Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 3 octobre 2024, n° 24/01609
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01609 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIZKP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Décembre 2023 -Président du TJ de Créteil - RG n° 23/01039
APPELANTES
S.A.S. IMMO ONE (nom commercial KW EFFICIENCE), RCS de Nanterre sous le n°840 286 736, représentée par la SAS TEAM FRANCE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.A.S. TEAM FRANCE SAS (nom commercial KELLER WILLIAMS FRANCE), RCS de Nanterre sous le n°821 579 448, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentées par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BRIAND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0262
INTIMÉES
Mme [C] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.A.R.L. HAPPY FEW, inscrite sous le n° SIREN 489 531 590, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P166
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport et Laurent NAJEM, Conseiller, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Le 25 janvier 2018, la société Immo one a conclu avec la société Team France ayant pour nom commercial « Keller Williams France » un contrat de franchise afférent à l'exploitation d'une agence immobilière à [Localité 7] (91) sous l'enseigne Keller Williams France.
La société Immo One était initialement dirigée par M. [D] [E] et Mme [C] [E], son épouse, par l'intermédiaire de la société Vuxzeera et de la société Team Immo One.
Le 26 mars 2020, Mme [C] [E] a conclu avec la société Immo one un mandat d'agent commercial.
Le 1er septembre 2020, Mme [E] a conclu avec la société Immo one une convention de partenariat commercial immobilier aux termes duquel elle est nommée « méga agent » et anime une équipe (dite « méga team ») regroupant les autres agents commerciaux de l'agence. En cette qualité, elle facture aux agents de sa « Team » des prestations d'animation dont le montant est prélevé sur les commissions revenant aux agents commerciaux.
A la suite d'un différend entre le master franchisé, la société Team France et le franchisé, la société Immo One, les parties sont convenues d'une cession à la société Team France des actions détenues par les sociétés Vuxzeera et Team Immo One dans la société Immo One, un protocole d'accord étant conclu le 2 avril 2022, suivi d'un contrat de cession d'actions du 4 mai 2022.
Selon ce protocole du 2 avril 2022, précisément, la société Team France s'est engagée à acquérir l'ensemble des actions détenues par la société Vuxzeera dans la société Immo One tandis que la société Immo One, après rachat des actions par la société team France s'est engagée à régler à Mme [E] le solde de la rémunération qui lui est due en qualité d'agent commercial « capeur » au sein de l'agence Keller Williams à [Localité 7] et Mme [E] s'est engagée à poursuivre ses fonctions d'agent commercial au sein du réseau Keller Williams postérieurement à la cession et ce, pour au moins 5 ans.
Un litige est survenu entre Mme [E] et la société Immo One à la suite duquel cette dernière a suspendu le versement des commissions de Mme [E] à compter de la fin octobre 2022.
Celle-ci, avec la société Happy few, a fait assigner la société Immo One devant le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil par exploit délivré le 13 février 2023, le juge des référés ayant renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce en audience collégiale en application des dispositions de l'article 873-1 du code de procédure civile.
Le 26 mars 2023, la société Immo one a déposé une plainte pénale entre les mains du procureur de la République du tribunal judiciaire de Créteil à l'encontre de Mme [E] pour faux, usage de faux, escroquerie et escroquerie en bande organisée.
Par ordonnance du 18 avril 2023, le président du tribunal judiciaire de Créteil, statuant sur la requête soumise par la société Immo one, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, a autorisé la société Immo one et la société Team France à faire rechercher et prendre copie de tous les messages électroniques échangés entre la société Happy few et ses agents commerciaux, via des mots- clés, et tout fichiers contenant un contrat de partenariat, d'agent commercial ou de prestation de service conclus entre deux au moins des personnes ciblées, Me [L], commissaire de justice, étant désigné pour y procéder.
Par acte du 9 juin 2023, Mme [E] et la société Happy Few ont fait assigner la société Immo one et la société Team France devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de :
prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue le 18 avril 2023,
condamner la société Immo one et la société Team France à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 4 juillet 2023, le tribunal de commerce de Créteil a condamné la société Immo One à payer à la société Happy few les sommes de :
134.654, 96 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 janvier 2023,
3.675, 00 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
Le tribunal a en outre condamné la société Immo one à payer à Mme [E] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a fait l'objet d'un appel, actuellement en cours devant la cour d'appel de Paris.
Par ordonnance contradictoire du 28 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :
rejeté l'exception d'irrecevabilité formée par Mme [E] et la société Happy few ;
rétracté l'ordonnance rendue le 18 avril 2023 par le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;
condamner la société Immo one ayant pour nom commercial KW Efficience et la société Team France ayant pour nom commercial Keller Williams France à payer à Mme [E] et à la société Happy few une somme globale de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté la société Immo one et la société Team France de l'ensemble de leurs demandes ;
condamné la société Immo one et la société Team France aux dépens de l'instance en référé.
Par déclaration du 10 janvier 2024, Les sociétés Immo one et Team France ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 7 mai 2024, les sociétés Team France et Immo one demandent à la cour, au visa des articles 145, 455, 493 et suivants du code de procédure civile, de :
infirmer l'ordonnance de référé rendue le 28 décembre 2023 par la première vice-présidente du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a :
rétracté l'ordonnance rendue le 18 avril 2023 par le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;
condamné la société Immo one ayant pour nom commercial Kw efficience et la société Team France ayant pour nom commercial Keller Williams France à payer à Mme [E] et à la société Happy few une somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté la société Immo one et la société Team France de l'ensemble de leurs demandes ;
condamné la société Immo one et la société Team France aux dépens de l'instance en référé ;
Statuant à nouveau,
confirmer l'ordonnance du 18 avril 2023,
ordonner la levée du séquestre des pièces saisies ou copiées par Maître [L] lors de la mesure de constat des 25 mai, 2 et 7 juin 2023 dans les locaux de la société Happy few,
débouter Mme [E] et la société Happy few de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
condamner Mme [E] et la société Happy few, in solidum, à payer une somme de 4.000 euros à la société Immo one et une somme de 4.000 euros à la société Team France, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [E] et la société Happy few aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et régularisées le 06 juin 2024, Mme [E] et la société Happy few demandent à la cour, au visa des articles 145, 493, 494, 495, 496, 497, 874 et 875 du code de procédure civile, de :
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas fait droit à l'intégralité des demandes de Mme [E] et la société Happy few au titre des frais irrépétibles,
- la confirmer pour le surplus,
En conséquence, statuant de nouveau,
- prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue le 18 avril 2023 par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;
- condamner les sociétés Team France et Immo one à payer à Mme [E] et à la société Happy few :
5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner les sociétés Team France et Immo one aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE,
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L'application de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constatée l'existence d'un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés, sans qu'il revienne au juge statuant en référé ou sur requête de se prononcer sur le fond.
L'article 493 prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel la contradiction est rétablie.
Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Il doit ainsi apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
Mme [E] et la société Happy few soutiennent notamment qu'il existait, au moment du dépôt de la requête, une procédure en cours, de sorte que rien ne justifiait la saisine du juge des requêtes, alors que les appelantes utilisent les mêmes arguments devant le tribunal judicaire, devant le tribunal de commerce et au sein de la plainte déposée, que les mêmes pièces sont produites dans toutes les procédures, que le jugement du 4 juillet 2023 confirme l'identité d'objet des procédures, que le comportement des appelantes qui n'ont produit devant le juge des requêtes aucune des écritures échangées avant le dépôt de la requête confine à l'escroquerie au jugement, qu'il n'existe aucun motif légitime alors que la fraude alléguée n'a aucune base factuelle, ni juridique, et qu'il n'existe aucun dénigrement ni aucune escroquerie.
Les sociétés appelantes exposent notamment pour leur part que l'existence d'une procédure en cours est indifférent, alors que le procès envisagé par les sociétés Immo one et Team France est distinct de celui en cours devant la cour d'appel de Paris, que les mesures d'instruction ont vocation à soutenir deux types d'actions : l'une visant à constater les fautes graves des agents commerciaux de la société Immo one et à les faire condamner en réparation, l'autre consistant à faire constater les faits de dénigrement de Mme [E] à l'encontre du réseau Keller Williams et de ses dirigeants ainsi qu'à la faire condamner à payer 150.000 euros en application de l'article 19 du protocole du 2 avril 2022, alors qu'aucune demande de cet ordre n'ayant été formulée dans la procédure en cours devant la cour. Elles précisent que le tribunal susceptible de connaitre l'instance au fond étant exclusivement le tribunal judiciaire, que le juge de la rétractation est donc exclusivement le président du tribunal judiciaire, que la société Immo one a découvert que Mme [E] organisait depuis plusieurs mois une véritable fraude destinée à contourner à son profit les règles de calculs des commissions, ce au moyen d'une collusion frauduleuse avec les membres de sa « team », que deux types de fraudes ont pu être distinguées : la fraude par usurpation partielle de la fonction d'intervenant, et la fraude par usurpation totale de la fonction d'intervenant. Elles indiquent que M et Mme [E] ont multiplié les attaques orales et écrites à l'encontre de la tête de réseau Keller Williams (société Team France) et du market center (société Immo one), Mme [E] ne manquant pas une occasion de déverser un flot de critiques et d'insultes à l'encontre du réseau, cherchant à le déstabiliser en publiant des informations sur les réseaux sociaux, et qu'il est hautement probable qu'elle se livre à une activité de dénigrement à plus grande échelle dans ses messages privés.
A titre liminaire, s'il est exact que le juge devant connaître d'une procédure sur requête est le président de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur le fond du litige, il n'est pas discuté que le tribunal susceptible de connaître l'action au fond est bien le tribunal judiciaire.
Ensuite, force est de constater qu'au jour de la présentation de la requête dont s'agit, soit le 17 avril 2023, étaient en cours :
- une procédure en référé d'heure à heure, par exploit délivré par la société Happy Few le 13 février 2023, le juge des référés ayant ensuite renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce en audience collégiale en application des dispositions de l'article 873-1 du code de procédure civile,
- une plainte pénale déposée par la société Immo one entre les mains du procureur de la République du tribunal judiciaire de Créteil le 26 mars 2023 à l'encontre de Mme [E],
Il apparaît, ainsi que le premier juge l'a exactement apprécié, que les écritures versées aux débats permettent de déterminer que :
- devant le tribunal de commerce, alors saisi en référé d'heure à heure, les sociétés Immo One et Team France se sont opposées à la demande provisionnelle formée par Mme [E] au titre de ses commissions non perçues en invoquant l'existence d'une fraude et en demandant la condamnation de Mme [E] à leur restituer un trop-perçu au titre de ces commissions, outre des dommages intérêts pour procédure abusive, aucun des membres de l'équipe de Mme [E] n'étant partie à la procédure ni même spécifiquement visés,
- la plainte pénale déposée le 26 mars 2023 à l'encontre de Mme [E] vise les infractions de faux, usage de faux, escroquerie et escroquerie en bande organisée.
Ces deux procédures sont incontestablement distinctes dans leur objet et l'identité des parties, tandis qu'elles ne comportent aucun élément relatif au dénigrement reproché à Mme [E], de sorte que le moyen selon lequel une procédure était en cours au moment du dépôt de la requête est inopérant.
Pour autant, il doit être relevé que la société Immo one et la société Team France invoquent l'existence d'une « suspicion légitime de collusion frauduleuse des agents commerciaux de la Team [E] », estimant selon sa propre expression qu'elle conserve des « doutes quant aux degré d'implication » des protagonistes.
La fraude alléguée consisterait dans l'attribution de commissions indues, ce qui aurait pour effet de majorer le chiffre d'affaires de Mme [E] en lui permettant d'atteindre un seuil au-delà duquel la commission est plus importante. Or, sur ce point Mme [E] avait au moment du dépôt de la requête déjà saisi le juge des référés et produit un tableau de correspondance en excipant de ce que ses commissions avaient été calculées conformément aux dispositions contractuelles.
Il apparaît bien dans ces conditions, en qui concerne les honoraires de Mme [E] et le partage des honoraires entre Mme [E] et les agents de sa « Mega Team », que le litige initial est certes important entre les parties et qu'il porte précisément sur le mode de calcul des commissions de Mme [E] et de son équipe.
Si ce litige existe entre les parties, et a fait l'objet d'un jugement rendu postérieurement au dépôt de la requête, force est de constater que les sociétés Immo one et Team France ont estimé pouvoir invoquer la fraude et disposer pour cela d'éléments suffisants puisqu'ils leur ont permis de déposer plainte et donc de qualifier les infractions qu'elles estimaient constituées au vu de ces éléments. Il doit être relevé d'ailleurs que les pièces qui accompagnent la requête sont identiques à celles qui accompagnent la plainte déposée.
En outre, les appelantes n'expliquent pas précisément les raisons pour lesquelles elles ont estimé devoir présenter une requête destinée à établir « l'emploi de man'uvres frauduleuses » et « d'agissements déloyaux », alors qu'elles invoquent une « suspicion », qui n'est pas accompagnée d'indices sérieux et supplémentaires et est en elle-même insuffisante à établir le motif légitime requis.
Enfin, les sociétés Immo one et team France excipent d'actes de dénigrement imputés à Mme [E] mais exposent elles-même disposer d'éléments repris sur des réseaux sociaux, sans justifier de la nécessité d'accéder à des messages privés pour démontrer ces faits.
Au regard des motifs qui précèdent, les éléments invoqués par les société appelantes ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile , de sorte que les société Immo one et Team France ne sont pas fondées à solliciter une mesure d'instruction afin d'améliorer leur situation probatoire pour le futur procès qu'elles pourraient engager à l'encontre, notamment, de Mme [E] et de son équipe.
Ainsi l'ordonnance rendue sera confirmée de ce chef.
La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile. En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.
En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et, dès lors, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une d'elles.
Au regard de l'issue du litige, chacune des parties conservera la charge de ses dépens exposés tant en première instance qu'en appel, l'ordonnance entreprise étant réformée de ce seul chef.
L'application de l' article 700 du code de procédure civile a été exactement appréciée par le premier juge. La société Immo one et la société Team France seront condamnées in solidum à payer à Mme [E] et à la société Happy few, contraintes d'exposer des frais irrépétibles pour assurer leur défense en appel, la somme globale de 6.000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions relatives aux dépens ;
Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel ;
Condamne in solidum les sociétés Immo one et Team France à payer à Mme [E] et à la société Happy few la somme globale de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01609 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIZKP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Décembre 2023 -Président du TJ de Créteil - RG n° 23/01039
APPELANTES
S.A.S. IMMO ONE (nom commercial KW EFFICIENCE), RCS de Nanterre sous le n°840 286 736, représentée par la SAS TEAM FRANCE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.A.S. TEAM FRANCE SAS (nom commercial KELLER WILLIAMS FRANCE), RCS de Nanterre sous le n°821 579 448, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentées par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BRIAND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0262
INTIMÉES
Mme [C] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.A.R.L. HAPPY FEW, inscrite sous le n° SIREN 489 531 590, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P166
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport et Laurent NAJEM, Conseiller, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Le 25 janvier 2018, la société Immo one a conclu avec la société Team France ayant pour nom commercial « Keller Williams France » un contrat de franchise afférent à l'exploitation d'une agence immobilière à [Localité 7] (91) sous l'enseigne Keller Williams France.
La société Immo One était initialement dirigée par M. [D] [E] et Mme [C] [E], son épouse, par l'intermédiaire de la société Vuxzeera et de la société Team Immo One.
Le 26 mars 2020, Mme [C] [E] a conclu avec la société Immo one un mandat d'agent commercial.
Le 1er septembre 2020, Mme [E] a conclu avec la société Immo one une convention de partenariat commercial immobilier aux termes duquel elle est nommée « méga agent » et anime une équipe (dite « méga team ») regroupant les autres agents commerciaux de l'agence. En cette qualité, elle facture aux agents de sa « Team » des prestations d'animation dont le montant est prélevé sur les commissions revenant aux agents commerciaux.
A la suite d'un différend entre le master franchisé, la société Team France et le franchisé, la société Immo One, les parties sont convenues d'une cession à la société Team France des actions détenues par les sociétés Vuxzeera et Team Immo One dans la société Immo One, un protocole d'accord étant conclu le 2 avril 2022, suivi d'un contrat de cession d'actions du 4 mai 2022.
Selon ce protocole du 2 avril 2022, précisément, la société Team France s'est engagée à acquérir l'ensemble des actions détenues par la société Vuxzeera dans la société Immo One tandis que la société Immo One, après rachat des actions par la société team France s'est engagée à régler à Mme [E] le solde de la rémunération qui lui est due en qualité d'agent commercial « capeur » au sein de l'agence Keller Williams à [Localité 7] et Mme [E] s'est engagée à poursuivre ses fonctions d'agent commercial au sein du réseau Keller Williams postérieurement à la cession et ce, pour au moins 5 ans.
Un litige est survenu entre Mme [E] et la société Immo One à la suite duquel cette dernière a suspendu le versement des commissions de Mme [E] à compter de la fin octobre 2022.
Celle-ci, avec la société Happy few, a fait assigner la société Immo One devant le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil par exploit délivré le 13 février 2023, le juge des référés ayant renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce en audience collégiale en application des dispositions de l'article 873-1 du code de procédure civile.
Le 26 mars 2023, la société Immo one a déposé une plainte pénale entre les mains du procureur de la République du tribunal judiciaire de Créteil à l'encontre de Mme [E] pour faux, usage de faux, escroquerie et escroquerie en bande organisée.
Par ordonnance du 18 avril 2023, le président du tribunal judiciaire de Créteil, statuant sur la requête soumise par la société Immo one, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, a autorisé la société Immo one et la société Team France à faire rechercher et prendre copie de tous les messages électroniques échangés entre la société Happy few et ses agents commerciaux, via des mots- clés, et tout fichiers contenant un contrat de partenariat, d'agent commercial ou de prestation de service conclus entre deux au moins des personnes ciblées, Me [L], commissaire de justice, étant désigné pour y procéder.
Par acte du 9 juin 2023, Mme [E] et la société Happy Few ont fait assigner la société Immo one et la société Team France devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de :
prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue le 18 avril 2023,
condamner la société Immo one et la société Team France à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 4 juillet 2023, le tribunal de commerce de Créteil a condamné la société Immo One à payer à la société Happy few les sommes de :
134.654, 96 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 janvier 2023,
3.675, 00 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
Le tribunal a en outre condamné la société Immo one à payer à Mme [E] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a fait l'objet d'un appel, actuellement en cours devant la cour d'appel de Paris.
Par ordonnance contradictoire du 28 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :
rejeté l'exception d'irrecevabilité formée par Mme [E] et la société Happy few ;
rétracté l'ordonnance rendue le 18 avril 2023 par le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;
condamner la société Immo one ayant pour nom commercial KW Efficience et la société Team France ayant pour nom commercial Keller Williams France à payer à Mme [E] et à la société Happy few une somme globale de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté la société Immo one et la société Team France de l'ensemble de leurs demandes ;
condamné la société Immo one et la société Team France aux dépens de l'instance en référé.
Par déclaration du 10 janvier 2024, Les sociétés Immo one et Team France ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 7 mai 2024, les sociétés Team France et Immo one demandent à la cour, au visa des articles 145, 455, 493 et suivants du code de procédure civile, de :
infirmer l'ordonnance de référé rendue le 28 décembre 2023 par la première vice-présidente du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a :
rétracté l'ordonnance rendue le 18 avril 2023 par le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;
condamné la société Immo one ayant pour nom commercial Kw efficience et la société Team France ayant pour nom commercial Keller Williams France à payer à Mme [E] et à la société Happy few une somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté la société Immo one et la société Team France de l'ensemble de leurs demandes ;
condamné la société Immo one et la société Team France aux dépens de l'instance en référé ;
Statuant à nouveau,
confirmer l'ordonnance du 18 avril 2023,
ordonner la levée du séquestre des pièces saisies ou copiées par Maître [L] lors de la mesure de constat des 25 mai, 2 et 7 juin 2023 dans les locaux de la société Happy few,
débouter Mme [E] et la société Happy few de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
condamner Mme [E] et la société Happy few, in solidum, à payer une somme de 4.000 euros à la société Immo one et une somme de 4.000 euros à la société Team France, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [E] et la société Happy few aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et régularisées le 06 juin 2024, Mme [E] et la société Happy few demandent à la cour, au visa des articles 145, 493, 494, 495, 496, 497, 874 et 875 du code de procédure civile, de :
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas fait droit à l'intégralité des demandes de Mme [E] et la société Happy few au titre des frais irrépétibles,
- la confirmer pour le surplus,
En conséquence, statuant de nouveau,
- prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue le 18 avril 2023 par le président du tribunal judiciaire de Créteil ;
- condamner les sociétés Team France et Immo one à payer à Mme [E] et à la société Happy few :
5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner les sociétés Team France et Immo one aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE,
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L'application de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constatée l'existence d'un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés, sans qu'il revienne au juge statuant en référé ou sur requête de se prononcer sur le fond.
L'article 493 prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel la contradiction est rétablie.
Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Il doit ainsi apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
Mme [E] et la société Happy few soutiennent notamment qu'il existait, au moment du dépôt de la requête, une procédure en cours, de sorte que rien ne justifiait la saisine du juge des requêtes, alors que les appelantes utilisent les mêmes arguments devant le tribunal judicaire, devant le tribunal de commerce et au sein de la plainte déposée, que les mêmes pièces sont produites dans toutes les procédures, que le jugement du 4 juillet 2023 confirme l'identité d'objet des procédures, que le comportement des appelantes qui n'ont produit devant le juge des requêtes aucune des écritures échangées avant le dépôt de la requête confine à l'escroquerie au jugement, qu'il n'existe aucun motif légitime alors que la fraude alléguée n'a aucune base factuelle, ni juridique, et qu'il n'existe aucun dénigrement ni aucune escroquerie.
Les sociétés appelantes exposent notamment pour leur part que l'existence d'une procédure en cours est indifférent, alors que le procès envisagé par les sociétés Immo one et Team France est distinct de celui en cours devant la cour d'appel de Paris, que les mesures d'instruction ont vocation à soutenir deux types d'actions : l'une visant à constater les fautes graves des agents commerciaux de la société Immo one et à les faire condamner en réparation, l'autre consistant à faire constater les faits de dénigrement de Mme [E] à l'encontre du réseau Keller Williams et de ses dirigeants ainsi qu'à la faire condamner à payer 150.000 euros en application de l'article 19 du protocole du 2 avril 2022, alors qu'aucune demande de cet ordre n'ayant été formulée dans la procédure en cours devant la cour. Elles précisent que le tribunal susceptible de connaitre l'instance au fond étant exclusivement le tribunal judiciaire, que le juge de la rétractation est donc exclusivement le président du tribunal judiciaire, que la société Immo one a découvert que Mme [E] organisait depuis plusieurs mois une véritable fraude destinée à contourner à son profit les règles de calculs des commissions, ce au moyen d'une collusion frauduleuse avec les membres de sa « team », que deux types de fraudes ont pu être distinguées : la fraude par usurpation partielle de la fonction d'intervenant, et la fraude par usurpation totale de la fonction d'intervenant. Elles indiquent que M et Mme [E] ont multiplié les attaques orales et écrites à l'encontre de la tête de réseau Keller Williams (société Team France) et du market center (société Immo one), Mme [E] ne manquant pas une occasion de déverser un flot de critiques et d'insultes à l'encontre du réseau, cherchant à le déstabiliser en publiant des informations sur les réseaux sociaux, et qu'il est hautement probable qu'elle se livre à une activité de dénigrement à plus grande échelle dans ses messages privés.
A titre liminaire, s'il est exact que le juge devant connaître d'une procédure sur requête est le président de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur le fond du litige, il n'est pas discuté que le tribunal susceptible de connaître l'action au fond est bien le tribunal judiciaire.
Ensuite, force est de constater qu'au jour de la présentation de la requête dont s'agit, soit le 17 avril 2023, étaient en cours :
- une procédure en référé d'heure à heure, par exploit délivré par la société Happy Few le 13 février 2023, le juge des référés ayant ensuite renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce en audience collégiale en application des dispositions de l'article 873-1 du code de procédure civile,
- une plainte pénale déposée par la société Immo one entre les mains du procureur de la République du tribunal judiciaire de Créteil le 26 mars 2023 à l'encontre de Mme [E],
Il apparaît, ainsi que le premier juge l'a exactement apprécié, que les écritures versées aux débats permettent de déterminer que :
- devant le tribunal de commerce, alors saisi en référé d'heure à heure, les sociétés Immo One et Team France se sont opposées à la demande provisionnelle formée par Mme [E] au titre de ses commissions non perçues en invoquant l'existence d'une fraude et en demandant la condamnation de Mme [E] à leur restituer un trop-perçu au titre de ces commissions, outre des dommages intérêts pour procédure abusive, aucun des membres de l'équipe de Mme [E] n'étant partie à la procédure ni même spécifiquement visés,
- la plainte pénale déposée le 26 mars 2023 à l'encontre de Mme [E] vise les infractions de faux, usage de faux, escroquerie et escroquerie en bande organisée.
Ces deux procédures sont incontestablement distinctes dans leur objet et l'identité des parties, tandis qu'elles ne comportent aucun élément relatif au dénigrement reproché à Mme [E], de sorte que le moyen selon lequel une procédure était en cours au moment du dépôt de la requête est inopérant.
Pour autant, il doit être relevé que la société Immo one et la société Team France invoquent l'existence d'une « suspicion légitime de collusion frauduleuse des agents commerciaux de la Team [E] », estimant selon sa propre expression qu'elle conserve des « doutes quant aux degré d'implication » des protagonistes.
La fraude alléguée consisterait dans l'attribution de commissions indues, ce qui aurait pour effet de majorer le chiffre d'affaires de Mme [E] en lui permettant d'atteindre un seuil au-delà duquel la commission est plus importante. Or, sur ce point Mme [E] avait au moment du dépôt de la requête déjà saisi le juge des référés et produit un tableau de correspondance en excipant de ce que ses commissions avaient été calculées conformément aux dispositions contractuelles.
Il apparaît bien dans ces conditions, en qui concerne les honoraires de Mme [E] et le partage des honoraires entre Mme [E] et les agents de sa « Mega Team », que le litige initial est certes important entre les parties et qu'il porte précisément sur le mode de calcul des commissions de Mme [E] et de son équipe.
Si ce litige existe entre les parties, et a fait l'objet d'un jugement rendu postérieurement au dépôt de la requête, force est de constater que les sociétés Immo one et Team France ont estimé pouvoir invoquer la fraude et disposer pour cela d'éléments suffisants puisqu'ils leur ont permis de déposer plainte et donc de qualifier les infractions qu'elles estimaient constituées au vu de ces éléments. Il doit être relevé d'ailleurs que les pièces qui accompagnent la requête sont identiques à celles qui accompagnent la plainte déposée.
En outre, les appelantes n'expliquent pas précisément les raisons pour lesquelles elles ont estimé devoir présenter une requête destinée à établir « l'emploi de man'uvres frauduleuses » et « d'agissements déloyaux », alors qu'elles invoquent une « suspicion », qui n'est pas accompagnée d'indices sérieux et supplémentaires et est en elle-même insuffisante à établir le motif légitime requis.
Enfin, les sociétés Immo one et team France excipent d'actes de dénigrement imputés à Mme [E] mais exposent elles-même disposer d'éléments repris sur des réseaux sociaux, sans justifier de la nécessité d'accéder à des messages privés pour démontrer ces faits.
Au regard des motifs qui précèdent, les éléments invoqués par les société appelantes ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile , de sorte que les société Immo one et Team France ne sont pas fondées à solliciter une mesure d'instruction afin d'améliorer leur situation probatoire pour le futur procès qu'elles pourraient engager à l'encontre, notamment, de Mme [E] et de son équipe.
Ainsi l'ordonnance rendue sera confirmée de ce chef.
La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile. En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.
En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et, dès lors, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une d'elles.
Au regard de l'issue du litige, chacune des parties conservera la charge de ses dépens exposés tant en première instance qu'en appel, l'ordonnance entreprise étant réformée de ce seul chef.
L'application de l' article 700 du code de procédure civile a été exactement appréciée par le premier juge. La société Immo one et la société Team France seront condamnées in solidum à payer à Mme [E] et à la société Happy few, contraintes d'exposer des frais irrépétibles pour assurer leur défense en appel, la somme globale de 6.000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions relatives aux dépens ;
Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel ;
Condamne in solidum les sociétés Immo one et Team France à payer à Mme [E] et à la société Happy few la somme globale de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE