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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 1 octobre 2024, n° 20/01362

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ker Gwenan (SCI)

Défendeur :

Banque Populaire Grand Ouest (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Muller

Vice-président :

Mme Elyahyioui

Conseiller :

Mme Gandais

Avocats :

Me Meschin, Me Bernier, Me Boisnard, Me Tessier, Me Emeriau

TJ Angers, du 1 sept. 2020, n° 19/00966

1 septembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes de deux actes authentiques reçus les 9 mai 1973 et 27 décembre 1979, Mme [O] [H] veuve [V] et sa fille, Mme [X] [V] veuve [Z], ont reçu de leur conjoint et père, M. [A] [V], des parcelles bâties et non-bâties cadastrées section A n° [Cadastre 20], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23] et [Cadastre 12] situées au [Adresse 32] à [Localité 30] (49).

Suivant compromis de vente en date du 22 mars 2016, établi par la SARL Maximale exerçant sous l'enseigne Agence [P] [I], Mmes [V] et [Z] ont cédé à M. [L] [G] et à Mme [E] [J] les parcelles bâties et non bâties cadastrées section A n°[Cadastre 4] (issue de la division cadastrale de la parcelle A [Cadastre 20]), [Cadastre 8] (issue de la division cadastrale de la parcelle A [Cadastre 21]), [Cadastre 11] (issue de la division cadastrale de la parcelle A [Cadastre 22]), [Cadastre 13] (issue de la division cadastrale de la parcelle A [Cadastre 23]), moyennant le prix de 90.000 euros. La réitération de la vente par acte authentique devait intervenir au plus tard le 23 juin 2016.

Suivant avenant à ce compromis de vente, conclu à une date non mentionnée à l'acte, les parties ont repoussé la date de signature définitive de l'acte authentique au 30 octobre 2016 et ont ajouté dans la désignation du bien vendu la parcelle A [Cadastre 14] (issue de la division cadastrale de la parcelle A [Cadastre 12] provenant elle-même de la division cadastrale de la parcelle A [Cadastre 23]).

La [...], substituée à M. [G] et à Mme [J], a obtenu de la Banque populaire Atlantique (devenue la Banque populaire Grand Ouest) le financement de cette opération.

Suivant acte reçu le 29 décembre 2016 par Me [B] [M], notaire associé de la SCP [N] [M] Courtois, la vente a été régularisée en la forme authentique entre Mmes [V] et [Z] d'une part et la [...] d'autre part, conformément aux charges et conditions arrêtées au compromis.

Le 12 mai 2017, la [...] a déposé une demande de permis de construire pour la 'construction d'une maison d'habitation en bois'.

Suivant arrêté rendu le 9 septembre 2017, le maire de la commune de [Localité 30] a refusé le permis de construire.

Suivant actes d'huissier délivrés les 29 mars 2019 et 16 avril 2019, la [...] a fait assigner les venderesses, la SCP [N] [M] Courtois,

Me [M], la SARL Maximale et la Banque populaire Atlantique devant le tribunal de grande instance d'Angers aux fins d'obtenir l'annulation de la vente, la condamnation in solidum des venderesses, des notaires et de l'agence immobilière à l'indemniser de ses préjudices ainsi que le prononcé de la résolution du contrat de prêt immobilier.

Par jugement du 1er septembre 2020, le tribunal judiciaire d'Angers a :

- déclaré recevables les demandes de la [...] ;

- débouté la [...] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la [...] à payer, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

* à Mme [H] veuve [V] et Mme [V] veuve [Z] la somme de 3.000 euros HT ;

* à Me [M], la SCP [N] [M] Courtois et la SARL Maximale la somme de 3.000 euros HT ;

* à la Banque populaire Grand Ouest la somme de 2.000 euros HT ;

- condamné la [...] aux dépens ;

- dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la condamnation aux frais irrépétibles.

Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 12 octobre 2020, la [...] a relevé appel du jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant déclaré recevable ses demandes ; intimant les venderesses, les notaires, l'agence immobilière et la banque.

Le 28 janvier 2021, Mme [O] [V], intimée aux côtés de

Mme [Z], sa fille, est décédée de sorte que cette dernière, alors nue-propriétaire des parcelles litigieuses, en est devenue pleine propriétaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 avril 2004 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 14 mai 2024, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé par le greffe aux parties le 22 février 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 30 août 2021, la [...] demande à la cour, au visa des articles 1604 et suivants, 1231 et suivants et 1240 du code civil ainsi que des articles L313-40 et suivants du code de la consommation, de :

- la dire et juger tant recevable que bien fondée en ses demandes ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Angers le 1er septembre 2020 en ce qu'il a :

* débouté la [...] de l'ensemble de ses demandes ;

* condamné la [...] à payer au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- à Mme [O] [H] veuve [V] et Mme [X] [V] veuve [Z] la somme de 3.000 euros HT ;

- à Me [M], la SCP [N] [M] Courtois, et la SARL Maximale la somme de 3.000 euros HT ;

- à la Banque populaire Grand Ouest la somme de 2.000 euros HT;

* condamné la [...] aux dépens ;

en conséquence,

- prononcer l'annulation de la vente des deux dépendances à réhabiliter cadastrées section A n°[Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] au [Adresse 32] à [Localité 30] régularisée par acte authentique du 29 décembre 2016 ;

- condamner solidairement les consorts [V] à lui restituer le prix de vente, soit la somme de 90.000 euros augmentée du coût de l'emprunt soit une somme totale de 105.800 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 12 décembre 2016 de celle de 1.907,80 euros au titre des frais inhérents au contrat, ainsi que celle de 12.152,65 euros correspondant à celle de 6.000 euros au titre des frais de négociation réglés à l'agence immobilière, celle de 836,65 euros réglée au titre des frais d'acte, celle de 5.226 euros réglée au titre des droits de mutation et celle de 90 euros réglée au titre de la contribution de sécurité immobilière ;

- condamner in solidum la SCP [N] [M] Courtois, Me [M] et la SARL Maximale à garantir le paiement de ces sommes à la mesure de l'insolvabilité des consorts [V] ;

- constater la résolution de plein droit du contrat de prêt souscrit auprès de la Banque populaire Atlantique désormais dénommée Banque populaire Grand Ouest ;

- condamner in solidum la SCP [N] [M] Courtois, Me [M] et la SARL Maximale à lui payer la somme de 29.825,22 euros en réparation de ses préjudices ;

- subsidiairement, condamner in solidum la SCP [N] [M] Courtois,

Me [M] et la SARL Maximale à lui payer la somme de 109.825,22 euros en réparation de ses préjudices (sic);

- condamner in solidum la SCP [N] [M] Courtois, Me [M] et la SARL Maximale et les consorts [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui payer la somme de 6.000 euros ;

- condamner in solidum la SCP [N] [M] Courtois, Me [M] et la SARL Maximale et les consorts [V] aux entiers dépens qui comprendront, outre les frais de la présente instance, ceux de toutes mesures conservatoires éventuellement régularisées au jour de la décision à intervenir ; lesquels frais seront recouvrés par la SELARL DMT, avocat au barreau d'Angers.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 18 août 2023,

Mme [Z] demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable ;

- confirmer la décision entreprise ;

Y ajoutant,

- condamner la [...] à lui verser une somme de 6.000 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la [...] aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 26 mars 2021,

Me [M], la SCP [N] [M] Courtois et la SARL Maximale demandent à la cour, au visa des articles 1604 et suivants, 1231 et suivants et 1240 du code civil ainsi que L313-40 et suivants du code de la consommation, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner la SCI à payer à Me [M], à la SCP [N] [M] Courtois et à la SARL Maximale exerçant sous l'enseigne [P] [I], une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au stade de l'appel ;

- condamner la SCI aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexcap (Me Thierry Boisnard) conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 2 février 2021, la Banque populaire Grand Ouest demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- à titre subsidiaire :

- statuer ce que de droit sur les demandes formées par la [...] et tendant à l'annulation de la vente intervenue le 29 décembre 2016 par acte de Me [M] ;

- dans l'hypothèse où la cour estimerait devoir faire droit à cette demande d'annulation de la vente entraînant résolution du contrat de prêt, condamner la [...] à lui payer les sommes suivantes :

* 105.800 euros au titre du montant principal du prêt n°08694325, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2016 ;

* 1.907,80 euros au titre des frais inhérents au contrat ;

- en tout état de cause :

- lui allouer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mettre à la charge de tout succombant les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la cour observe que l'appelante sollicite à titre principal et subsidiaire 'l'annulation' de la vente du bien qu'elle a acquis, se prévalant respectivement d'un défaut de délivrance conforme et d'une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue. Il convient de restituer l'exacte qualification à la demande principale qui ne peut conduire qu'au prononcé de la résolution du contrat de vente, le défaut de délivrance conforme constituant pour le vendeur l'inexécution de son obligation principale et n'affectant donc pas les conditions de formation dudit contrat.

I- sur la demande de résolution de la vente

Le tribunal a constaté d'une part que les biens vendus consistaient selon le compromis de vente en 'deux dépendances à réhabiliter', d'autre part que le certificat d'urbanisme opérationnel délivré le 8 janvier 2016 précisait que le terrain objet de la demande pouvait être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée, c'est-à-dire le détachement parcellaire et la réhabilitation d'une habitation et d'un ancien corps de ferme en habitation, ceci sous condition de respecter les articles 1 à 14 du règlement de la zone Nb du PLU, la réhabilitation devant être réalisée dans le respect de l'architecture originelle conformément aux dispositions de l'article N 2.2.3 du règlement du PLU. Dès lors le premier juge, observant que le certificat d'urbanisme dont les termes sont clairs et compréhensibles par un profane, était joint au compromis de vente, a retenu que la possibilité d'intervenir sur les bâtiments se limitait à leur seule réhabilitation, ce qui ne signifiait en aucun cas que le terrain permettait en son ensemble de recevoir des constructions neuves. Le tribunal a encore souligné que l'acte de réitération de la vente comportait la même désignation des biens vendus outre la déclaration de l'acquéreur selon laquelle il ne faisait pas de l'obtention préalable d'un permis de construire une condition de l'acte. Par ailleurs, il a été noté que l'acte de vente précise que l'immeuble se trouve en zone N du PLU, ce qui n'autorise que 'les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière', certains équipements collectifs et 'sous certaines conditions et dans certains secteurs, les constructions d'annexes aux logements existants'. Le tribunal en a déduit que ni le compromis de vente, ni l'acte authentique de vente, ni aucun échange contractuel entre les parties antérieur à la régularisation de ces actes n'indiquent que celles-ci ont entendu définir la destination de l'immeuble comme étant un projet de construction d'une maison alors que l'impossibilité de bâtir résultait des termes du certificat d'urbanisme et de l'exposé des conditions restrictives de construction de la zone N du PLU rappelées par l'acte authentique. En tout état de cause, le juge a relevé que l'acte de vente ne définissait pas les parcelles vendues comme des parcelles à bâtir ou même pouvant laisser accroire que le terrain devait être constructible dans l'esprit de l'acquéreur, ce dernier n'ayant pas fait apparaître dans l'acte de condition relative à la possibilité de bâtir. Le tribunal a considéré que l'opération envisagée par l'acquéreur et pour laquelle a été sollicité un permis de construire ne peut s'analyser comme une opération de réhabilitation, soulignant que la possibilité de bâtir une nouvelle construction sur les parcelles vendues n'est pas entrée dans le champ contractuel. Dans ces conditions, le tribunal a estimé que le bien vendu est conforme aux spécifications de l'acte de vente, que le défaut de délivrance conforme reproché au vendeur n'est pas établi, déboutant ainsi l'acquéreur 'de sa demande de nullité de la vente du 29 décembre 2016 sur le fondement du défaut de conformité'.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante fait valoir que la demande de certificat d'urbanisme a été sollicitée par les venderesses avant la division des parcelles de sorte que ledit certificat s'est prononcé à la fois pour les bâtiments acquis par elle mais également pour l'habitation présente sur la parcelle [Cadastre 7] (issue de la division cadastrale de la parcelle A [Cadastre 20]) qui a été vendue séparément à un tiers. Elle déclare que la vente à son bénéfice portait uniquement sur 'l'ancien corps de ferme' composé de deux dépendances qui, à usage agricole, ne constituaient pas une habitation mais avaient vocation à être transformées en ce sens, conformément à la teneur du compromis de vente et de l'acte authentique de vente. L'appelante affirme que ce changement de destination avait d'ailleurs justifié l'ajout, dans l'objet de la vente, de la parcelle A [Cadastre 14] (issue de la division de la parcelle A [Cadastre 23]) pour la création d'un système d'assainissement autonome mais également la création de servitudes dans l'acte authentique destinées au 'passage de gaines de fluides et canalisations eau potable et droit d'accès pour leur entretien' ainsi que la remise par les vendeurs lors de la signature du compromis de vente de l'avis favorable d'[Localité 29] Loire Métropole du 9 décembre 2015 pour le raccordement des futurs logements sur les branchements eau potable existants. Elle estime que le tribunal s'est mépris sur la teneur du certificat d'urbanisme, considérant à tort que celui-ci 'limitait la possibilité d'intervenir sur les bâtiments à leur seule réhabilitation' alors qu'au jour de la vente, les deux dépendances ne pouvaient en réalité faire l'objet d'aucune réhabilitation et changement de destination d'agricole en habitation et ce quelque soit le projet envisagé. Elle affirme que c'est le principe même du changement de destination qui ne pouvait aboutir puisque l'ancien corps de ferme ne constituait pas 'un patrimoine architectural de qualité' au sens du plan local d'urbanisme. L'appelante soutient qu'elle n'a nullement contribué à créer son propre préjudice en déposant une demande de permis de construire qui n'était pas en adéquation avec l'autorisation obtenue puisqu'en tout état de cause le bien vendu était destiné à être réhabilité en habitation alors que ce changement de destination était impossible. Elle ajoute que la circonstance que l'octroi du permis de construire ne figurait pas parmi les conditions suspensives ne saurait lui ôter la possibilité de solliciter l'annulation de la vente dès lors que ce n'est pas en raison du projet déposé que le permis de construire lui a été refusé mais sur le principe même de la réhabilitation de cette construction.

Aux termes de ses dernières écritures, la venderesse expose qu'à l'occasion de l'opération de vente, les acquéreurs ont déclaré souhaiter réhabiliter les bâtiments en cause de sorte qu'elle a formulé avec sa co-venderesse une demande de certificat d'urbanisme opérationnel le 26 octobre 2015 afin de s'assurer de la faisabilité du projet des acquéreurs, à savoir la possibilité d'utiliser l'immeuble pour une division parcellaire avec une réhabilitation d'une habitation et d'un ancien corps de ferme en habitation. Elle souligne que si le certificat d'urbanisme a été délivré avant la division parcellaire, il n'en demeure pas moins que la demande mentionnait le projet de division qui n'a pas été dissimulé à l'administration, laquelle a rendu le certificat d'urbanisme en connaissance de cause. L'intimée affirme que la demande correspondait au projet indiqué par les acquéreurs de sorte que la SCI appelante ne peut prétendre que 'le certificat d'urbanisme ne s'est pas prononcé uniquement pour les bâtiments acquis par la [...] mais sur l'ensemble des bâtiments présents sur cette parcelle et notamment sur l'habitation qui sera vendue séparément par les vendeurs'. L'intimée réaffirme qu'il a été clairement demandé à l'administration de statuer sur une problématique de 'changement de destination', que le maire de la commune a d'ailleurs opposé un premier refus, le 19 août 2015, en raison de l'absence de raccordement au réseau d'eau potable et qu'il a, le 8 janvier 2016, délivré un certificat d'urbanisme opérationnel positif indiquant que 'le terrain objet de la demande peut être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée, sous réserve du respect des prescriptions suivantes (...) La réhabilitation de l'ancien corps de ferme devra être réalisée dans le respect de l'architecture originelle conformément aux dispositions de l'article N 2.2-3 du règlement du PLU (...)'. L'intimée souligne que l'appelante a été rendue destinataire de ce certificat d'urbanisme opérationnel dès la signature du compromis de vente et que son contenu lui a été rappelé dans l'acte authentique de vente avec la précision que l'acquéreur a déclaré 'qu'il n'a jamais fait de l'obtention préalable d'un permis de construire une condition des présentes'. La venderesse estime en conséquence que l'appelante qui a déclaré dans l'acte de vente ne pas faire de la délivrance d'un permis de construire une condition de son consentement à la vente n'est pas admissible, en cas de refus du permis de construire, à solliciter l'annulation de la vente. Elle soutient qu'au jour de l'acte authentique de vente, le bien immobilier délivré correspondait en tous point aux stipulations de la vente, les termes du certificat d'urbanisme opérationnel n'étant pas discutés. L'intimée constate que c'est en réalité en raison de faits postérieurs à la vente que le projet soumis par la SCI appelante à l'administration a été jugé irréalisable. À cet égard, elle relève que la demande de permis de construire concerne non plus la réhabilitation des bâtiments acquis mais la 'construction d'une maison d'habitation en bois et modifications de dépendances existantes' de sorte qu'il ne s'agissait plus du projet initialement invoqué à l'occasion de la vente et pour lequel le certificat d'urbanisme opérationnel a été sollicité et obtenu. Elle relève que contrairement aux allégations de l'appelante, la décision de refus du permis de construire ne vise aucunement les dispositions du plan local d'urbanisme afférentes au changement de destination des constructions existantes mais repose sur le fait qu'il s'agit d'une construction nouvelle alors que ne sont autorisées que l'adaptation, la réfection et l'extension mesurée de l'existant. Enfin, elle considère que la commune, en délivrant un certificat d'urbanisme positif le 8 janvier 2016, a manifestement considéré que les bâtiments concernés figuraient parmi un patrimoine architectural de qualité et que leur réhabilitation supposait le respect de leur architecture originelle. Elle ajoute que si la commune s'est finalement rétractée de la position tenue dans le certificat d'urbanisme, il appartenait à l'appelante de contester le refus de permis de construire dans les délais et voies de recours, observant que le dédit de la collectivité ne saurait lui être reproché.

Sur ce, la cour

En vertu des articles 1603 et 1604 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux stipulations contractuelles. Si tel n'est pas le cas, l'acquéreur est en droit de solliciter, soit la résolution de la vente, soit l'allocation de dommages et intérêts, sous réserve de justifier d'un préjudice.

En matière de vente immobilière, le vendeur est tenu de livrer le bien promis tel qu'il a été identifié au contrat avec ses caractéristiques propres et l'acquéreur doit pouvoir obtenir la jouissance normale du bien acheté à laquelle il peut légitimement attendre.

Aux termes du compromis de vente conclu le 22 mars 2016 et modifié suivant avenant non daté, les venderesses se sont engagées à livrer un bien immobilier désigné comme suit:

'Sur la commune de [Localité 30] (Maine et Loire) [Adresse 32],

Deux dépendances à réhabiliter

Cadastrées sous les références suivantes :

Section A numéro [Cadastre 4] contenance 0a 04ca

Section A numéro [Cadastre 8] contenance 7a 79ca

Section A numéro [Cadastre 11] contenance 0a 23ca

Section A numéro [Cadastre 13] contenance 0a 46ca

Section A numéro [Cadastre 14] contenance 3a 77ca

Contenance totale : 12a 29ca (1.229 m²)

Plan de division, de bornage, d'alignement annexé.'

Au titre des conditions particulières, il est stipulé que :

'- L'acquéreur est informé de l'absence d'assainissement autonome sur le bien vendu et prendra en charge la totalité des frais engagés pour sa réalisation.

- L'acquéreur est informé que le bien vendu n'est plus raccordé aux services d'eau potable et prendra partiellement en charge les travaux de raccordement ainsi que l'installation d'un nouveau compteur individuel (voir plan).

- L'acquéreur est informé que le bien vendu n'est pas raccordé au réseau électrique et déclare en faire son affaire personnelle.

- Création d'une servitude de canalisation sur le terrain appartenant aux vendeurs.

- L'acquéreur aura à charge l'entretien de ses canalisations.

- Certificat d'urbanisme délivré le 8 janvier 2016 et annexé aux présentes.'

Aux termes de l'acte authentique de vente reçu le 29 décembre 2016, le bien cédé est identifié dans les mêmes termes que ceux précités du compromis. L'acte stipule également en son paragraphe dédié aux dispositions relatives à l'urbanisme (p.14), 'Enonciation des documents obtenus - Certificat d'urbanisme opérationnel - Un certificat d'urbanisme demandé au titre de l'article L 410-1 b) du code de l'urbanisme été délivré le 8 janvier 2016 par Monsieur le maire de la commune de [Localité 30] (...) Le contenu de ce certificat dont le détail a été intégralement porté à la connaissance des parties est le suivant : Les dispositions d'urbanisme (...) La mention que le terrain peut être utilisé pour l'opération mentionnée dans la demande ou si le terrain ne peut pas être utilisé pour l'opération envisagée, les raisons qui justifient cette impossibilité. Les avis et accords nécessaires. Il est précisé que : la durée de validité de ce certificat est de dix-huit mois. Par suite, les dispositions, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat, à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, ont vocation à s'appliquer à tout permis obtenu à l'intérieur de cette durée de dix-huit mois (...) L'ACQUEREUR : - s'oblige à faire son affaire personnelle de l'exécution des charges et prescriptions et du respect des servitudes publiques et autres limitations administratives au droit de propriété mentionné dans ce document au caractère purement informatif ; - reconnaît que le notaire lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets de ces charges et prescriptions ; - déclare qu'il n'a jamais fait de l'obtention préalable d'un permis de construire une condition des présentes. ZONE N - REGLEMENTATION - L'immeuble se trouve en zone N. Le principe est qu'en zone N peuvent seules être autorisées : - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière, - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, - sous certaines conditions et dans certains secteurs, les constructions d'annexes aux logements existants. Le changement de destination est en principe interdit sauf sous la double condition suivante : - le bâtiment doit être expressément visé par une liste spéciale du plan local d'urbanisme ; - le changement doit être compatible avec la vocation agricole ou naturelle de la zone et ne compromet pas la qualité paysagère du site.'

Il n'est discuté par aucune des parties que la vente portait, s'agissant du foncier bâti, sur deux dépendances à usage agricole, situées toutes deux sur la parcelle section A [Cadastre 8] (issue de la parcelle A [Cadastre 21]) et qui devaient recevoir une destination d'habitation, conformément au souhait des acquéreurs initiaux et de l'acquéreur qui s'est finalement substitué à eux.

Cela se trouve confirmé par :

- la demande par les venderesses, le 9 juin 2015, auprès de la commune de [Localité 30], d'un certificat d'urbanisme opérationnel pour la réalisation, sur les parcelles A [Cadastre 20] et A [Cadastre 21] (devenues respectivement A [Cadastre 4], A [Cadastre 5], A [Cadastre 6] d'une part et A [Cadastre 7], A [Cadastre 8], A [Cadastre 9], A [Cadastre 10] d'autre part) de l'opération ainsi décrite : 'division parcellaire avec changement de destination sur bâtiments existants. Demande de sortie sur route pour la partie habitation' ;

- la demande réitérée par les venderesses, le 26 octobre 2015, d'un nouveau certificat d'urbanisme opérationnel, après réception, en réponse à la demande précitée, d'un certificat d'urbanisme négatif le 19 août 2015 ('le terrain n'est pas desservi par le réseau d'eau potable et qu'il n'est pas indiqué dans quel délai et par quelle collectivité ou concessionnaire de service public, les travaux portant sur le réseau d'eau potable seront exécutés pour assurer la desserte du terrain') ; les venderesses ayant complété leur demande par la production d'un avis du 9 décembre 2015 d'[Localité 29] Loire Métropole faisant état du raccordement des futurs logements sur les branchements eau potable existants et confirmant l'opération projetée sur les parcelles A [Cadastre 20] et [Cadastre 21], présentée comme suit: 'Division parcellaire avec changement de destination sur les dépendances existantes (voir photos et plans) Demande de sortie sur route pour la partie habitation (voir plan).' ;

- l'accord intervenu entre les parties suivant avenant (non daté) au compromis de vente signée le 22 mars 2016, consistant à étendre l'assiette du bien vendu avec l'ajout de la parcelle section A [Cadastre 14] (issue de la division de la parcelle numérotée [Cadastre 12] provenant elle-même de la parcelle A [Cadastre 23]) afin de permettre la réalisation d'un réseau d'assainissement autonome par les acquéreurs ;

- la constitution, aux termes de l'acte authentique de vente, de servitudes destinées 'au passage de gaines de fluides et canalisations eau potable et droit d'accès pour leur entretien' au bénéfice de la [...], le fonds servant étant constitué notamment des parcelles cadastrées section A numéros [Cadastre 15], [Cadastre 16] et [Cadastre 3] appartenant aux venderesses.

C'est dans ce contexte, que le maire de la commune de [Localité 30] a délivré, le 8 janvier 2016, un certificat d'urbanisme opérationnel ensuite de la demande précitée du 26 octobre 2015 et reprise dans les termes suivants :

'(...) demande d'un certificat d'urbanisme opérationnel :

* indiquant, en application de l'article L 410-1 b) du code de l'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables

* à un terrain situé [Adresse 32]

* cadastré A [Cadastre 20] A328

* présentée le 26 octobre 2015 par Mme [Z] [O] (...)

(...)

* précisant si ce terrain peut être utilisé pour la réalisation d'une opération consistant en une division parcellaire avec une réhabilitation d'une habitation et d'un ancien corps de ferme en habitation.'

La décision de l'autorité administrative figurant sur ledit certificat qui vise notamment le Plan Local d'Urbanisme (ci-après le PLU) approuvé le 7 juillet 2005, l'avis de la Direction Eau et Assainissement d'[Localité 29] Loire Métropole, les dispositions d'urbanisme applicables en vigueur au 26 décembre 2015, est ainsi formulée :

'DECISION : le terrain objet de la demande peut être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée, sous réserve du respect des prescriptions suivantes :

* tout projet ultérieur devra respecter les articles 1 à 14 du règlement de la zone Nb du plan local d'urbanisme en vigueur,

* la réhabilitation de l'ancien corps de ferme devra être réalisée dans le respect de l'architecture originelle conformément aux dispositions de l'article N 2.2-3 du règlement du PLU,

* l'attention du pétitionnaire est attirée sur les observations des services de la Direction Eau et Assainissement dans son avis prescriptif annexé à la présente décision.

* Le pétitionnaire devra se rapprocher des services techniques communaux pour convenir des modalités d'accès du terrain à détacher.'

Il est constant que le 12 mai 2017, soit environ quatre mois après la vente du bien immobilier en cause, la [...] a déposé une demande de permis de construire renseignée au paragraphe 4- Caractéristiques du projet, 4.2 Nature des travaux envisagés, comme suit: 'construction d'une maison d'habitation en bois', la pétitionnaire cochant la case 'Travaux sur construction existante'. Au titre de l'article 4.4 - Destination des constructions et tableau des surfaces, elle a précisé créer une surface (d'habitation) de 176 m² et une surface créée par changement de destination (habitation) de 40 m², soit une surface totale de 216 m² à laquelle s'ajoute une surface d'entrepôt déjà existante de 34 m².

Les plans établis par l'architecte mandaté par l'appelante et annexés à la demande de permis de construire confirment le projet décrit ci-avant en ce qu'ils font apparaître une 'construction projetée' dans le prolongement d'une des deux dépendances existantes, laquelle est modifiée avec un remplacement de sa toiture, l'autre dépendance existante demeurant inchangée. La notice architecturale explicite ce projet en indiquant que 'la construction projetée vient se positionner en fond de la parcelle orientée sud. Le volume général de la nouvelle construction est un parallélépipède de 12 m x 16 m.'

Suivant arrêté du 19 septembre 2017, le maire de la commune de [Localité 30] a, au visa notamment du code de l'urbanisme, du plan local d'urbanisme intercommunal d'[Localité 29] Loire Métropole approuvé le 13 février 2017, refusé de délivrer ce permis de construire, pour les motifs suivants :

'Considérant que le projet envisage une construction nouvelle à usage d'habitation;

Considérant que le projet se situe en zone N du plan local d'urbanisme intercommunal;

Considérant que les articles N1 et N2 prévoient de façon limitative les types d'occupation ou d'utilisation des sols ;

Considérant que s'agissant des constructions à vocation d'habitation, seules sont autorisées 'l'adaptation, la réfection et l'extension mesurée des constructions à usage d'habitation existantes'

Considérant l'article N 12.2 qui prévoit que dans les secteurs classés en assainissement non collectif dans le zonage d'assainissement, les constructions nouvelles ne seront autorisées que si elles peuvent être assignées par un dispositif normalisé adapté au terrain et techniquement réalisable conformément aux avis de l'autorité compétente concernée ;

Considérant l'avis défavorable du Service Public de l'Assainissement Non Collectif (SPANC) en date du 18 juillet 2017 ;

Considérant que le présent projet ne respecte pas les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal susvisé'.

L'appelante, se fondant sur ce refus de permis de construire, reproche aux venderesses de ne pas lui avoir délivré un bien conforme aux prévisions contractuelles, à savoir deux dépendances à usage agricole pouvant être réhabilitées en bâtiments à usage d'habitation.

Au bénéfice de ce qui précède, la cour constate que les venderesses ont effectué toutes diligences pour céder notamment les deux dépendances implantées sur la parcelle [Cadastre 8] (issue de la division de la parcelle A [Cadastre 21]) en considération du changement de destination souhaité par les acquéreurs. A ce titre, elles ont obtenu, le 8 janvier 2016, un certificat d'urbanisme opérationnel positif qui, s'il visait également la parcelle non bâtie A [Cadastre 20] (nouvellement numérotée A [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6]), portait de manière non ambiguë sur la réhabilitation, en habitation, d'un 'ancien corps de ferme'. Celui-ci ne pouvait que correspondre aux deux dépendances à usage agricole implantées sur la parcelle A [Cadastre 8] (issue de la division de la parcelle A [Cadastre 21]) puisque l'autre bâtiment (localisé sur la parcelle nouvellement numérotée [Cadastre 7]) était déjà à usage d'habitation et que les venderesses sollicitaient un certificat d'urbanisme pour celui-ci aux seules fins d'obtenir une sortie sur route. Les plans cadastraux annexés par les venderesses à leurs demandes faites à l'administration les 9 juin et 26 octobre 2015 présentent bien la division parcellaire souhaitée, portant notamment sur la parcelle A [Cadastre 21], en distinguant pour celle-ci le 'projet de division parcelle sur partie d'habitation existante' du 'projet division parcelle sur partie dépendance'. Les venderesses ont également annexé des photographies à leur demande, légendant de manière explicite les deux dépendances formant un 'ancien corps de ferme' d'une part et l'habitation existante, d'autre part, qui a été renseignée comme 'habitation existante sur une parcelle d'environ 650 m² après division' et englobée avec la parcelle A [Cadastre 20], démontrant là l'intention des venderesses d'intégrer ce bâtiment à usage d'habitation dans un lot de parcelles distinctes de celles qui feront l'objet par la suite du compromis de vente du 22 mars 2016.

Aux termes du certificat d'urbanisme opérationnel établi le 8 janvier 2016, l'administration a autorisé les venderesses à réaliser l'opération sollicitée, 'consistant en une division parcellaire avec une réhabilitation d'une habitation et d'un ancien corps de ferme en habitation'. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, le projet de changement de destination de l'ancien corps de ferme en habitation n'était pas irréalisable puisque la condition posée par l'administration était que 'la réhabilitation de l'ancien corps de ferme devra être réalisée dans le respect de l'architecture originelle conformément aux dispositions de l'article N 2.2-3 du règlement du PLU'.

Cet article prévoit que sont autorisés :

'Le changement de destination des constructions existantes et leur extension mesurée, si l'ensemble des conditions suivantes est réuni :

- l'opération a pour objet la sauvegarde d'un patrimoine architectural de qualité ;

- l'opération doit être située à plus de 100 mètres des bâtiments d'exploitation agricole et à plus de 100 mètres des limites extérieures d'un plan d'épandage ;

- l'affectation nouvelle doit être l'habitation, l'hébergement de loisirs, et leurs annexes;

- la surface au sol avant changement de destination de la construction ne peut être inférieure à 40 m²;

- la desserte existante par les équipements doit être satisfaisante et le permettre

- un raccordement architectural satisfaisant doit être trouvé entre le volume originel et l'extension réalisée.'

Ce faisant, lors de la délivrance du certificat d'urbanisme positif du 8 janvier 2016, l'administration a estimé que les deux dépendances agricoles pouvaient faire l'objet d'une réhabilitation avec changement de destination en habitation, considérant ainsi que ces bâtiments faisaient partie d'un patrimoine architectural de qualité et qu'il convenait d'ailleurs, dans le cadre des travaux de restauration de conserver cette architecture originelle.

Si dans son courrier du 26 avril 2018, en réponse à une demande d'explication de l'appelante sur le refus de permis de construire, le maire de la commune de [Localité 30], indique 'De plus, ce bâtiment n'est pas identifié comme faisant partie d'un patrimoine architectural de qualité', il importe de relever d'une part que ce motif présenté à titre surabondant, n'est pas mentionné par cette même autorité sur l'arrêté de refus rendu le 19 septembre 2017. D'autre part, comme souligné très exactement par la venderesse intimée, il appartenait à l'acquéreur qui disposait d'un certificat d'urbanisme opérationnel créateur de droits acquis, toujours en cours de validité au jour de la vente et même au jour de la notification du refus de permis de construire, de saisir la juridiction administrative d'un recours si elle s'estimait victime d'une contrariété de décisions.

En tout état de cause, la cour constate que le projet de l'appelante présenté dans le cadre de sa demande de permis de construire excède manifestement, au regard des prescriptions susvisées du code de l'urbanisme, la seule réhabilitation d'un ancien corps de ferme en habitation puisque l'extension d'une partie des dépendances existantes consiste, selon les explications mêmes de l'architecte, en un parallépipède 12 m x 16 m, avec une surface créée de 176 m², la surface conservée et affectée à l'usage d'habitation n'étant que de 40 m². L'acquéreur, s'éloignant fortement de l'opération visée au certificat d'urbanisme du 8 janvier 2016, s'exposait inévitablement à un risque de refus de permis de construire sans que celui-ci ne révèle un défaut de délivrance de la chose convenue.

Comme rappelé par la venderesse et repris plus haut au titre des stipulations de l'acte authentique de vente, l'acquéreur a déclaré ne pas faire de l'obtention préalable d'un permis de construire, une condition de son engagement.

Du tout, il résulte que l'intimée venderesse a respecté son obligation de délivrance conforme, l'appelante ne démontrant pas l'existence d'un décalage entre les stipulations de l'acte de vente et le bien vendu effectivement mis à sa disposition.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'acquéreur de ses demandes fondées sur le défaut de délivrance conforme.

II- Sur la demande subsidiaire d'annulation de la vente

La cour observe que si la venderesse intimée indique à ses écritures que la [...] a évoqué, in extremis, devant le tribunal, à titre subsidiaire, l'erreur sur les qualités substantielles du bien objet de la vente et que ses prétentions, en tant que défenderesse, visaient l'ancien article 1110 du code civil et tendaient à ce qu'il soit dit que l'acquéreur n'a commis aucune erreur sur la substance du bien acheté au jour de l'acte de vente, il ressort des énonciations du jugement que le tribunal n'a pas examiné de demande fondée sur l'erreur.

L'appelante sollicite l'annulation de la vente, soutenant que l'impossibilité de procéder à la réhabilitation des deux dépendances acquises constitue le cas échéant une erreur sur la substance dès lors que la vente a été effectuée dans le but de lui permettre de procéder à la transformation de ces dépendances en habitation.

La venderesse intimée fait valoir que l'appelante n'a commis aucune erreur sur la substance du bien acheté au jour de l'acte de vente. Si à cette date, l'acquéreur a présenté un projet consistant en un changement de destination des dépendances existantes en habitation, il apparaît que ce projet a été largement révisé postérieurement à la vente. Elle souligne à nouveau que la prétendue impossibilité de réhabiliter les constructions existantes n'est pas la cause du refus de permis de construire. Au contraire, elle affirme que le projet n'a pu se concrétiser du fait de sa modification ultérieurement à la vente, la réhabilitation de bâtiments existants en habitation et la création d'un nouveau bâtiment étant deux projets totalement différents. L'intimée relève que le refus de permis de construire ne vise en aucun cas les dispositions afférentes au changement de destination du bâtiment acheté. Elle souligne encore que si le 19 août 2015, le maire de la commune a indiqué que l'opération n'était alors pas réalisable, c'était du seul fait de l'absence de raccordement au réseau d'eau potable et il n'était alors nullement indiqué que le changement de destination était impossible en raison des caractéristiques du bâtiment. Elle fait valoir que c'est dans ces conditions, après réalisation des travaux de raccordement au réseau d'eau potable qu'un nouveau certificat d'urbanisme a été sollicité et obtenu le 8 janvier 2016. Enfin, elle rappelle que l'acquéreur n'est pas admissible à évoquer l'erreur sur la substance tenant à la concrétisation de son projet de construction du fait du refus du permis de construire alors qu'il n'a pas fait de l'obtention de ce permis une condition de son consentement à la vente.

Sur ce, la cour

L'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, dispose qu'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

En vertu de l'article 1110 ancien du même code, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Pour être admise, l'erreur doit être de telle nature que sans elle la partie n'aurait pas contracté.

Le vendeur peut se servir d'éléments postérieurs à la vente pour prouver l'existence d'une erreur au moment de la vente mais l'erreur, en elle-même, s'apprécie au moment de la formation du contrat.

En l'espèce, il est avéré, tant au regard des écritures respectives de chacune des parties qu'au vu des diligences administratives réalisées par les venderesses et exposées ci-avant, que M. [G] et Mme [J] puis la [...] qui s'est substituée à eux au jour de la réitération de la vente, souhaitaient procéder à un changement de destination des deux dépendances à usage agricole.

Ainsi que la cour l'a retenu précédemment, ce projet était rendu réalisable du fait de l'obtention par les venderesses d'un certificat d'urbanisme opérationnel délivré le 8 janvier 2016 par le maire de la commune.

Le refus de permis de construire opposé à l'appelante, le 19 septembre 2017, n'est pas fondé sur ce changement de destination des dépendances existantes mais sur le projet d'une construction nouvelle à usage d'habitation alors que les articles N1 et N2 du PLU prévoient de façon limitative les types d'occupation ou d'utilisation des sols.

Comme cela a déjà été relevé, le projet soumis par l'appelante au maire de la commune, dans le cadre de sa demande de permis de construire, ne portait plus sur la restauration des deux dépendances existantes en bâtiments à usage d'habitation mais sur la réhabilitation d'une seule dépendance et la création d'une nouvelle construction d'un volume de 12 m x 16 m, accolée à ladite dépendance. C'est précisément l'édification de ce nouveau bâtiment qui est mis en exergue par le maire, au titre de son premier considérant, dans son arrêté de refus.

Or, au moment de la vente, l'appelante ne démontre aucunement et ne le soutient d'ailleurs nullement, avoir informé les venderesses de ce projet de construction nouvelle en sus de la réhabilitation des dépendances à usage agricole en bâtiments destinés à être habités.

En effet, il n'est pas discuté que seul le changement de destination des deux dépendances existantes était un élément essentiel et déterminant du consentement de l'appelante.

En l'occurrence, cette dernière a acquis un bien immobilier comportant ces deux dépendances dont la destination pouvait être modifiée, en vertu du certificat opérationnel d'urbanisme du 8 janvier 2016 de sorte qu'elle ne saurait prétendre avoir été victime d'une erreur. Il convient en conséquence, par ajout au jugement, de rejeter la demande subsidiaire de l'acquéreur fondée sur l'erreur sur la substance.

* * *

La résolution ou la nullité du contrat principal de vente n'étant pas acquise, la résolution et l'annulation de plein droit du contrat de prêt immobilier, au regard de l'interdépendance de ces deux conventions prévue à l'article L 312-12 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce, n'est pas encourue. Il n'est dès lors point besoin d'examiner les moyens de l'appelante liés aux conséquences de l'annulation des contrats, sollicitée par elle mais rejetée.

III- Sur la responsabilité du notaire et de l'agence immobilière

Le tribunal, après avoir débouté l'acquéreur de sa demande de nullité de la vente sur le fondement d'un défaut de conformité, a indiqué la débouter également de ses demandes subséquentes visant la responsabilité des notaires et de l'agence immobilière sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante rappelle que s'agissant d'une mutation immobilière entraînant une transformation de l'état du bien, à savoir un changement de destination de dépendances agricoles en maison d'habitation, il appartient au notaire de s'assurer que les règles d'urbanisme applicables permettront la réalisation du projet envisagé. De même, elle observe que l'agent immobilier, intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d'acte, doit s'assurer de l'ensemble des conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention. Elle considère dès lors que ceux-ci engagent leur responsabilité conjointe puisqu'ils ont participé à la rédaction d'un acte de vente comprenant un ancien corps de ferme à réhabiliter alors qu'une telle réhabilitation était en réalité impossible et ce, quelque soit le projet de restauration. L'appelante précise qu'il suffisait à ces professionnels de solliciter la communication du plan local d'urbanisme, d'interroger les services de la commune pour être informés du fait que les bâtiments en cause n'étaient pas identifiés comme faisant partie d'un patrimoine architectural de qualité et par conséquent qu'aucune réhabilitation ne pouvait être envisagée comme elle le souhaitait. Elle estime que la faute du notaire et de l'agent immobilier est directement la cause de l'emprunt immobilier qu'elle a inutilement souscrit au prix de 90.000 euros alors que la valeur de son bien immobilier est actuellement estimée à 10.000 euros. Elle considère qu'elle est dès lors bien fondée à obtenir le paiement des intérêts du prêt, le remboursement des frais de négociation réglés à l'agence immobilière, les frais d'actes, de droits de mutation et ceux réglés au titre de la contribution de sécurité immobilière. A titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à sa demande d'annulation de la vente, elle s'estime fondée à être indemnisée de la différence entre le prix du bien acquis et sa valeur actuelle, soit 80.000 euros.

Aux termes de leurs dernières écritures, les notaires et l'agence immobilière soutiennent n'avoir commis aucune faute. Ils exposent que le compromis de vente du 22 mars 2016 mentionne expressément qu'est annexé un certificat d'urbanisme opérationnel délivré le 8 janvier 2016 demandé par les venderesses en vue de 'la réalisation d'une opération consistant en une division parcellaire avec une réhabilitation d'une habitation et d'un ancien corps de ferme en habitation'. Ils ajoutent que l'acte authentique du 29 décembre 2016 fait également état de ce certificat d'urbanisme et que l'acquéreur 'a reconnu que le notaire lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets de ces charges et prescriptions' et a 'déclaré qu'il n'a jamais fait de l'obtention préalable d'un permis de construire une condition [de la vente]'. Les intimés soulignent que l'appelante est incapable de rapporter la preuve de ce que la demande de permis de construire qu'elle a déposée a jamais eu vocation à aboutir, cette opération portant sur la construction d'une maison d'habitation de 176 m² en zone N, mitoyenne aux bâtiments existants. Or, ils relèvent que le certificat d'urbanisme délivré le 8 janvier 2016 précisait qu'une opération de restauration de constructions existantes pouvait être autorisée, à la condition qu'il ne prévoie pas de logements supplémentaires. Ils considèrent dès lors que le refus de permis de construire est parfaitement justifié eu égard aux dispositions du certificat d'urbanisme du 8 janvier 2016 et de l'article N2.2-3 du PLU auquel il renvoie, le pétitionnaire ayant sollicité la construction d'une maison d'habitation en bois ainsi que le changement de destination et l'extension des dépendances existantes. En tout état de cause, il souligne qu'aucun lien de causalité ne peut être caractérisé entre la faute reprochée à leur endroit et le préjudice allégué puisque l'acquéreur a contribué à son propre préjudice en formulant une demande de permis de construire non conforme aux dispositions du certificat d'urbanisme et du PLU.

Sur ce, la cour

Aux termes de l'article 1382 ancien devenu l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En droit, le notaire qui prête son concours à l'établissement d'actes authentiques doit veiller à leur efficacité. Il doit, préalablement, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer leur utilité et leur efficacité, sans toutefois être dans l'obligation de vérifier les informations d'ordre factuel fournies par les parties en l'absence d'éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l'exactitude des renseignements donnés. Il est en outre tenu, envers ceux qui sollicitent son ministère d'un devoir de conseil et, le cas échéant de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.

L'agent immobilier qui prête son concours à la rédaction d'un acte est également débiteur d'un devoir de conseil qui consiste à veiller à l'efficacité juridique dudit acte.

En l'espèce, la SARL Maximale est intervenue en tant que négociatrice de la vente du bien litigieux, établissant le compromis de vente et Me [M] en tant que rédacteur de l'acte authentique.

Au bénéfice des développements qui précèdent, la cour rappelle que l'agence immobilière, désignant aux termes de l'acte passé par son truchement, le bien immobilier en cause comme 'deux dépendances à réhabiliter', a visé le certificat d'urbanisme opérationnel délivré aux venderesses le 8 janvier 2016 et l'a annexé.

Le notaire instrumentaire a, quant à lui, dans l'acte authentique de vente, intégralement porté à la connaissance de la [...] le contenu du certificat d'urbanisme, rappelé sa durée de validité, ensuite de quoi il a été indiqué par l'acquéreur qu'il 'reconnaît que le notaire lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets de ces charges et prescriptions' et qu'il 'n'a jamais fait de l'obtention préalable d'un permis de construire une condition des présentes'. Le notaire a également reproduit les dispositions du règlement du PLU applicables à la zone N où se trouve l'immeuble vendu.

Ce faisant, l'agence immobilière et le notaire ont assuré la sécurité juridique de l'acte, n'étant nullement tenus au regard des termes du certificat d'urbanisme du 8 janvier 2016, de réaliser des investigations plus approfondies sur la situation administrative du bien immobilier cédé.

Il en résulte que M. [G], Mme [J] puis la [...] ont été informés à la fois par l'agent immobilier et le notaire de la faisabilité de l'opération mentionnée dans la demande des venderesses ayant donné lieu audit certificat d'urbanisme, à savoir la réhabilitation d'un ancien corps de ferme en habitation.

L'appelante qui disposait de toutes les informations nécessaires avant la date de signature de l'acte de vente, n'établit aucune erreur imputable à l'agence immobilière ou au notaire dans la rédaction de ces deux actes. Ceux-ci ont été établis sur la base des éléments fournis les parties, spécialement en l'absence de toute donnée de nature à faire apparaître pour eux, à la date de rédaction desdits actes, un projet de l'acquéreur qui serait distinct de la seule réhabilitation des dépendances existantes en bâtiments à usage d'habitation et partant incompatible avec la réglementation du PLU.

Au regard de la solution donnée par la cour au présent litige, tenant à la validation de la vente litigieuse, l'efficacité juridique des actes rédigés par l'agent immobilier et le notaire ne saurait être valablement remise en cause.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté la [...] de son action en responsabilité dirigée contre l'agence immobilière et le notaire et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

IV- Sur les dépens et frais irrépétibles

L'appelante succombant en ses demandes, il convient de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Les dépens d'appel seront également mis à sa charge et il convient de faire droit aux demande de distraction formées par les notaires, l'agence immobilière et la venderesse, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les intimés ayant exposé des frais non compris dans les dépens, il convient, en application de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner l'appelante à payer la somme de 4.000 euros à la venderesse d'une part et aux notaires et à l'agence immobilière d'autre part ainsi qu'une somme de 3.000 euros à la banque et ce, sans qu'il puisse être fait application des mêmes dispositions au bénéfice de l'appelante.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal judiciaire d'Angers du 1er septembre 2020,

Y ajoutant,

DEBOUTE la [...] de sa demande subsidiaire fondée sur l'erreur sur la substance,

CONDAMNE la [...] à payer à Mme [X] [Z] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la [...] à payer à Me [B] [M], la SCP [N] [M] Courtois et la SARL Maximale la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la [...] à payer à la Banque Populaire Grand Ouest la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

DEBOUTE la [...] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la [...] aux dépens d'appel,

ACCORDE à la SELARL Lexcap (Me Thierry Boisnard) et au conseil de Mme [X] [Z], le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.