément sérieux de projets de plan de redressement pour pouvoir apurer le passif échu ; que le caractère sérieux d'un projet de plan de redressement s'apprécie au regard des éléments financiers et au regard du respect des obligations légales et réglementaires par le débiteur ; que le comportement de l'appelant constitue un frein au redressement de la société ; que l'appelant ne fournit aucun élément comptable sérieux permettant de voir un apurement du passif.
Conclusions du ministère public :
15. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 26 juin 2024, il sollicite la confirmation du jugement entrepris, les impayés de cotisations étant anciens et importants, alors que les informations comptables permettant d'envisager la poursuite de l'activité font défaut.
*****
16. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
17. Selon le jugement déféré, il est patent que la période d'observation de six mois est à son terme et que ni le procureur de la République ni le mandataire en requièrent son renouvellement. Il est également indiscutable que les impayés de cotisations sont importants et anciens, et qu'aucun document comptable et pièce financière récents ne sont communiqués ne permettant même pas de connaître l'état actuel de la trésorerie. Il est évident et ce dès maintenant que l'activité de l'intéressé, lequel pourrait déjà prétendre à la retraite et envisage celle-ci, ne peut permettre d'apurer le passif, un plan de moyenne ou longue durée ne pouvant être élaboré au regard de l'âge de monsieur [B]. Ainsi les seules perspectives sont constituées par des ventes de parcelle et/ou une transmission partielle/totale du fonds exploité ('ls de l'intéressé). Par suite, à défaut d'informations comptables, et de poursuite d'activité pérenne par monsieur [B], il n'y a pas lieu à renouveler la période d'observation. En conséquence, en l'absence de toute probabilité sérieuse de redressement, il y a lieu d'ordonner la liquidation judiciaire, les solutions de sauvetages envisagées (cessions, transmissions) pouvant être menées dans le cadre d'une telle procédure.
18. La cour constate que selon la requête du mandataire judiciaire afin de convertir le redressement en liquidation judiciaire, l'appelant ne collabore que peu à la procédure et n'a pas établi de comptabilité depuis deux ans. Il ne fournit aucun prévisionnel de son activité et de sa trésorerie, ni aucune perspective de redressement, alors que le passif est important.
19. Le rapport du mandataire judiciaire du 5 avril 2024 mentionne un passif échu de 324.603,15 euros. Il existe en plus un passif privilégié provisionnel de 42.408 euros. Un créancier disposant d'une créance importante doit également obtenir un relevé de forclusion afin de déclarer cette créance. Lors de l'ouverture de la procédure, l'appelant employait un salarié à temps plein à un poste commercial, et a envisagé de le transférer auprès de l'une de ses EARL. Les derniers éléments comptables (exercice 2021) font état d'un chiffre d'affaires de 364.669 euros, d'un résultat positif pour 32.662 euros, mais de capitaux propres négatifs pour 249.297 euros. Aucun inventaire n'a pu être réalisé malgré les relances adressées à monsieur [B]. Le projet du débiteur est de céder 30 hectares de ses terres au GFA du [Adresse 5], dont il est le cogérant avec son fils, dans l'optique d'organiser sa succession, son désendettement et son départ à la retraite, ce qui ressort du cadre liquidatif. Il est justifié d'un courrier du commissaire-priseur adressé le 15 janvier 2024 au juge-commissaire, dans lequel il indique n'avoir pu effectuer de prisée, le débiteur ne répondant à aucune sollicitation ni message.
20. Devant la cour, l'appelant ne produit aucune pièce concernant sa situation et une perspective de redressement. Il ne produit qu'un compte de la MSA le concernant.
21. La cour rappelle que la cessation des paiements a été définitivement constatée par le tribunal lors de l'ouverture du redressement judiciaire, et qu'il ne lui appartient pas ainsi de la constater à nouveau dans le cadre des suites de cette procédure.
22. Au sens de l'article L631-15 du code de commerce, au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation. A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
23. En la cause, la cour ne peut que constater que tout redressement de monsieur [B] est manifestement impossible, en raison de l'absence de tout document comptable permettant de déterminer si son activité peut être poursuivie et si tout ou partie du passif peut être apuré dans le cadre de l'adoption d'un plan de redressement, ou par une cession partielle d'actifs, alors que le passif est particulièrement important. Aucune proposition n'est formulée par l'appelant, qui ne collabore pas à la procédure, y compris devant la cour, ne produisant aucune pièce utile, malgré un renvoi de la procédure, initialement appelée le 4 juillet 2024. Une nouvelle dette est apparue au cours de la période d'observation.
24. Il en résulte que le jugement déféré ne peut ainsi qu'être confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. Y ajoutant, la cour condamnera l'appelant à payer à la Selarl SBCMJ, ès-qualités, la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Monsieur [B] sera condamné aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire, par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'article L631-15 du code de commerce ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant ;
Condamne [D] [B] à payer à la Selarl SBCMJ, prise en la personne de maître [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [D] [B] aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
N° Portalis DBVM-V-B7I-MHHN
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL BARD
la SELARL AEGIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 03 OCTOBRE 2024
Appel d'un jugement (N° RG 23/02204)
rendu par le Président du TJ de VALENCE
en date du 17 avril 2024
suivant déclaration d'appel du 23 avril 2024
APPELANT :
M. [D] [B]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représenté par Me Vincent BARD de la SELARL BARD, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉS :
S.E.L.A.R.L. SBCMJ au capital de 917.400 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 504 384 504 RCS CHERBOURG,représentée par son gérant en exercice, Maître [G] [T], ès qualité de liquidateur judiciaire suivant jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de VALENCE du 17 avril 2024, ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [D] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Sandrine CUVIER de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE
M. LE PROCUREUR GENERAL
Palais de Justice
[Adresse 6]
[Localité 3]
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice richet, Greffière.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et représentée lors des débats par Mme Françoise BENEZECH, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2024, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. [D] [B], agriculteur à Châteauneuf sur Isère, a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Valence du 18 octobre 2023. La période d'observation a été fixée à six mois, et a été prorogée jusqu'au 18 avril 2024. Cette procédure a été ouverte sur assignation de la Mutualité Sociale Agricole du 19 juillet 2023, en raison de cotisations impayées pour 277.811,89 euros dont 180.360,52 euros au titre de la part salariale.
2. Par jugement du 17 avril 2024, le tribunal judiciaire a :
- jugé n'y avoir lieu à renouveler la période d'observation à échéance au 18 avril 2024 ;
- jugé que tout redressement est impossible ;
- prononcé la liquidation judiciaire de [D] [B] ;
- ordonné la cessation d'activité ;
- nommé la Selarl SBCMJ en la personne de Me [G] [T] en qualité de mandataire liquidateur ;
- maintenu madame [Z] [K] en qualité de juge-commissaire et monsieur [Y] [V] en qualité de juge-commissaire suppléant ;
- dit que la clôture de la procédure devra être examinée dans le délai de deux ans à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l'article L 643-9 du code de commerce ;
- ordonné la signification, la notification, la publicité prévues aux articles R. 631-12, R.621-7 , R.621-8, R. 621-9 et R. 621-13 du code de commerce y compris pour les établissements hors ressort et l'exécution provisoire du présent jugement prévues par la loi ;
- employé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
3. [D] [B] a interjeté appel de cette décision le 23 avril 2024, en ce qu'elle a :
- jugé n'y avoir lieu à renouveler la période d'observation à échéance au 18 avril 2024 ;
- jugé que tout redressement est impossible ;
- prononcé la liquidation judiciaire ;
- ordonné la cessation d'activité ;
- nommé la Selarl SBCMJ en la personne de Me [G] [T] en qualité de mandataire liquidateur ;
- maintenu madame [Z] [K] en qualité de juge-commissaire et monsieur [Y] [V] en qualité de juge-commissaire suppléant ;
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 4 juillet 2024.
Prétentions et moyens de [D] [B] :
4. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 4 juin 2024, il demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté,
- réformer la décision entreprise,
- dire et juger que la période d'observation est renouvelée,
- condamner le requis à payer la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le requis aux entiers dépens.
5. Au soutien de son appel, monsieur [B] développe que l'essentiel de la motivation du jugement déféré est l'absence d'informations comptables et le défaut de poursuite d'activité pérenne, alors que le mandataire judiciaire ne justifie pas avoir sollicité préalablement à l'ouverture de la liquidation les pièces comptables nécessaires, souhaitant rapidement une liquidation. Il indique qu'aucune demande n'a été formalisée auprès du concluant sur ses projets professionnels ; que la vérification des créances est en cours ; que le passif est constitué pour l'essentiel de la créance MSA qui a été contestée. Il soutient qu'avant l'audience, les réquisitions du représentant des créanciers n'ont pas été transmises au débiteur qui a découvert le jour de l'audience que la liquidation judiciaire est sollicitée, ce qui constitue une violation manifeste du principe du contradictoire alors qu'il est reproché au concluant de ne pas avoir fourni de pièces comptables.
6. L'appelant soutient que tribunal a méconnu l'article L.640-1 du code de commerce, précisant que le redressement doit être manifestement impossible, le tribunal ayant en effet retenu une probabilité, et non un état manifeste. S'il a évoqué que le concluant aurait fait état de sa prise de retraite, il ne s'agit que d'une éventualité et non d'un projet à court terme, puisque il est âgé de 63 ans, alors que la retraite à taux plein est à 67 ans et qu'il peut ainsi poursuivre son activité dans le cadre d'un plan d'apurement du passif, et envisager la transmission de l'exploitation à son fils.
7. Monsieur [B] conclut que l'absence de transmission d'éléments comptables n'est pas constitutive d'un juste motif de la preuve d'un état de cessation des paiements, et ainsi pas plus d'une liquidation judiciaire et que le tribunal a donc inversé la charge de la preuve.
Prétentions et moyens de la Selarl SBCMJ prise en la personne de maître [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de [D] [B] :
8. Selon ses conclusions remises le 3 juillet 2024, elle demande à la cour, au visa de l'article L.622- 24 du code de commerce :
- de confirmer le jugement en date du 17 avril 2024 rendu par le tribunal judiciaire de Valence ;
- de débouter [D] [B] de l'intégralité de ces demandes ;
- de juger que l'appelant ne fournit aucun élément sérieux de projets de plan de redressement ;
- de condamner l'appelant à payer à la concluante ès-qualités de mandataire judiciaire la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
9. L'intimée indique que la cessation des paiements étant déjà intervenue lors de l'ouverture de la procédure collective du 18 octobre 2023, le tribunal n'avait pas à se prononcer sur la cessation des paiements au moment de la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
10. Elle note que contrairement aux dires de l'appelant, le jugement a procédé à la conversion du redressement judiciaire étant donné que l'appelant n'a fourni aucune comptabilité, aucun bilan et aucun prévisionnel d'activité pour apurer le passif.
11. Elle ajoute que le passif né après l'ouverture de la procédure collective le 18 octobre 2023 n'est pas réglé par monsieur [B], et que par courriers des 29 mars et 4 avril 2024, la direction générale des finances publiques a écrit à monsieur [B] et à la concluante pour demander de régler sans délai le montant des sommes restant dues au titre de la TVA pour la période allant du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2023 pour 7.809 euros.
12. Elle observe que monsieur [B] ne coopère pas avec le commissaire-priseur qui lui a écrit à maintes reprises pour pouvoir prendre un rendez-vous et faire l'inventaire de ses biens.
13. Elle ajoute que l'état des créances déclarées et du passif est de :
- passif échu : 324.603,15 euros,
- passif à échoir : 30.878,60 euros,
- passif provisionnel : 42.408 euros,
soit au total 397.889,80 euros.
14. Elle conclut que monsieur [B] ne fournit aucun élément sérieux de projets de plan de redressement pour pouvoir apurer le passif échu ; que le caractère sérieux d'un projet de plan de redressement s'apprécie au regard des éléments financiers et au regard du respect des obligations légales et réglementaires par le débiteur ; que le comportement de l'appelant constitue un frein au redressement de la société ; que l'appelant ne fournit aucun élément comptable sérieux permettant de voir un apurement du passif.
Conclusions du ministère public :
15. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 26 juin 2024, il sollicite la confirmation du jugement entrepris, les impayés de cotisations étant anciens et importants, alors que les informations comptables permettant d'envisager la poursuite de l'activité font défaut.
*****
16. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
17. Selon le jugement déféré, il est patent que la période d'observation de six mois est à son terme et que ni le procureur de la République ni le mandataire en requièrent son renouvellement. Il est également indiscutable que les impayés de cotisations sont importants et anciens, et qu'aucun document comptable et pièce financière récents ne sont communiqués ne permettant même pas de connaître l'état actuel de la trésorerie. Il est évident et ce dès maintenant que l'activité de l'intéressé, lequel pourrait déjà prétendre à la retraite et envisage celle-ci, ne peut permettre d'apurer le passif, un plan de moyenne ou longue durée ne pouvant être élaboré au regard de l'âge de monsieur [B]. Ainsi les seules perspectives sont constituées par des ventes de parcelle et/ou une transmission partielle/totale du fonds exploité ('ls de l'intéressé). Par suite, à défaut d'informations comptables, et de poursuite d'activité pérenne par monsieur [B], il n'y a pas lieu à renouveler la période d'observation. En conséquence, en l'absence de toute probabilité sérieuse de redressement, il y a lieu d'ordonner la liquidation judiciaire, les solutions de sauvetages envisagées (cessions, transmissions) pouvant être menées dans le cadre d'une telle procédure.
18. La cour constate que selon la requête du mandataire judiciaire afin de convertir le redressement en liquidation judiciaire, l'appelant ne collabore que peu à la procédure et n'a pas établi de comptabilité depuis deux ans. Il ne fournit aucun prévisionnel de son activité et de sa trésorerie, ni aucune perspective de redressement, alors que le passif est important.
19. Le rapport du mandataire judiciaire du 5 avril 2024 mentionne un passif échu de 324.603,15 euros. Il existe en plus un passif privilégié provisionnel de 42.408 euros. Un créancier disposant d'une créance importante doit également obtenir un relevé de forclusion afin de déclarer cette créance. Lors de l'ouverture de la procédure, l'appelant employait un salarié à temps plein à un poste commercial, et a envisagé de le transférer auprès de l'une de ses EARL. Les derniers éléments comptables (exercice 2021) font état d'un chiffre d'affaires de 364.669 euros, d'un résultat positif pour 32.662 euros, mais de capitaux propres négatifs pour 249.297 euros. Aucun inventaire n'a pu être réalisé malgré les relances adressées à monsieur [B]. Le projet du débiteur est de céder 30 hectares de ses terres au GFA du [Adresse 5], dont il est le cogérant avec son fils, dans l'optique d'organiser sa succession, son désendettement et son départ à la retraite, ce qui ressort du cadre liquidatif. Il est justifié d'un courrier du commissaire-priseur adressé le 15 janvier 2024 au juge-commissaire, dans lequel il indique n'avoir pu effectuer de prisée, le débiteur ne répondant à aucune sollicitation ni message.
20. Devant la cour, l'appelant ne produit aucune pièce concernant sa situation et une perspective de redressement. Il ne produit qu'un compte de la MSA le concernant.
21. La cour rappelle que la cessation des paiements a été définitivement constatée par le tribunal lors de l'ouverture du redressement judiciaire, et qu'il ne lui appartient pas ainsi de la constater à nouveau dans le cadre des suites de cette procédure.
22. Au sens de l'article L631-15 du code de commerce, au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation. A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
23. En la cause, la cour ne peut que constater que tout redressement de monsieur [B] est manifestement impossible, en raison de l'absence de tout document comptable permettant de déterminer si son activité peut être poursuivie et si tout ou partie du passif peut être apuré dans le cadre de l'adoption d'un plan de redressement, ou par une cession partielle d'actifs, alors que le passif est particulièrement important. Aucune proposition n'est formulée par l'appelant, qui ne collabore pas à la procédure, y compris devant la cour, ne produisant aucune pièce utile, malgré un renvoi de la procédure, initialement appelée le 4 juillet 2024. Une nouvelle dette est apparue au cours de la période d'observation.
24. Il en résulte que le jugement déféré ne peut ainsi qu'être confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. Y ajoutant, la cour condamnera l'appelant à payer à la Selarl SBCMJ, ès-qualités, la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Monsieur [B] sera condamné aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire, par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'article L631-15 du code de commerce ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant ;
Condamne [D] [B] à payer à la Selarl SBCMJ, prise en la personne de maître [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [D] [B] aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente