Décisions
CA Douai, ch. 8 sect. 3, 3 octobre 2024, n° 24/01642
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 03/10/2024
N° de MINUTE : 24/706
N° RG 24/01642 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VPCH
Jugement rendu le 06 Mars 2024 par le Juge de l'exécution de Lille
APPELANTE
SAS France Titrisation SAS unipersonnelle agissant en qualité de société de gestion
du Fonds Commun de Titrisation Marsollier Mortgages, prise en la personne de son représentant légal y domicilié
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Nicolas Tavieaux Moro, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
Madame [L] [G]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7], Belgique
Représentée par Me Hélène Cappelaere, avocat au barreau de Lille avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 05 septembre 2024 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 19 mars 2008, la société Bear Stearns bank public limited company a consenti à Mme [L] [G] un prêt se décomposant en deux tranches :
- la première d'un montant de 108 338 euros destinée à restructurer un ou plusieurs prêts immobiliers et à réaliser des travaux ;
- la seconde d'un montant de 29 862 euros, destinée à la restructuration d'un ou plusieurs crédits à la consommation, d'autres dettes et à une éventuelle trésorerie.
Chaque tranche étant remboursable en 420 mensualités, à taux révisable, le taux initial étant de 5,71 % pour la première tranche et de 7,55 % pour la seconde.
Le remboursement de ce prêt était garanti par une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble de Mme [G] situé [Adresse 5] à [Localité 9] cadastré section AK n° [Cadastre 2] pour une contenance de 1 a 14 ca ayant fait l'objet d'une inscription à la conservation des hypothèques de Lille 2ème bureau le 5 mai 2008 sous les références volume 2008 V n° 2681 et d'une inscription rectificative du 6 avril 2009 sous les références volume 2009 V n° 1579.
Par acte du 29 avril 2009, la société JP Morgan Bank Dublin PLC, [Localité 8] Branch (anciennement Bear Sterns bank public limited company) a cédé au fonds commun de titrisation (FCT) Marsollier Mortgages, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, un ensemble de 1702 créances.
Par lettre du 5 août 2009, la société France titrisation a notifié la cession du 29 avril 2009 à Mme [G].
Par courrier du 23 mai 2017, précédée d'une mise en demeure de régler l'arriéré du 24 avril 2017, le fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a informé Mme [G] de la déchéance du terme du prêt.
Par acte du 27 juin 2022, la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a, en vertu de la copie exécutoire de l'acte de prêt du 19 mars 2008, fait signifier à Mme [G] un commandement de payer la somme de 119 419,56 euros valant saisie de l'immeuble susvisé (dont l'adresse est devenue [Adresse 4] à [Localité 9]).
Ce commandement a été publié le 16 août 2022 au service de la publicité foncière de Lille 3 sous les références volume 2022 S n°00076.
Par acte du 10 octobre 2022, la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a fait assigner Mme [G] à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille.
Par jugement contradictoire du 6 mars 2024, le juge de l'exécution a :
- dit la société France titrisation irrecevable en son action ;
- ordonné en conséquence la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à Mme [G] à la demande de la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages par acte d'huissier du 27 juin 2022 ;
- en tant que de besoin, ordonné la radiation dudit commandement ;
- condamné la société France titrisation aux entiers dépens de l'instance ;
- débouté la société France titrisation de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société France titrisation à payer à Mme [G] la somme de
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 5 avril 2024, la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Après avoir été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance de la présidente de chambre en date du 16 avril 2024 sur la requête qu'elle avait présentée le 11 avril 2024, la société France titrisation a, par acte du 6 juin 2024, fait assigner Mme [G] pour le jour fixé.
Aux termes des conclusions jointes à sa requête, elle a demandé à la cour, au visa des articles L. 311-2, L. 311-6, R. 322-4 et suivants, R. 322-15 à R. 322-29 du code des procédures civiles d'exécution et L. 214-168 et suivants du code monétaire et financier, de :
- juger le FCT Marsollier Mortgages qu'elle représente recevable et bien fondé en son appel ;
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] de ses fins, moyens et prétentions ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS justifie de sa qualité et son intérêt à agir ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS est recevable en son action et ses demandes ;
- déclarer régulier le commandement de payer valant saisie immobilière du 27 juin 2022 publié le 16 août 2022 auprès du service de la publicité foncière de Lille 3, sous les références volume 2022 S n° 0076 ;
- déclarer régulière la procédure de saisie immobilière initiée ;
- fixer, en vertu des dispositions de l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, sa créance à la somme globale sauf mémoire de 107 654,62 euros arrêtée au 5 décembre 2023, outre les intérêts au taux conventionnel postérieurs jusqu'au parfait paiement
- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Lille aux fins de poursuivre la vente forcée sur la mise à prix de 95 000 euros des droits et biens mis en vente ;
- condamner Mme [G] à verser au FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions du 15 juillet 2024, Mme [G] a demandé à la cour, sur le fondement des articles 31, 510 du code de procédure civile, 1322, 1343-5 du code civil, L. 214-43 et D. 214-102 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur à la date de la cession de créance et R. 322-21 du code des procédures civile d'exécution, de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* déclaré irrecevable en son action la SAS France titrisation pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;
* ordonné la main levée du commandent de payer valant saisie
immobilière ;
* condamné la société France titrisation à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais de justice et dépens de première instance ;
Subsidiairement,
- dire et juger que la somme de 26 400 euros devra être déduite du quantum de la créance arrêtée;
- lui accorder un délai de 24 mois pour apurer la créance et dire et juger que durant ce délai, elle reprendra le paiement de la somme de 800 euros par mois pendant 23 mois et le solde le 24ème mois ;
A titre infiniment subsidiaire,
- autoriser la vente amiable de l'immeuble au prix plancher de 120 000 euros ;
En tout état de cause,
- condamner la SAS France titrisation à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens d'instance.
Aux termes de ses conclusions du 26 août 2026, la société France titrisation a demandé à la cour, au visa des articles L. 311-2, L. 311-6, R. 322-4 et suivants, R. 322-15 à R. 322-29 du code des procédures civiles d'exécution et L. 214-168 et suivants du code monétaire et financier, de :
- juger le FCT Marsollier Mortgages qu'elle représente recevable et bien fondé en son appel ;
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] de ses fins, moyens et prétentions à l'exception de sa demande de vente amiable ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS justifie de sa qualité et son intérêt à agir ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS est recevable en son action et ses demandes ;
- déclarer régulier le commandement de payer valant saisie immobilière du 27 juin 2022 publié le 16 août 2022 auprès du service de la publicité foncière de Lille 3, sous les références volume 2022 S n° 0076 ;
- déclarer régulière la procédure de saisie immobilière initiée ;
- fixer, en vertu des dispositions de l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, sa créance à la somme globale sauf mémoire de 106 393,03 euros arrêtée au 15 juillet 2024, outre les intérêts au taux conventionnel postérieurs jusqu'au parfait paiement ;
- donner acte au FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS et associés qu'il ne s'oppose pas à la demande de vente amiable sollicitée par Mme [G] pour un prix plancher de 120 000 euros ;
- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Lille pour fixation à une audience aux fins de vérification de la réalisation de la vente amiable à l'issue d'un délai maximal de quatre mois à compter du prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles R. 322-21 alinéa 3 et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ;
- taxer les frais de poursuite et les émoluments d'incident à la somme de 3 081 euros conformément aux articles R. 322-21 du code des procédures civiles d'exécution et A. 444-194 du code de commerce ;
- rappeler que les émoluments de la vente amiable, qui seront perçus par l'avocat poursuivant, conformément aux articles A. 444-191 et A. 444-91 du code de commerce en sus du prix de vente, seront réglés par l'acquéreur ;
A titre subsidiaire,
- ordonner la vente forcée conformément aux dispositions de l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution des biens et droits immobiliers saisis, à savoir : sur la commune de [Localité 9], [Adresse 4], une maison individuelle, figurant au cadastre sous les références section AK numéro [Cadastre 2], pour une contenance de 1 a 14 ca, tel que ledit immeuble s'étend et comporte, avec toutes ses aisances et dépendances, et tout droit de mitoyenneté, y compris les constructions, améliorations et augmentations qui pourront être faites, sans aucune exception ni réserve ;
- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Lille aux fins de poursuivre la vente forcée sur la mise à prix de 95 000 euros des droits et biens mis en vente ;
En tout état de cause,
- condamner Mme [G] à verser au FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Elle a produit à l'appui de ces conclusions deux nouvelles pièces à savoir un constat de commissaire de justice du 24 juillet 2024 et un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2024 (pièces 16 et 17).
Par message adressé par la voie électronique le 27 août 2024, la cour a demandé aux parties de conclure, en vue de l'audience du 5 septembre 2024, et au regard des dispositions de l'article 918 du code de procédure civile, sur la recevabilité des pièces '24 et 25' (en réalité 16 et 17) produites par la société France titrisation avec ses conclusions du 26 août 2024 et qui n'apparaissent pas être produites en réplique à des arguments nouveaux ou pièces nouvelles présenté(e)s en appel par l'intimée dans ses conclusions du 15 juillet 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions du 3 septembre 2024, la société France titrisation demande à la cour, au visa de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de déclarer ses pièces 16 et 17 recevables puis reprend l'intégralité des demandes formées dans ses conclusions du 26 août 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions du 4 septembre 2024, Mme [G] demande à la cour, au visa de l'article 918 du code de procédure civile, d'écarter des débats les pièces 16,17 et 18 de l'appelante puis reprend l'intégralité des demandes formées dans ses conclusions du 15 juillet 2024.
MOTIFS
Sur la recevabilité des pièces 16, 17 et 18 de la société France titrisation ès qualités :
Pour soutenir que ses pièces 16 et 17 sont recevables, la société France titrisation fait valoir que :
- ces pièces ont été produites au regard de la motivation du jugement d'orientation qui a retenu que les pièces produites en première instance n'étaient pas
suffisantes ;
- pour pouvoir répondre à cette motivation, elle était contrainte par les délais d'appel et de la procédure à jour fixe mais surtout s'est heurtée à une difficulté extérieure et indépendante de sa volonté ; en effet, les créances sont individualisées sur un fichier informatique qu'elle ne détient pas mais qui est détenu par un tiers, la personne morale dépositaire désignée dans le bordereau de cession, en l'occurrence BNP Paribas Securities services et le commissaire de justice a rencontré des difficultés pour dresser son procès-verbal de constat, ayant dû se rendre à plusieurs reprises au siège de BNP Paribas Securities services, les personnes rencontrées sur place ne comprenant pas le sens de sa demande ; elle s'est ainsi heurtée à un cas de force majeure l'empêchant de produire une pièce complémentaire pour répondre à la motivation du jugement d'orientation, eu égard aux brefs délais imposés par la procédure à jour fixe, de sorte que déclarer les pièces irrecevables la priverait de la possibilité de faire valoir ses droits et de bénéficier d'un procès équitable ;
- le jour fixe qui a été initié en l'espèce ne repose pas sur l'article 917 du code de procédure civile qui dispose que le jour fixe peut être accordé lorsqu'il existe un péril des droits de l'appelant, mais sur l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité, les décisions en matière d'orientation de la procédure de saisie immobilière sont frappées d'appel selon les modalités du jour fixe, sans que le péril des droits n'ait à être démontré; ainsi, s'il se comprend qu'un appelant dans le cadre d'un jour fixe de droit commun, ne puisse ajouter une pièce à son dossier que si cette pièce répond à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle de l'intimé, on ne le comprend pas dans le cadre d'un jour fixe obligatoire ; dans cette hypothèse, la sanction de l'irrecevabilité de la pièce dont la communication ne répond pas à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle de la partie adverse, est disproportionnée par rapport au but recherché par le législateur et constitue une atteinte aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme [G] réplique notamment qu'il n'y avait dans ses conclusions d'appel aucun argument nouveau auquel répondrait la production des pièces 16 et 17 et que si l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution dispense l'appelant de justifier d'un péril, il ne dispense en aucun cas du respect du formalisme obligatoire applicable en matière de procédure à jour fixe et en particulier du respect des dispositions de l'article 918 du code de procédure civile qui imposent que la requête contiennent les conclusions sur le fond et vise les pièces justificatives.
***
Aux termes de l'article 918 du code de procédure civile, la requête présentée aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe doit contenir les conclusions au fond et viser les pièces justificatives.
L'appelant ayant été autorisé à assigner à jour fixe, ne peut produire des pièces qui n'étaient pas visées dans sa requête qu'à la condition qu'elles visent à répondre à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle présentée par l'intimé en appel.
Ces règles doivent s'appliquer sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la procédure à jour fixe est subordonnée à la démonstration d'un péril, ou qu'il s'agisse d'un jour fixe imposé, tel que prescrit par l'article R.322-19 du code des procédures civiles d'exécution, s'agissant de l'appel formé contre un jugement d'orientation. En effet, le pouvoir réglementaire a considéré que l'appel formé contre un jugement d'orientation qui statue sur le sort de la mesure d'exécution forcée la plus grave, à savoir la saisie immobilière, devait relever du régime strict de la procédure à jour fixe, la procédure à bref délai de l'article 905 du code des procédures civiles d'exécution ne lui étant pas apparue suffisamment protectrice des intérêts des parties. La sanction de l'irrecevabilité de la pièce dont la communication ne répond pas à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle de la partie intimée n'est donc pas disproportionnée et ne constitue pas une atteinte aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En l'espèce, après les conclusions de l'intimée du 15 juillet 2024, la société France titrisation ès qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a, le 26 août 2024, déposé de nouvelles conclusions et communiqué un constat de commissaire de justice du 24 juillet 2024 et un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2024 (pièces 16 et 17). Ces nouvelles pièces sont annoncées dans les écritures du 26 août 2024, à la page 9 en conclusion de la partie relative à la recevabilité de l'action, 'pour clore toutes contestations'.
Or, force est constater que, dans la partie relative à la recevabilité de l'action contenue dans ce deuxième jeu de conclusions, aucune réplique n'est apportée à de nouveaux arguments ou pièces nouvelles de l'intimée, cette partie des conclusions (pages 6 à 9) étant strictement identique à celle contenue dans les conclusions jointes à la requête (pages 6 à 9), seule la description des pièces 16 et 17 étant ajoutée (pages 9 et 10), de sorte que ces nouvelles pièces, loin d'être produites en réponse aux conclusions de Mme [G] viennent en réalité au soutien des premières conclusions de la société France titrisation jointes à la requête.
La société France titrisation le reconnaît d'ailleurs sans difficulté puisqu'elle indique que 'les pièces n°16 et 17 ont été produites au regard de la motivation du jugement d'orientation'. Quant à l'argument selon lequel les délais d'appel et de la procédure à jour fixe l'aurait empêchée de produire ces pièces en même temps que sa requête, force est de constater qu'il résulte des dispositions de l'article R. 311-7 du code des procédures civiles d'exécution que le délai d'appel de quinze jours court à compter de la signification du jugement et qu'il n'est pas démontré que le jugement d'orientation du 6 mars 2024 ait été signifié à la société France titritisation, de sorte que le délai ne courait pas quand elle a transmis sa déclaration d'appel le 5 avril dernier et qu'elle avait tout le temps nécessaire pour faire réaliser un constat de commissaire de justice avant de faire appel si ce constat lui semblait utile pour critiquer la motivation du juge de l'exécution. Il n'est d'ailleurs même pas démontré qu'elle avait déjà requis le commissaire de justice quand elle a fait appel puis transmis sa requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe. Quant à la production de l'arrêt de la cour d'appel du 16 mai 2024, rien n'empêchait la société France titrisation de produire un arrêt antérieur adoptant une solution similaire. Elle ne peut donc invoquer utilement qu'elle s'est heurté à un cas de force majeure et se trouverait privée de la possibilité de faire valoir ses droits et de bénéficier d'un procès équitable, si les pièces 16 et 17 étaient déclarées irrecevables.
Il convient donc de déclarer ces deux pièces irrecevables, ce qui entraîne par voie de conséquence l'irrecevabilité de la pièce 18.
Sur le fond :
Selon l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière.
Il incombe au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages qui se prévaut d'une cession de créance à son profit d'en apporter la preuve.
L'acte de cession de créances du 29 avril 2009 mentionne que la société JP Morgan Bank Dublin PLC, [Localité 8] Branch (anciennement Bear Stearns bank public limited company) a cédé au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages représenté par sa société de gestion, la société France titrisation 1 702 créances et précise que 'ces créances sont individualisées sur une liste à support informatique figurant sur un fichier (nom du fichier : 'Mortgage Loans Transfert File'), remis concomitamment au présent bordereau.'
Le fonds commun de titrisation Marsollier verse aux débats un document agrafé à l'acte de cession, portant l'en-tête 'France Titrisation groupe BNP Paribas' et mentionnant divers éléments censés permettre d'identifier la créance comme celle de la société Bear Stearns bank public à l'égard de Mme [G].
Toutefois, rien ne démontre que ce document manifestement établi par la société de gestion du cessionnaire, voire comme l'affirme le fonds appelant (même si celle ne ressort pas de la pièce produite) par la BNP Paribas, dépositaire de l'acte de cession de créances du 29 avril 2009, soit la reproduction sur papier d'un extrait du fichier informatique établi par la banque cédante et remis avec le bordereau de cession.
Il n'est ainsi pas prouvé que la créance de la société JP Morgan Bank Public PLC, [Localité 8] Branch (anciennement Bear Stearns Bank public) au titre de l'acte de prêt du 19 mars 2008 consenti à Mme [G] fasse partie des 1702 créances cédées au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages.
Ainsi, n'ayant pas la qualité de créancier de Mme [G], le fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages ne pouvait procéder à la saisie immobilière litigieuse.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Partie perdante en appel, le fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages sera condamné aux dépens ainsi qu'à régler à Mme [G] une somme complémentaire de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles que cette dernière a été contrainte d'exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les pièces 16 , 17 et 18 produites les 26 août et 3 septembre 2024 par la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages ;
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne la société France titrisation ès qualités de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages à payer à Mme [L] [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société France titrisation ès qualités de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages aux dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 03/10/2024
N° de MINUTE : 24/706
N° RG 24/01642 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VPCH
Jugement rendu le 06 Mars 2024 par le Juge de l'exécution de Lille
APPELANTE
SAS France Titrisation SAS unipersonnelle agissant en qualité de société de gestion
du Fonds Commun de Titrisation Marsollier Mortgages, prise en la personne de son représentant légal y domicilié
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Nicolas Tavieaux Moro, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
Madame [L] [G]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7], Belgique
Représentée par Me Hélène Cappelaere, avocat au barreau de Lille avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 05 septembre 2024 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 19 mars 2008, la société Bear Stearns bank public limited company a consenti à Mme [L] [G] un prêt se décomposant en deux tranches :
- la première d'un montant de 108 338 euros destinée à restructurer un ou plusieurs prêts immobiliers et à réaliser des travaux ;
- la seconde d'un montant de 29 862 euros, destinée à la restructuration d'un ou plusieurs crédits à la consommation, d'autres dettes et à une éventuelle trésorerie.
Chaque tranche étant remboursable en 420 mensualités, à taux révisable, le taux initial étant de 5,71 % pour la première tranche et de 7,55 % pour la seconde.
Le remboursement de ce prêt était garanti par une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble de Mme [G] situé [Adresse 5] à [Localité 9] cadastré section AK n° [Cadastre 2] pour une contenance de 1 a 14 ca ayant fait l'objet d'une inscription à la conservation des hypothèques de Lille 2ème bureau le 5 mai 2008 sous les références volume 2008 V n° 2681 et d'une inscription rectificative du 6 avril 2009 sous les références volume 2009 V n° 1579.
Par acte du 29 avril 2009, la société JP Morgan Bank Dublin PLC, [Localité 8] Branch (anciennement Bear Sterns bank public limited company) a cédé au fonds commun de titrisation (FCT) Marsollier Mortgages, représenté par sa société de gestion, la société France titrisation, un ensemble de 1702 créances.
Par lettre du 5 août 2009, la société France titrisation a notifié la cession du 29 avril 2009 à Mme [G].
Par courrier du 23 mai 2017, précédée d'une mise en demeure de régler l'arriéré du 24 avril 2017, le fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a informé Mme [G] de la déchéance du terme du prêt.
Par acte du 27 juin 2022, la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a, en vertu de la copie exécutoire de l'acte de prêt du 19 mars 2008, fait signifier à Mme [G] un commandement de payer la somme de 119 419,56 euros valant saisie de l'immeuble susvisé (dont l'adresse est devenue [Adresse 4] à [Localité 9]).
Ce commandement a été publié le 16 août 2022 au service de la publicité foncière de Lille 3 sous les références volume 2022 S n°00076.
Par acte du 10 octobre 2022, la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a fait assigner Mme [G] à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille.
Par jugement contradictoire du 6 mars 2024, le juge de l'exécution a :
- dit la société France titrisation irrecevable en son action ;
- ordonné en conséquence la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à Mme [G] à la demande de la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages par acte d'huissier du 27 juin 2022 ;
- en tant que de besoin, ordonné la radiation dudit commandement ;
- condamné la société France titrisation aux entiers dépens de l'instance ;
- débouté la société France titrisation de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société France titrisation à payer à Mme [G] la somme de
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 5 avril 2024, la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Après avoir été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance de la présidente de chambre en date du 16 avril 2024 sur la requête qu'elle avait présentée le 11 avril 2024, la société France titrisation a, par acte du 6 juin 2024, fait assigner Mme [G] pour le jour fixé.
Aux termes des conclusions jointes à sa requête, elle a demandé à la cour, au visa des articles L. 311-2, L. 311-6, R. 322-4 et suivants, R. 322-15 à R. 322-29 du code des procédures civiles d'exécution et L. 214-168 et suivants du code monétaire et financier, de :
- juger le FCT Marsollier Mortgages qu'elle représente recevable et bien fondé en son appel ;
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] de ses fins, moyens et prétentions ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS justifie de sa qualité et son intérêt à agir ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS est recevable en son action et ses demandes ;
- déclarer régulier le commandement de payer valant saisie immobilière du 27 juin 2022 publié le 16 août 2022 auprès du service de la publicité foncière de Lille 3, sous les références volume 2022 S n° 0076 ;
- déclarer régulière la procédure de saisie immobilière initiée ;
- fixer, en vertu des dispositions de l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, sa créance à la somme globale sauf mémoire de 107 654,62 euros arrêtée au 5 décembre 2023, outre les intérêts au taux conventionnel postérieurs jusqu'au parfait paiement
- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Lille aux fins de poursuivre la vente forcée sur la mise à prix de 95 000 euros des droits et biens mis en vente ;
- condamner Mme [G] à verser au FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions du 15 juillet 2024, Mme [G] a demandé à la cour, sur le fondement des articles 31, 510 du code de procédure civile, 1322, 1343-5 du code civil, L. 214-43 et D. 214-102 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur à la date de la cession de créance et R. 322-21 du code des procédures civile d'exécution, de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* déclaré irrecevable en son action la SAS France titrisation pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;
* ordonné la main levée du commandent de payer valant saisie
immobilière ;
* condamné la société France titrisation à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais de justice et dépens de première instance ;
Subsidiairement,
- dire et juger que la somme de 26 400 euros devra être déduite du quantum de la créance arrêtée;
- lui accorder un délai de 24 mois pour apurer la créance et dire et juger que durant ce délai, elle reprendra le paiement de la somme de 800 euros par mois pendant 23 mois et le solde le 24ème mois ;
A titre infiniment subsidiaire,
- autoriser la vente amiable de l'immeuble au prix plancher de 120 000 euros ;
En tout état de cause,
- condamner la SAS France titrisation à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens d'instance.
Aux termes de ses conclusions du 26 août 2026, la société France titrisation a demandé à la cour, au visa des articles L. 311-2, L. 311-6, R. 322-4 et suivants, R. 322-15 à R. 322-29 du code des procédures civiles d'exécution et L. 214-168 et suivants du code monétaire et financier, de :
- juger le FCT Marsollier Mortgages qu'elle représente recevable et bien fondé en son appel ;
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] de ses fins, moyens et prétentions à l'exception de sa demande de vente amiable ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS justifie de sa qualité et son intérêt à agir ;
- juger que le FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS est recevable en son action et ses demandes ;
- déclarer régulier le commandement de payer valant saisie immobilière du 27 juin 2022 publié le 16 août 2022 auprès du service de la publicité foncière de Lille 3, sous les références volume 2022 S n° 0076 ;
- déclarer régulière la procédure de saisie immobilière initiée ;
- fixer, en vertu des dispositions de l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, sa créance à la somme globale sauf mémoire de 106 393,03 euros arrêtée au 15 juillet 2024, outre les intérêts au taux conventionnel postérieurs jusqu'au parfait paiement ;
- donner acte au FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS et associés qu'il ne s'oppose pas à la demande de vente amiable sollicitée par Mme [G] pour un prix plancher de 120 000 euros ;
- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Lille pour fixation à une audience aux fins de vérification de la réalisation de la vente amiable à l'issue d'un délai maximal de quatre mois à compter du prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles R. 322-21 alinéa 3 et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ;
- taxer les frais de poursuite et les émoluments d'incident à la somme de 3 081 euros conformément aux articles R. 322-21 du code des procédures civiles d'exécution et A. 444-194 du code de commerce ;
- rappeler que les émoluments de la vente amiable, qui seront perçus par l'avocat poursuivant, conformément aux articles A. 444-191 et A. 444-91 du code de commerce en sus du prix de vente, seront réglés par l'acquéreur ;
A titre subsidiaire,
- ordonner la vente forcée conformément aux dispositions de l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution des biens et droits immobiliers saisis, à savoir : sur la commune de [Localité 9], [Adresse 4], une maison individuelle, figurant au cadastre sous les références section AK numéro [Cadastre 2], pour une contenance de 1 a 14 ca, tel que ledit immeuble s'étend et comporte, avec toutes ses aisances et dépendances, et tout droit de mitoyenneté, y compris les constructions, améliorations et augmentations qui pourront être faites, sans aucune exception ni réserve ;
- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Lille aux fins de poursuivre la vente forcée sur la mise à prix de 95 000 euros des droits et biens mis en vente ;
En tout état de cause,
- condamner Mme [G] à verser au FCT Marsollier Mortgages dont elle est la société de gestion et représenté par son recouvreur la société MCS la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Elle a produit à l'appui de ces conclusions deux nouvelles pièces à savoir un constat de commissaire de justice du 24 juillet 2024 et un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2024 (pièces 16 et 17).
Par message adressé par la voie électronique le 27 août 2024, la cour a demandé aux parties de conclure, en vue de l'audience du 5 septembre 2024, et au regard des dispositions de l'article 918 du code de procédure civile, sur la recevabilité des pièces '24 et 25' (en réalité 16 et 17) produites par la société France titrisation avec ses conclusions du 26 août 2024 et qui n'apparaissent pas être produites en réplique à des arguments nouveaux ou pièces nouvelles présenté(e)s en appel par l'intimée dans ses conclusions du 15 juillet 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions du 3 septembre 2024, la société France titrisation demande à la cour, au visa de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de déclarer ses pièces 16 et 17 recevables puis reprend l'intégralité des demandes formées dans ses conclusions du 26 août 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions du 4 septembre 2024, Mme [G] demande à la cour, au visa de l'article 918 du code de procédure civile, d'écarter des débats les pièces 16,17 et 18 de l'appelante puis reprend l'intégralité des demandes formées dans ses conclusions du 15 juillet 2024.
MOTIFS
Sur la recevabilité des pièces 16, 17 et 18 de la société France titrisation ès qualités :
Pour soutenir que ses pièces 16 et 17 sont recevables, la société France titrisation fait valoir que :
- ces pièces ont été produites au regard de la motivation du jugement d'orientation qui a retenu que les pièces produites en première instance n'étaient pas
suffisantes ;
- pour pouvoir répondre à cette motivation, elle était contrainte par les délais d'appel et de la procédure à jour fixe mais surtout s'est heurtée à une difficulté extérieure et indépendante de sa volonté ; en effet, les créances sont individualisées sur un fichier informatique qu'elle ne détient pas mais qui est détenu par un tiers, la personne morale dépositaire désignée dans le bordereau de cession, en l'occurrence BNP Paribas Securities services et le commissaire de justice a rencontré des difficultés pour dresser son procès-verbal de constat, ayant dû se rendre à plusieurs reprises au siège de BNP Paribas Securities services, les personnes rencontrées sur place ne comprenant pas le sens de sa demande ; elle s'est ainsi heurtée à un cas de force majeure l'empêchant de produire une pièce complémentaire pour répondre à la motivation du jugement d'orientation, eu égard aux brefs délais imposés par la procédure à jour fixe, de sorte que déclarer les pièces irrecevables la priverait de la possibilité de faire valoir ses droits et de bénéficier d'un procès équitable ;
- le jour fixe qui a été initié en l'espèce ne repose pas sur l'article 917 du code de procédure civile qui dispose que le jour fixe peut être accordé lorsqu'il existe un péril des droits de l'appelant, mais sur l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité, les décisions en matière d'orientation de la procédure de saisie immobilière sont frappées d'appel selon les modalités du jour fixe, sans que le péril des droits n'ait à être démontré; ainsi, s'il se comprend qu'un appelant dans le cadre d'un jour fixe de droit commun, ne puisse ajouter une pièce à son dossier que si cette pièce répond à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle de l'intimé, on ne le comprend pas dans le cadre d'un jour fixe obligatoire ; dans cette hypothèse, la sanction de l'irrecevabilité de la pièce dont la communication ne répond pas à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle de la partie adverse, est disproportionnée par rapport au but recherché par le législateur et constitue une atteinte aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme [G] réplique notamment qu'il n'y avait dans ses conclusions d'appel aucun argument nouveau auquel répondrait la production des pièces 16 et 17 et que si l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution dispense l'appelant de justifier d'un péril, il ne dispense en aucun cas du respect du formalisme obligatoire applicable en matière de procédure à jour fixe et en particulier du respect des dispositions de l'article 918 du code de procédure civile qui imposent que la requête contiennent les conclusions sur le fond et vise les pièces justificatives.
***
Aux termes de l'article 918 du code de procédure civile, la requête présentée aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe doit contenir les conclusions au fond et viser les pièces justificatives.
L'appelant ayant été autorisé à assigner à jour fixe, ne peut produire des pièces qui n'étaient pas visées dans sa requête qu'à la condition qu'elles visent à répondre à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle présentée par l'intimé en appel.
Ces règles doivent s'appliquer sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la procédure à jour fixe est subordonnée à la démonstration d'un péril, ou qu'il s'agisse d'un jour fixe imposé, tel que prescrit par l'article R.322-19 du code des procédures civiles d'exécution, s'agissant de l'appel formé contre un jugement d'orientation. En effet, le pouvoir réglementaire a considéré que l'appel formé contre un jugement d'orientation qui statue sur le sort de la mesure d'exécution forcée la plus grave, à savoir la saisie immobilière, devait relever du régime strict de la procédure à jour fixe, la procédure à bref délai de l'article 905 du code des procédures civiles d'exécution ne lui étant pas apparue suffisamment protectrice des intérêts des parties. La sanction de l'irrecevabilité de la pièce dont la communication ne répond pas à une argumentation nouvelle ou à une pièce nouvelle de la partie intimée n'est donc pas disproportionnée et ne constitue pas une atteinte aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En l'espèce, après les conclusions de l'intimée du 15 juillet 2024, la société France titrisation ès qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages a, le 26 août 2024, déposé de nouvelles conclusions et communiqué un constat de commissaire de justice du 24 juillet 2024 et un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2024 (pièces 16 et 17). Ces nouvelles pièces sont annoncées dans les écritures du 26 août 2024, à la page 9 en conclusion de la partie relative à la recevabilité de l'action, 'pour clore toutes contestations'.
Or, force est constater que, dans la partie relative à la recevabilité de l'action contenue dans ce deuxième jeu de conclusions, aucune réplique n'est apportée à de nouveaux arguments ou pièces nouvelles de l'intimée, cette partie des conclusions (pages 6 à 9) étant strictement identique à celle contenue dans les conclusions jointes à la requête (pages 6 à 9), seule la description des pièces 16 et 17 étant ajoutée (pages 9 et 10), de sorte que ces nouvelles pièces, loin d'être produites en réponse aux conclusions de Mme [G] viennent en réalité au soutien des premières conclusions de la société France titrisation jointes à la requête.
La société France titrisation le reconnaît d'ailleurs sans difficulté puisqu'elle indique que 'les pièces n°16 et 17 ont été produites au regard de la motivation du jugement d'orientation'. Quant à l'argument selon lequel les délais d'appel et de la procédure à jour fixe l'aurait empêchée de produire ces pièces en même temps que sa requête, force est de constater qu'il résulte des dispositions de l'article R. 311-7 du code des procédures civiles d'exécution que le délai d'appel de quinze jours court à compter de la signification du jugement et qu'il n'est pas démontré que le jugement d'orientation du 6 mars 2024 ait été signifié à la société France titritisation, de sorte que le délai ne courait pas quand elle a transmis sa déclaration d'appel le 5 avril dernier et qu'elle avait tout le temps nécessaire pour faire réaliser un constat de commissaire de justice avant de faire appel si ce constat lui semblait utile pour critiquer la motivation du juge de l'exécution. Il n'est d'ailleurs même pas démontré qu'elle avait déjà requis le commissaire de justice quand elle a fait appel puis transmis sa requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe. Quant à la production de l'arrêt de la cour d'appel du 16 mai 2024, rien n'empêchait la société France titrisation de produire un arrêt antérieur adoptant une solution similaire. Elle ne peut donc invoquer utilement qu'elle s'est heurté à un cas de force majeure et se trouverait privée de la possibilité de faire valoir ses droits et de bénéficier d'un procès équitable, si les pièces 16 et 17 étaient déclarées irrecevables.
Il convient donc de déclarer ces deux pièces irrecevables, ce qui entraîne par voie de conséquence l'irrecevabilité de la pièce 18.
Sur le fond :
Selon l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière.
Il incombe au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages qui se prévaut d'une cession de créance à son profit d'en apporter la preuve.
L'acte de cession de créances du 29 avril 2009 mentionne que la société JP Morgan Bank Dublin PLC, [Localité 8] Branch (anciennement Bear Stearns bank public limited company) a cédé au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages représenté par sa société de gestion, la société France titrisation 1 702 créances et précise que 'ces créances sont individualisées sur une liste à support informatique figurant sur un fichier (nom du fichier : 'Mortgage Loans Transfert File'), remis concomitamment au présent bordereau.'
Le fonds commun de titrisation Marsollier verse aux débats un document agrafé à l'acte de cession, portant l'en-tête 'France Titrisation groupe BNP Paribas' et mentionnant divers éléments censés permettre d'identifier la créance comme celle de la société Bear Stearns bank public à l'égard de Mme [G].
Toutefois, rien ne démontre que ce document manifestement établi par la société de gestion du cessionnaire, voire comme l'affirme le fonds appelant (même si celle ne ressort pas de la pièce produite) par la BNP Paribas, dépositaire de l'acte de cession de créances du 29 avril 2009, soit la reproduction sur papier d'un extrait du fichier informatique établi par la banque cédante et remis avec le bordereau de cession.
Il n'est ainsi pas prouvé que la créance de la société JP Morgan Bank Public PLC, [Localité 8] Branch (anciennement Bear Stearns Bank public) au titre de l'acte de prêt du 19 mars 2008 consenti à Mme [G] fasse partie des 1702 créances cédées au fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages.
Ainsi, n'ayant pas la qualité de créancier de Mme [G], le fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages ne pouvait procéder à la saisie immobilière litigieuse.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Partie perdante en appel, le fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages sera condamné aux dépens ainsi qu'à régler à Mme [G] une somme complémentaire de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles que cette dernière a été contrainte d'exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les pièces 16 , 17 et 18 produites les 26 août et 3 septembre 2024 par la société France titrisation agissant en qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages ;
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne la société France titrisation ès qualités de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages à payer à Mme [L] [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société France titrisation ès qualités de société de gestion du fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages aux dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE