Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 3 octobre 2024, n° 20/10914

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Ayoun, Me Gargam

TJ Draguignan, du 1er oct. 2020, n° 19/0…

1 octobre 2020

***

Messieurs [L] [R], [M] [S] et [P] [N] étaient associés et co-gérants de la SCP [R] [S] [N] devenue SCP [S] [N], titulaire d'un office notarial à [Localité 14] la Sainte-Baume.

En 2014, Messieurs [L] [R], [M] [S] et [P] [N] ont constitué la SCI [Adresse 9] de [Localité 14], Monsieur [R] détenant 40 % du capital social et des droits de vote y afférents et Messieurs [S] et [N] détenant chacun 30% du capital social et des droits de vote y afférents, les 3 associés étant co-gérants statutaires.

Cette société était propriétaire du bien immobilier situé à [Localité 14], [Adresse 8] et du [Adresse 9] donné à bail à la SCP [R] [S] [N].

Aux termes d'une décision aujourd'hui définitive, le tribunal de grande instance de Draguignan a prononcé le 21 juillet 2017 une peine disciplinaire d'interdiction de 4 mois à l'encontre de Maître [L] [R].

En suite de cette condamnation, Messieurs [M] [S] et [P] [N] ont engagé une procédure pour contraindre Monsieur [L] [R] à se retirer de la SCP [R] [S] [N] et céder ses parts par application des articles 33 et 56 du décret n°67-868 du 2 octobre 1967.

Par courrier du 28 juin 2019, Monsieur [L] [R] a été convoqué à l'assemblée générale ordinaire de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] le 17 juillet 2019 afin de délibérer sur la vente du bien immobilier situé à [Localité 14] cadastré section AL n°[Cadastre 7] à la SCI [Localité 14] office (constituée entre Messieurs [S] et [N]) au prix de 1 400 000 euros.

Monsieur [L] [R] a souhaité se faire représenter à cette assemblée par Monsieur [W] [O].

Messieurs [M] [S] et [P] [N] ont considéré que le mandat produit présentait un caractère irrégulier et ont refusé que Monsieur [O] participe au vote.

Selon procès-verbal du 17 juillet 2019, les résolutions soumises au vote ont été adoptées par Messieurs [S] et [N].

Le bien immobilier appartenant à la SCI a été cédé le 25 juillet 2019 par acte notarié.

Par actes en date du 15 octobre 2019, Monsieur [L] [R] a fait assigner Messieurs [M] [S] et [P] [N] et la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] devant le tribunal de grande instance de Draguignan à jour fixe aux fins d'entendre prononcer l'annulation de l'assemblée générale du 17 juillet 2019, la condamnation des défendeurs au paiement de dommages et intérêts, et la révocation de MM [S] et [N] de leurs fonctions de gérants.

Les défendeurs sollicitaient reconventionnellement que soit prononcée la dissolution de la SCI et la condamnation de M. [R] à dommages et intérêts.

Par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a statué comme suit :

- déclare nulle et de nul effet l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2019 de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] qui a autorisé la cession du bien immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9],

- condamne [M] [S] et [P] [N] à prendre en charge des éventuels coûts, frais de mutation et les formalités de modification du registre des sociétés,

- condamne [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R], la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi par ce dernier résultant du refus opposé au mandataire de [L] [R] de participer à l'assemblée générale du 17 juillet 2019 et de la convocation d'une assemblée générale ordinaire et non pas extraordinaire,

- prononce la dissolution de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] immatriculée au RCS de Draguignan sous le numéro D 800 530 503 dont le siège social est situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9],

- désigne la SELARL Deloret Constant, mandataire judiciaire à Draguignan, aux fins de procéder aux opérations de liquidation,

- condamne in solidum [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette toute demande supplémentaire ou contraire,

- condamne [M] [S] et [P] [N] in solidum aux dépens de l'instance.

Le tribunal a considéré que :

Sur l'impossibilité de M. [R] de participer à l'AG, MM [S] et [N] ne précisent pas les éléments qui leur permettraient de douter de l'authenticité du mandat alors que la production d'une photocopie pouvait s'expliquer par l'impossibilité de faire parvenir en temps utile l'original et qu'ils pouvaient téléphoner à leur cons'ur de Corse pour s'assurer de la validité du document.

Sur la nécessité de convoquer une AGE, la vente du seul bien immobilier dès lors que celle-ci entraîne un changement de siège social implique une modification des statuts de sorte que la résolution doit être adoptée en AGE soit à la majorité des 2/3 des associés.

Sur l'abus de majorité, la vente du bien de la SCI n'est pas contraire à l'objet social et le prix de la vente a été réparti entre les associés à concurrence de leur nombre de parts.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [R], la somme revenant à M. [R] au titre des loyers qui lui sont dus relève des comptes à faire entre les parties suite à l'annulation de la vente du bien immobilier. La perte de revenus futurs en l'état de l'annulation n'est pas caractérisée.

Sur la révocation de la gérance, la contrariété de la décision à l'intérêt social n'est pas caractérisée.

Sur les demandes reconventionnelles de MM [S] et [N], le conflit qui oppose les parties dépasse de très loin la simple mésentente entre associés et la faculté de M. [R] de s'opposer à toutes les décisions relevant de l'AGE caractérise une paralysie de la SCI.

Monsieur [L] [R] a interjeté appel de cette décision en intimant MM [S] et [N] le 10 novembre 2020 et a formalisé un second appel le 16 mars 2021 en intimant la SCI [Adresse 9] de [Localité 14].

Par une ordonnance d'incident du 13 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a débouté MM [S] et [N] de leur incident d'irrecevabilité de l'appel et prononcé la jonction des dossiers numéro RG 20/10914 et 21/03922.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 août 2021, M. [L] [R] demande à la cour, vu les articles 1844 et suivants du code civil de :

- joindre les affaires RG n°20/10914 et RG n°21/03922

- recevoir Monsieur [L] [R] en ses présentes écritures et le dire bien fondé,

- confirmer le jugement rendu le 1er octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il :

« Déclare nulle et de nul effet l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2019 de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] qui a autorisé la cession du bien immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9],

Condamne [M] [S] et [P] [N] à prendre en charge des éventuels coûts, frais de mutation et les formalités de modification du registre des sociétés,

Condamne [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R], la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi par ce dernier résultant du refus opposé au mandataire de [L] [R] de participer à l'assemblée générale du 17 juillet 2019 et de la convocation d'une assemblée générale ordinaire et non pas extraordinaire,

Condamne in solidum [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande supplémentaire ou contraire au titre des dommages-intérêts et de l'article 700,

Condamne [M] [S] et [P] [N] in solidum aux dépens de l'instance. »

- infirmer le jugement rendu le 1er octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il :

1er chef de jugement critiqué : « prononce la dissolution de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] immatriculée au RCS de Draguignan sous le numéro D 800 530 503 dont le siège social est situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9] »

2ème chef de jugement critiqué : « désigne la SELARL Deloret Constant, mandataire judiciaire à Draguignan, aux fins de procéder aux opérations de liquidation »

Statuant à nouveau :

- révoquer Messieurs [N] et [S] de la gérance de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14],

- condamner Messieurs [N] et [S] et la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] à verser à Monsieur [R] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions notifiées et déposées 2 avril 2021 MM [S] et [N] demandent à la cour de :

Avant toute défense au fond et in limine litis,

- déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté par Monsieur [R] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan en date du 1er octobre 2020, appel dirigé contre exclusivement contre Messieurs [N] et [S] et sans que la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] soit intimée en cause d'appel,

Sur le fond, vu les articles 1103, 1154, 1240, 1844-7, 1852 et 1985 du code civil, 9 et 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme,

- débouter Monsieur [R] de ses demandes, fins et conclusions, et de son appel incident.

- recevoir et déclarer bien fondés en leur appel incident Messieurs [N] et [S] contre la décision rendue par le tribunal judiciaire de Draguignan (minute n°2020/313) le 1er octobre 2020

- confirmer le jugement (minute n°2020/313) rendu le 1er octobre 2020 en ce qu'il :

« prononce la dissolution de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] immatriculée au RCS de Draguignan sous le numéro D 800 530 503 dont le siège social est situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9],

Désigne la SELARL Deloret Constant, mandataire judiciaire à Draguignan, aux fins de procéder aux opérations de liquidation »

- infirmer le jugement (minute n°2020/313) rendue le 1er octobre 2020 en ce qu'il :

« Déclare nulle et de nul effet l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2019 de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] qui a autorisé la cession du bien immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9],

Condamne [M] [S] et [P] [N] à prendre en charge des éventuels coûts, frais de mutation et les formalités de modification du registre des sociétés,

Condamne [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R], la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi par ce dernier résultant du refus opposé au mandataire de [L] [R] de participer à l'assemblée générale du 17 juillet 2019 et de la convocation d'une assemblée générale ordinaire et non pas extraordinaire,

Condamne in solidum [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande supplémentaire ou contraire au titre des dommages-intérêts et de l'article 700,

Condamne [M] [S] et [P] [N] in solidum aux dépens de l'instance. »

En tout état de cause,

- prononcer la dissolution de la société [Adresse 9] de [Localité 14], SCI au capital de 1 382 100 euros, immatriculée au RCS de sous le numéro Draguignan D 800 530 503, dont le siège est situé [Localité 14] [Adresse 8] et [Adresse 9].

- désigner tels liquidateurs qu'il plaira à la cour pour procéder à la liquidation de la société [Adresse 9] de [Localité 14] et accomplir toutes les formalités légales y afférentes.

- condamner Monsieur [R] à payer à Monsieur [N] la somme de 10 000 euros et à Monsieur [S] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et ce avec intérêts de droit à compter de la décision à venir.

- condamner Monsieur [R] à payer à Monsieur [N] la somme de 4 000 euros, outre 4 000 euros à Monsieur [S] et 4 000 euros à la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Monsieur [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître François Gargam, avocat aux offres de droit.

Par conclusions notifiées et déposées 25 août 2021, la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] demande à la cour, vu les articles 1103, 1154, 1240, 1844-7, 1852 et 1985 du code civil, 9 et 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de :

- débouter Monsieur [R] de ses demandes, fins et conclusions, et de son appel incident.

- recevoir et déclarer bien fondée en son appel incident la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] contre la décision rendue par le tribunal judiciaire de Draguignan (minute n°2020/313) le 1er octobre 2020

- confirmer le jugement (minute n°2020/313) rendu le 1er octobre 2020 en ce qu'il :

« prononce la dissolution de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] immatriculée au RCS de Draguignan sous le numéro D 800 530 503 dont le siège social est situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9],

Désigne la SELARL Deloret Constant, mandataire judiciaire à Draguignan, aux fins de procéder aux opérations de liquidation »

- infirmer le jugement (minute n°2020/313) rendue le 1er octobre 2020 en ce qu'il :

« Déclare nulle et de nul effet l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2019 de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] qui a autorisé la cession du bien immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9],

Condamne [M] [S] et [P] [N] à prendre en charge des éventuels couts, frais de mutation et les formalités de modification du registre des sociétés,

Condamne [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R], la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi par ce dernier résultant du refus opposé au mandataire de [L] [R] de participer à l'assemblée générale du 17 juillet 2019 et de la convocation d'une assemblée générale ordinaire et non pas extraordinaire,

Condamne in solidum [M] [S] et [P] [N] à payer [L] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande supplémentaire ou contraire au titre des dommages-intérêts et de l'article 700,

Condamne [M] [S] et [P] [N] in solidum aux dépens de l'instance. »

En tout état de cause,

- prononcer la dissolution de la société [Adresse 9] de [Localité 14], SCI au capital de 1 382 100 euros, immatriculée au RCS de sous le numéro Draguignan D 800 530 503, dont le siège est situé [Localité 14] [Adresse 8] et [Adresse 9].

- désigner tels liquidateurs qu'il plaira à la cour pour procéder à la liquidation de la société [Adresse 9] de [Localité 14] et accomplir toutes les formalités légales y afférentes.

- condamner Monsieur [R] à payer à la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et ce avec intérêts de droit à compter de la décision à venir.

- condamner Monsieur [R] à payer la somme de 4 000 euros à la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Monsieur [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître François Gargam, avocat aux offres de droit.

La procédure a été clôturée le 4 juin 2024.

MOTIFS :

Les parties n'ont pas actualisé leurs écritures après l'ordonnance rendue le 13 janvier 2022 par le magistrat chargé de la mise en état qui a débouté MM [S] et [N] de leur incident d'irrecevabilité de l'appel et prononcé la jonction des dossiers numéro RG 20/10914 et 21/03922.

La demande de jonction formée par M. [R] devant la cour est devenue sans objet.

La demande de MM [N] et [S] tendant à faire déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté par M. [R] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan en date du 1er octobre 2020 relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état qui a d'ailleurs statué sur la demande par l'ordonnance du 13 janvier 2022 précitée.

Cette demande sera en conséquence déclarée irrecevable.

Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2019 de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] :

À l'appui de cette demande, l'appelant invoque en premier lieu le moyen tiré du fait qu'il ait été empêché de voter à l'assemblée générale par mandataire, en violation des statuts qui prévoient que tout associé peut se faire représenter aux assemblées générales par un mandataire de son choix associé ou non, et des articles 1844 et suivants du code civil.

Il est constant que M. [W] [O] s'est présenté à l'assemblée générale du 17 juillet 2019 en produisant la photocopie d'un mandat rédigé par M. [R] et comportant la certification, également en photocopie, de la signature de ce dernier par un notaire.

Dans un contexte de perte de confiance entre les associés, alors que M. [R] avait été sanctionné disciplinairement pour des faits d'élaboration de documents comportant une fausse signature et faisait l'objet d'une procédure pénale pour des faits de faux en écriture publique commis dans l'exercice de ses fonctions de notaire, MM. [S] et [N] étaient fondés à s'interroger sur l'authenticité du mandat invoqué, d'autant que contrairement à ce qu'affirme l'appelant, le délai entre la distribution de la lettre de convocation le 11 juillet 2019 (le 12 juillet étant la date de réexpédition de l'AR), et la date de tenue de l'assemblée générale le 17 juillet 2019, ne caractérisait pas une impossibilité de faire parvenir un pouvoir en original en temps utile.

Ainsi que le font valoir MM. [S] et [N], la preuve du mandat ne peut être reçue que conformément aux règles générales sur la preuve des conventions.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la simple photocopie, qui autorise tout montage et modification de l'original, ne constitue pas une copie fiable au sens de l'article 1379 du code civil et du décret n°2016-1673 du 5 décembre 2016.

MM [S] et [N] ont ainsi pu légitimement considérer que M. [O] n'était pas muni d'un pouvoir valable de représentation de M. [R] et refuser sa participation à l'assemblée générale, sans avoir à effectuer des investigations auprès du notaire auteur de la certification de signature afin de pallier la carence de l'associé mandant.

Le premier moyen de nullité sera en conséquence écarté.

M. [R] soutient en second lieu que les résolutions prises le 17 juillet 2019 auraient dû être votées à la majorité des deux tiers dans le cadre d'une assemblée générale extraordinaire, aux motifs que selon les statuts, les décisions emportant modification directe ou indirecte des statuts doivent être prises en assemblée générale extraordinaire et que :

- l'objet social de la SCI tel que défini par les statuts ne mentionne pas la vente de biens mais uniquement l'acquisition ou la propriété,

- la vente de l'unique bien dont l'acquisition était l'objet social de la SCI entraîne la disparition de la société,

- la vente de l'immeuble entraîne une modification du siège social statutaire.

Il est exact que l'article 2 des statuts de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] qui définit l'objet de la société énonce l'acquisition, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l'aménagement, l'administration, la location de biens et droits immobiliers et toutes opérations civiles pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet ou susceptible d'en favoriser le développement mais ne mentionne pas expressément la vente de biens et droits immobiliers.

Outre le fait que la vente se rattache directement à la propriété qui se définit notamment par le droit de disposer, l'article deuxième du chapitre relatif à la gérance mentionne expressément la vente des biens et droits immobiliers comme faisant partie des décisions relevant de l'autorisation donnée par l'assemblée générale ordinaire des associés.

Contrairement à ce que soutient M. [R], l'objet social de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] n'est pas limité à l'acquisition du bien faisant l'objet de la cession litigieuse et lui permet d'acquérir et valoriser tout autre bien, de sorte que le moyen tiré de la réalisation ou de l'extinction de l'objet social n'est pas fondé.

Enfin, il ne peut qu'être constaté que la cession intervenue en juillet 2019 n'a pas entraîné la modification du siège social, l'acquéreur de l'immeuble ayant accepté que la SCI cédante y reste domiciliée, de sorte que l'affirmation selon laquelle la vente de l'immeuble entraînerait la modification du siège social se révèle inexacte.

Le moyen tiré du nécessaire recours à une assemblée générale extraordinaire sera en conséquence écarté.

M. [R] sollicite enfin l'annulation de l'assemblée générale du 17 juillet 2019 pour abus de majorité, faisant valoir que la vente de l'unique bien de la SCI est contraire à l'intérêt de la société en ce qu'elle la prive de son objet social et que la décision litigieuse est prise dans l'intérêt exclusif des associés votants et à son détriment, en ce qu'elle vise à l'évincer de la propriété de l'immeuble racheté par la SCI constituée par les deux autres associés.

Il incombe à l'associé qui invoque un abus de majorité de démontrer que la décision critiquée est contraire à l'intérêt social, de sorte que la simple incertitude sur sa conformité à l'intérêt social ne suffit pas, et qu'elle a été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité.

La circonstance que la décision de cession critiquée porte sur le seul bien immobilier détenu par la société est insuffisante à caractériser sa contrariété à l'intérêt social, alors que la cession emporte substitution à l'actif de la SCI d'un prix de vente de 1400000 euros dont il n'est pas contesté qu'il est conforme à la valeur vénale du bien, estimée à 1250000 euros selon un rapport d'expertise détaillé établi le 25 janvier 2019 par M. [Y] [K], expert en évaluations immobilières inscrit sur la liste de la cour d'appel, mandaté par la SCI, le prix perçu permettant le désendettement de la société et préservant sa faculté de poursuivre son objet social.

La volonté d'agir au détriment de l'associé minoritaire en l'évinçant n'est pas non plus caractérisée, M. [R] ayant précédemment notifié aux deux autres associés sa volonté de sortir de la SCI en même temps que de la SCP par courrier de son conseil du 5 juillet 2018.

Le fait que la décision s'inscrive dans la nécessaire réorganisation des relations entre associés à la suite des agissements préjudiciables de M. [R] et du nantissement de ses parts sociales par ses créanciers ne permet pas de caractériser un abus de majorité.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2019 de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] qui a autorisé la cession du bien immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9], condamné [M] [S] et [P] [N] à prendre en charge des éventuels coûts, frais de mutation et les formalités de modification du registre des sociétés et à payer [L] [R] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi par ce dernier résultant du refus opposé au mandataire de [L] [R] de participer à l'assemblée générale du 17 juillet 2019 et de la convocation d'une assemblée générale ordinaire et non pas extraordinaire.

Sur la demande de révocation MM [S] et [N] de leurs fonctions de cogérants :

M. [R] invoque à l'appui de sa demande de révocation des cogérants le fait que MM [S] et [N] auraient pris une décision de cession du bien immobilier au profit d'une société constituée par eux, contraire à l'intérêt social et aux statuts.

La cour n'a cependant pas retenu cette contrariété à l'intérêt social et aux statuts, pour les motifs sus énoncés.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de ce chef de demande.

Sur la demande de dissolution de la SCI :

Aux termes de l'article 1844-7 5° du code civil, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

Si la mésentente profonde entre M. [R] et les deux autres associés, illustrée notamment par la présente procédure, n'est pas contestée par M. [R], les demandeurs à la dissolution doivent encore démontrer que cette mésentente paralyse le fonctionnement de la société, cette condition devant être strictement appréciée.

MM [S] et [N] évoquent la disparition de l'affectio societatis dans un contexte de mésentente avérée, où différents créanciers de M. [R] ont pris divers nantissements sur les parts sociales dont il est détenteur au sein de la SCI et risquent de les vendre aux enchères au profit d'associés non désirés, et la condamnation pénale devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour y répondre du délit d'habitat indigne.

Ces circonstances sont inopérantes à caractériser une paralysie de la SCI.

Quant à la faculté de M. [R], relevée par les premiers juges, de s'opposer à toutes les décisions relevant de l'AGE, il n'est aucunement démontré que cette circonstance entraînerait une paralysie de la société, aucun épisode précis de blocage qui serait survenu consécutivement à une opposition de M. [R] n'étant décrit par les demandeurs à la dissolution.

L'activité sociale étant en outre réduite depuis la cession de l'actif immobilier, les occasions de blocage lié à la mésentente entre les associés sont nécessairement limitées.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé la dissolution de la SCI et désigné la SELARL Deloret Constant, mandataire judiciaire à Draguignan, aux fins de procéder aux opérations de liquidation.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par les intimés :

Les intimés, qui ne démontrent pas que M. [R] aurait exercé son droit d'agir en justice de mauvaise foi et dans des conditions caractérisant un abus, seront déboutés de leurs demandes respectives en dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès :

Chacune des parties succombant sur ses propres prétentions conservera la charge des dépens par elle exposée en première instance et en appel, sans qu'il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Déclare sans objet la demande de jonction formée par M. [R],

Déclare irrecevable devant la cour la demande de MM [N] et [S] tendant à faire déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté par M. [R] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan en date du 1er octobre 2020,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] en révocation de MM [S] et [N] de leurs fonctions de cogérants et rejeté les demandes en dommages et intérêts de MM [S] et [N] et de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14],

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [R] de sa demandes aux fins d'entendre déclarer nulle et de nul effet l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2019 de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14] qui a autorisé la cession du bien immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 8] et du [Adresse 9] et de sa demande en dommages et intérêts,

Dit n'y avoir lieu à dissolution de la SCI [Adresse 9] de [Localité 14],

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposée en première instance et en appel, sans qu'il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.