CA Versailles, ch. com. 3-1, 3 octobre 2024, n° 22/00816
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Maison Mer (SAS)
Défendeur :
Sealpac France (SAS), Sealpac GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Debray, Me Ramos, Me Drageon, Me Dupuis, Me Cibot-Degommier, Me Couturier, Me Lechler
EXPOSÉ DES FAITS
Après un incendie au sein des locaux de la société Dem Atlantique, la société Sealpac France a, le 17 mars 2010, remis à la société Maison Mer, venant aux droits de la société Dem Atlantique, une proposition technique portant sur deux lignes d'operculeuses, comprenant une machine pour barquettes de 500 grammes et une machine pour barquettes de 2 kilogrammes fabriquées par la société Sealpac Gmbh.
Le 2 juin 2010, la société Sealpac France a émis un devis d'un montant de 472.420 euros TTC, qui a été accepté par la société Maison Mer.
La livraison, prévue le 1er septembre 2010, est intervenue au mois d'octobre 2010 après de nombreux échanges entre la société Maison Mer et la société Sealpac France.
Le 27 septembre 2010, la société Sealpac France a adressé une facture du montant précité à la société Maison Mer.
Dès l'installation de l'operculeuse de barquettes de 2 kg, la société Maison Mer a sollicité la société Sealpac France à de nombreuses reprises en raison, notamment, de ruptures répétées et intempestives du film d'emballage.
Le 9 novembre 2010, la société Maison Mer a mis en demeure la société Sealpac France de remédier à ce dysfonctionnement.
Le 7 avril 2011, la société Sealpac France a mis la société Maison Mer en demeure de régler sa facture.
A la demande de la société Maison Mer et par ordonnance de référé du 15 décembre 2011, le président du tribunal de commerce de La Rochelle a désigné M. [M] [F] en qualité d'expert technique et M. [N] [R] en tant qu'expert financier, afin de déterminer l'origine des ruptures du film d'emballage et le préjudice subi par la société Maison Mer. Il a également ordonné la consignation de la somme de 197.500 euros, correspondant à un acompte sur le prix de vente des operculeuses, entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de La Rochelle.
Le 26 novembre 2012, M. [R] a déposé son rapport.
Le 20 décembre 2012, M. [F] a remis aux parties un pré-rapport.
Par ordonnances des 28 août 2014 et 26 novembre 2015, le président du tribunal de commerce de La Rochelle, statuant en référé, a rendu commune à la société Sealpac Gmbh, puis à la société Orep Packaging, fabricante des films utilisés par la société Maison Mer, l'ordonnance du 15 décembre 2011 ayant désigné M. [F] et M. [R] en qualité d'experts.
Le 17 octobre 2016, M. [F] a déposé son rapport concluant à un défaut de réglage de la hauteur de la plaque qui guide le film d'emballage et à une procédure inadaptée de nettoyage des couteaux de la machine.
Avant même le dépôt de ce rapport, par acte d'huissier du 28 septembre 2016, la société Maison Mer a fait assigner les sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh devant le tribunal de commerce de La Rochelle, afin d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 1.285.063 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 12 avril 2019, le tribunal s'est déclaré incompétent au bénéfice du tribunal de commerce de Pontoise qui, par jugement du 11 janvier 2022, a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Maison Mer soulevée par la société Sealpac Gmbh et rejeté la demande de cette dernière de nullité du rapport de M. [F].
Le tribunal a débouté la société Maison Mer de sa demande indemnitaire et après avoir ordonné la déconsignation de la somme de 197.500 euros au profit de la société Sealpac France, l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 274.920 euros avec intérêts contractuels au taux de 1% par mois à compter du 1er décembre 2010 au titre du solde de la facture impayée.
Le tribunal a également condamné la société Maison Mer à payer aux sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh la somme respective de 15.000 et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration du 9 février 2022, la société Maison Mer a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions remises adressées au greffe et notifiées par rpva le 8 février 2024, la société Maison Mer demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir et la demande de nullité du rapport d'expertise ;
- le réformer pour le surplus,
- condamner in solidum les sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh à lui payer la somme de 1.285.063 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation en référé et capitalisation ;
- débouter la société Sealpac France de sa demande d'intérêts au taux contractuel de 1% par mois;
- débouter les sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh de toutes leurs demandes ;
- condamner in solidum les sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh à lui payer la somme de 75.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, comprenant les frais taxés des expertises.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par rpva le 29 mars 2024, la société Sealpac France demande à la cour de :
- confirmer le jugement ;
en toute hypothèse,
- constater que la société Maison Mer n'a pas sollicité dans ses conclusions notifiées en application de l'article 908 du code procédure civile l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 274.920 euros avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 1er décembre 2010 et par conséquent, la déclarer irrecevable en cette demande et confirmer le jugement de ce chef ;
y ajoutant,
- condamner la société Maison Mer à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par dernières conclusions adressées au greffe et notifiées par rpva le 8 mars 2024, la société Sealpac Gmbh demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement ;
- constater que l'expert judiciaire, M. [F], faute d'avoir répondu aux dires, n'a pas respecté le principe du contradictoire, ni rempli intégralement sa mission d'expertise ;
- refuser l'homologation du rapport d'expertise technique établi par M. [F] ;
subsidiairement,
- constater que le rapport d'expertise financier n'a pas été établi au contradictoire de la société Sealpac Gmbh ;
en tout état de cause,
- débouter la société Maison Mer de la totalité de ses demandes ;
- la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La clôture a de l'instruction a été prononcée le 25 avril 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'effet dévolutif et la saisine de la cour
La société Sealpac France soutient que la société Maison Mer, en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, s'est contentée dans ses conclusions d'appelant, de reprendre ses écritures de première instance sans préciser les chefs du jugement critiqués. Elle ajoute que l'appelante n'a pas sollicité la réformation du chef du jugement l'ayant condamnée à lui payer la somme de 274.920 euros correspondant au solde du prix des machines, outre les intérêts au taux contractuel de 1 % par mois à compter du 1er décembre 2020.
La société Maison Mer répond que sa déclaration d'appel, comme ses premières conclusions d'appelante sollicitent la réformation du chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1.285.063 euros de dommages et intérêts, la condamnation des sociétés Sealpac au paiement de ladite somme, sa compensation avec celle séquestrée de 197.500 euros et le débouté des sociétés Sealpac de toutes leurs demandes.
Dans sa déclaration d'appel, la société Maison Mer a notamment déféré à la cour le chef du jugement qui l'a condamnée à payer à la société Sealpac France la somme de 274.920 euros avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 1er décembre 2020. La cour est donc saisie de ce chef.
En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions de l'appelante doivent énoncer les chefs de jugement critiqués et la cour statue sur les dernières conclusions.
Il ressort des conclusions notifiées par rpva le 22 avril 2022 par la société Maison Mer en application de l'article 908 du code de procédure civile, qu'elle indique en page 2 être appelante d'un jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 11 janvier 2022 qui l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée reconventionnellement à payer à la société Selapac France la somme de 274.920 euros avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 1er décembre 2010, ainsi qu'au paiement de deux somme de 15.000 et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, dans le cadre de ces écritures, la société Maison Mer, s'adressant à la cour (ex : page 10, 15, 22), critique à plusieurs reprises la décision du tribunal en indiquant que les premiers juges ont procédé à une appréciation erronée des faits de l'espèce et des responsabilités des sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh (ex : page 11, 18). Elle ne s'est donc pas limitée à reprendre ses conclusions de première instance comme le prétend l'intimée.
Enfin, dans ses dernières conclusions, la société Maison Mer sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société SealPac Gmbh de sa fin de non-recevoir et de sa demande de nullité du rapport d'expertise, puis la réformation du surplus de la décision (« La réformant pour le surplus »), concluant ensuite à la condamnation in solidum des sociétés SealPac France & SealPac Gmbh à lui payer la somme de 1.285.063 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts, à la compensation de cette somme avec celle séquestrée de 197.500 euros et au débouté des sociétés SealPac France & SealPac Gmbh de toutes leurs demandes.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que la société Maison Mer a énoncé les chefs du jugement critiqués dans sa déclaration d'appel et qu'elle a demandé dans les conclusions sur lesquelles la cour statue la réformation de ces mêmes chefs, à savoir ceux l'ayant déboutée de toutes ses demandes et condamnée reconventionnellement à payer à la société Selapac France la somme de 274.920 euros avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 1er décembre 2010, ainsi qu'au paiement de deux somme de 15.000 et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qu'elle a émis des prétentions claires portant notamment sur la réformation de la décision sur les points précités, la condamnation in solidum des sociétés SealPac France & SealPac Gmbh à lui payer la somme de 1.285.063 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts, la compensation de cette somme avec celle séquestrée de 197.500 euros et le débouté des sociétés SealPac France & SealPac Gmbh de toutes leurs demandes.
La cour est donc régulièrement saisie de l'ensemble de ces demandes, notamment du chef du jugement ayant condamné la société Maison Mer au paiement de la somme de 274.920 euros avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 1er décembre 2010.
Sur la demande indemnitaire de la société Maison Mer
La société Maison Mer expose avoir été confrontée à des ruptures intempestives et incessantes du film d'emballage dès la livraison de l'operculeuse de barquettes de 2 kgs en octobre 2010, jusqu'au mois d'août 2011. Elle indique que les opérations d'expertise ont permis d'établir que les dysfonctionnements ont été provoqués par un mauvais réglage de la hauteur de la table de guidage du film et par la procédure inadaptée de nettoyage des couteaux, problèmes qu'elle a elle-même résolus. Elle souligne que malgré 35 interventions des techniciens des sociétés Sealpac et le retour de l'appareil en Allemagne dans les locaux de la société Sealpac Gmbh, la machine a été inutilisable pendant plusieurs mois. Elle relève qu'il ne lui a jamais été préconisé de modifier sa procédure de nettoyage des couteaux, qui était conforme aux recommandations du guide d'utilisation, alors que l'expertise a démontré qu'au cours de l'utilisation de l'appareil, un dépôt de matière se créait au bord des lames des couteaux, à l'origine des amorces de ruptures du film, nécessitant le nettoyage des couteaux avec une brosse métallique.
La société Maison Mer invoque un manquement de la société Sealpac France à son obligation de délivrance, au regard du non-respect du délai de livraison et de la remise d'une machine affectée de pannes multiples et irrésolues pendant 9 mois et un manquement à l'obligation d'information concernant les conditions d'entretien de la machine. Par ailleurs, au visa de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de ventes internationales de marchandises, elle se prévaut à titre principal, d'une action oblique et à titre subsidiaire, d'une action directe à l'encontre de la société Sealpac Gmhb qui, en tant que concepteur et fabricant, a vendu la machine à la société Sealpac France et en a rédigé le cahier des charges. Plus subsidiairement, l'appelante invoque la responsabilité délictuelle de la société Sealpac Gbmh au regard des problèmes de mise au point et de réglage de la machine et du défaut d'information du fabricant sur les conditions d'entretien de la machine.
La société Sealpac France soutient que l'expert a conclu à la conformité du matériel livré et installé aux documents contractuels et aux règles de l'art. Elle considère que les dysfonctionnements ne peuvent relever que de la garantie des vices cachés. Elle considère que la preuve d'un vice antérieur à la vente n'est pas rapportée, puisque l'expert n'a jamais pu constater les ruptures de film invoquées, ni en identifier l'origine de façon certaine. Elle souligne que l'expert a mis en cause le mauvais entretien de la machine par la société Maison Mer, alors que les conditions de nettoyage, et notamment la nécessité de retirer les restes de produit sur les couteaux, étaient prévues à la notice d'utilisation de la machine. Elle rappelle que ce document attire l'attention des utilisateurs sur les risques en cas de modification des films, ce qui selon elle rend problématique le refus de l'expert d'analyser les films utilisés.
La société Sealpac Gmbh fait valoir que sa mise en cause tardive l'a empêchée de constater contradictoirement les dysfonctionnements allégués et d'en discuter techniquement les causes. Elle estime préjudiciable que l'expert [F] n'ait pas fait procéder à l'analyse des films utilisés par la société Maison Mer. Elle fait grief à l'expert de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire à son égard et d'avoir entériné les déclarations de la société Maison Mer sans les avoir vérifiées.
La société Sealpac Gmbh considère que la société Maison Mer ne peut invoquer la convention de Vienne en l'absence de lien contractuel avec elle. Elle ajoute que la preuve d'un défaut de conformité n'est pas rapportée et qu'en tout état de cause, l'action n'a pas été exercée dans le délai de l'article 39 alinéas 1 et 2 de la convention. Elle conteste le bien-fondé de l'action oblique, estimant que les conditions d'une telle action ne sont pas réunies. Elle conclut au débouté de la demande indemnitaire de la société Maison Mer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, soutenant que les problèmes de réglage de la machine n'ont pas été constatés, ni retenus par l'expert. Elle estime que la preuve d'un défaut de la machine ou d'une faute lui étant imputable n'est pas rapportée, alors que les dysfonctionnements procèdent du non-respect par la société Maison Mer des préconisations de nettoyage des couteaux.
- Sur la responsabilité de la société Sealpac France
La société Maison Mer reproche à la société Sealpac France un manquement à son obligation de délivrance du fait de la livraison tardive de l'operculeuse de barquettes de 2 kg et de la remise d'une machine qui a été affectée de pannes multiples et inexpliquées pendant 9 mois. L'appelante se prévaut également d'un manquement de la société Sealpac France à son obligation d'information concernant les conditions d'entretien de la machine.
L'article 1604 du code civil dispose que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».
Par ailleurs, l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, énonce que : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
Sur le manquement à l'obligation de délivrance lié à la livraison tardive de la machine
La société Maison Mer fait valoir que nonobstant le caractère indicatif des délais visé aux conditions générales de vente, le délai de livraison était un élément déterminant du consentement au regard de la saisonnalité de son activité et qu'il n'a pas été respecté puisque la finalisation de la livraison de la machine n'est intervenue que le 8 octobre 2010.
La société Sealpac France conteste tout retard de livraison, expliquant que par mail du 1er septembre 2010, la société Maison Mer a demandé que les machines soient livrées le 16 septembre 2010. Elle ajoute que cette dernière n'a pas fourni à cette date les barquettes définitives, ne permettant pas la réalisation des essais et réglages préalables à la livraison.
Il ressort de la commande du 2 juin 2010 que le délai de livraison était fixé au « 1er septembre 2010 si intention de commande reçue au plus tard le 04.06.10 avec tous les éléments techniques, plans de barquettes au format autocad avec indication de la languette de pelabilité ». Il est ensuite précisé, aux termes d'une « clause particulière à Dem Atlantique » que « les conditions de délais (') sont impulsives du consentement de la société Dem Atlantique », mais que « pour permettre de respecter l'engagement sur le délai », la société Sealpac France demande la confirmation des « plans de ligne et de barquettes 2 kg au plus vite et dans tous les cas avant le 15 juin 2010 ».
Ces conditions particulières spécifiques au contrat conclu entre les parties priment sur les conditions générales de vente de la société Sealpac France prévoyant que les délais prévus au contrat n'ont qu'un caractère indicatif.
Comme le soutient l'intimée, il résulte d'un courriel de la société Maison Mer du 1er septembre 2010 qu'il a été demandé à la société Sealpac France de livrer les machines le 16 septembre 2010. Néanmoins, il n'est justifié d'aucune livraison à cette date.
La société Maison Mer produit en pièce n°5 un courriel adressé à la société Selapac France le 29 septembre 2010, dont il ressort qu'à cette date, la machine 2 kg était toujours en Allemagne « pour finalisation des essais (problème de ressort et de réglage) ». Contrairement à ce que prétend la société Sealpac France, ce message établit que les barquettes ont bien été remises par la société Maison Mer qui écrit, sans être contestée sur ce point : « CGL vous a fourni les barquettes 2 kg définitives ('). Je n'ai pas eu de retour sur ces barquettes ».
Toutefois, dans ce mail, la société Maison Mer précise également que : « Je vous ai confirmé par téléphone lundi sur votre messagerie les dates d'intervention (29 et 30) et la date de démarrage (4/10/) ' Nous avons un programme impératif à tenir. Lundi 4/10 est une date butoir ' Je vous demande de bien vouloir tout mettre en 'uvre afin de disposer de l'outil dans les temps prévus ».
Il ressort ainsi de ce message que la société Maison Mer avait accepté de reporter la date de livraison au 4 octobre 2010 au plus tard.
Par courriel du 30 septembre, la société Sealpac France a informé sa cliente de l'impossibilité de livrer la machine le 4 octobre en raison de problèmes de scellement.
Les parties ne communiquent aucun élément probant concernant la date effective de livraison de l'appareil. La société Maison Mer reconnaît toutefois en page 17 de ses écritures qu'il peut être admis que la délivrance a eu lieu le 8 octobre 2010, date à laquelle les essais et raccordements ont selon elle été réalisés. Il s'en déduit que la livraison est intervenue avec un retard de 4 jours.
Le manquement attribué à la société Sealpac France est ainsi caractérisé.
Sur le manquement à l'obligation d'information concernant les conditions d'entretien de la machine
Il ressort des différents courriels de réclamation produits par la société Maison Mer et des opérations d'expertise de M. [F] que dès la mise en service de l'appareil, la ligne de production a dû être arrêtée à de multiples reprises en raison de la rupture aléatoire du film d'emballage, dont la cause n'a pas été identifiée par la société Sealpac France malgré 23 interventions de techniciens (cf page 18 du rapport d'expertise du 17 octobre 2016 : « 38 interventions dont 23 liées aux problèmes de casse du film »). L'expert précise en pages 16 et 17 de son rapport qu' « il y a pu avoir entre 5 et 10 casses par heure qui nécessitaient à chaque fois 2 à 3 minutes d'arrêt pour remettre le film en place » et que malgré le renvoi de l'operculeuse en Allemagne du 26 janvier au 16 février 2011, le problème n'a pas pu être résolu. Il souligne qu'en novembre 2010, la société Maison Mer a réduit « la cadence d'operculage en ne mettant que 2 barquettes sur 3, ce qui [a entrainé] une réduction de 33 % de la production » et que ce n'est que fin août début septembre 2011 que « les techniciens de Maison Mer ont trouvé une solution pour assurer un fonctionnement satisfaisant de la ligne de 2 kg ».
Les ruptures répétées et aléatoires du film d'operculage n'ont pas été contestées par la société Sealpac France dans les échanges de courriels versés aux débats par l'appelante. M. [F] indique en page 18 de son rapport que « la description de ces problèmes [ la rupture répétée du film d'emballage] a été donnée dans la note aux parties n°1 ('), pages 5 et 6, cette description n'a pas été contestée ».
Les opérations d'expertise technique de M. [F] ont permis d'établir que la rupture du film d'emballage a pour origine d'une part, une hauteur inadaptée de la plaque qui guide le film et d'autre part, l'existence de dépôts sur la lame des couteaux de découpe du film nécessitant « périodiquement, au moins deux fois par semaine et environ toutes les 40 tonnes de barquettes traitées » un démontage des couteaux et le retrait des résidus « en frottant vigoureusement les couteaux avec une brosse métalliques », procédure de nettoyage qui a été mise en 'uvre par la société Maison Mer dans le cadre de la recherche d'une solution aux ruptures de film mais qui ne figure pas dans la notice d'utilisation de l'appareil.
La société Sealpac France conteste ce manquement à l'obligation d'information, soutenant que la société Maison Mer n'a pas respecté les préconisations de nettoyage énoncées dans la notice d'utilisation.
Il ressort du chapitre 8 de cette notice relatif à l'entretien et la maintenance de l'operculeuse que « Si pendant la production, la machine s'est beaucoup encrassée ou que le produit à emballer doit être changé, il est nécessaire de la nettoyer comme décrit ci-après dans la section Changement de produit. Cela permet d'éviter les incidents pendant la production ('). Nettoyez soigneusement la machine à la fin de la production et séchez la correctement ». Le nettoyage soigneux de l'appareil évoqué n'impose aucune procédure de nettoyage particulière et ne permet pas de comprendre, comme le relève l'expert, qu'il convient de démonter les couteaux et de frotter vigoureusement leur lame avec une brosse métallique afin de les débarrasser de tous les résidus de plastique et d'augmenter, par effet d'écrouissage, la dureté des dents des couteaux.
La notice indique par ailleurs qu'en cas de changement de produit à emballer, il convient de nettoyer la partie inférieure de l'outil avec une brosse à vaisselle souple et un chiffon, puis de souffler de l'air comprimé et concernant la partie supérieure, il est recommandé de nettoyer les restes de produits, et non de film, avec une spatule thermorésistante. Il n'est à nouveau nullement préconisé de réaliser un nettoyage aussi rigoureux que celui qui a dû être mis en 'uvre par la société Maison Mer pour mettre fin à la rupture du film.
La notice explique qu'en cas de changement d'outil ou en fin de production, l'outil inférieur doit être trempé dans l'eau chaude, nettoyé, rincé et séché avec de l'air comprimé, tandis que la partie supérieure doit être nettoyée des restes de produit et de film à l'aide d'une spatule en plastique ou en bois, puis essuyée avec un chiffon humide. Enfin, il est indiqué que quotidiennement, il convient d'enlever les restes, non pas de film, mais de produits, sans autre précision. Comme précédemment, ces préconisations s'avèrent insuffisantes au regard du nettoyage plus approfondi auquel l'appelante a dû recourir pour permettre un nettoyage complet des couteaux et une exploitation normale de la machine.
M. [F] a donc justement conclu que « si la notice de maintenance Sealpac préconise de nettoyer tous les jours les couteaux, et à la fin de la production, au moins une fois par jour, de démonter et de nettoyer les outils supérieurs et inférieurs avec soin », « ces instruction ne mentionnent pas qu'un nettoyage satisfaisant impose aussi, après démontage des couteaux d'enlever les dépôts ou bavures qui se forment sur la lame de coupe en frottant vigoureusement celle-ci avec un brosse métallique ce qui permet ainsi par effet d'écrouissage, d'augmenter la dureté des dents des couteaux ».
Comme le souligne l'appelante, la société Sealpac France a assuré la formation de son personnel concernant le nettoyage de la machine et ne justifie pas de la remise en cause de cette prestation par les techniciens qui sont intervenus à 23 reprises pour identifier l'origine de la rupture du film.
La société Sealpac France conteste néanmoins les conclusions de l'expert concernant le lien de causalité entre la procédure de nettoyage et les ruptures de film, soutenant que le problème est imputable à la société Maison Mer qui a utilisé un film inadapté. Elle relève que l'expert n'a jamais pu constater la rupture du film invoquée par l'appelante, dans la mesure où l'expertise a été sollicitée alors que le problème avait été résolu et que la société Orep Packaging, fournisseur du film d'operculage, ne produisait plus le film utilisé par la société Maison Mer d'octobre à août 2011.
Cependant, comme indiqué précédemment, les ruptures répétées et aléatoires du film sont établies par les emails de réclamation produits par l'appelante et M. [F] a précisé que les parties ne les avaient pas contestées dans le cadre de l'expertise. Ce dernier a en outre souligné que la société Maison Mer, afin de solutionner le problème, avait utilisé 21 films de compositions différentes (cf pages 30 et 32 du rapport) entre octobre 2010 et juillet 2011 « sans qu'aucun ne donne de résultats satisfaisants et permettent d'éliminer les casses ». Il a précisé qu'« en décembre 2012, deux films différents étaient utilisés et [que] le fonctionnement de la ligne d'operculage des barquettes de 2 kg était satisfaisant quel que soit le film employé ». M. [F] précise encore aux termes de ses conclusions que « de septembre 2011 à mai 2013, deux films différents ont été utilisés sans que se produisent des casses anormales. Enfin, depuis mai 2013, une autre société qu'Orep Packaging fournit des films à Maison Mer et malgré ce changement de fournisseur et donc de film, le nombre de casses reste dans des limites acceptables ».
Il résulte de ces constats que la qualité du film n'est pas en cause.
La cour relève de surcroît que dans le cadre de la proposition commerciale présentée à la société Maison Mer le 17 mars 2010, la société Sealpac France explique que l'operculeuse est « capable d'operculer des barquettes de différents matériaux (') à des films mono matériaux ou complexe, neutre ou imprimé », ou encore « capable d'utiliser tous types de matériaux de scellage ». Il est également indiqué que le système de découpe inside-cut, qui a été commandé par la société maison Mer, « fonctionne avec tous types de film ». Il apparait ainsi que la société Sealpac France a présenté l'appareil comme susceptible de fonctionner avec tout type de film, sans restriction. Elle est dès lors mal fondée à soutenir que les ruptures de film sont dues à la qualité du film utilisé par la société Maison Mer, alors que cette dernière a essayé 21 films différents qui n'ont pas permis de solutionner la difficulté. Contrairement à ce que soutient la société Sealpac France, l'expert a fait analyser, à deux reprises, les films utilisés par la société Maison Mer (cf page 31 du rapport), le résultat de ces analyses n'ayant pas permis de mettre en cause leur qualité. En conséquence, comme l'a conclu l'expert, la qualité du film utilisé ne peut être retenue comme cause du dommage.
Le manquement de la société Sealpac France à son obligation d'information par la remise d'une notice d'utilisation inadaptée quant aux conditions d'entretien des couteaux de l'operculeuse, ayant conduit à des ruptures multiples du film d'emballage et consécutivement à des arrêts répétés et anormaux de la machine, est par conséquent caractérisé.
La société Sealpac considère toutefois que le dysfonctionnement reproché relève de la garantie des vices cachés, exclusive de la responsabilité contractuelle en raison d'un manquement à l'obligation de délivrance.
L'article 1641 du code civil dispose que « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il l'avait connus ».
Cependant, comme indiqué précédemment, il résulte des opérations d'expertise technique de M. [F] que la rupture du film d'emballage a pour cause une hauteur inadaptée de la plaque qui guide le film et une information inadaptée quant aux conditions de nettoyage des couteaux.
Ces éléments ne caractérisent aucun vice de la chose la rendant impropre à sa destination, mais un mauvais réglage de l'appareil et une procédure particulière d'entretien des couteaux non portée à la connaissance de l'acquéreur, de sorte que l'action indemnitaire de la société Maison Mer ne relève pas de la garantie des vices cachés
Les deux fautes retenues à l'égard de la société Sealpac France engagent sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Maison Mer, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le manquement lié à la remise d'une machine affectée de nombreuses pannes irrésolues.
- Sur la responsabilité de la société Sealpac Gmbh
La société Maison Mer reproche à la société Sealpac Gmbh la réalisation de réglages à l'origine des ruptures de film et la rédaction de préconisations d'entretien insuffisantes.
Elle fonde en premier lieu son action sur l'action oblique, considérant que la société Sealpac France a négligé de rechercher sa responsabilité.
L'article 1166 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose que : « Néanmoins les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ».
L'action oblique peut être exercée lorsque la carence du débiteur compromet les droits du créancier.
En l'espèce, la société Maison Mer soutient que le recouvrement de sa créance est menacé au regard du résultat du dernier exercice comptable de la société Sealpac France dont le bénéfice s'élève à la somme de 336.135 euros, alors que le montant de ses dettes fournisseurs est de 963.000 euros.
Cependant, la comparaison de ces deux seuls éléments comptables, datant au surplus de 2019, est insuffisante à caractériser le risque d'insolvabilité allégué.
L'action oblique ne saurait par conséquent prospérer.
La société Maison Mer se prévaut subsidiairement d'une action directe contre la société Seapac Gmbh en arguant de la Convention de Vienne.
Cependant, l'article 4 de cette convention dispose que « La présente convention régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre le vendeur et l'acheteur ».
Comme le soutient la société Sealpac Gmbh, la Convention de Vienne ne régit pas l'action du sous-acquéreur contre le vendeur et il convient, en application de l'article 7 de la convention, de faire application des règles de droit international privé en vigueur. A cette fin, il y a lieu de déterminer la loi applicable conformément à la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles internationales, le contrat ayant été conclu en 2010.
Selon l'article 4 de cette convention, « le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays.
Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l'exercice de l'activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l'établissement principal, celui où est situé cet autre établissement ».
En l'espèce, l'operculeuse, fabriquée par la société Sealpac Gmbh, a été vendue à la filiale française du groupe, la société Sealpac France, en vue de sa revente à une société française, la société Maison Mer et de sa livraison en France. La loi avec laquelle le contrat présente les liens les plus étroits est la loi française qui sera donc applicable.
La société Sealpac Gmbh fait valoir qu'elle n'est pas liée contractuellement à la société Maison Mer. Cependant, il existe une chaine homogène de contrats de vente translatifs de propriété de l'operculeuse entre la société Sealpac Gmbh, vendeur, la société Sealpac France, acquéreur et la société Maison Mer, sous-acquéreur. Dans ce cadre, l'action en responsabilité, en tant qu'accessoire de la chose, la suit entre les mains du sous-acquéreur, bénéficiaire d'une action de nature contractuelle à l'encontre du vendeur.
L'intimée reproche à M. [F] de ne pas avoir répondu à ses dires et de ne pas avoir analysé les films utilisés. Pourtant, la cour constate qu'il a répondu à son dire en page 31 de son rapport en indiquant qu'il appartenait aux parties de lui adresser un dire récapitulatif, ce dont la société Sealpac Gmbh s'est abstenue en procédant par renvoi à ses dires précédents, et qu'il avait tenu compte des observations du fabricant dans son analyse. Il a par ailleurs répondu plus particulièrement à celle concernant les films utilisés par la société Maison Mer et notamment leur analyse, en précisant qu'il y avait été procédé à deux reprises, par le professeur [J] et par la société ERM. Enfin, pour les motifs précités, la qualité et la composition des films utilisés par la société Maison Mer ne peuvent être mises en cause.
La société Sealpac Gmbh conteste sa responsabilité en indiquant que le réglage de la hauteur de la plaque qui guide le film a été préconisé par ses techniciens et ceux de la société Sealpac France. Toutefois aucun élément de preuve ne permet de corroborer cette affirmation.
Si le fabricant s'étonne de ce que l'operculeuse de barquettes de 500 grammes n'a jamais présenté le même problème de rupture du film, aucune conclusion ne peut être tirée de cette circonstance, dans la mesure où le poids des barquettes à emballer est différent, générant des contraintes techniques nécessairement distinctes.
L'intimée soutient encore que les difficultés n'ont jamais été constatées contradictoirement, qu'elles sont inhérentes au démarrage du nouveau projet industriel consécutif à l'incendie de l'usine de la société Maison Mer, que l'expert n'a pas remis en cause sa diligence et que le personnel de la société Maison Mer, qualifié pour l'utilisation des machines, a été suffisamment formé. La société Sealpac Gmbh considère que les recommandations de nettoyage doivent être adaptées par chaque exploitant en fonction de l'utilisation faite de la machine dans le domaine industriel considéré et notamment dans l'industrie alimentaire. Elle estime que la procédure de nettoyage figurant dans la notice d'utilisation est suffisamment explicite quant à la nécessité d'assurer un nettoyage parfait des couteaux.
Cependant, pour les motifs précités, la réalité des ruptures de film n'est pas contestable. Par ailleurs, il appartient au fabricant de fournir des recommandations de nettoyage adaptées permettant une utilisation normale de l'appareil, quel que soit le domaine d'activité de l'utilisateur, étant souligné que la société Maison Mer ne peut être considérée comme un professionnel concernant l'utilisation de l'operculeuse. Comme indiqué précédemment, les techniciens des sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh qui sont intervenus à de multiples reprises n'ont jamais remis en cause les conditions d'entretien de la machine par la société Maison Mer et les opérations d'expertise ont établi que les consignes de nettoyage, même quotidien, ne permettaient pas d'assurer le retrait de tous les résidus de plastique présents sur les lames.
Les ruptures répétées de film subies par la société Maison Mer pendant plusieurs mois ne peuvent relever des simples réglages qui s'avérent nécessaires lors de la mise en exploitation d'une machine et qui doivent être réalisés dans le cadre de la livraison.
L'usure des dents ne saurait être mise en cause par la société Sealpac Gmbh, dans la mesure où les mails produits par la société Maison Mer démontrent que les ruptures de film sont intervenues dès le 14 octobre 2014, soit à peine une semaine après la mise en exploitation de l'operculeuse le 8 octobre précédent. Au surplus, il n'est pas discuté qu'à la suite de la mise en 'uvre de la procédure particulière de nettoyage des lames par l'utilisation d'une brosse métallique, les ruptures anormales de films ne se sont plus produites, malgré l'usure des dents des couteaux.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la responsabilité contractuelle de la société Sealpac Gmhb, en sa qualité de rédacteur de la notice d'utilisation comprenant des consignes de nettoyage inadaptées de l'appareil, ayant conduit à des ruptures multiples du film d'emballage et consécutivement à des arrêts répétés et anormaux de la machine, est engagée à l'égard de la société Maison Mer.
- Sur l'indemnisation du préjudice
La société Maison Mer se prévaut des conclusions du rapport d'expertise de M. [R] et réclame la somme de 1.285.063 euros, telle qu'évaluée par l'expert, au titre de ses pertes de production et des pertes liées au rebus pour la période courant d'octobre 2010 à août 2011.
La société Sealpac France conteste le préjudice invoqué. Elle demande à la cour de déclarer nul le rapport comptable et financier de M. [R] qui n'a pas répondu aux questions, n'a pas vérifié les documents contractuels, comptables et commerciaux de la société Maison Mer et a formulé, dans la précipitation et de façon non contradictoire à l'égard du fabricant, des conclusions imprécises et parfois hors sujet.
La société Sealpac Gmbh fait valoir que le rapport de M. [R] n'a pas été établi de manière contradictoire à son égard. Elle estime la demande indemnitaire de la société Maison Mer non justifiée et en tout état de cause surévaluée au regard notamment de la perte de marge brute évoquée en avril 2011.
A titre liminaire, il doit être relevé qu'au dispositif de leurs écritures, les sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh ne concluent pas à la nullité du rapport d'expertise de M. [R]. En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est donc pas saisie d'une telle demande.
- Sur le caractère opposable du rapport d'expertise financière de M. [R] à la société Sealpac Gmbh
Il ressort du courrier que le conseil de la société Sealpac Gmbh a adressé au juge chargé du contrôle de l'expertise le 16 avril 2013 que cette dernière a soulevé la difficulté relative au caractère non contradictoire de l'expertise financière à son égard. A cette occasion, l'avocat a souligné que le rapport de M. [R] avait déjà été déposé, puis a sollicité du juge la convocation des experts, des parties et de leur conseil afin de débattre du problème.
Pourtant, la cour constate qu'à la suite de l'ordonnance du 28 août 2014 lui ayant rendu commune l'ordonnance du 15 décembre 2011 ayant désigné MM. [F] et [R] en qualité d'experts, la société Sealpac Gmbh n'a pas signalé au juge du contrôle de l'expertise que M. [R] n'avait pas réouvert ses opérations d'expertise. Elle ne justifie pas non plus avoir saisi l'expert financier de cette difficulté.
Etant rappelé que la cour, souveraine dans l'appréciation du préjudice, n'est pas tenue par les conclusions de M.[R], il doit être observé que la société Sealpac Gmbh a participé, tant en première instance qu'au stade de l'appel, au débat contradictoire portant sur le rapport d'expertise financière aux côtés de la société Sealpac France, discutant les pièces retenues par ce dernier et le quantum du préjudice au regard de la période de dysfonctionnement de la machine.
Dans ces conditions, le rapport déposé par l'expert financier, désigné par une ordonnance rendue commune à la société Sealpac Gmbh, doit être déclaré opposable à cette dernière.
- Sur l'évaluation du préjudice
Il ressort du rapport d'expertise de M. [R] que le préjudice financier subi par la société Maison Mer se décompose comme suit :
- la perte de marge subie du mois octobre 2010 au mois d'août 2011 : Conformément à la méthode utilisée par l'expert, la comparaison des niveaux de ventes, en tonnes, réalisées pendant les périodes courant d'octobre à décembre, puis de janvier à août au cours des années 2008, 2009, 2010 et 2011 permet d'évaluer la perte subie par la société Maison Mer d'octobre 2010 à août 2011. Par ailleurs, sur la base des statistiques mensuelles des marges dégagées au kilo en 2008, 2009 et 2011, l'expert a pu déterminer la marge applicable au cours de la période considérée. Comme l'a proposé M. [R], il doit être déduit du montant du préjudice la somme de 111.500 euros, dès lors que la société Maison Mer a reconnu au cours d'une réunion d'expertise que son préjudice ne devait commencer à courir que le 15 octobre 2010, du fait de la reprise progressive de l'activité à la suite de l'incendie de son usine. En conséquence, le poste de préjudice sera évalué à la somme de 1.053.500 euros.
- la perte de productivité des personnels : Les opérations d'expertise ont confirmé l'existence, sur la période considérée, d'une perte importante de productivité au regard de l'évolution du rapport entre le poids de production et les heures affectées de 2008 à 2011. Par ailleurs, le calcul du salaire moyen sur la base des salaires chargés du personnel de production permet de retenir un taux horaire de production de 20 euros, conduisant à évaluer le poste de préjudice à la somme de 84.100 euros pour la période en cause.
- la perte de barquettes et films consommés : La comparaison entre la quantité de barquettes et de film achetée et le nombre de barquettes vendues a permis d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 33.183 euros pour la période courant d'octobre 2010 à juillet 2011 inclus.
La société Sealpac France reproche à l'expert d'avoir établi ses conclusions sur la base des éléments communiqués par la société Maison Mer, sans les avoir vérifiés. Il ressort du rapport de M. [R] que ce dernier a effectivement évalué les préjudices de l'appelante à partir de divers tableaux d'évolution des ventes, de la marge, de la productivité et de la consommation de barquettes et de films entre 2009 et 2011. Cependant, seule la société Maison Mer était en mesure de fournir l'ensemble de ces données. En outre, il résulte du rapport de M. [R] qu'elles ont été analysées en présence de la société Sealpac France au cours de quatre réunions d'expertise et qu'à cette occasion, cette dernière n'a jamais remis en cause leur caractère probant, se limitant à remarquer que la baisse des ventes pouvait avoir pour origine la reprise progressive de la production après l'incendie, ce que la société Maison Mer a reconnu en acceptant de faire courir son préjudice à compter du 15 octobre 2010.
La cour observe que les modalités de calcul des différents postes de dommage ne sont pas critiquées par les intimées.
Si le montant du préjudice retenu par l'expert est conséquent, il doit être rappelé que la société Maison Mer a alerté la venderesse à propos de l'importance de la perte de production subie, notamment par mail du 2 novembre 2010 : « Nos machines Sealpac ne sont toujours pas fonctionnelles et les casses de film permanentes sur l'outil 2 kg ne nous permettent pas une production acceptable » ou encore par courriel du 8 novembre 2010 : « Aujourd'hui , nous avons été incapables de produire à cause des casses continues de film sur l'outil 2 kg. Nous avons dû annuler notre commande de la semaine. Vous nous avez mis dans une position de nature à compromettre la pérennité de l'entreprise ». L'importance du préjudice est également rappelée dans le courrier de mise en demeure du 9 novembre 2010 : « Cette situation conduit à une paralysie quasi complète de l'entreprise. Cette situation conduit également à l'impossibilité pour ma cliente d'honorer les commandes émanant de la grande distribution ».
M. [F] confirme que la perte de production a été conséquente car il souligne qu'en novembre 2010, la société Maison Mer a réduit « la cadence d'operculage en ne mettant que 2 barquettes sur 3, ce qui [a entrainé] une réduction de 33 % de la production ».
Il doit également être rappelé que l'operculeuse a été renvoyée en Allemagne du 26 janvier au 16 février 2011.
Par ailleurs, s'il est exact que l'expert n'a sollicité aucun dire, la cour constate que la société Sealpac France n'a pas saisi le juge du contrôle de l'expertise de cette difficulté et qu'elle ne conclut pas à la nullité du rapport, comme indiqué précédemment.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, la société Maison Mer, aux termes d'un courrier recommandé du 26 avril 2011, n'a pas indiqué que les problèmes techniques étaient résolus. Elle a expliqué qu'il avait fallu « attendre avril 2011 pour que a priori ils soient réglés » (souligné par la cour), tout en précisant que « même maintenant l'operculeuse travaillant en 2 kgs est loin d'atteindre les performances que vous avez garanties ». Le préjudice financier ne peut donc être arrêté au mois d'avril 2011, alors au surplus qu'il ressort du rapport de M. [F] que la méthode de nettoyage des lames des couteaux à l'aide d'une brosse métallique n'a été mise en 'uvre par les techniciens de la société Maison Mer qu'en juillet/août 2011 et qu'ainsi les ruptures anormales de film n'ont pris fin qu'en août 2011. Par ailleurs, il ne ressort pas de la lecture du courrier précité, communiqué en pièce n°8 par la société Sealpac France, que la société Maison Mer a évalué sa perte de marge brute en avril 2011 à la somme de 203.000 euros, puisque les éléments d'évaluation chiffrés qu'elle communique se limitent à la période courant du mois de novembre au 30 décembre 2010 et qu'elle indique « Suite à l'échec de notre crash tests, nos clients ont annulé une grande partie des volumes prévus sur novembre et décembre », sans en préciser la quantité, ni le chiffrage. Comme rappelé précédemment, les opérations d'expertise ont permis d'établir que le préjudice subi par la société Maison Mer a couru du 15 octobre 2010 jusqu'au mois d'août 2011 et que l'operculeuse a été inutilisable du 26 janvier au 16 février 2011, lors de son renvoi en Allemagne.
Comme indiqué précédemment, l'expert a bien tenu compte des conséquences de la reprise progressive d'activité après l'incendie sur la production, en réponse à une remarque de la société Sealpac France.
Enfin, si cette dernière fait état d'autres facteurs ayant affecté la production, tels que le manque de crevettes, l'utilisation d'une nouvelle barquette de 2 kg de conception différente ou encore des dysfonctionnements des doseurs ou de la partie de la ligne de production en amont de l'operculeur, l'intimée ne communique aucun élément de preuve permettant de corroborer ses dires et procède ainsi par voie d'affirmation.
Il s'en déduit que la cour fait sienne l'évaluation du préjudice subi proposée par l'expert et fixe ce préjudice à la somme totale de 1.170.783 euros.
En conséquence, par infirmation du jugement, les sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh seront condamnées in solidum à payer à la société Maison Mer la somme de 1.170.783 euros à titre de dommages et intérêts. En application de l'article 1231-7 du code civil, cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, s'agissant de dommages et intérêts. Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code précité.
Sur la demande en paiement de la société Sealpac France
La société Sealpac France réclame une somme de 274.920 euros au titre du solde du prix de vente des operculeuses de barquettes de 500 g et 2 kg. Elle demande à la cour d'assortir cette condamnation du taux d'intérêts contractuel de 1 % par mois de retard à compter du mois d'octobre 2010, précisant que la mention manuscrite excluant l'application de cette pénalité dont se prévaut l'appelante n'a pas été contresignée et a été rajoutée pour les besoins de la cause.
La société Maison Mer soutient que les parties ont convenu de supprimer la clause relative aux intérêts de retard. Elle ajoute qu'en tout état de cause, les intérêts n'ont pas couru du fait de la mise sous séquestre de la créance de la société Sealpac France.
Il ressort du devis émis par la société Sealpac France le 17 mars 2010 que le coût total des deux operculeuses était fixé à la somme de 472.420 euros TTC et que seule la somme de 197.500 euros a été, dans un premier temps, séquestrée, puis réglée par la société Maison Mer, ce point n'étant pas contesté.
Cette dernière ne discute pas le quantum de la demande de la société Sealpac France qui correspond au solde de la facture du 27 septembre 2010. En conséquence, par confirmation du jugement, la société Maison Mer doit être condamnée au paiement de la somme de 274.920 euros (472.420 ' 197.500).
Comme indiqué précédemment, la somme de 197.500 euros séquestrée auprès du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de La Rochelle a été libérée au profit de la société Sealpac France comme le confirme le relevé produit en pièce 11 par cette dernière. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a ordonné la déconsignation de la somme de 197.500 euros au profit de la société Sealpac France.
S'agissant des intérêts, la société Sealpac France se prévaut de sa pièce n°1, constituée du cahier des charges signé et paraphé par la société Maison Mer. Cependant, la lecture de cette pièce ne permet pas de confirmer la stipulation d'un taux d'intérêts de retard de 1 % par mois, puisqu'il est précisé à l'article 4.9 des conditions générales de vente que « les sommes impayées à l'échéance du terme produisent de plein droit intérêt sans mise en demeure préalable à compter de leur date d'exigibilité au taux d'escompte de la Banque de France augmenté de cinq points », stipulations dont la société Sealpac France ne sollicite pas l'application.
Par ailleurs, l'intimée ne saurait davantage se prévaloir du paiement d'une facture présentée comme une « facture d'acompte » communiquée en pièce n°2, prévoyant l'application du taux d'intérêts de retard revendiqué, alors que cette facture, datée du 5 janvier 2012, porte sur une prestation distincte de la vente litigieuse.
La mention d'un taux d'intérêts de retard de « 1 % du montant total HT de la facture par semaine » n'apparaît que sur la facture des deux operculeuses du 27 septembre 2010. A défaut pour la société Sealpac France d'établir le caractère contractuel de cette stipulation insérée unilatéralement sur la facture, elle doit être déboutée de sa demande. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Au regard de la solution du litige, le jugement sera infirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Sealpac France et Sealpac Gmbh qui succombent, supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais des expertises de M. [F] et de M. [R], et seront condamnées in solidum à payer à la société Maison Mer la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Se déclare régulièrement saisie du chef du jugement ayant condamné la société Maison Mer au paiement de la somme de 274.920 euros avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 1er décembre 2010 ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Maison Mer à payer à la société Sealpac France la somme de 274.920 euros au titre de la facture impayée du 27 septembre 2010 ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la responsabilité de la société Sealpac France est engagée à l'égard de la société Maison Mer ;
Dit que la responsabilité de la société Sealpac Gmbh est engagée à l'égard de la société Maison Mer ;
Fixe le préjudice subi par la société Maison Mer à la somme de 1.170.783 euros ;
Condamne in solidum la société Sealpac France et la société Sealpac Gmbh à payer à la société Maison Mer la somme de 1.170.783 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute la société Sealpac France de sa demande au titre des intérêts de retard sur le solde de la facture du 27 septembre 2010 ;
Dit n'y avoir lieu à déconsignation de la somme de 197.500 euros au profit de la société Sealpac France ;
Condamne in solidum la société Sealpac France et la société Sealpac Gmbh aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais des expertises de M. [F] et de M. [R],
Condamne in solidum la société Sealpac France et la société Sealpac Gmbh à payer à la société Maison Mer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.