Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 3 octobre 2024, n° 20/10949
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 03 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 185
Rôle N° RG 20/10949 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQBL
[A] [K]
SARL ARGEM
C/
[S] [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Anaïs GARAY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FRÉJUS en date du 26 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 2019004224.
APPELANTES
Madame [A] [K]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 9],, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Marie-hélène SALASCA-BLANC, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Société ARGEM SARL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 4] et encore en son Etablissement Le Jas des Roberts - - [Adresse 8] - [Localité 6]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Marie-hélène SALASCA-BLANC, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame Madame [S] [E] veuve [G],
née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 7] (34), demeurant Chez Madame [O] [F], [Adresse 3]
représentée par Me Anaïs GARAY de la SELAS ROBIN LAWYERS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Octobre 2024,
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 25 février 1999, la société Limagemo a cédé à la société Argem un fonds de commerce de restaurant-snack- boisson à consommer sur place et à emporter, connu sous l'enseigne le Jas des Roberts, [Adresse 8] à [Localité 6].
Par acte authentique du même jour, Mme [J] [V] [B] [H] a renouvelé le bail commercial au bénéfice de la société Argem pour une durée de 9 années du 1er mars 1999 jusqu'au 28 février 2008.
Le bail portait sur divers bâtiments situés dans la propriété à savoir :
- une construction d'habitation avec ancienne cave attenante,
- une ancienne bergerie voûtée dite 'magasin',
- une remise attenante,
- la moitié du grand hangar soit la partie Est avec la partie centrale ouverte sur le côté,
- diverses petites ruines et bassins situés tant à l'est qu'à l'ouest des bâtiments ci-dessus désignés,
- le tout avec terrain sur lequel se trouvent les divers bâtiments et ruines ci-dessus attenants et cadastrés section A n° [Cadastre 5] pour une contenance de 33 ares et 90 centiares.
Suivant acte authentique en date du 11 septembre 2014, il a été procédé au renouvellement du bail commercial conclu entre M. le Comte [W] [T], veuf de Mme [J] [V] [B] [H] et la société Argem pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er novembre 2013 pour se terminer le 31 octobre 2022. Ce bail de renouvellement prévoit que des travaux doivent être effectués dans le bâtiment ' bergerie 'pour un montant global de 32.028 € TTC et feront l'objet d'une prise en charge financière de la part de M. le Comte [T], bailleur.
Par acte du 2 avril 2016, Mme [S] [E] veuve [G] a cédé à Mme [A] [K] les 500 parts sociales qu'elle détenait dans le capital social de la SARL Argem. La cession a été consentie et acceptée moyennant le prix de 220.000 €, payable comme suit :
- 50.000 € par chèque de banque remis le 16 février 2016,
- 30.000 € le 15 juin 2016,
- le solde, à savoir 140.000 €, par crédit vendeur en 5 annuités égales de 28.000 € devant intervenir le 2 avril de chaque année, à compter du 2 avril 2017 et la dernière fois le 2 avril 2021.
Aux termes de cet acte de cession, il était par ailleurs convenu que le remboursement du compte courant de Mme [S] [E] veuve [G] d'un montant de 100.000 € intervienne, en sus du prix de ces 500 parts sociales, en 5 échéances annuelles de 20.000 € du 2 avril 2016 au 2 avril 2020.
Mme [A] [K] et la société Argem n'ayant pas procédé au paiement des échéances convenues tant pour le prix de cession que pour le compte courant d'associé, Mme [S] [E] veuve [G] les a fait assigner, par acte du 13 juin 2018, devant le tribunal de grande instance de Draguignan.
Par ordonnance d'incident du 28 juin 2019, le juge de la mise en état a déclaré la juridiction saisie incompétente au profit du tribunal de commerce de Fréjus.
Par jugement en date du 26 octobre 2020, le tribunal de commerce de Fréjus a :
- condamné Mme [A] [K] à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 84.000 € au titre des échéances des 2 avril 2017, 2 avril 2018 et 2 avril 2019,
- condamné solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 80.000 € au titre des échéances dues des 2 avril 2016, 2 avril 2017, 2 avril 2018 et 2 avril 2019 relatives au remboursement du compte courant d'associé,
- débouté Mme [A] [K] et la société Argem de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- débouté Mme [S] [E] veuve [G] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
- condamné solidairement Mme [A] [K] et la société Argem aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 94,34 € TTC dont 17,52 € de TVA.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que :
- sur le solde du prix de cession : il est établi que Mme [K] n'a pas respecté les échéances prévues par l'acte du 2 avril 2016 et reste redevable de trois échéances de 28.000 €, soit un total de 84.000 €,
- sur le remboursement du compte courant de la cédante: Mme [K] n'a pas davantage respecté l'échéancier convenu à l'acte du 2 avril 2016, la créance de Mme [E] s'élevant à ce titre à la somme de 80.000 €,
- sur l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce:
* Mme [K] n'a pas fait l'acquisition d'un fonds de commerce mais est cessionnaire de parts sociales,
* sur le fondement de l'article 1641 du code civil, Mme [K] allègue que Mme [E] lui aurait volontairement dissimulé que le fonds de commerce faisait l'objet d'une fermeture administrative et était affecté de nombreux vices mais ne verse aucun élément probant à l'appui de telles affirmations,
- sur l'impossibilité d'exploiter la salle de réception:
* Mme [K], préalablement à la cession de parts, a fait dresser le 12 février 2016, un procès-verbal de constat, l'huissier ayant relevé que l'ensemble immobilier dans lequel est aménagée la salle de réception est en parfait état et est exploitée par la société Argem,
* l'absence de déclaration de changement d'affectation de l'immeuble déposée auprès des services de la commune de [Localité 6] n'est pas imputable à Mme [E] qui a rempli la déclaration préalable avant de la transmettre au bailleur, seul habilité à effectuer les formalités qu'il n'a cependant pas faites,
* en tout état de cause, cette absence de déclaration n'a aucune conséquence sur l'exploitation de l'immeuble à des fins commerciales,
- sur la situation comptable et sociale:
* Mme [K] ne rapporte pas la preuve que des dettes sociales antérieures lui auraient été dissimulées par la cédante dont la responsabilité ne peut être engagée suite à un litige prud'homal dont l'origine est postérieure à la cession,
* Mme [K] a fait l'acquisition des parts sociales sur la base des états de synthèse de l'exercice clos au 31 décembre 2014, dans la mesure où le bilan de l'exercice 2015 n'avait pas été établi,
- celle-ci se prévaut enfin de l'existence d'une garantie d'actif et de passif qui aurait été consentie par la cédante, mais aucune garantie de ce type n'a été formalisée entre les parties.
Par déclaration en date du 12 novembre 2020, Mme [A] [K] et la société Argem ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par RPVA le 11 février 2021, Mme [A] [K] et la société Argem demandent à la cour de :
Vu les articles 1104, 1112-1, 1137, 1341, 1240 et 1347 et suivants du code civil,
- déclarer Mme [A] [K] et la société Argem recevables en leurs demandes,
- les déclarer bien fondées,
En conséquence,
A titre principal,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus le 26 octobre 2020,
- dire et juger que Mme [K] s'est acquittée entre les mains de Mme [E] veuve [G] de la somme de 140.000 € en exécution du contrat de cession de parts sociales de la société Argem,
- dire et juger que la réclamation indemnitaire de Mme [E] veuve [G] ne pourra excéder 56.000 € sous toutes réserves de contestations de fond que Mme [K] et la société Argem entendent élever,
A titre reconventionnel,
- dire et juger que Mme [E] veuve [G] a sciemment dissimulé à Mme [K] l'impossibilité d'exploiter paisiblement le fonds de commerce et les nombreux désordres l'affectant ainsi que la situation comptable désastreuse de la société Argem,
- dire et juger que Mme [E] veuve [G] a frauduleusement dissimulé des informations déterminantes du consentement de Mme [K] qui n'aurait pas procédé à l'acquisition des parts sociales de la société Argem si elle en avait eu connaissance,
- dire et juger que par ses agissements, Mme [E] veuve [G] s'est rendue coupable de réticence dolosive ayant entraîné une surévaluation du prix de cession des parts sociales de la société Argem, ces dernières étant dénuées de valeur à la date de la cession,
- dire et juger que par ses agissements, Mme [E] veuve [G] a commis une faute dont elle doit réparation à Mme [K],
- dire et juger que Mme [K] a subi un préjudice en lien avec la faute commise par Mme [E] veuve [G] évalué à la somme de 364.022,80 €,
- condamner en conséquence Mme [E] veuve [G] à payer à Mme [K] la somme de 364.022,80 € à titre de réparation pécuniaire du dol,
- condamner Mme [E] veuve [G] à restituer à Mme [K] l'excès du prix que cette dernière a réglé, soit la somme de 140.000 €,
- dire et juger le cas échéant que les parts sociales de la SARL Argem cédées par Mme [E] veuve [G] étaient affectées de vices non décelables lors de la cession,
- condamner le cas échéant Mme [E] veuve [G] à payer à Mme [K] la somme de 140.000 € en exécution de la garantie des vices cachés affectant les parts sociales cédées,
En tout état de cause,
- opérer la compensation entre créances et dettes réciproques,
- débouter Mme [E] veuve [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Argem et de Mme [K]
- condamner Mme [E] veuve [G] à payer à Mme [K] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [E] veuve [G] à payer à la société Argem la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [E] veuve [G] aux entiers dépens.
Mme [S] [E] veuve [G], suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 23 février 2021, demande à la cour de:
Vu les articles 1221 et 1137 du code civil,
Vu l'article L 480-4 du code de l'urbanisme,
Vu l'article 1641 du code civil,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Draguignan le 26 octobre 2020,
En conséquence,
- débouter Mme [A] [K] et la société Argem de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [A] [K] à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 112.000 € au titre des échéances dues des 2 avril 2017, 2018, 2019 et 2020 relatives au paiement du prix de vente des parts sociales,
- condamner solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 100.000 € au titre des échéances dues des 2 avril 2017, 2018, 2019 et 2020 relatives au remboursement du compte courant d'associé,
- condamner solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mme [A] [K] et la société Argem aux dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 4 juin 2024.
MOTIFS
Sur le caractère erroné du décompte des sommes réglées à Mme [S] [E] veuve [G] et sur le cantonnement de ses demandes
Mme [K] soutient que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, elle n'a pas uniquement réglé la somme de 80.000 € mais justifie avoir versé une somme globale de 140.000 €, de sorte qu'il convient de déduire, de toute réclamation indemnitaire de l'intimée, la somme de 60.000 €. Elle se prévaut plus particulièrement d'un registre manuscrit sur lequel chaque règlement est contresigné par Mme [G].
Celle-ci conteste une telle affirmation, estimant que la simple production d'un registre manuscrit est insuffisante, Mme [K] se gardant de communiquer ses relevés de compte sur lesquels pourrait figurer au débit, le montant des chèques listés sur le registre.
En vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il appartient, en conséquence, à Mme [K] qui prétend que tous les règlement qu'elle a effectués n'ont pas été pris en compte, d'en rapporter la preuve.
Celle-ci produit, pour seule pièce, une simple photocopie d'un extrait de registre manuscrit avec la mention de chèques de divers montants et pour certains, comportant une signature qui serait attribuée à Mme [G], sans qu'il soit indiqué à aucun moment qui est l'auteur des différents chèques et si ceux-ci ont effectivement été encaissés. En bas de ce document, il est indiqué ' Je soussignée [A] [K] atteste avoir donné 90.000 € à Mme [G], les 6 signatures en face des montants en attestent'. Cette attestation faite à elle-même ne peut qu'être dépourvue de toute valeur probatoire.
Comme en première instance, Mme [K] se garde de communiquer les justificatifs d'encaissements de ces prétendus chèques et ne verse pas davantage ses relevés bancaires sur lesquels pourraient figurer au débit du compte, les montants des chèques listés sur le registre.
Mme [K] ne rapportant pas la preuve qui lui incombe des paiements qu'elle prétend avoir effectués, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [G]:
- au titre du prix de cession des parts sociales, la somme de 84.000 € au titre des échéances des 2 avril 2017, 2018 et 2019, sauf à rajouter la somme de 28.000 € correspondant à l'échéance du 2 avril 2020 non honorée,
- au titre du compte courant d'associé, la somme de 80.000 € au titres des échéances des 2 avril 2016, 2017, 2018 et 2019, sauf à rajouter la somme de 20.000 € au titre de l'échéance du 2 avril 2020, qui n'a pas davantage été réglée.
Sur le dol commis par Mme [S] [E] veuve [G]
Mme [K] fait grief à l'intimée de s'être volontairement abstenue de lui communiquer des informations essentielles afférentes à la poursuite de l'activité de la société Argem et plus particulièrement :
- l'impossibilité d'exploiter de façon paisible le fonds de commerce celui-ci étant affecté de graves désordres,
- la situation comptable désastreuse de la société Argem.
Elle considère que le prix de cession a été ainsi surévalué en ce que Mme [G] lui a volontairement dissimulé que la situation de la société Argem était irrémédiablement compromise.
En vertu de l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Il appartient à l'acquéreur d'établir le vendeur lui a sciemment caché une information déterminante de son consentement ou a menti sur une telle information.
Le dol, vice du consentement, s'apprécie au moment de la formation du contrat.
Sur l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce
Sur ce point, Mme [K] invoque l'impossibilité d'exploitation de la salle de réception faute d'autorisation de changement d'affectation délivrée par la mairie de [Localité 6]. Elle déplore également divers désordres affectant le fonds de commerce, principal actif de la société tenant à l'existence d'un arrêté de fermeture administrative pour non respect des normes d'hygiène, une installation électrique qui n'était pas aux normes, le non respect de la réglementation en matière d'accessibilité pour les personnes handicapées et des réseaux d'approvisionnement en eau et d'évacuation des eaux usées défectueux.
Mme [G] conclut en premier lieu à l'irrecevabilité des demandes portant sur le fonds de commerce, rappelant que Mme [K] n'a pas fait l'acquisition d'un fonds de commerce comme elle le prétend mais est cessionnaire de parts sociales, de sorte que les moyens mis en avant relatifs à l'exploitation du fonds de commerce ne peuvent qu'être écartés comme concernant une opération juridique de cession de fonds de commerce.
En tout état de cause, elle fait valoir que les éléments invoqués par l'appelante ne sont pas justifiés.
Si effectivement Mme [K] n'a pas fait l'acquisition d'un fond de commerce mais est cessionnaire de parts sociales, il n'en demeure pas moins qu'elle est fondée à se prévaloir de l'existence de nuisances affectant l'immeuble sur lequel portent les parts sociales et de travaux nécessaires qui lui ont été volontairement dissimulés et que si elle en avait eu connaissance, elle n'aurait pas acquis les parts sociales ou en tout cas à un prix moindre. Elle est donc recevable, au soutien du dol dont elle affirme avoir été victime, à se prévaloir de moyens de défense liés à l'exploitation du fonds de commerce appartenant à la société Argem.
Aux termes de l'acte de cession de parts sociales, Mme [S] [G] a déclaré ' qu'elle exploite son activité de restauration au titre d'un bail commercial et que l'ensemble des lois, règlements et contrats relatifs à son exploitation a scrupuleusement été respecté.'
Préalablement à l'acquisition des parts sociales, Mme [K] a fait établir, le 12 février 2016, un constat d'huissier à la lecture duquel il apparaît que l'ensemble immobilier dans lequel la salle de réception a été aménagée est en parfait état et est exploité par la société Argem, ce qui est corroboré par les nombreux clichés photographiques qui sont annexés au constat.
Quant à l'affirmation selon laquelle, la salle de réception ne serait pas exploitable en l'absence d'autorisation administrative relative au changement d'affectation des lieux délivrée par la commune de [Localité 6], il est produit la déclaration préalable en question en date du 16 janvier 2015 effectuée par Mme [G] et adressée à la mairie de [Localité 6] sans qu'il soit justifié de la suite donnée, étant relevé qu'il n'est pas établi que cette absence de changement de destination était de nature à entraver l'exploitation du fonds à des fins commerciales, ce qui était manifestement le cas au regard du constat d'huissier.
Au demeurant, il est communiqué l'annonce relative à la vente du fonds de commerce exploité par la société Argem, Mme [K] ayant précisé que ' le site dispose d'une salle de mariage ou de conférence de 150 m² équipée sono etc...' , mettant ainsi en évidence que la salle de réception est bien exploitée.
S'agissant des désordres affectant les lieux, l'appelante soutient en premier lieu avoir découvert que le restaurant faisait l'objet d'un arrêté de fermeture administrative pour non respect des normes d'hygiène, mais il n'est produit aucun élément justifiant de la réalité de cette fermeture à l'exception d'une attestation, non datée, de l'expert-comptable de Mme [K], qui évoque cette situation, de sorte qu'il n'est même pas possible de déterminer à quelle date, à supposer qu'elle soit établie, une telle mesure serait intervenue.
La non conformité de l'installation électrique et des réseaux d'approvisionnement en eaux usées n'est justifiée que par la production de simples devis non signés qui ne permettent de démontrer ni l'existence des désordres invoqués, ni leur date d'apparition et ni le fait que Mme [K] n'en avais pas connaissance lorsqu'elles acquis les parts sociales litigieuses.
Sur l'existence d'un passif comptable non déclaré et la dissimulation de la dégradation de la situation comptable de la société Argem,
Mme [K] affirme que Mme [G] lui a dissimulé des dettes sociales antérieures ainsi que l'existence d'un litige prud'homal dans le seul but de surévaluer le prix de cession.
Elle fait également valoir que l'intimée lui a volontairement masqué la forte dégradation de l'actif disponible en rapport au passif exigible de la société.
L'intimée conteste les allégations adverses relevant qu'elles ne sont nullement justifiées et que le litige prud'homal a pris sa source postérieurement à l'acte de cession.
Sur le premier point, Mme [K] indique avoir dû supporter des dettes sociales antérieures à la cession ( URSSAF), une contrainte lui ayant été délivrée par acte extra-judiciaire du 16 décembre 2016.
Or, elle se contente de l'attestation non datée de son expert comptable, qui indique ' la signification de la contrainte du 16 décembre 2016 que vous avez payé (sic) concerne en majeur (sic) partie des dettes antérieures à l'acquisition des parts sociales de la SARL Argem (...)' mais s'abstient de communiquer la contrainte litigieuse qui aurait permis d'une part, de vérifier la réalité de son existence et d'autres part, les dettes concernées.
L'existence d'un litige prud'homal ne ressort d'aucune pièce à l'exception de l'attestation susvisée qui en toute hypothèse ne permet pas de déterminer si son origine est antérieure ou non à la cession.
Quant à l'affirmation de la dégradation de l'actif net de la société Argem et de l'augmentation du passif comptable entre l'exercice clos au 31 décembre 2014 et l'exercice clos au 31 décembre 2015, il n'est produit strictement aucune pièce comptable ( bilan, compte de résultat), de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier la réalité de la dégradation alléguée et ne peut se contenter de l'attestation de l'expert comptable de Mme [K]. La surévaluation du prix des parts sociales n'est donc pas établie, ni davantage que la cessionnaire n'avait pas une parfaite connaissance de la situation comptable de la société au moment de la signature de l'acte de cession.
En considération de ces éléments, le dol invoqué par Mme [K] n'est pas établi et celle-ci ne peut qu'être déboutée de ses demandes indemnitaires formées à ce titre.
Sur la garantie des vices cachés affectant les parts sociales
A titre subsidiaire, Mme [K] estime que Mme [G] aurait failli à son obligation de garantie des vices cachés affectant les parts sociales, précisant que ces vices résulteraient :
- d'une part, de l'impossibilité ou d'une gêne dans l'exploitation par la SARL Argem de son fonds de commerce ( fermeture administrative et nombreux désordres affectant ledit fonds),
- d'autre part, de la dégradation de l'actif disponible et de l'augmentation du passif exigible, s'appuyant sur l'existence d'une garantie d'actif et de passif.
Sur le premier point et au regard des développements qui précèdent, l'impossibilité ou la gêne dans l'exploitation par la SARL Argem de son fonds de commerce n'est pas établie.
Sur le second point, Mme [K] se prévaut d'une garantie d'actif et de passif que lui aurait consentie la cédante.
Il ressort cependant des pièces du dossier qu'une telle garantie n'a jamais été formalisée entre les parties.
En outre, sur le fond, la preuve de l'existence de la dégradation de la situation comptable de la société Argem n'est pas rapportée.
En définitive, les appelantes seront déboutées des fins de leur recours et le jugement entrepris sera confirmé sauf à actualiser les sommes dues au titre du solde du prix de cession des parts sociales et du compte courant d'associé.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et arrêt contradictoire,
Déboute Mme [A] [K] et la SARL Argem des fins de leur recours et confirme le jugement du tribunal de commerce de Fréjus déféré,
Y ajoutant,
Condamne Mme [A] [K] à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 28.000 € au titre de l'échéance du 2 avril 2020 relative au paiement du prix de cession des parts sociales,
Condamne solidairement Mme [A] [K] et la SARL Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 20.000 € au titre de l'échéance du 2 avril 2020 relative au remboursement du compte courant d'associé,
Condamne solidairement Mme [A] [K] et la SARL Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [A] [K] et la SARL Argem aux dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 03 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 185
Rôle N° RG 20/10949 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQBL
[A] [K]
SARL ARGEM
C/
[S] [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Anaïs GARAY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FRÉJUS en date du 26 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 2019004224.
APPELANTES
Madame [A] [K]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 9],, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Marie-hélène SALASCA-BLANC, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Société ARGEM SARL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 4] et encore en son Etablissement Le Jas des Roberts - - [Adresse 8] - [Localité 6]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Marie-hélène SALASCA-BLANC, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame Madame [S] [E] veuve [G],
née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 7] (34), demeurant Chez Madame [O] [F], [Adresse 3]
représentée par Me Anaïs GARAY de la SELAS ROBIN LAWYERS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Octobre 2024,
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 25 février 1999, la société Limagemo a cédé à la société Argem un fonds de commerce de restaurant-snack- boisson à consommer sur place et à emporter, connu sous l'enseigne le Jas des Roberts, [Adresse 8] à [Localité 6].
Par acte authentique du même jour, Mme [J] [V] [B] [H] a renouvelé le bail commercial au bénéfice de la société Argem pour une durée de 9 années du 1er mars 1999 jusqu'au 28 février 2008.
Le bail portait sur divers bâtiments situés dans la propriété à savoir :
- une construction d'habitation avec ancienne cave attenante,
- une ancienne bergerie voûtée dite 'magasin',
- une remise attenante,
- la moitié du grand hangar soit la partie Est avec la partie centrale ouverte sur le côté,
- diverses petites ruines et bassins situés tant à l'est qu'à l'ouest des bâtiments ci-dessus désignés,
- le tout avec terrain sur lequel se trouvent les divers bâtiments et ruines ci-dessus attenants et cadastrés section A n° [Cadastre 5] pour une contenance de 33 ares et 90 centiares.
Suivant acte authentique en date du 11 septembre 2014, il a été procédé au renouvellement du bail commercial conclu entre M. le Comte [W] [T], veuf de Mme [J] [V] [B] [H] et la société Argem pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er novembre 2013 pour se terminer le 31 octobre 2022. Ce bail de renouvellement prévoit que des travaux doivent être effectués dans le bâtiment ' bergerie 'pour un montant global de 32.028 € TTC et feront l'objet d'une prise en charge financière de la part de M. le Comte [T], bailleur.
Par acte du 2 avril 2016, Mme [S] [E] veuve [G] a cédé à Mme [A] [K] les 500 parts sociales qu'elle détenait dans le capital social de la SARL Argem. La cession a été consentie et acceptée moyennant le prix de 220.000 €, payable comme suit :
- 50.000 € par chèque de banque remis le 16 février 2016,
- 30.000 € le 15 juin 2016,
- le solde, à savoir 140.000 €, par crédit vendeur en 5 annuités égales de 28.000 € devant intervenir le 2 avril de chaque année, à compter du 2 avril 2017 et la dernière fois le 2 avril 2021.
Aux termes de cet acte de cession, il était par ailleurs convenu que le remboursement du compte courant de Mme [S] [E] veuve [G] d'un montant de 100.000 € intervienne, en sus du prix de ces 500 parts sociales, en 5 échéances annuelles de 20.000 € du 2 avril 2016 au 2 avril 2020.
Mme [A] [K] et la société Argem n'ayant pas procédé au paiement des échéances convenues tant pour le prix de cession que pour le compte courant d'associé, Mme [S] [E] veuve [G] les a fait assigner, par acte du 13 juin 2018, devant le tribunal de grande instance de Draguignan.
Par ordonnance d'incident du 28 juin 2019, le juge de la mise en état a déclaré la juridiction saisie incompétente au profit du tribunal de commerce de Fréjus.
Par jugement en date du 26 octobre 2020, le tribunal de commerce de Fréjus a :
- condamné Mme [A] [K] à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 84.000 € au titre des échéances des 2 avril 2017, 2 avril 2018 et 2 avril 2019,
- condamné solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 80.000 € au titre des échéances dues des 2 avril 2016, 2 avril 2017, 2 avril 2018 et 2 avril 2019 relatives au remboursement du compte courant d'associé,
- débouté Mme [A] [K] et la société Argem de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- débouté Mme [S] [E] veuve [G] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
- condamné solidairement Mme [A] [K] et la société Argem aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 94,34 € TTC dont 17,52 € de TVA.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que :
- sur le solde du prix de cession : il est établi que Mme [K] n'a pas respecté les échéances prévues par l'acte du 2 avril 2016 et reste redevable de trois échéances de 28.000 €, soit un total de 84.000 €,
- sur le remboursement du compte courant de la cédante: Mme [K] n'a pas davantage respecté l'échéancier convenu à l'acte du 2 avril 2016, la créance de Mme [E] s'élevant à ce titre à la somme de 80.000 €,
- sur l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce:
* Mme [K] n'a pas fait l'acquisition d'un fonds de commerce mais est cessionnaire de parts sociales,
* sur le fondement de l'article 1641 du code civil, Mme [K] allègue que Mme [E] lui aurait volontairement dissimulé que le fonds de commerce faisait l'objet d'une fermeture administrative et était affecté de nombreux vices mais ne verse aucun élément probant à l'appui de telles affirmations,
- sur l'impossibilité d'exploiter la salle de réception:
* Mme [K], préalablement à la cession de parts, a fait dresser le 12 février 2016, un procès-verbal de constat, l'huissier ayant relevé que l'ensemble immobilier dans lequel est aménagée la salle de réception est en parfait état et est exploitée par la société Argem,
* l'absence de déclaration de changement d'affectation de l'immeuble déposée auprès des services de la commune de [Localité 6] n'est pas imputable à Mme [E] qui a rempli la déclaration préalable avant de la transmettre au bailleur, seul habilité à effectuer les formalités qu'il n'a cependant pas faites,
* en tout état de cause, cette absence de déclaration n'a aucune conséquence sur l'exploitation de l'immeuble à des fins commerciales,
- sur la situation comptable et sociale:
* Mme [K] ne rapporte pas la preuve que des dettes sociales antérieures lui auraient été dissimulées par la cédante dont la responsabilité ne peut être engagée suite à un litige prud'homal dont l'origine est postérieure à la cession,
* Mme [K] a fait l'acquisition des parts sociales sur la base des états de synthèse de l'exercice clos au 31 décembre 2014, dans la mesure où le bilan de l'exercice 2015 n'avait pas été établi,
- celle-ci se prévaut enfin de l'existence d'une garantie d'actif et de passif qui aurait été consentie par la cédante, mais aucune garantie de ce type n'a été formalisée entre les parties.
Par déclaration en date du 12 novembre 2020, Mme [A] [K] et la société Argem ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par RPVA le 11 février 2021, Mme [A] [K] et la société Argem demandent à la cour de :
Vu les articles 1104, 1112-1, 1137, 1341, 1240 et 1347 et suivants du code civil,
- déclarer Mme [A] [K] et la société Argem recevables en leurs demandes,
- les déclarer bien fondées,
En conséquence,
A titre principal,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus le 26 octobre 2020,
- dire et juger que Mme [K] s'est acquittée entre les mains de Mme [E] veuve [G] de la somme de 140.000 € en exécution du contrat de cession de parts sociales de la société Argem,
- dire et juger que la réclamation indemnitaire de Mme [E] veuve [G] ne pourra excéder 56.000 € sous toutes réserves de contestations de fond que Mme [K] et la société Argem entendent élever,
A titre reconventionnel,
- dire et juger que Mme [E] veuve [G] a sciemment dissimulé à Mme [K] l'impossibilité d'exploiter paisiblement le fonds de commerce et les nombreux désordres l'affectant ainsi que la situation comptable désastreuse de la société Argem,
- dire et juger que Mme [E] veuve [G] a frauduleusement dissimulé des informations déterminantes du consentement de Mme [K] qui n'aurait pas procédé à l'acquisition des parts sociales de la société Argem si elle en avait eu connaissance,
- dire et juger que par ses agissements, Mme [E] veuve [G] s'est rendue coupable de réticence dolosive ayant entraîné une surévaluation du prix de cession des parts sociales de la société Argem, ces dernières étant dénuées de valeur à la date de la cession,
- dire et juger que par ses agissements, Mme [E] veuve [G] a commis une faute dont elle doit réparation à Mme [K],
- dire et juger que Mme [K] a subi un préjudice en lien avec la faute commise par Mme [E] veuve [G] évalué à la somme de 364.022,80 €,
- condamner en conséquence Mme [E] veuve [G] à payer à Mme [K] la somme de 364.022,80 € à titre de réparation pécuniaire du dol,
- condamner Mme [E] veuve [G] à restituer à Mme [K] l'excès du prix que cette dernière a réglé, soit la somme de 140.000 €,
- dire et juger le cas échéant que les parts sociales de la SARL Argem cédées par Mme [E] veuve [G] étaient affectées de vices non décelables lors de la cession,
- condamner le cas échéant Mme [E] veuve [G] à payer à Mme [K] la somme de 140.000 € en exécution de la garantie des vices cachés affectant les parts sociales cédées,
En tout état de cause,
- opérer la compensation entre créances et dettes réciproques,
- débouter Mme [E] veuve [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Argem et de Mme [K]
- condamner Mme [E] veuve [G] à payer à Mme [K] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [E] veuve [G] à payer à la société Argem la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [E] veuve [G] aux entiers dépens.
Mme [S] [E] veuve [G], suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 23 février 2021, demande à la cour de:
Vu les articles 1221 et 1137 du code civil,
Vu l'article L 480-4 du code de l'urbanisme,
Vu l'article 1641 du code civil,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Draguignan le 26 octobre 2020,
En conséquence,
- débouter Mme [A] [K] et la société Argem de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [A] [K] à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 112.000 € au titre des échéances dues des 2 avril 2017, 2018, 2019 et 2020 relatives au paiement du prix de vente des parts sociales,
- condamner solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 100.000 € au titre des échéances dues des 2 avril 2017, 2018, 2019 et 2020 relatives au remboursement du compte courant d'associé,
- condamner solidairement Mme [A] [K] et la société Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mme [A] [K] et la société Argem aux dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 4 juin 2024.
MOTIFS
Sur le caractère erroné du décompte des sommes réglées à Mme [S] [E] veuve [G] et sur le cantonnement de ses demandes
Mme [K] soutient que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, elle n'a pas uniquement réglé la somme de 80.000 € mais justifie avoir versé une somme globale de 140.000 €, de sorte qu'il convient de déduire, de toute réclamation indemnitaire de l'intimée, la somme de 60.000 €. Elle se prévaut plus particulièrement d'un registre manuscrit sur lequel chaque règlement est contresigné par Mme [G].
Celle-ci conteste une telle affirmation, estimant que la simple production d'un registre manuscrit est insuffisante, Mme [K] se gardant de communiquer ses relevés de compte sur lesquels pourrait figurer au débit, le montant des chèques listés sur le registre.
En vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il appartient, en conséquence, à Mme [K] qui prétend que tous les règlement qu'elle a effectués n'ont pas été pris en compte, d'en rapporter la preuve.
Celle-ci produit, pour seule pièce, une simple photocopie d'un extrait de registre manuscrit avec la mention de chèques de divers montants et pour certains, comportant une signature qui serait attribuée à Mme [G], sans qu'il soit indiqué à aucun moment qui est l'auteur des différents chèques et si ceux-ci ont effectivement été encaissés. En bas de ce document, il est indiqué ' Je soussignée [A] [K] atteste avoir donné 90.000 € à Mme [G], les 6 signatures en face des montants en attestent'. Cette attestation faite à elle-même ne peut qu'être dépourvue de toute valeur probatoire.
Comme en première instance, Mme [K] se garde de communiquer les justificatifs d'encaissements de ces prétendus chèques et ne verse pas davantage ses relevés bancaires sur lesquels pourraient figurer au débit du compte, les montants des chèques listés sur le registre.
Mme [K] ne rapportant pas la preuve qui lui incombe des paiements qu'elle prétend avoir effectués, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [G]:
- au titre du prix de cession des parts sociales, la somme de 84.000 € au titre des échéances des 2 avril 2017, 2018 et 2019, sauf à rajouter la somme de 28.000 € correspondant à l'échéance du 2 avril 2020 non honorée,
- au titre du compte courant d'associé, la somme de 80.000 € au titres des échéances des 2 avril 2016, 2017, 2018 et 2019, sauf à rajouter la somme de 20.000 € au titre de l'échéance du 2 avril 2020, qui n'a pas davantage été réglée.
Sur le dol commis par Mme [S] [E] veuve [G]
Mme [K] fait grief à l'intimée de s'être volontairement abstenue de lui communiquer des informations essentielles afférentes à la poursuite de l'activité de la société Argem et plus particulièrement :
- l'impossibilité d'exploiter de façon paisible le fonds de commerce celui-ci étant affecté de graves désordres,
- la situation comptable désastreuse de la société Argem.
Elle considère que le prix de cession a été ainsi surévalué en ce que Mme [G] lui a volontairement dissimulé que la situation de la société Argem était irrémédiablement compromise.
En vertu de l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Il appartient à l'acquéreur d'établir le vendeur lui a sciemment caché une information déterminante de son consentement ou a menti sur une telle information.
Le dol, vice du consentement, s'apprécie au moment de la formation du contrat.
Sur l'impossibilité d'exploiter le fonds de commerce
Sur ce point, Mme [K] invoque l'impossibilité d'exploitation de la salle de réception faute d'autorisation de changement d'affectation délivrée par la mairie de [Localité 6]. Elle déplore également divers désordres affectant le fonds de commerce, principal actif de la société tenant à l'existence d'un arrêté de fermeture administrative pour non respect des normes d'hygiène, une installation électrique qui n'était pas aux normes, le non respect de la réglementation en matière d'accessibilité pour les personnes handicapées et des réseaux d'approvisionnement en eau et d'évacuation des eaux usées défectueux.
Mme [G] conclut en premier lieu à l'irrecevabilité des demandes portant sur le fonds de commerce, rappelant que Mme [K] n'a pas fait l'acquisition d'un fonds de commerce comme elle le prétend mais est cessionnaire de parts sociales, de sorte que les moyens mis en avant relatifs à l'exploitation du fonds de commerce ne peuvent qu'être écartés comme concernant une opération juridique de cession de fonds de commerce.
En tout état de cause, elle fait valoir que les éléments invoqués par l'appelante ne sont pas justifiés.
Si effectivement Mme [K] n'a pas fait l'acquisition d'un fond de commerce mais est cessionnaire de parts sociales, il n'en demeure pas moins qu'elle est fondée à se prévaloir de l'existence de nuisances affectant l'immeuble sur lequel portent les parts sociales et de travaux nécessaires qui lui ont été volontairement dissimulés et que si elle en avait eu connaissance, elle n'aurait pas acquis les parts sociales ou en tout cas à un prix moindre. Elle est donc recevable, au soutien du dol dont elle affirme avoir été victime, à se prévaloir de moyens de défense liés à l'exploitation du fonds de commerce appartenant à la société Argem.
Aux termes de l'acte de cession de parts sociales, Mme [S] [G] a déclaré ' qu'elle exploite son activité de restauration au titre d'un bail commercial et que l'ensemble des lois, règlements et contrats relatifs à son exploitation a scrupuleusement été respecté.'
Préalablement à l'acquisition des parts sociales, Mme [K] a fait établir, le 12 février 2016, un constat d'huissier à la lecture duquel il apparaît que l'ensemble immobilier dans lequel la salle de réception a été aménagée est en parfait état et est exploité par la société Argem, ce qui est corroboré par les nombreux clichés photographiques qui sont annexés au constat.
Quant à l'affirmation selon laquelle, la salle de réception ne serait pas exploitable en l'absence d'autorisation administrative relative au changement d'affectation des lieux délivrée par la commune de [Localité 6], il est produit la déclaration préalable en question en date du 16 janvier 2015 effectuée par Mme [G] et adressée à la mairie de [Localité 6] sans qu'il soit justifié de la suite donnée, étant relevé qu'il n'est pas établi que cette absence de changement de destination était de nature à entraver l'exploitation du fonds à des fins commerciales, ce qui était manifestement le cas au regard du constat d'huissier.
Au demeurant, il est communiqué l'annonce relative à la vente du fonds de commerce exploité par la société Argem, Mme [K] ayant précisé que ' le site dispose d'une salle de mariage ou de conférence de 150 m² équipée sono etc...' , mettant ainsi en évidence que la salle de réception est bien exploitée.
S'agissant des désordres affectant les lieux, l'appelante soutient en premier lieu avoir découvert que le restaurant faisait l'objet d'un arrêté de fermeture administrative pour non respect des normes d'hygiène, mais il n'est produit aucun élément justifiant de la réalité de cette fermeture à l'exception d'une attestation, non datée, de l'expert-comptable de Mme [K], qui évoque cette situation, de sorte qu'il n'est même pas possible de déterminer à quelle date, à supposer qu'elle soit établie, une telle mesure serait intervenue.
La non conformité de l'installation électrique et des réseaux d'approvisionnement en eaux usées n'est justifiée que par la production de simples devis non signés qui ne permettent de démontrer ni l'existence des désordres invoqués, ni leur date d'apparition et ni le fait que Mme [K] n'en avais pas connaissance lorsqu'elles acquis les parts sociales litigieuses.
Sur l'existence d'un passif comptable non déclaré et la dissimulation de la dégradation de la situation comptable de la société Argem,
Mme [K] affirme que Mme [G] lui a dissimulé des dettes sociales antérieures ainsi que l'existence d'un litige prud'homal dans le seul but de surévaluer le prix de cession.
Elle fait également valoir que l'intimée lui a volontairement masqué la forte dégradation de l'actif disponible en rapport au passif exigible de la société.
L'intimée conteste les allégations adverses relevant qu'elles ne sont nullement justifiées et que le litige prud'homal a pris sa source postérieurement à l'acte de cession.
Sur le premier point, Mme [K] indique avoir dû supporter des dettes sociales antérieures à la cession ( URSSAF), une contrainte lui ayant été délivrée par acte extra-judiciaire du 16 décembre 2016.
Or, elle se contente de l'attestation non datée de son expert comptable, qui indique ' la signification de la contrainte du 16 décembre 2016 que vous avez payé (sic) concerne en majeur (sic) partie des dettes antérieures à l'acquisition des parts sociales de la SARL Argem (...)' mais s'abstient de communiquer la contrainte litigieuse qui aurait permis d'une part, de vérifier la réalité de son existence et d'autres part, les dettes concernées.
L'existence d'un litige prud'homal ne ressort d'aucune pièce à l'exception de l'attestation susvisée qui en toute hypothèse ne permet pas de déterminer si son origine est antérieure ou non à la cession.
Quant à l'affirmation de la dégradation de l'actif net de la société Argem et de l'augmentation du passif comptable entre l'exercice clos au 31 décembre 2014 et l'exercice clos au 31 décembre 2015, il n'est produit strictement aucune pièce comptable ( bilan, compte de résultat), de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier la réalité de la dégradation alléguée et ne peut se contenter de l'attestation de l'expert comptable de Mme [K]. La surévaluation du prix des parts sociales n'est donc pas établie, ni davantage que la cessionnaire n'avait pas une parfaite connaissance de la situation comptable de la société au moment de la signature de l'acte de cession.
En considération de ces éléments, le dol invoqué par Mme [K] n'est pas établi et celle-ci ne peut qu'être déboutée de ses demandes indemnitaires formées à ce titre.
Sur la garantie des vices cachés affectant les parts sociales
A titre subsidiaire, Mme [K] estime que Mme [G] aurait failli à son obligation de garantie des vices cachés affectant les parts sociales, précisant que ces vices résulteraient :
- d'une part, de l'impossibilité ou d'une gêne dans l'exploitation par la SARL Argem de son fonds de commerce ( fermeture administrative et nombreux désordres affectant ledit fonds),
- d'autre part, de la dégradation de l'actif disponible et de l'augmentation du passif exigible, s'appuyant sur l'existence d'une garantie d'actif et de passif.
Sur le premier point et au regard des développements qui précèdent, l'impossibilité ou la gêne dans l'exploitation par la SARL Argem de son fonds de commerce n'est pas établie.
Sur le second point, Mme [K] se prévaut d'une garantie d'actif et de passif que lui aurait consentie la cédante.
Il ressort cependant des pièces du dossier qu'une telle garantie n'a jamais été formalisée entre les parties.
En outre, sur le fond, la preuve de l'existence de la dégradation de la situation comptable de la société Argem n'est pas rapportée.
En définitive, les appelantes seront déboutées des fins de leur recours et le jugement entrepris sera confirmé sauf à actualiser les sommes dues au titre du solde du prix de cession des parts sociales et du compte courant d'associé.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et arrêt contradictoire,
Déboute Mme [A] [K] et la SARL Argem des fins de leur recours et confirme le jugement du tribunal de commerce de Fréjus déféré,
Y ajoutant,
Condamne Mme [A] [K] à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 28.000 € au titre de l'échéance du 2 avril 2020 relative au paiement du prix de cession des parts sociales,
Condamne solidairement Mme [A] [K] et la SARL Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 20.000 € au titre de l'échéance du 2 avril 2020 relative au remboursement du compte courant d'associé,
Condamne solidairement Mme [A] [K] et la SARL Argem à payer à Mme [S] [E] veuve [G] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [A] [K] et la SARL Argem aux dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT