CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 3 octobre 2024, n° 24/01633
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
La Cascade d'Eden (SAS)
Défendeur :
WR (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Masseron
Conseillers :
Mme Chopin, M. Najem
Avocats :
Me Sultan, Me Lapeyrere
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique du 5 février 2003, la société SCI WR est devenue propriétaire de locaux situés à [Localité 5], [Adresse 2] [Localité 5].
Le 26 février 2021, M. [G] [D], titulaire du fonds de commerce exploité dans ces locaux, l'a cédé avec le droit au bail à la société (par actions simplifiée) La Cascade d'Eden Paris, laquelle était, au jour de l'acte, en formation et en cours d'immatriculation et représentée par « Monsieur [X] [S], son président, dûment mandaté ». L'acte précisait que M. [X] [S], M. [Z] [S] et M. [P] [S] sont les trois associés de la société cessionnaire.
Par acte du 29 novembre 2022, la société SCI WR a fait signifier à la société La Cascade d'Eden Paris, M. [X] [S], M. [Z] [S] et M. [P] [S] un commandement de payer la somme de 2 598,97 euros en principal, visant la clause résolutoire du contrat de bail.
Par actes des 7 et 22 mars 2023, la société SCI WR a fait assigner MM. [S] et la société La cascade d'Eden Paris devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de voir :
constater la résolution du bail par l'acquisition de la clause résolutoire ;
ordonner l'expulsion de la société La Cascade d'Eden Paris en formation, MM. [S] ainsi que tout occupant de leur chef hors des lieux loués ;
condamner la société La Cascade d'Eden Paris en formation, MM. [S] à lui payer à titre provisionnel :
la somme de 7.175,94 euros représentant l'arriéré locatif à la date de l'assignation ;
une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant équivalent aux loyers et charges jusqu'à la libération des lieux ;
avec intérêts légaux à compter du commandement de payer, signifié le 29 avril 2022,
condamner la société La Cascade d'Eden Paris en formation et MM. [S] à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant le coût du commandement de payer du 29 novembre 2022.
Les défendeurs n'ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
Par ordonnance réputée contradictoire du 05 octobre 2023, le juge des référés du tribunal de judiciaire de Bobigny a :
constaté que la société La Cascade d'Eden Paris est occupante sans droit ni titre des locaux situés à [Localité 5], [Adresse 2] ;
ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de ces locaux de la société La Cascade d'Eden Paris et de tous occupants de son chef, et en particulier MM. [S] ;
dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné M. [X] [S] à payer à la société SCI WR la somme provisionnelle de 5 480,94 euros au titre des arriérés et taxes arrêtés au 1er trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2022 sur la somme de 2 598,97 euros et à compter de l'assignation pour le surplus ;
condamné M. [X] [S] au paiement à la société SCI WR d'une indemnité d'occupation à compter du 2ème semestre 2023 et jusqu'à libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférentes, qui aurait dû être payé si le contrat avait trouvé exécution ;
rejeté le surplus des demandes ;
condamné M. [X] [S] à payer à la société SCI WR la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [X] [S] à supporter la charge des dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.
Par déclaration du 10 janvier 2024, M. [X] [S] et la société La Cascade d'Eden Paris ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 11 mars 2024, la société La Cascade d'Eden Paris et M. [X] [S] demandent à la cour, au visa des articles L145-41 du code de commerce, 1103, 1343-5, 1843 du code civil et 488 du code de procédure civile, de :
les déclarer recevables et bien fondés dans l'ensemble de leurs demandes ;
débouter la société SCI WR de ses demandes, fins et conclusions ;
infirmer l'ordonnance rendue le 05 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en référé, en toutes ses dispositions ;
Y faisant droit,
constater que la société La Cascade d'Eden Paris a régularisé sa dette locative et a repris le paiement des loyers courants ;
En conséquence,
accorder rétroactivement à la société La Cascade d'Eden Paris un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette accusée (sic) d'un montant total de 5.480,94 euros, dus à la société SCI WR au titre des loyers commerciaux ;
suspendre les effets et la réalisation de la clause résolutoire ;
ordonner le maintien de la société La Cascade d'Eden Paris dans les locaux commerciaux sis [Adresse 2], [Localité 5] ;
ordonner la poursuite de l'exécution du contrat de bail, réputé ne jamais avoir été résilié, et régulièrement repris par la société La Cascade d'Eden Paris, dès son immatriculation intervenue le 18 octobre 2023 ;
En tout état de cause,
condamner la société SCI WR à payer à la société La Cascade d'Eden Paris et à M. [X] [V] la somme de 2.000 euros chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les appelants exposent que la société La Cascade d'Eden Paris, représentée par M. [X] [S], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny le 18 octobre 2023, bénéficiant alors du transfert du droit au bail aux termes de la cession du fonds de commerce intervenue par acte sous seing privé du 26 février 2021 ; que si elle a connu quelques difficultés l'empêchant de s'acquitter à terme du loyer dû à la société SCI WR, un commandement de payer et une assignation en résiliation du bail lui étant ainsi délivrés, elle est parvenue à reprendre le paiement des loyers courants depuis le mois de mars 2023 et a régularisé sa dette locative, des délais de paiement rétroactifs devant en conséquence lui être octroyés avec suspension des effets de la clause résolutoire, laquelle est réputée non acquise.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des appelants pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
La société SCI WR a constitué avocat mais n'a pas conclu.
SUR CE, LA COUR
L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L'article 1343-5 du code civil prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins de créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
La qualité de locataire de la société La Cascade d'Eden Paris se trouve justifiée en appel par la production d'un extrait du registre du commerce et des sociétés établissant qu'elle a été immatriculée le 18 octobre 2023 et ainsi acquis la personnalité morale, et de l'acte de cession du fonds de commerce et du droit au bail qu'elle a signé le 26 février 2021 avec le précédent locataire de la société SCI WR, alors qu'elle était encore en cours de formation.
Les appelants ne contestent pas que comme il a été jugé en première instance, la société La Cascade d'Eden Paris était bien redevable d'une dette locative de 5.480,94 euros au titre des loyers, charges et taxes arrêtés au 1er trimestre 2023 inclus.
Ils ne contestent pas non plus que cette dette n'a pas été régularisée dans le mois de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire qui leur a été délivré le 29 novembre 2022, si bien que ladite clause s'est trouvée acquise.
Ils justifient cependant, par la production de quittances délivrées par le bailleur, de trois virements de 1000 euros chacun effectués en décembre 2023 et d'une lettre de relance du bailleur adressée le 30 décembre 2023, laquelle ne fait plus état de la dette locative ayant donné lieu à la provision allouée par le premier juge, avoir soldé cette dette au 30 décembre 2023, démontrant ainsi leur capacité financière à payer le loyer courant en sus de l'arriéré ayant donné lieu à condamnation.
En conséquence, il sera alloué à la société La Cascade d'Eden Paris, représentée par M. [X] [S], un délai de paiement jusqu'au 30 décembre 2023, cela à titre rétroactif et avec effet suspensif des effets de la clause résolutoire, laquelle est réputée n'avoir pas joué.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée, sauf en ce qu'elle a alloué à la société SCI WR une provision de 5.480,94 euros au titre des loyers charges et taxes arrêtés au 1er trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2022 sur la somme de 2.598,97 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, la cour statuant à nouveau et ajoutant dans les termes du dispositif ci-après.
Les deux instances ayant été causées par le manquement de la société La Cascade d'Eden Paris à son obligation de payer les loyers et charges à leur échéance et par son défaut de comparution devant le premier juge, elle sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à la société SCI WR la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a alloué à la société SCI WR une provision de 5.480,94 euros au titre des loyers, charges et taxes arrêtés au 1er trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2022 sur la somme de 2.598,97 euros et à compter de l'assignation sur le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que la société La Cascade d'Eden Paris est immatriculée au registre du commerce et donc dotée de la personnalité morale depuis le 18 octobre 2023,
La dit en conséquence débitrice de la provision allouée par le premier juge à la société SCI WR,
Constate qu'au 30 décembre 2023 la société La Cascade d'Eden Paris avait régularisé la dette locative telle que fixée par le premier juge,
Lui octroie un délai de paiement jusqu'au 30 décembre 2023, rétroactif et suspensif des effets de la clause résolutoire prévue au bail,
Dit en conséquence que cette clause résolutoire n'a pas joué et que le bail se poursuit entre la société SCI WR et la société La Cascade d'Eden Paris,
Condamne la société La Cascade d'Eden Paris aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire,
La condamne à payer à la société SCI WR, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance,
Rejette toute autre demande.