CA Lyon, 1re ch. civ. A, 3 octobre 2024, n° 20/06536
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
On Destocke (SARL)
Défendeur :
Grand Frais Gestion (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wyon
Conseillers :
Mme Lemoine, M. Gauthier
Avocats :
Me Desplaces, Me Jorge Monteiro & Associes, Me Akheos
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SAS Grand frais gestion exerce une activité de commerce alimentaire de produits frais dans un réseau de 293 magasins répartis sur l'ensemble territoire national français.
Elle a déposé un ensemble de marques destinées à identifier ses produits et services :
- la marque française semi-figurative « Grand frais » n° 4022788 déposée le 26 juillet
2013 ;
- la marque française semi-figurative « Grand frais » n° 3722233 déposée le 17 mars 2010;
- la marque verbale française « Grand frais » n° 94529915 déposée le 26 juillet 2013 ;
- la marque verbale française « Grand-frais » n° 4022786 déposée le 18 juillet 1994.
Les marques n° 4022788, 3722233 et 94529915 ont été déposées pour les produits et services des classes 29 à 33.
La marque n° 4022786 a été déposée pour les classes 29 à 31.
La SARL Centre frais (la société Centre frais) exploite un commerce de fruits et légumes, alimentation générale de boissons alcoolisées, dépôt de pain, rôtisserie, boucherie et poissonnerie dans un local commercial situé à [Localité 1], depuis le 1er avril 2012.
Par lettre d'avocat du 22 juillet 2015, la société Grand frais gestion a mis en demeure la société Centre frais de modifier sa dénomination sociale, son nom commercial et son enseigne « Centre frais » de manière à faire cesser tout risque de confusion.
Le 25 septembre 2015, la société Grand frais gestion a fait établir un procès-verbal d'huissier de justice. Il était pris la photo de l'enseigne du magasin suivante :
Le 24 novembre 2015, la société Grand frais gestion a fait assigner la société Centre frais devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Lyon.
Par jugement du 16 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré recevables les demandes formées par la société Grand frais gestion contre la société Centre Frais ;
- rejeté la demande de contrefaçon de droit d'auteur en tant que portant sur les signes « Grand-frais » et « Grand frais » ;
- rejeté la demande de contrefaçon de marques en tant que portant sur les marques verbales françaises « Grand frais » n° 94529915 et « Grand-frais » n° 4022786 :
- jugé que la société Centre frais s'est rendue auteure d'actes de contrefaçon des marques semi-figuratives françaises n° 4022788 et 372233 déposées par la société Grand frais gestion ;
- jugé que la société Centre frais s'est rendue auteure d'actes de contrefaçon de droits d'auteur en violation des droits d'auteur de la société Grand frais gestion en imitant les éléments figuratifs des marques françaises n° 4022788 et 372233 ;
- condamné la société Centre frais à payer à la société Grand frais gestion la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice économique issu des actes de contrefaçon de marques ;
- condamné la société Centre frais à payer la somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice moral issu de la contrefaçon de marques ;
- condamné la société Centre frais à payer à la société Grand frais gestion la somme de 10 000 euros en indemnisation du préjudice économique issu de la contrefaçon de droits d'auteur ;
- condamné la société Centre frais à payer à la société Grand frais gestion la somme de 1 500 euros en indemnisation du préjudice moral issu de la contrefaçon de droits d'auteur ;
- fait injonction à la société Centre frais de déposer l'enseigne contrefaisante, dans les dix jours calendaires à compter de la signification de la décision, sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard ;
- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- ordonné la publication du dispositif du jugement dans deux journaux ou publications papier, au choix de la société Grand frais gestion et aux frais de la société Centre frais, dans la limite de 2 000 euros HT par publication ;
- condamné la société Centre frais à payer à la société Grand frais gestion la somme de 5 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Centre frais aux dépens de l'instance, avec distraction au profit de la Selarl Stouls & associés, avocats, sur son affirmation de droit ;
- rejeté le surplus des demandes, en ce incluse celle d'exécution provisoire.
Par déclaration transmise au greffe le 23 novembre 2020, la société Centre frais, devenue la société On Destocke, a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, n° 2, déposées le 18 août 2021, la société On Destocke demande à la cour de :
- réformer le jugement ;
(à titre principal)
- dire et juger qu'elle n'a pas commis d'actes de contrefaçon de marque de la société Grand frais gestion ;
- dire et juger qu'elle n'a pas commis d'actes de contrefaçon de droits d'auteur ;
- dire et juger que la société Grand frais gestion ne rapporte pas la preuve de l'étendue des préjudices allégués ;
- débouter la société Grand frais gestion de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
- à titre subsidiaire, ramener à de plus justes proportions, à savoir à l'euro symbolique, le montant des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;
- en toute hypothèse, condamner la société Grand frais gestion à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance, comprenant ceux de première instance ainsi que le coût de constat huissier, avec distraction au profit de la Selarl d'avocats Jorge Monteiro & associés, sur son affirmation de droit.
Dans ses conclusions n° 2 déposées le 29 octobre 2021, la société Grand frais gestion demande à la cour de :
- « la dire recevable en ses demandes » ;
- confirmer le jugement ce qu'il a :
- jugé que la société On Destocke s'est rendue auteure d'actes de contrefaçon des marques semi-figuratives françaises n° 4022788 et 372233 déposées par la société Grand frais gestion ;
- jugé que la société On Destocke s'est rendue auteure d'actes de contrefaçon de droits d'auteur en violation des droits d'auteur de la société Grand frais gestion en imitant les éléments figuratifs des marques françaises n° 4022788 et 372233 ;
- fait injonction à la société On Destocke de déposer l'enseigne contrefaisante, dans les dix jours calendaires à compter de la signification de la décision, sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard ;
- ordonné la publication du dispositif du jugement dans deux journaux ou publications papier, au choix de la société Grand frais gestion et aux frais de la société On Destocke, dans la limite de 2 000 euros HT par publication ;
- condamné la société Centre frais à payer à la société Grand frais gestion la somme de 5 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société On Destocke aux dépens de l'instance ;
Et statuant à nouveau :
À titre principal :
- condamner la société On Destoke pour contrefaçon des marques verbales françaises « Grand frais » n° 94529915 et « Grand-frais » n° 4022786 :
- condamner la société On Destoke à lui payer la somme de 140 000 euros en indemnisation du préjudice économique issu des actes de contrefaçon de marques ;
- condamner la société On Destocke à lui payer la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice moral issu de la contrefaçon de marques ;
À titre subsidiaire :
- condamner la société On Destocke à lui payer la somme de 140 000 euros en indemnisation du préjudice tiré de la concurrence déloyale ;
En tout état de cause :
- débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner l'appelante pour contrefaçon de droit d'auteur en tant que portant sur les signes « Grand Frais » et « Grand-frais » ;
- condamner l'appelante à lui payer la somme de 60 000 euros en indemnisation du préjudice économique et moral issu de la contrefaçon de droits d'auteur ;
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir par voie d'affichage du dispositif à chaque entrée du magasin Centre frais, de façon visible, dans une dimension qui ne saurait être inférieure en format A3 et, ce, pendant un mois à compter de la date de signification de l'arrêt et sous pénalité de 300 euros par jour de retard par infraction constatée ;
- condamner l'appelante à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés au titre de la procédure d'appel ;
- condamner l'appelante aux entiers dépens distraits au profit de Me Olivier Desplaces.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 novembre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
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MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'objet du litige
La cour relève que si l'intimée demande à la cour de statuer à nouveau sur la contrefaçon des marques verbales, sur le montant de l'indemnisation des préjudices économique et moral issus des actes de contrefaçon des marques, sur l'indemnisation des même préjudices tirés de la contrefaçon de droit d'auteurs des mêmes marques verbales, sur sa demande subsidiaire formée au titre de la concurrence déloyale ainsi que sur sa demande de publication par voie d'affichage dans le magasin de l'appelante, elle ne sollicite pas dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour quant aux prétentions sur lesquelles elle doit statuer en application de l'article 954 du code de procédure civile, l'infirmation ou la réformation du jugement.
Dans son dispositif, le jugement a rejeté les demandes formées alors par l'intimée au titre de la contrefaçon des marques verbales, fixé le montant des préjudices et rejeté le surplus des demandes. Ce rejet comprend, au regard de l'objet des demandes présentées par l'intimée en première instance, tel qu'indiqué dans la décision : la demande indemnitaire au titre de la contrefaçon de droits d'auteurs concernant les marques verbales, la demande subsidiaire au titre de la concurrence déloyale et la demande de publication par voie d'affichage.
Dès lors, ces chefs de dispositif, saufs de demande de réformation, ne peuvent qu'être maintenus.
Il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur les demandes indemnitaires ci-dessus visées réitérées à hauteur d'appel par la société Grand frais gestion en dehors toute demande de réformation.
Sur la contrefaçon de marques
À titre infirmatif, l'appelante, concernant la similitude visuelle, soutient que les deux logos comportent des différences (le logo Centre frais est inscrit sur un demi-cercle, le mot CENTRE est écrit en lettres blanches et le mot FRAIS le plus gros, de couleur jaune, « laissant ressentir d'un simple point de vue visuel le mot FRAIS ». Elle indique que le logo CENTRE FRAIS se prolonge avec un rectangle toujours sur fond marron avec mention des produits commercialisés en lettres jaunes et blanches.
Elle écarte tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen, alors que, selon elle, la configuration des lieux, son emplacement, les couleurs utilisées, services mentionnés sur la façade du bâtiment et le type de clientèle suffisent à établir l'absence de tout risque de confusion pour le consommateur moyen.
Elle estime qu'il ne peut lui être reproché l'architecture de son établissement, dont elle n'est pas la propriétaire et considère que les devantures ne sont pas comparables, en termes de couleur et de surface.
Elle indique qu'elle ne dispose pas d'un parking comme l'intimée.
Elle fait valoir quelle ne tire aucun bénéfice de l'attractivité de la réputation des magasins Grand frais, sa clientèle étant composée d'habitués. Elle indique que les deux points de ventes, s'ils se trouvent dans la même ville, ne sont pas situés à proximité.
À titre confirmatif, au visa des articles L. 713-3, devenu L. 713-2, 2° du code de la propriété intellectuelle, l'intimée fait valoir que les deux enseignes ont une activité strictement identique. Elle considère que le signe litigieux exploité par l'appelante constitue, en raison des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles, une imitation évidente de ses marques, qu'il est utilisé pour proposer des produits et services strictement identiques à ceux visés par ses marques. Elle en déduit un important risque de confusion pour le public concerné.
Sur ce,
Selon l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4.
L'article L. 713-3, en sa rédaction applicable au litige, dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public:
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
En cas d'imitation de la marque, par un usage du signe litigieux effectué sans le consentement de son titulaire, prenant place dans la vie des affaires et concernant des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque opposée a été enregistrée, il résulte des textes susvisés qu'il y a lieu d'opérer une comparaison d'ensemble des signes en présence, en fonction de leurs éléments distinctifs et dominants en se plaçant au moment où s'opère le choix entre les différents produits mis sur le marché vis-à-vis d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
En l'espèce, c'est par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions des appelantes et que la cour adopte, que le tribunal a retenu l'existence de très fortes similitudes sur le plan visuel entre les marques semi-figuratives déposées par l'intimée (n° 4022788 et 3722233) et l'enseigne utilisée par l'appelante, au regard de l'emploi d'un contenant circulaire en cercle ou demi-cercle, du code des couleurs, de leur alternance et de la superposition des signes verbaux.
Il sera en outre relevé que les deux signes distinctifs mettent en exergue le terme « Frais », qui constitue l'un des éléments dominants des marques semi-figuratives et qui est rehaussé par sa couleur blanche sur fond rouge pour les marques déposées et qui est inscrit en caractères jaunes sur fond rouge, surlignés et soulignés, dans l'enseigne de l'appelante.
Le tribunal sera également approuvé d'avoir jugé que l'enseigne, telle qu'installée sur une façade en pignon se terminant par une toiture en triangle, évoque encore plus particulièrement la marque semi-figurative n° 3722233 (qui inscrit le logo « Grand frais » dans un ensemble représentant le mur pignon d'une halle commerciale surmonté d'un toit en triangle), peu important à cet égard que le bâtiment ne soit pas la propriété de l'appelante.
En fonctions de ces ressemblances ressortant des éléments intrinsèques des signes en cause, et de leur impression d'ensemble, il y a lieu de retenir que les signes sont similaires.
Par ailleurs, il est admis que les deux sociétés commercialisent des produits et services qui sont, au moins pour partie, identiques (à l'exception des graines et animaux vivants commercialisés par l'appelante).
De ce qui précède, et comme l'a retenu le tribunal, il résulte que l'enseigne de l'appelante était de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il sera relevé que c'est de manière inopérante que l'appelante fait valoir que son magasin a ouvert en 2006, se prévaut de la configuration des lieux de celui-ci et soutient que sa clientèle n'était composé que d'habitués, aucune offre de preuve n'étant en outre apportée sur ce dernier point.
L'usage de l'enseigne litigieuse porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque déposée par l'intimée, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service.
Le jugement sera ainsi approuvé en ce qu'il a retenu que la contrefaçon était caractérisée pour l'ensemble des produits et services visés au dépôt des marques semi-figuratives susvisées, à l'exception de la vente de graines et d'animaux vivants.
Au-delà de la portée des prétentions formées par l'intimée, précédemment analysée, il sera souligné que l'action en concurrence déloyale n'était invoquée qu'à titre subsidiaire de l'action en contrefaçon de marques (et s'appuyait sur l'imitation des devanture et enseigne du magasin de l'intimée, ce qui était constitutif, selon elle, de faits de parasitisme). Dès lors et en toute hypothèse, celle-ci étant admise, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur la contrefaçon de droits d'auteur
À titre infirmatif, l'appelante soutient que le logo qu'elle utilisait n'est pas une imitation du logo Grand frais, écartant toute contrefaçon de droits d'auteur.
À titre confirmatif, l'intimée soutient que les logos qu'elle utilise constituent des 'uvres de la propriété intellectuelle, comme étant des créations de formes originales, en raison du choix de couleurs et de formes qui traduisent un apport intellectuel propre à leur auteur qui caractérise leur originalité. Elle s'estime comme présumée titulaire des droits sur cette 'uvre, en raison de l'existence d'actes d'exploitation non équivoque sous son nom.
Elle considère que l'enseigne Centre frais est une imitation de ces logos qui constitue, à défaut d'autorisation, une contrefaçon par reproduction et représentation au sens des articles L. 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
Sur ce,
Selon l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle d'une 'uvre, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite.
En l'espèce, il n'est pas discuté par l'appelante que la société Grand frais gestion ait exploité, de manière paisible et non équivoque, les logos qu'elle invoque, par ailleurs déposés comme marques semi-figuratives. Il y a dès lors de lieu de considérer que l'intimée est présumée titulaire des droits d'auteur qu'elle invoque sur ces logos.
L'intimée n'est pas plus contestée en ce qu'elle soutient le caractère original de l''uvre dont elle se prévaut, caractérisant l'empreinte de la personnalité ou de la marque d'un auteur ou une création intellectuelle propre à celui-ci, ce qui résulte au demeurant de leurs éléments visuels, tels que ci-dessus relevés.
Comme l'a retenu le tribunal et en fonction de ce qu'il a été précédemment constaté que l'enseigne reprenait les éléments visuels déterminants des logos de l'intimée, leur reproduction, même partielle, par l'appelante par le biais de son enseigne de magasin conduit à caractériser la contrefaçon de droits d'auteur.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les préjudices
Préjudices tirés de la contrefaçon des marques
À titre infirmatif, l'appelante, au visa de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, conclut au rejet des demandes indemnitaires, puisqu'aucune contrefaçon ne peut lui être reprochée. Concernant le préjudice moral, elle indique subsidiairement qu'il n'est pas rapportée la preuve du préjudice subi et que le montant des dommages-intérêts alloués doit être ramené à la somme d'un euro symbolique.
Concernant le préjudice économique, elle fait valoir qu'elle a déposé son enseigne et a changé de dénomination et que l'évolution de son chiffre d'affaires entre 2013 et 2020 établit qu'elle n'a tiré aucun avantage économique de la situation. Elle souligne que l'intimée s'appuie sur un tableau établi par ses soins et non sur des justificatifs sérieux. Elle conclut au rejet de cette demande et, à titre subsidiaire, à ce qu'elle soit ramenée à de plus justes proportions.
Elle conteste toute pertinence au calcul de l'indemnisation de l'intimée en fonction du montant de la redevance qui pourrait être due dans le cadre d'une franchise (pour un taux compris entre 1 et 15 % du chiffre d'affaires hors taxes).
Elle souligne qu'elle exerçait son activité avant l'installation du magasin Grand frais d'[Localité 1].
Elle précise avoir fait déposer l'enseigne litigieuse et avoir modifié le nom de sa société, devenue On Destocke.
La société Grand frais gestion soutient que le préjudice résultant de la contrefaçon de marques s'est élevé à la somme minimale de 140 000 euros et que son préjudice moral doit être évalué à la somme de 20 000 euros.
Elle considère qu'il est sans incidence que le chiffre d'affaires de l'appelante ait baissé. Elle se prévaut des conséquences économiques négatives de la contrefaçon et de la perte d'attractivité qui lui a été causée. Elle demande une évaluation forfaitaire du manque à gagner (50 000 euros). Elle fait état de la baisse de son chiffre d'affaires du magasin d'[Localité 1], depuis 2015. Elle estime que cette perte, entre juin 2015 et juin 2016, s'élève à 470 000 euros. Elle demande l'allocation d'une somme forfaitaire pour ce poste de préjudice (50 000 euros). Au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur, elle demande l'allocation d'une somme forfaitaire (de 40 000 euros).
Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice moral (à hauteur de 20 000 euros).
Sur ce,
Il sera rappelé qu'en raison des conditions dans lesquelles l'intimée a formé son appel incident, ci-dessus examinées, la cour ne peut statuer sur ses demandes visant à réformer, sur le quantum et de manière supérieure, le montant de l'indemnisation retenue par le tribunal.
Les moyens que la société Grand Frais invoque ainsi dans ses écritures au soutien de telles demandes sont inopérants.
Il a été également indiqué que la cour ne peut statuer sur la demande subsidiaire formée par l'intimée au titre de la concurrence déloyale.
Ainsi, la cour doit examiner le bien-fondé des condamnations indemnitaires prononcées par le tribunal, à hauteur de 20 000 et 2 000 euros pour les préjudices économique et moral lié à la contrefaçon de marque.
Comme l'a rappelé le tribunal, les conditions de détermination des préjudices issus des actes de contrefaçon de marques sont précisés par l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, lequel, en sa rédaction applicable au litige, prévoit :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. »
En l'espèce, l'intimée demande l'allocation d'indemnités au titre de son manque à gagner, des pertes subies, des bénéfices réalisés par le contrefacteur et de son préjudice moral. Toutefois, elle les chiffre, poste par poste, forfaitairement (p. 14 à 26) pour ensuite, demander à titre subsidiaire, en se prévalant du dernier alinéa du texte susvisé, d'autres indemnités forfaitaires.
Il y a donc lieu de considérer que l'intimée sollicite l'indemnisation forfaitaire de ses préjudices.
Etant rappelé que la cour ne peut, pour les raisons ci-dessus exprimées, pas examiner les prétentions de l'intimée qui dépassent les chefs de condamnation retenus par le tribunal, et en fonction des éléments invoqués par elle et dont elle justifie, il y a lieu de considérer que c'est par des motifs pertinents et que la cour adopte, qu'il a été jugé en première instance que le préjudice économique global de l'intimée s'élevait à 20 000 euros et que son préjudice moral s'élevait à 2 000 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes
L'appelante perd en son recours et devra supporter les dépens d'appel.
Par ailleurs, l'équité commande de la condamner à payer à l'intimée la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
Condamne la société On Destocke (anciennement dénommée Centre frais), à supporter les dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Desplaces, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société On Destocke à payer à la société Grand frais gestion la somme de
5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande au titre des frais irrépétibles.