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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 octobre 2024, n° 22/02423

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Transport-Travaux Publics Castagna (Sté)

Défendeur :

Omya (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

M. Richaud, Mme Dallery

Avocats :

Me Bem, Me Cassagne

T. com. Lille Métropole, du 18 mai 2021,…

18 mai 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Transports Travaux publics Castagna (ci-après Castagna) a pour activité l'extraction et vente de craie brute et de tous autres matériaux ou agrégats ainsi que tous produits annexes, commerce de ces produits, ainsi que l'exploitation de toutes carrières, gravières et autres gisements, les transports de toute nature par véhicules automobiles, entreprise de tous travaux publics et particuliers et location de véhicules.

La société Omya a pour activité l'exploitation de carrières de craie et la fabrication des blancs de craie sous toutes ses formes et produits s'y rattachant.

Les sociétés Omya et Castagna ont pour la première fois, conclu le 1er septembre 1946 un contrat aux termes duquel à compter du 1er janvier 1947, Castagna accorde à Omya l'exclusivité de vente de sa craie brute pour 10 ans, Omya s'engageant à acheter à Castagna toute sa production, soit environ 3.000 tonnes de craie brute sèche par an.

Les relations commerciales se sont poursuivies entre les parties avec une évolution le 19 décembre 1962 (pièce 6 de l'appelante), date à laquelle Castagna cède la propriété de ses carrières à Omya, tout en en gardant l'exploitation.

Le 28 juin 1983, les parties ont signé une convention de préparation d'exploitation et de transport de matériaux de carrière par laquelle Omya a confié à Castagna l'exploitation de ses carrières pour une durée de 5 ans, tacitement reconductible.

Par la suite, plusieurs contrats successifs ayant le même objet ont été conclus entre les parties jusqu'à celui conclu le 20 janvier 2015 pour une durée de 3 ans du 1er mai 2015 au 30 avril 2018.

Le 27 septembre 2017, Omya a averti verbalement Castagna de la mise en place d'un appel d'offres et lui a remis un courrier daté de la veille en ce sens, lui précisant que le contrat du 1e mai 2015 ne serait pas automatiquement renouvelé à son terme du 30 avril 2018 et qu'en ce cas un préavis de 24 mois lui serait accordé mois en raison de la durée des relations commerciales, soit 7 mois jusqu'au 30 avril 2018, puis 17 mois jusqu'au 30 septembre 2019.

La procédure d'appel d'offres a eu lieu entre les mois de décembre 2017 et mars 2018.

Par lettre du 23 avril 2018, Omya a informé Castagna que son offre n'avait pas été retenue et compte tenu de la durée de leurs relations commerciales, une prolongation du contrat jusqu'au 30 septembre 2019 lui était accordée.

Par lettres des 9 juillet et 14 septembre 2018, Omya a proposé d'étendre la durée du préavis de 12 mois pour une durée totale de 36 mois, proposition qui a été refusée par Castagna par lettres des 10 juillet et 2 octobre 2018.

PROCÉDURE

Par acte du 11 février 2019, la société Castagna a assigné la société Omya devant le tribunal de commerce de Lille Métropole pour obtenir réparation de son préjudice consécutif à une rupture brutale des relations commerciales établies

Par jugement du 18 mai 2021, ce tribunal de commerce a :

Dit que les relations commerciales sont établies depuis plus de 72 ans,

Dit que la rupture est devenue ferme, définitive et sans équivoque en date du 23 avril 2018,

Dit que le préavis proposé par SAS OMYA est suffisant pour répondre aux dispositions de l'article L.442-6 I 5° du Code de commerce,

Dit que la rupture n'est pas brutale,

Débouté SAS CASTAGNA de sa demande d'indemnisation,

Condamné SAS CASTAGNA à payer à SAS OMYA la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamné SAS CASTAGNA aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24 € (en ce qui concerne les frais de Greffe).

La société Castagna a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 31 janvier 2022.

Par ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 6 mai 2024, elle prie la Cour de :

Vu le décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009 ;

Vu l'article D. 442-3 du Code de commerce et son annexe 4-2-1 ;

Vu l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;

Vu l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil ;

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 18 mai 2021, en ce qu'il a :

- Dit que les relations commerciales sont établies depuis plus de 72 ans ;

- Dit que la rupture est devenue ferme, définitive et sans équivoque en date du 23 avril 2018 ;

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 18 mai 2021, en ce qu'il a :

- Dit que le préavis proposé par SAS Omya est suffisant pour répondre aux dispositions de l'article L.442-6 I 5° du Code de commerce,

- Dit que la rupture n'est pas brutale,

- Débouté SAS Castagna de sa demande d'indemnisation,

- Condamné SAS Castagna à payer à SAS Omya la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- Condamné SAS Castagna aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24 € (en ce qui concerne les frais de Greffe).

Par conséquent, statuant à nouveau,

- Constater l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés Castagna et Omya, au sens de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce ;

- Constater qu'une rupture totale et unilatérale des relations commerciales est intervenue le 23 avril 2018 à l'initiative de la Société Omya ;

- Dire et juger que la rupture totale intervenue le 23 avril 2018 revêt un caractère brutal puisqu'elle n'a pas été précédée d'un préavis adapté à l'importance, la nature et l'ancienneté des relations contractuelles établies entre les parties ;

- Constater le préjudice financier de la Société Castagna né de la rupture brutale et totale des relations commerciales intervenue le 23 avril 2018 ;

En conséquence :

- Condamner la Société Omya au paiement de la somme de 10.345.768,20 €, en réparation du préjudice financier subi par la Société Castagna du fait de la rupture brutale des relations contractuelles établies entre les parties,

- Condamner la Société Omya au paiement de la somme de 100.000 € en réparation du préjudice moral subi par la société Castagna.

En tout état de cause :

- Condamner la société Omya au paiement de la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Omya aux entiers dépens ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Omya par ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 3 juin 2024, demande à la Cour de :

Vu l'article L.442-6 I 5° du code de commerce, vu l'article 1353 du code civil :

A titre principal :

- Confirmer la décision du tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu'il a jugé que la société Omya a accordé à la société Transports-Travaux Public Castagna un préavis raisonnable au titre de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

- Juger que la société Transports-Travaux Public Castagna n'a pas subi de préjudice moral au titre de la fin de son contrat avec la société Omya ;

- En conséquence, débouter la société Transports-Travaux Public Castagna de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait estimer que le préavis accordé par Omya n'était pas suffisant :

- Juger que la société Transports-Travaux Public Castagna n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du préjudice qu'elle allègue avoir subi ;

- En conséquence, débouter la société Transports-Travaux Public Castagna de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait condamner Omya à indemniser la société Transports-Travaux Public Castagna :

- Juger que le calcul du prétendu préjudice de la société Transports-Travaux Public Castagna ne peut être calculé qu'en tenant compte du fait :

* qu'Omya ne représentait que 85% du chiffre d'affaires de la société Transports-Travaux Public Castagna ;

* qu'en l'état des pièces communiquées par la société Transports-Travaux Public Castagna, seul le résultat comptable de cette société peut être utilisé comme base de calcul ;

* que la société Transports-Travaux Public Castagna a artificiellement étendu son prétendu préjudice en refusant d'exécuter les 12 mois supplémentaires de préavis proposés par Omya ;

- Débouter la société Transports-Travaux Public Castagna de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause, sur l'article 700 du code de procédure civile :

- Condamner la société Transports-Travaux Public Castagna au paiement de 20.000 euros au titre des frais de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024.

MOTIVATION

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Castagna invoque en premier lieu, l 'existence de relations commerciales établies entre les deux sociétés, de 72 années, ce qui démontrerait la stabilité de leurs rapports et impliquerait qu'elle ait pu légitimement croire en la pérennité de leurs relations. Elle fait valoir à cet égard que depuis le 2 septembre 1946, Omya a obtenu de sa part un contrat d'exclusivité de ses droits d'exploitation sur les carrières lui appartenant dont elle en a été très satisfaite au point de renouveler systématiquement les contrats liant les deux sociétés.

Elle soutient, en second lieu, que la rupture a été brutale, en ce qu'elle est intervenue immédiatement avant le renouvellement du contrat du 1e mai 2015, que le préavis aurait dû être fixé à 72 mois puisque jusqu'en 1983, elle avait l'obligation de ne travailler que pour Omya, provoquant ainsi une situation de dépendance économique puisque la totalité de son chiffre d'affaires était réalisé avec Omya, que la quasi-exigence d'une assise locale se manifeste davantage dans le domaine de l'extraction et complexifie les possibilités d'exploiter d'autres secteurs plus éloignés géographiquement, ajoutant que les volumes de production, le travail en 3x8, au minimum 50 semaines par an et les prix négociés avec Omya ne permettaient pas de satisfaire d'autres demandes.

Elle dit qu'au jour de la rupture, la majeure partie de son chiffre d'affaires était réalisée avec Omya (85,86% du chiffre d'affaires HT en 2015 et 89,57% du chiffre d'affaires HT pour 2016), que la brièveté du préavis accordé ne lui a pas laissé le temps de se réorganiser et de trouver de nouveaux partenaires commerciaux, que par lettre du 9 juillet 2018, Omya lui a reproché pour la première fois, de ne pas avoir développé son activité avec d'autres acteurs du marché, tout en lui proposant de prolonger la durée du préavis de 12 mois, à condition qu'elle se conforme « strictement à ses obligations contractuelles [...] aux règles de sécurité et aux normes environnementales » et que lors d'une réunion du 28 mai 2018, elle a indiqué ne pas pouvoir accepter une prolongation supplémentaire de moins de 48 mois afin de pouvoir se réorganiser.

Sur l'insuffisance du préavis, elle invoque son impossibilité d'opérer une reconversion de son activité pendant la durée du préavis faisant état de ses investissements depuis juin 2014, dans du matériel extrêmement couteux afin de maintenir sa productivité, de l'incendie de mai 2018 qui l'a contrainte à louer du matériel coûteux pour remplacer la pelle ayant brûlée, qu'elle a également fait construire des locaux professionnels en pleine campagne qui, compte tenu de leur emplacement, ne pouvaient être utilisés dans le cadre d'une autre activité rendant ainsi impossible toute reconversion pendant une durée de 24 mois. Elle ajoute que l'article 10.4 du contrat du 30 janvier 2015 prévoyait la possibilité pour Omya a sa seule discrétion d'acheter tout ou certains de ses biens de sorte qu'elle ne pouvait prévoir quel équipement serait laissé en sa possession à l'issue du préavis. Elle fait aussi état d'un appel d'offres truqué.

Enfin, elle fait valoir que la société Buesa a proposé aux salariés de Castagna par l'intermédiaire d'Omya de leur offrir un poste pour conserver leur emploi caractérisant la volonté de nuire de cette dernière, étant observé que Buesa n'a souhaité embauché que son conducteur de travaux sur qui reposait tout le savoir-faire de la société et que la totalité des salariés a manifesté son souhait de continuer à travailler dans les carrières d'Omya rendant plus difficile toute aspiration à une reconversion et qu'elle a ensuite dû licencier pour motifs économiques ses salariés compliquant la reprise et la reconversion de son activité.

En réponse, Omya dénie toute brutalité de la rupture faisant valoir que :

- Aux termes du courrier du 26 septembre 2017, elle a accordé à Castagna un préavis de 24 mois dans le contexte de la mise en place d'une procédure d'appel d'offres ;

- Dans le cadre des discussions qui ont suivi, elle a accepté de porter cette durée de préavis à 36 mois, durée que Castagna a estimé insuffisante dans un courrier du 30 juillet 2018 tout en refusant d'exécuter un préavis au-delà de 24 mois ;

- L'activité de Castagna ne présente pas de spécificité particulière qui aurait rendu la recherche de marchés de remplacement particulièrement difficile ;

- La problématique de Castagna réside dans ses prix qui n'étaient plus en phase avec le marché ;

- Castagna invoque une situation de dépendance économique mais admet que lorsque le début du préavis lui a été signifié, elle était libre de toute exclusivité depuis 35 ans.et qu'il apparait que depuis de longues années, Castagna avait décidé de ne pas diversifier son activité ;

- Castagna ne démontre pas en quoi sa situation géographique était problématique, ajoutant que dans le domaine des travaux publics et du transport, les marchés de reconversion sont nombreux ;

- L'obligation de procéder à des investissements afin de pouvoir exécuter le contrat renouvelé en 2015, fait partie des obligations normales d'une société de sorte que Castagna ne peut à la fois indiquer qu'elle a procédé à d'importants investissements en 2015 et prétendre que l'exécution de 12 mois de préavis supplémentaires aurait nécessité des investissements complémentaires ;

- A la suite de l'incendie, Castagna a loué une chargeuse plus puissante et deux tracteurs pour pouvoir continuer à exécuter ses obligations contractuelles de sorte qu'elle disposait du matériel nécessaire pour exécuter ses obligations pour 12 mois supplémentaires ;

- A aucun moment elle n'a évoqué la possibilité de faire usage de l'article 10.4 du contrat, et Castagna ne l'a jamais interrogée à ce sujet ;

Elle indique :

- S'agissant des conditions de l'appel d'offres, que Castagna a remis une offre en décembre 2017 qui n'était manifestement pas compétitive, qu'elle lui a permis de réajuster.

S'agissant de la reprise des salariés, qu'il est d'usage, dans les successions de marchés de travaux, que le successeur d'un prestataire propose la reprise des salariés affectés au site repris ; que Castagna aurait pu éviter les licenciements économiques en procédant, comme il est d'usage, à un accord amiable tripartite avec la société Buesa et chaque salarié., au lieu de rejeter toute tentative de dialogue.

- S'agissant des manquements contractuels, qu'elle s'est vue obligée de réagir face à la situation provoquée par Castagna et a dû en urgence mettre en place un nouveau plan de prévention, ajoutant que Castagna a eu recours à un sous-traitant qu'elle n'avait pas accepté, ce qui constituait un manquement au contrat et qu'à la suite du courrier qu'elle lui a adressé, Castagna a cessé le recours à la sous-traitance et a exécuté le contrat jusqu'au terme des 24 mois de préavis.

Réponse de la Cour

L'article L. 442-6, I 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour le producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels.

La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial.

La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de celui-ci.

Le délai de préavis, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée de la relation commerciale et de ses spécificités, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits ou services en cause.

En l'espèce, la société Omya ne conteste pas l'existence d'une relation commerciale établie ayant débuté le 1er septembre 1946. Le dernier accord d'exploitation conclu entre les parties est entré en vigueur le 1er mai 2015 pour finir le 30 avril 2018.

Cette relation commerciale établie s'est poursuivie jusqu'à la mise en place d'une procédure d'appel d'offres précarisant ainsi la relation.

La lettre du 26 septembre 2017 de la société Omya remise le 27 septembre suivant à la société Castagna l'en informant (pièces 1et 2 de l'intimée) précisait également accorder à celle-ci si son offre n'était pas retenue, un préavis de 24 mois, soit 7 mois jusqu'au 30 avril 2018, date d'échéance du contrat, puis 17 mois du 30 avril 2018 au 30 septembre 2019.

Par lettre du 23 avril 2018, la société Omya a informé la société Castagna que son offre n'est pas retenue et que, eu égard à la durée de leurs relations, il lui était accordé une prolongation de son contrat, jusqu'au 30 septembre 2019.

La relation commerciale établie entre les parties a ainsi duré près de 72 ans.

Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, la rupture des relations commerciales établies a été actée le 23 avril 2018, date à laquelle un préavis de 17 mois a commencé à courir jusqu'au 30 septembre 2019.

L'offre de la société Omya de lui accorder un délai de préavis supplémentaire de 12 mois jusqu'au 30 septembre 2020 par lettre du 9 juillet 2018, réitérée le 14 septembre suivant, a été déclinée par Castagna, cette dernière répondant par lettre du 14 septembre 2018,qu'un préavis de 3 ans, pour une collaboration fidèle et sans faille de plus de 70 ans, ne lui convenait pas et, par lettre du 1 2 octobre suivant, s'en tenir à la date de fin de préavis du 30 septembre 2019.

Pour se prononcer sur le caractère brutal de la rupture intervenue, la Cour s'en tiendra dans ces circonstances au délai de 17 mois accordé au jour de la rupture, ne pouvant prendre en compte des éléments survenus postérieurement à cette date.

En dépit de la durée exceptionnelle des relations commerciales établie et de la spécificité de son activité, s'agissant de l'exploitation de carrières, le délai de préavis qui a été accordé à la société Castagna, apparaît suffisant.

En effet, Castagna ne peut se prévaloir d'une exclusivité qui avait cessé depuis l'année 1983, de sorte que la situation de dépendance économique qu'elle invoque lui est imputable, faute d'avoir su se diversifier.

Il sera ajouté qu'elle ne justifie pas qu'en raison de la spécificité de son activité, comme de sa situation géographique, sa recherche de nouveaux marchés était si ardue qu'il justifierait un délai de préavis plus long que celui accordé.

De la même manière, elle ne justifie pas d'investissements réalisés en pure perte, ni davantage d'investissements effectués à la demande spécifique de la société Omya. A cet égard, ainsi que l'a retenu le tribunal, la majeure partie des investissements réalisés de 2014 à 2019, qui datent de 2014 et 2015, étaient amortis financièrement à la fin du préavis accordé (pièces 20 et 21 de l'appelante) et l'achat d'une pelle d'un tonnage supérieure à celle utilisée après l'incendie de mai 2018 au cours du délai de préavis ne peut être prise en compte, la durée du préavis s'appréciant au moment de la rupture.

Pour ce même motif, l'éventuelle volonté d'Omya de reprise de matériels en vertu de l'article 10 .4 du contrat qu'elle invoque comme ayant compliqué sa reconversion, est inopérante.

Il en est de même de l'offre de reprise de ses salariés par son successeur qu'elle impute à Omya et qui lui aurait été préjudiciable.

Enfin, elle ne démontre pas que l'achat d'un terrain et la construction d'un bâtiment pour se rapprocher des carrières ne soient pas des investissements amortis, ne précisant notamment pas l'année de ces investissements.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que la rupture intervenue n'était pas brutale et en ce qu'il a débouté la société Castagna de ses demandes au titre de son préjudice financier et de son préjudice moral.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Castagna qui succombe est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à sa charge.

Elle est aussi déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, le jugement étant confirmé en ce qu'il a mis à sa charge une somme de 10 0000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sera condamnée à verser sur ce fondement en cause d'appel une somme supplémentaire de 5 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises,

Y ajoutant,

Déboute la société Transports-Travaux Public Castagna de ses demandes ;

La condamne aux dépens d'appel et à payer à la société Omya la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.