Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 2 octobre 2024, n° 22/08013
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 02 OCTOBRE 2024
(n° /2024 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08013 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWE3
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 janvier 2022 -tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 22/00109
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. AXYME prise en la personne de Maître [M] [B] , en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société IPF CONSTRUCTION, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0431, substituée à l'audience par Me Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.C.I. THARMA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Maria PINTO BONITO de l'AARPI LE CARRÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0154
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ludovic JARIEL, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre
Mme Emmanuel BOUTIE, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par LUDOVIC JARIEL, président de chambre, et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 17 juin 2016, la SCI Tharma (la société Tharma) a, en tant que maître de l'ouvrage, conclu avec la société P. Pecoraro, entreprise générale, un marché de construction d'un immeuble collectif de deux étages et cinq logements, sur un terrain sis [Adresse 1] à la Courneuve (91), suivant devis d'un montant de 780 656 euros TTC.
Le 23 juillet 2016, le chantier a débuté ; la durée des travaux étant fixée à un an.
Par jugement du 6 juin 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société P. Pecoraro en redressement judiciaire.
Par jugement du 31 juillet 2017, le même tribunal a ordonné la cession des actifs et de l'activité de cette société à la société IPF au prix de 43 000 euros, avec faculté de substitution au bénéfice de la société IPF construction (la société IPFC).
La société Tharma a déploré des difficultés dans le déroulement du chantier. Selon le maître de l'ouvrage, la société IPFC est très peu intervenue, privilégiant de recourir à des sociétés sous-traitantes qui, n'étant pas payées par elle, ont refusé de poursuivre leurs prestations.
Le 5 avril 2018, la société IPFC a, selon la société Tharma, définitivement abandonné le chantier.
Le 27 avril 2018, la société Tharma a réceptionné les travaux avec réserves. Aux termes du procès-verbal de réception, il a été convenu que la société IPFC procède à la levée de ces réserves le 11 mai 2018. Selon le maître de l'ouvrage, la société IPFC ne s'est jamais présentée pour procéder à la levée des réserves.
Le 28 mai 2018, la société IPFC a émis une facture récapitulative d'un montant de 133 737,39 euros.
Le 13 juin 2018, la société IPFC a fait l'objet d'un redressement judiciaire et, le 24 juillet 2018, d'une liquidation judiciaire ; la société Axyme, étant désignée, en la personne de M. [B], en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Tharma s'est, par ailleurs, plainte d'autres désordres, constatés depuis la réception, et indique avoir fait appel à d'autres professionnels pour intervenir sur l'immeuble pour un montant de 40 867 euros TTC.
Elle estime également avoir été privée de la construction du bâtiment annexe en fond de parcelle, pourtant convenue et comprise dans le prix total négocié avec la société P. Pecoraro.
Par acte du 6 août 2018, la société Axyme, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société IPFC, a assigné la société Tharma en paiement du solde de son marché et en indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Condamne la société Tharma à verser la somme de 75 400,19 euros, à la société IPFC au titre du solde du marché ;
Rejette les demandes de la société IPFC en dommages et intérêts ;
Dit que la responsabilité contractuelle de la société IPFC est engagée envers la société Tharma au titre des désordres et du retard ;
Condamne la société IPFC à verser la somme de 75 400,19 euros, à la société Tharma au titre des désordres et du retard ;
Prononce la compensation entre la condamnation de la société IPFC et la société Tharma ; Condamne la société Tharma à verser à la société IPFC la somme de 44 533,19 euros après compensation ;
Dit que l'action de la société Tharma est irrecevable pour le surplus ;
Condamne la société IPFC aux dépens ;
Condamne la société IPFC à verser la somme de 2 000 euros à la société Tharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire.
Par jugement rectificatif du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Dit qu'il y a lieu à rectification d'erreur matérielle du jugement du 14 décembre 2021 concernant l'affaire 18/09650 ;
Dit que la société Tharma est redevable de la somme de 75 400,19 euros, à la société IPFC au titre du solde du marché ;
Dit que la société IPFC est redevable de la somme de 50 867 euros à la société Tharma au titre des désordres et du retard ;
Condamne la société Tharma à verser à la société IPFC la somme de 24 533,19 euros après compensation ;
Condamne la société Tharma aux dépens ;
Condamne la société Tharma à verser la somme de 2 000 euros à la société IPFC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne qu'il soit fait mention de ces rectifications en marge de la minute de l'ordonnance et des expéditions qui en seront délivrées ;
Dit que la décision à intervenir devra être notifiée au même titre que la précédente décision ;
Dit que les frais et dépens seront à la charge du trésor public ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 20 avril 2022, la société Axyme a, ès-qualités, interjeté appel des deux jugements, intimant devant la cour la société Tharma.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, la société Axyme demande à la cour de :
Recevoir la société Axyme, représentée par Me [B], mandataire judiciaire, agissant en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société IPFC, en son appel,
Infirmer les jugements rendus par le tribunal judiciaire de Paris, respectivement les 25 janvier 2022 (RG n° 22/00109) et le 14 décembre 2021 (RG n° 18/09650), en ce qu'ils ont :
- Ecarté le moyen tiré de l'irrecevabilité de la forclusion attachée à l'absence de déclaration de créances de la société Tharma au passif de la liquidation judiciaire de la société IPFC, dans le délai légal et en l'absence de relevé de forclusion, en retenant la connexité des créances,
- Retenu la responsabilité de la société IPFC dans la réalisation du préjudice allégué par la société Tharma,
- Débouté Me [B] es qualité de sa demande de paiement au titre des travaux réalisés à hauteur de 133 737, 39 euros ttc outre intérêts, en les limitant à 75 400,19 euros la somme due par la société Tharma au titre du solde du marché,
- Déclaré la société IPFC "redevable" de la somme de 50 867 euros au titre des désordres et du retard allégués par la société Tharma,
- Rejeté la demande de dommages et intérêts de Me [B] en qualité de mandataire judiciaire de la société IPFC de 150 000 euros,
- Ordonné la compensation entre les créances des parties et condamné la société Tharma après compensation à la somme de 24 533,19 euros,
A titre principal
Constater que la société Tharma n'a pas déclaré sa créance dans le délai de 2 mois, ni requis d'être relevé de forclusion,
La déclarer irrecevable, en présence d'une créance éteinte, à réclamer une compensation entre sa supposée créance et celle de la société IPFC sur le fondement de la connexité puisque les conditions ne sont pas réunies,
Condamner la société Tharma à payer à la société Axyme, mandataire judiciaire de la société IPFC, la somme de 133 737,39 euros TTC au titre du solde des travaux exécutés pour son compte et demeurés impayés, dans le cadre de l'opération de transformation de son immeuble situé [Adresse 1] [Localité 6].
Dire que cette somme sera majorée des intérêts correspond au taux directeur (taux de refinancement ou Refi) semestriel de la banque centrale européenne (BCE), en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet, majoré de 10 points.
- Depuis le 22 avril 2018 sur 30 201 euros TTC,
- Depuis le 15 juin 2018 sur 103 536,39 euros TTC,
Dire que ces sommes portant intérêts seront capitalisées,
A titre subsidiaire,
Condamner la société Tharma à payer à la société Axyme, mandataire judiciaire de la société IPFC, la somme de 103 536,39 euros ttc au titre du solde des travaux,
Dire que cette somme sera majorée des intérêts correspond au taux directeur (taux de refinancement ou Refi) semestriel de la banque centrale européenne (BCE), en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet, majoré de 10 points,
Depuis le 22 avril 2018 sur 30 201 euros TTC,
Depuis le 15 juin 2018 sur 103 536,39 euros TTC,
Dire que ces sommes portant intérêts seront capitalisées,
Sur les autres demandes,
Condamner la société Tharma au paiement d'une indemnité de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Débouter la société Tharma de toutes ses demandes, sa créance étant éteinte en l'absence de déclaration de créances,
Condamner la société Tharma au paiement de la somme de 9 000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, comprenant les frais exposés pour l'exécution de la mesure de saisie conservatoire.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, la société Tharma demande à la cour de :
Débouter la société Axyme, en qualité de mandataire judiciaire de la société IPFC, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Confirmer le jugement rendu le 14 décembre 2020 ainsi que le jugement rectificatif du 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a ;
Jugé les demandes faites par la société Tharma et les demandes de la société IPFC connexes et l'action de la société Tharma recevables ;
Fixé le solde dû au titre du marché de travaux à 75 400,19 euros ;
Condamné la société IPFC à payer la somme de 40 867,00 euros au titre des malfaçons ;
Constaté que le chantier a débuté le 23 juillet 2016 et les travaux réceptionnés avec réserves le 27 avril 2018 au lieu du 23 juillet 2017 ;
Prononcé la compensation entre les condamnations de la société IPFC et la société Tharma ;
Infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2020 ainsi que le jugement rectificatif du 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :
A titre principal :
- Condamner la société IPFC à payer à la société Tharma la somme de 48 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison de l'immeuble et fixer à son passif cette condamnation ;
- Condamner la société IPFC à payer à la société Tharma la somme de 123 953,09 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait des ouvrages non réalisés et fixer à son passif cette condamnation ;
- Constater que ces créances de la société Tharma sont connexes à la créance dont se prévaut la société Axyme, en qualité de mandataire judiciaire de la société IPFC ;
- Ordonner la compensation entre les créances de la société Tharma et la somme de 75 400,19 euros restant à régler sur le devis signé le 17 juin 2016 ;
En tout état de cause :
Condamner la société IPFC représentée par son mandataire la société Axyme à verser à la société Tharma la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 25 juin 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 septembre 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur le solde du marché
Moyens des parties
La société Axyme soutient qu'elle est fondée à recouvrer l'intégralité de sa facture en date du 28 mai 2018 dès lors que la société Tharma ne rapporte pas la preuve d'avoir réglé, comme elle le prétend, la somme de 705 255,81 euros.
En réponse, la société Tharma, qui indique avoir, au 21 mars 2018, réglé, au titre du marché, la somme totale de 705 255,81 euros, fait valoir que, comme l'a exactement jugé le tribunal, le solde restant dû s'élève à la somme de 75 400,19 euros (780 656 -705 255,81).
Réponse de la cour
Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il est établi que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve d'un fait juridique, notamment par un décompte, dont le juge apprécie souverainement la valeur et la portée (2e Civ., 10 février 2005, pourvoi n° 02-20.495, Bull n° 31 ; 3e Civ., 3 mars 2010, pourvoi n° 08-21.056 et 08-21.057 ; 1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 07- 11.064 ; Com., 19 Juin 2012, pourvoi n° 11-17.015 ; 1re Civ., 1er octobre 2014, pourvoi n° 13-24.699 ; 3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-13.942 ; 3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-15.958, Bull n° 51).
Au cas d'espèce, après examen de l'ensemble des pièces comptables produites par les parties, la cour retient que le tableau récapitulatif des versements effectués par la société Tharma, dans lequel est mentionné, au regard de chaque facture d'acompte, le mode de règlement et sa date, est probant du paiement de la somme totale de 705 255,81 euros.
Par suite, le solde du marché restant s'élève à la somme de 75 400,19 euros (780 656 -705 255,81).
Le jugement sera confirmé de ce chef et, y ajoutant, la société Tharma sera condamnée à son paiement.
Sur l'application des pénalités intérêts de retard
Selon l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable en la cause en raison de la date du marché, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire.
Ces dispositions relatives aux pénalités de retard sont issues de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques qui a notamment transposé l'article 3 de la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
Selon l'article 2 de cette directive, on entend par " transaction commerciale " toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération et par " entreprise " toute organisation agissant dans l'exercice d'une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n'est exercée que par une seule personne.
Il est établi qu'il ne suffit pas qu'une personne conclue une transaction se rapportant à une activité économique, telle que la location d'un bien à un tiers, pour relever de la notion d'" entreprise " et pour que cette transaction soit qualifiée de " commerciale ". Encore faut-il que cette personne agisse en tant qu'organisation dans le cadre d'une telle activité ou d'une activité professionnelle indépendante. Cette exigence implique que ladite personne, quels que soient sa forme et son statut juridique en droit national, exerce cette activité de manière structurée et stable, laquelle activité ne saurait donc se limiter à une prestation ponctuelle et isolée, et que la transaction concernée s'inscrive dans le cadre de ladite activité (CJUE, 15 décembre 2016, Drago Nemec contre Republika Slovenija, C-256/15, points 32 et 33).
Au cas d'espèce, la société Axyme ne rapporte pas la preuve ni même n'allègue que le marché en cause s'inscrivait dans le cadre de l'activité professionnelle de la société Tharma qui exerce sous la forme d'une SCI, c'est-à-dire non pas en tant que prestation ponctuelle et isolée mais au titre de l'exercice structuré et stable de son activité.
Par suite, la demande de pénalités de retard, sur laquelle n'a pas statué le premier juge, sera rejetée.
Sur le préjudice de la société IPFC
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.
Sur la recevabilité des demandes en paiement et en compensation de la société Tharma
Moyens des parties
La société Axyme soutient que les demandes en paiement et en compensation de la société Tharma sont irrecevables faute pour elle d'avoir déclaré sa créance à la procédure collective de la société IPFC.
En réponse, la société Tharma fait valoir que c'est exactement que le tribunal a retenu que sa créance et celle de la société IPFC étaient connexes pour concerner des obligations réciproques à savoir l'obligation de payer les travaux, d'une part, l'obligation d'exécuter des travaux exempts de non-façons et de malfaçons, d'autre part.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.
La détermination du caractère antérieur ou postérieur d'une créance née de l'exécution incomplète ou défectueuse de travaux dépend du point de savoir si cette créance trouve son origine dans des prestations effectuées antérieurement ou postérieurement au jugement d'ouverture (Com., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-14.634).
Selon l'article L. 622-24 du même code, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire.
Il est établi que la compensation pour dettes connexes ne peut être prononcée lorsque le créancier n'a pas déclaré sa créance (Com., 3 mai 2011, pourvoi n° 10-16.758, Bull. 2011, IV, n° 66 ; Com., 19 juin 2012, pourvoi n° 10-21.641, Bull. 2012, IV, n° 129).
Au cas d'espèce, la société Tharma, dont la créance trouve son origine dans des prestations effectuées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société IPFC, ne justifie pas de l'avoir déclarée à celle-ci.
Par suite, seront déclarées irrecevables les demandes en paiement et en compensation formées par elle.
Le jugement, qui a accueilli ces demandes, sera infirmé de ces chefs.
Sur les frais du procès
En cause d'appel, la société Tharma, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Axyme, ès-qualités, la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :
- dit que la société Tharma est redevable de la somme de 75 400,19 euros à la société IPF construction au titre du solde du marché ;
- rejette les demandes de la société IPF construction en paiement de dommages et intérêts ;
Le confirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Tharma à payer à la société Axyme, en qualité de liquidateur de la société IPF construction, la somme de 75 400,19 euros, au titre du solde du marché ;
Rejette la demande de la société Axyme, ès-qualités, en paiement de pénalités de retard ;
Déclare irrecevables les demandes en paiement et en compensation formées par la société Tharma ;
Condamne la société Tharma aux dépens d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Tharma et la condamne à payer à la société Axyme, ès-qualités, la somme de 3 000 euros.
La greffière, Le président de chambre,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 02 OCTOBRE 2024
(n° /2024 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08013 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWE3
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 janvier 2022 -tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 22/00109
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. AXYME prise en la personne de Maître [M] [B] , en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société IPF CONSTRUCTION, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0431, substituée à l'audience par Me Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.C.I. THARMA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Maria PINTO BONITO de l'AARPI LE CARRÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0154
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ludovic JARIEL, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre
Mme Emmanuel BOUTIE, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par LUDOVIC JARIEL, président de chambre, et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 17 juin 2016, la SCI Tharma (la société Tharma) a, en tant que maître de l'ouvrage, conclu avec la société P. Pecoraro, entreprise générale, un marché de construction d'un immeuble collectif de deux étages et cinq logements, sur un terrain sis [Adresse 1] à la Courneuve (91), suivant devis d'un montant de 780 656 euros TTC.
Le 23 juillet 2016, le chantier a débuté ; la durée des travaux étant fixée à un an.
Par jugement du 6 juin 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société P. Pecoraro en redressement judiciaire.
Par jugement du 31 juillet 2017, le même tribunal a ordonné la cession des actifs et de l'activité de cette société à la société IPF au prix de 43 000 euros, avec faculté de substitution au bénéfice de la société IPF construction (la société IPFC).
La société Tharma a déploré des difficultés dans le déroulement du chantier. Selon le maître de l'ouvrage, la société IPFC est très peu intervenue, privilégiant de recourir à des sociétés sous-traitantes qui, n'étant pas payées par elle, ont refusé de poursuivre leurs prestations.
Le 5 avril 2018, la société IPFC a, selon la société Tharma, définitivement abandonné le chantier.
Le 27 avril 2018, la société Tharma a réceptionné les travaux avec réserves. Aux termes du procès-verbal de réception, il a été convenu que la société IPFC procède à la levée de ces réserves le 11 mai 2018. Selon le maître de l'ouvrage, la société IPFC ne s'est jamais présentée pour procéder à la levée des réserves.
Le 28 mai 2018, la société IPFC a émis une facture récapitulative d'un montant de 133 737,39 euros.
Le 13 juin 2018, la société IPFC a fait l'objet d'un redressement judiciaire et, le 24 juillet 2018, d'une liquidation judiciaire ; la société Axyme, étant désignée, en la personne de M. [B], en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Tharma s'est, par ailleurs, plainte d'autres désordres, constatés depuis la réception, et indique avoir fait appel à d'autres professionnels pour intervenir sur l'immeuble pour un montant de 40 867 euros TTC.
Elle estime également avoir été privée de la construction du bâtiment annexe en fond de parcelle, pourtant convenue et comprise dans le prix total négocié avec la société P. Pecoraro.
Par acte du 6 août 2018, la société Axyme, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société IPFC, a assigné la société Tharma en paiement du solde de son marché et en indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Condamne la société Tharma à verser la somme de 75 400,19 euros, à la société IPFC au titre du solde du marché ;
Rejette les demandes de la société IPFC en dommages et intérêts ;
Dit que la responsabilité contractuelle de la société IPFC est engagée envers la société Tharma au titre des désordres et du retard ;
Condamne la société IPFC à verser la somme de 75 400,19 euros, à la société Tharma au titre des désordres et du retard ;
Prononce la compensation entre la condamnation de la société IPFC et la société Tharma ; Condamne la société Tharma à verser à la société IPFC la somme de 44 533,19 euros après compensation ;
Dit que l'action de la société Tharma est irrecevable pour le surplus ;
Condamne la société IPFC aux dépens ;
Condamne la société IPFC à verser la somme de 2 000 euros à la société Tharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire.
Par jugement rectificatif du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Dit qu'il y a lieu à rectification d'erreur matérielle du jugement du 14 décembre 2021 concernant l'affaire 18/09650 ;
Dit que la société Tharma est redevable de la somme de 75 400,19 euros, à la société IPFC au titre du solde du marché ;
Dit que la société IPFC est redevable de la somme de 50 867 euros à la société Tharma au titre des désordres et du retard ;
Condamne la société Tharma à verser à la société IPFC la somme de 24 533,19 euros après compensation ;
Condamne la société Tharma aux dépens ;
Condamne la société Tharma à verser la somme de 2 000 euros à la société IPFC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne qu'il soit fait mention de ces rectifications en marge de la minute de l'ordonnance et des expéditions qui en seront délivrées ;
Dit que la décision à intervenir devra être notifiée au même titre que la précédente décision ;
Dit que les frais et dépens seront à la charge du trésor public ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 20 avril 2022, la société Axyme a, ès-qualités, interjeté appel des deux jugements, intimant devant la cour la société Tharma.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, la société Axyme demande à la cour de :
Recevoir la société Axyme, représentée par Me [B], mandataire judiciaire, agissant en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société IPFC, en son appel,
Infirmer les jugements rendus par le tribunal judiciaire de Paris, respectivement les 25 janvier 2022 (RG n° 22/00109) et le 14 décembre 2021 (RG n° 18/09650), en ce qu'ils ont :
- Ecarté le moyen tiré de l'irrecevabilité de la forclusion attachée à l'absence de déclaration de créances de la société Tharma au passif de la liquidation judiciaire de la société IPFC, dans le délai légal et en l'absence de relevé de forclusion, en retenant la connexité des créances,
- Retenu la responsabilité de la société IPFC dans la réalisation du préjudice allégué par la société Tharma,
- Débouté Me [B] es qualité de sa demande de paiement au titre des travaux réalisés à hauteur de 133 737, 39 euros ttc outre intérêts, en les limitant à 75 400,19 euros la somme due par la société Tharma au titre du solde du marché,
- Déclaré la société IPFC "redevable" de la somme de 50 867 euros au titre des désordres et du retard allégués par la société Tharma,
- Rejeté la demande de dommages et intérêts de Me [B] en qualité de mandataire judiciaire de la société IPFC de 150 000 euros,
- Ordonné la compensation entre les créances des parties et condamné la société Tharma après compensation à la somme de 24 533,19 euros,
A titre principal
Constater que la société Tharma n'a pas déclaré sa créance dans le délai de 2 mois, ni requis d'être relevé de forclusion,
La déclarer irrecevable, en présence d'une créance éteinte, à réclamer une compensation entre sa supposée créance et celle de la société IPFC sur le fondement de la connexité puisque les conditions ne sont pas réunies,
Condamner la société Tharma à payer à la société Axyme, mandataire judiciaire de la société IPFC, la somme de 133 737,39 euros TTC au titre du solde des travaux exécutés pour son compte et demeurés impayés, dans le cadre de l'opération de transformation de son immeuble situé [Adresse 1] [Localité 6].
Dire que cette somme sera majorée des intérêts correspond au taux directeur (taux de refinancement ou Refi) semestriel de la banque centrale européenne (BCE), en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet, majoré de 10 points.
- Depuis le 22 avril 2018 sur 30 201 euros TTC,
- Depuis le 15 juin 2018 sur 103 536,39 euros TTC,
Dire que ces sommes portant intérêts seront capitalisées,
A titre subsidiaire,
Condamner la société Tharma à payer à la société Axyme, mandataire judiciaire de la société IPFC, la somme de 103 536,39 euros ttc au titre du solde des travaux,
Dire que cette somme sera majorée des intérêts correspond au taux directeur (taux de refinancement ou Refi) semestriel de la banque centrale européenne (BCE), en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet, majoré de 10 points,
Depuis le 22 avril 2018 sur 30 201 euros TTC,
Depuis le 15 juin 2018 sur 103 536,39 euros TTC,
Dire que ces sommes portant intérêts seront capitalisées,
Sur les autres demandes,
Condamner la société Tharma au paiement d'une indemnité de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Débouter la société Tharma de toutes ses demandes, sa créance étant éteinte en l'absence de déclaration de créances,
Condamner la société Tharma au paiement de la somme de 9 000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, comprenant les frais exposés pour l'exécution de la mesure de saisie conservatoire.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, la société Tharma demande à la cour de :
Débouter la société Axyme, en qualité de mandataire judiciaire de la société IPFC, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Confirmer le jugement rendu le 14 décembre 2020 ainsi que le jugement rectificatif du 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a ;
Jugé les demandes faites par la société Tharma et les demandes de la société IPFC connexes et l'action de la société Tharma recevables ;
Fixé le solde dû au titre du marché de travaux à 75 400,19 euros ;
Condamné la société IPFC à payer la somme de 40 867,00 euros au titre des malfaçons ;
Constaté que le chantier a débuté le 23 juillet 2016 et les travaux réceptionnés avec réserves le 27 avril 2018 au lieu du 23 juillet 2017 ;
Prononcé la compensation entre les condamnations de la société IPFC et la société Tharma ;
Infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2020 ainsi que le jugement rectificatif du 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :
A titre principal :
- Condamner la société IPFC à payer à la société Tharma la somme de 48 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison de l'immeuble et fixer à son passif cette condamnation ;
- Condamner la société IPFC à payer à la société Tharma la somme de 123 953,09 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait des ouvrages non réalisés et fixer à son passif cette condamnation ;
- Constater que ces créances de la société Tharma sont connexes à la créance dont se prévaut la société Axyme, en qualité de mandataire judiciaire de la société IPFC ;
- Ordonner la compensation entre les créances de la société Tharma et la somme de 75 400,19 euros restant à régler sur le devis signé le 17 juin 2016 ;
En tout état de cause :
Condamner la société IPFC représentée par son mandataire la société Axyme à verser à la société Tharma la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 25 juin 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 septembre 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur le solde du marché
Moyens des parties
La société Axyme soutient qu'elle est fondée à recouvrer l'intégralité de sa facture en date du 28 mai 2018 dès lors que la société Tharma ne rapporte pas la preuve d'avoir réglé, comme elle le prétend, la somme de 705 255,81 euros.
En réponse, la société Tharma, qui indique avoir, au 21 mars 2018, réglé, au titre du marché, la somme totale de 705 255,81 euros, fait valoir que, comme l'a exactement jugé le tribunal, le solde restant dû s'élève à la somme de 75 400,19 euros (780 656 -705 255,81).
Réponse de la cour
Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il est établi que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve d'un fait juridique, notamment par un décompte, dont le juge apprécie souverainement la valeur et la portée (2e Civ., 10 février 2005, pourvoi n° 02-20.495, Bull n° 31 ; 3e Civ., 3 mars 2010, pourvoi n° 08-21.056 et 08-21.057 ; 1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 07- 11.064 ; Com., 19 Juin 2012, pourvoi n° 11-17.015 ; 1re Civ., 1er octobre 2014, pourvoi n° 13-24.699 ; 3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-13.942 ; 3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-15.958, Bull n° 51).
Au cas d'espèce, après examen de l'ensemble des pièces comptables produites par les parties, la cour retient que le tableau récapitulatif des versements effectués par la société Tharma, dans lequel est mentionné, au regard de chaque facture d'acompte, le mode de règlement et sa date, est probant du paiement de la somme totale de 705 255,81 euros.
Par suite, le solde du marché restant s'élève à la somme de 75 400,19 euros (780 656 -705 255,81).
Le jugement sera confirmé de ce chef et, y ajoutant, la société Tharma sera condamnée à son paiement.
Sur l'application des pénalités intérêts de retard
Selon l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable en la cause en raison de la date du marché, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire.
Ces dispositions relatives aux pénalités de retard sont issues de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques qui a notamment transposé l'article 3 de la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
Selon l'article 2 de cette directive, on entend par " transaction commerciale " toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération et par " entreprise " toute organisation agissant dans l'exercice d'une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n'est exercée que par une seule personne.
Il est établi qu'il ne suffit pas qu'une personne conclue une transaction se rapportant à une activité économique, telle que la location d'un bien à un tiers, pour relever de la notion d'" entreprise " et pour que cette transaction soit qualifiée de " commerciale ". Encore faut-il que cette personne agisse en tant qu'organisation dans le cadre d'une telle activité ou d'une activité professionnelle indépendante. Cette exigence implique que ladite personne, quels que soient sa forme et son statut juridique en droit national, exerce cette activité de manière structurée et stable, laquelle activité ne saurait donc se limiter à une prestation ponctuelle et isolée, et que la transaction concernée s'inscrive dans le cadre de ladite activité (CJUE, 15 décembre 2016, Drago Nemec contre Republika Slovenija, C-256/15, points 32 et 33).
Au cas d'espèce, la société Axyme ne rapporte pas la preuve ni même n'allègue que le marché en cause s'inscrivait dans le cadre de l'activité professionnelle de la société Tharma qui exerce sous la forme d'une SCI, c'est-à-dire non pas en tant que prestation ponctuelle et isolée mais au titre de l'exercice structuré et stable de son activité.
Par suite, la demande de pénalités de retard, sur laquelle n'a pas statué le premier juge, sera rejetée.
Sur le préjudice de la société IPFC
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.
Sur la recevabilité des demandes en paiement et en compensation de la société Tharma
Moyens des parties
La société Axyme soutient que les demandes en paiement et en compensation de la société Tharma sont irrecevables faute pour elle d'avoir déclaré sa créance à la procédure collective de la société IPFC.
En réponse, la société Tharma fait valoir que c'est exactement que le tribunal a retenu que sa créance et celle de la société IPFC étaient connexes pour concerner des obligations réciproques à savoir l'obligation de payer les travaux, d'une part, l'obligation d'exécuter des travaux exempts de non-façons et de malfaçons, d'autre part.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.
La détermination du caractère antérieur ou postérieur d'une créance née de l'exécution incomplète ou défectueuse de travaux dépend du point de savoir si cette créance trouve son origine dans des prestations effectuées antérieurement ou postérieurement au jugement d'ouverture (Com., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-14.634).
Selon l'article L. 622-24 du même code, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire.
Il est établi que la compensation pour dettes connexes ne peut être prononcée lorsque le créancier n'a pas déclaré sa créance (Com., 3 mai 2011, pourvoi n° 10-16.758, Bull. 2011, IV, n° 66 ; Com., 19 juin 2012, pourvoi n° 10-21.641, Bull. 2012, IV, n° 129).
Au cas d'espèce, la société Tharma, dont la créance trouve son origine dans des prestations effectuées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société IPFC, ne justifie pas de l'avoir déclarée à celle-ci.
Par suite, seront déclarées irrecevables les demandes en paiement et en compensation formées par elle.
Le jugement, qui a accueilli ces demandes, sera infirmé de ces chefs.
Sur les frais du procès
En cause d'appel, la société Tharma, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Axyme, ès-qualités, la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :
- dit que la société Tharma est redevable de la somme de 75 400,19 euros à la société IPF construction au titre du solde du marché ;
- rejette les demandes de la société IPF construction en paiement de dommages et intérêts ;
Le confirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Tharma à payer à la société Axyme, en qualité de liquidateur de la société IPF construction, la somme de 75 400,19 euros, au titre du solde du marché ;
Rejette la demande de la société Axyme, ès-qualités, en paiement de pénalités de retard ;
Déclare irrecevables les demandes en paiement et en compensation formées par la société Tharma ;
Condamne la société Tharma aux dépens d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Tharma et la condamne à payer à la société Axyme, ès-qualités, la somme de 3 000 euros.
La greffière, Le président de chambre,