CA Colmar, 1re ch. A, 25 septembre 2024, n° 22/01678
COLMAR
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Wawa (SAS)
Défendeur :
Wawa (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roublot
Conseillers :
Mme Dayre, Mme Rhode
Avocats :
Me Spieser, Me Renaud
Vu l'arrêt rendu le 21 février 2024, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, et par lequel la cour de céans a :
- ordonné la réouverture des débats,
- renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du :
MERCREDI 22 MAI 2024, SALLE 32 à 09 HEURES,
- réservé les dépens et les demandes.
Vu l'appel de l'affaire à l'audience du 22 mai 2024,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
La cour rappelle, au préalable :
- que les parties sont liées par un bail commercial, consenti par Mme [K] à la société Pesa le 3 novembre 2005, concernant un local situé [Adresse 1] à [Localité 5], pour l'exploitation d'une activité de café-restaurant-brasserie,
- que le fonds de commerce a été cédé à la SARL Robama, qui a conclu en date du 1er mars 2011, un avenant au contrat de bail initial, par lequel le preneur était autorisé à mettre son fonds en location-gérance, tandis que le bailleur disposait d'un droit de priorité en cas de cession des éléments du fonds de commerce, à l'exception de la licence IV,
- qu'une nouvelle cession du fonds de commerce intervenait, selon acte notarié du 25 juillet 2013, au profit de la SAS Wawa, en présence de Mme [K],
- que le 18 novembre 2014, la bailleresse a délivré congé et offert de renouveler le bail pour le 30 juin 2015 moyennant un loyer renouvelé de 48 000 euros,
- qu'elle a fait délivrer assignation le 7 juin 2017, devant le juge des loyers commerciaux, concluant à la fixation de la valeur locative au 1er juillet 2015 à 48 000 euros et sollicitant, avant dire droit, une mesure d'expertise,
- que la SAS Wawa, tout en contestant le bien fondé de la demande, ne s'est pas opposée à l'expertise sollicitée, laquelle a été ordonnée avant dire droit, par jugement du 17 avril 2019, par lequel le juge des loyers commerciaux a, par ailleurs, constaté que les obligations respectives des parties avaient été notablement modifiées par l'avenant du 1er mars 2011, et dit que le loyer du bail renouvelé devait être fixé à la valeur locative,
- que l'expert a déposé son rapport en date du 9 octobre 2020,
- qu'au vu des conclusions de ce rapport, par des écritures en date du 25 novembre 2020, la SAS Wawa a conclu à une réduction du loyer à la somme de 26 300 euros HT par an au 1er juillet 2015, soit 2 192 euros HT par mois.
Sur la prescription de la demande de réduction du montant du loyer du bail renouvelé :
En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l'espèce, Mme [K] soulève la prescription de la demande, dont le délai courrait à compter de la date du renouvellement du bail, soit le 1er juillet 2015, ce que conteste la SAS Wawa qui soutient avoir agi pour demander que le loyer soit fixé à la valeur locative issue des conclusions du rapport d'expertise dans les 2 années suivant le jour où elle a été en mesure de connaître ses droits, à savoir à compter du jugement statuant sur le déplafonnement du loyer.
Le délai de prescription applicable est ici d'une durée de deux ans, tel que prévu par l'article L. 145-60 du code de commerce, et courant à compter de la date de prise d'effet du bail renouvelé, soit en l'espèce le 1er juillet 2015 (3ème Civ., 20 octobre 2016, pourvoi n° 15-19.940, Bull. 2016, III, n° 135).
Cependant, le juge des loyers commerciaux a été saisi le 7 juin 2017, avant l'expiration de ce délai de prescription.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de réduction du montant du loyer du bail renouvelé.
Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise :
Conformément aux dispositions des articles 175 et 114 du code de procédure civile, la nullité des actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise à la démonstration d'un grief.
En l'espèce, Mme [K] fait grief à l'expert d'avoir modifié substantiellement, dans son rapport définitif, d'une part l'estimation de la valeur locative, en passant de 33 600 à 26 300 euros/an, d'autre part et surtout, les mesures de la surface pondérée, établies à 111,93 m², par rapport à la surface mesurée, par elle-même, dans le pré-rapport à 137,57 m², et ce sans respecter le principe du contradictoire, sur la foi d'une mesure réalisée par un 'géomètre au service du preneur, lequel n'a pas même invité l'expert judiciaire à se rendre sur les lieux pour participer à ce nouveau relevé.'
Cela étant, la cour ne peut que relever que les correctifs opérés par l'expert l'ont été précisément dans le respect du principe du contradictoire, puisque faisant suite à des dires formulés par le conseil de la SAS Wawa.
À ce titre, le premier dire remettait en cause le mesurage réalisé par l'expert dans le cadre du pré-rapport sur la base d'une attestation de géomètre-expert communiquée à Mme [K] dans le cadre de la procédure devant le juge des loyers commerciaux, avant d'être communiqué à l'expert dans le cadre d'un dire précédent, complété par un mesurage réalisé le 2 octobre 2020 par un architecte, conduisant l'expert à reconnaître une erreur dans le mesurage de la cuisine, et à retenir, eu égard aux différences notables relevées, le mesurage de l'architecte, en relevant qu'il était corroboré par le bail de 2005 et le relevé des géomètres-experts de 1999.
Ce faisant, bien qu'il se soit fondé sur une évaluation réalisée à la demande d'une partie, l'architecte n'a pas manqué au principe du contradictoire, dans la mesure où cette évaluation restait soumise à discussion de la partie adverse avant la remise du rapport définitif et était corroborée par des éléments communiqués à cette partie et connus d'elle, la mettant à même de discuter, comme elle l'a fait dans ses propres dires et le fait, par ailleurs, en l'espèce, le bien-fondé de la valeur retenue par l'expert, de sorte qu'il n'en résulte aucun grief à son encontre, ni même aucun manquement au principe du contradictoire.
Il en est de même concernant le second dire relatif à l'évaluation de la valeur locative qui critique l'estimation de l'expert comme étant trop élevée 'par rapport à la valeur locative moyenne des établissements de taille équivalente du secteur', en référence, notamment au bail de la SARL Klass Doner, voisin du local de la société Wawa et renouvelé en 2014, que l'expert accepte d'intégrer au calcul de la valeur locative, s'agissant d'une nouvelle référence située dans un proche périmètre et dotée d'un bail récent, dont la partie bailleresse était tout à fait à même de discuter la pertinence, ce qu'elle n'a, du reste, pas fait dans ses propres dires.
Dans ces conditions, la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire sera rejetée, le jugement entrepris devant ainsi recevoir confirmation de ce chef.
Sur la détermination de la valeur locative :
Il convient, tout d'abord, de rappeler qu'aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
'1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité ;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage (...)'
L'article R. 145-3 du code précité dispose encore que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
Aux termes de l'article R. 145-6 du code précité, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Il résulte encore des articles subséquents, et en particulier de l'article R. 145-7 de ce code que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents, eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, ainsi que des éléments extrinsèques susceptibles d'affecter les caractéristiques propres du local, ou encore la destination des lieux telle que résultant du bail et de ses avenants. À défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Selon l'article R. 145-8 du code précité, les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 145-34 du même code, que le loyer du bail renouvelé est, en principe, plafonné à la variation de l'indice du coût de la construction ou de l'indice des loyers commerciaux, le cas échéant s'il a été choisi par les parties, sauf modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 précité (caractéristiques du local considéré, destination des lieux, obligations respectives des parties, facteurs locaux de commercialité). Toutefois, les dispositions relatives au plafonnement ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède 12 ans.
En l'espèce, les parties s'opposent sur l'appréciation des différents critères déterminant la fixation de la valeur locative, dans les conditions fixées par les dispositions précitées, quant à l'évaluation de la surface et à l'appréciation de sa pondération, ainsi qu'à la détermination de la valeur unitaire du loyer, au regard de l'activité du fonds comme des références à retenir.
Sur la surface :
Aux termes du contrat de bail, il apparaît que les lieux loués sont constitués d'un 'local rez-de-chaussée d'une superficie de 131 m² avec cave de 19,6 m² au sous-sol, le tout constituant le lot n° 1 de la copropriété avec fenêtres et portes donnant sur la rue.'
Le pré-rapport de l'expert judiciaire, sur lequel figure une esquisse des lieux, rappelle le développement du local sur deux niveaux, reliés entre eux, avec une salle de restaurant composée de deux zones distinctes formant un 'L', à savoir une partie avant ouvrant par une entrée et quatre vitrines et une partie arrière ouvrant au Sud par une porte-fenêtre condamnée sur une cour intérieure inaccessible, la pièce étant configurée en longueur, une cuisine attenante directement accessible depuis le comptoir, outre des sanitaires reliés directement à la salle du restaurant, ainsi qu'une terrasse installée à l'avant de la façade commerciale et un sous-sol composé d'une cave voûtée reliée directement au rez-de-chaussée par neuf marches d'escalier.
L'expert retient, alors, une surface, avant pondération, de :
- 77 m² pour la 'zone 1' de la salle de restaurant,
- 32,92 m² pour la 'zone 2' de cette salle,
- 8,74 m² pour la 'salle arrière',
- 18,70 m² pour la 'cuisine/réduit',
- 10 m² pour les sanitaires,
soit 147,36 m² pour le rez-de-chaussée ;
- 28,2 m² pour la cave.
Le rapport définitif, tout en reprenant l'esquisse et la description des lieux conformément au pré-rapport, retient les mesures suivantes :
- zone 1 : 69,38 m²,
- zone 2 : 21,15 m²,
- salle arrière : 8,76 m²,
- cuisine/réduit : 17,77 m²,
- sanitaires : 10,94 m²,
soit 128 m² pour le rez-de-chaussée ;
- cave : 35,57 m².
L'expert reconnaît une différence importante par rapport aux surfaces mesurées par elle-même dans le pré-rapport, à hauteur de 19 m² supplémentaires dans le pré-rapport pour le rez-de-chaussée et 7 m² en moins pour le sous-sol, le rapport précisant que les surfaces étaient exprimées sous réserve de la production d'un relevé réalisé par un géomètre-expert ou un professionnel habilité. Le rapport retient donc le mesurage, 'corroborant les surfaces énoncées dans le bail', tout en rappelant qu'en matière de baux commerciaux, seules les surfaces utiles sont retenues et non les surfaces habitables au sens de la loi Carrez.
À cet égard, il convient de relever que l'attestation de superficie du 3 décembre 1999, qui appuie les mentions du contrat de bail, est effectuée sur la base de la loi Carrez, ce qui apparaît, en particulier, de nature à expliquer les différences relevées entre ce mesurage et celui retenu par l'expert.
Il est vrai que le jugement avant dire droit avait précisé que ce certificat de mesurage initial, produit par Mme [K], ne faisait pas l'objet de contestations de la part de la société locataire. Pour autant, il convient de s'appuyer sur la mission donnée à l'expert, qui n'excluait pas le mesurage des lieux, lequel était d'autant plus nécessaire que non seulement le certificat initial, comme il vient d'être rappelé, était fondé sur la loi Carrez, mais que de surcroît, il n'était pas détaillé, ce qui pouvait poser difficulté pour l'application des pondérations.
Par ailleurs, l'expert a reconnu que les mesures qui avaient été effectuées par ses soins, qui étaient exprimées sous réserve de la production d'un relevé réalisé par un géomètre-expert, étaient erronées, une erreur n'étant, certes, explicitement précisée que concernant la pondération de la surface de la cuisine, mais en admettant que le calcul de surfaces opéré en octobre 2020 par M. [Z], architecte DPLG et produit par la société Wawa était pertinent. Si le calcul effectué par M. [Z], certes architecte et non géomètre expert, a fait l'objet d'une contestation de principe par Mme [K], force est de constater qu'elle n'a apporté aucun élément de nature à le remettre en cause, à défaut, notamment, de produire, comme le suggérait l'expert, un rapport de mesurage pertinent effectué par un géomètre-expert et qui pourrait, le cas échéant, révéler des discordances de nature à motiver un nouveau mesurage, ce qui n'est pas le cas. En outre, comme il a été rappelé ci-avant, ce mesurage a été soumis à la discussion des parties et pouvait être confronté aux autres éléments que constituaient, notamment, le certificat initial et le mesurage par l'expert, avec toutes les réserves s'y attachant.
Dans ces conditions, les mesures retenues par l'expert seront approuvées par la cour, sous réserve de prendre en compte, au titre de la cave, uniquement la surface utile retenue dans le mesurage d'architecte, soit 19,95 m², très proche des 19,6 m² indiqués dans le bail sur la base du certificat de mesurage initial, et non les 35,57 m² retenus par l'expert qui additionnent la surface au sol de 33,73 m² et le palier de 1,84 m² dont il n'y a pas lieu de tenir compte.
Sur la pondération :
Concernant les locaux du rez-de-chaussée, conformément à l'article R. 145-3 précité, il y a lieu de prendre en compte, s'agissant de la partie 'avant' ou 'zone 1', la configuration et l'usage des lieux, la luminosité et la visibilité sur la rue offerts par les quatre fenêtres, ainsi que la proximité du comptoir de bar pour retenir une valorisation à 1, aucune majoration au-delà n'étant justifiée par la configuration des lieux excluant tout 'effet vitrine'. Il convient donc de retenir une valeur de 69,38 m², sans déduction des sas qui doivent être inclus dans les zones de circulations inhérentes à la destination de ce type d'espace.
La partie dite 'zone 2', quoique destinée au même usage et aménagée de la même manière, s'agissant d'une salle de restauration comportant classiquement tables et chaises avec des zones de circulation n'en est pas moins plus profonde et plus étroite, et moins exposée à la lumière que la zone précédente, justifiant une pondération à 0,9, soit 19,04 m² pondérés.
Concernant la partie arrière, même si l'intimée entend faire valoir qu'elle ne fait l'objet d'aucune séparation réelle (par rapport à la 'zone 2') et que rien n'empêcherait d'en modifier l'usage en y installant des tables et chaises au lieu d'un canapé et d'une table basse, la cour retiendra au regard, notamment, de la profondeur de la zone, de son exiguïté et de l'éloignement des vitrines, un coefficient de 0,8, d'où une surface pondérée à 7,01 m².
La destination et la situation de la cuisine et des sanitaires justifient de retenir la pondération proposée par l'expert pour ces zones à 0,4, d'où une surface pondérée de 7,11 m² pour la cuisine et 4,38 m² pour les sanitaires.
Concernant le sous-sol, la pondération proposée par l'expert à 0,25 apparaît justifiée au regard de la configuration des locaux et de la pratique habituelle, de sorte qu'il sera retenu une surface pondérée arrondie à 4,99 m².
Au total, il convient de retenir une surface pondérée de 111,91 m².
Sur la valeur unitaire :
Concernant la détermination du prix au mètre carré, le premier juge a entendu retenir que 'Le juge avait demandé à l'expert de vérifier les références fournies par les parties. Au total une vingtaine de références utiles a été récoltée et analysée. Il en ressort que, dans le quartier, la moyenne de la valeur unitaire est de 244 €. Mais la [Adresse 4] est plus recherchée puisque la moyenne est de 300 €. Et, si on veut observer les baux les plus contemporains au renouvellement du bail, la moyenne est de 235 €. C'est cette valeur que l'expert a retenue. Mais le prix unitaire s'établit plutôt à 270 €. Le juge s'en tiendra donc à une valeur unitaire de 270 €.'
La partie appelante entend rappeler la destination visée au bail concernant l'activité de 'café, restaurant, brasserie, à l'exclusion de toute autre utilisation' [souligné par la partie], exclusion corroborée par le règlement de copropriété concernant les activités telles que bar ou night club, et par l'obligation de jouissance paisible découlant du bail, l'établissement se présentant, ainsi, comme une brasserie soumise aux horaires classiques de la restauration. En ce sens, elle entend critiquer l'appréciation faite par le premier juge quant à la particularité de la [Adresse 4] (dont elle entend relativiser l'attrait en soulignant, notamment, son caractère saisonnier), et reposant sur une comparaison avec des bars n'ayant pas les mêmes contraintes, en particulier horaires, tout en contestant la prise en compte d'établissements, fermés depuis lors, de restauration rapide qui n'auraient pas la même activité, ni la même taille, majorant ainsi leur valeur unitaire.
Pour sa part, la partie intimée rappelle l'autorisation de la destination de 'café' dans le bail, autorisant le preneur à la vente de boissons alcoolisées, de surcroît avec une licence IV, et une partie brasserie-restaurant permettant la possibilité d'un service continu, avec la faculté, dans ces conditions, de demander l'autorisation d'ouverture tardive, comme tous ses prédécesseurs, sans emport de l'interdiction de la destination de bar, qui serait sans rapport avec les horaires.
Elle critique, par ailleurs, le travail de recherches des baux et des prix au m² dans le quartier ou le proche voisinage qu'elle estime insuffisant en dépit de multiples sollicitations de sa part restées sans réponse, affirmant que 'pratiquement aucun des baux qui pourraient servir de référence n'a réellement pas [sic] été pris en compte, rendant ainsi impossible toute comparaison'. Elle entend aussi voir prendre en compte la terrasse permettant de majorer la valeur locative.
Ceci rappelé, la cour observe :
- que le bail autorise l'activité de café, restaurant, brasserie, sans mention de l'activité de 'bar',
- que le règlement de copropriété autorise une utilisation exclusive comme brasserie-restaurant, 'sans qu'il soit possible de le transformer en night-club, bar, cabaret, etc.', disposition dont il s'évince au-delà du doute raisonnable que le règlement de copropriété entend proscrire les activités de nuit, la notion de bar étant ici expressément associée à celles de 'night-club' ou cabaret, activités nocturnes s'il en est, ce dont il s'évince que, quelle que soit la réponse de l'administration à une demande de dérogation pour ouvrir au-delà d'1h30
du matin, cette ouverture n'apparaît pas conforme avec l'esprit, ni même avec la lettre du règlement de copropriété, la partie intimée n'établissant d'ailleurs pas que, comme elle l'affirme, il en aurait été autrement précédemment,
- qu'en revanche, la dénomination de 'brasserie' ou de 'café' ne fait pas obstacle à une ouverture en continu dans la journée, quel que soit le choix assumé, indépendamment donc des stipulations du bail ou du règlement de copropriété, par la société Wawa,
- que dans ces conditions, c'est à juste titre que l'expert a exclu de son recensement des prix pratiqués dans le voisinage les 'bars et boîtes de nuit',
- qu'il a également écarté à juste titre les références situées en centre-ville au vu de leur éloignement géographique,
- que les références indiquées par l'intimée comme écartées de manière injustifiée par l'expert relèvent, d'une part, d'un local qui apparaît bien avoir été pris en considération (référence 'Acerola' pour un local à hauteur de 51 m² à hauteur de 281 euros), d'autre part de locaux de taille restreinte avec une incidence sur le prix,
- que pour les références de restauration rapide critiquées par l'appelante, avec des loyers excédant les 300 euros, il convient de prendre en compte effectivement, sans les exclure, l'incidence de leur surface inférieure à 50 m²,
- que la présence d'une terrasse, outre qu'elle est, par nature saisonnière, ne justifie pas, en soi, une majoration dans la mesure où plusieurs des références de comparaison comportent elles-mêmes une terrasse.
Au regard des considérations qui précèdent, la cour rejoint la valorisation effectuée par l'expert à hauteur de 235 euros HT/m² P/an, la localisation sur la [Adresse 4] ne pouvant justifier une majoration de cette valeur, au regard de la présence de multiples bars et établissements de nuit exclus des valeurs de référence, tandis que l'une des références les plus récentes située sur cette place, à savoir [3], dont le bail a été renouvelé en 2014, est valorisée à 216 euros pour une surface de 62 m², s'agissant d'un établissement de restauration et non d'une brasserie, même si les stipulations du bail ne sont pas indiquées.
Au total, la cour, infirmant sur ce point le jugement entrepris, fixera le montant du loyer de renouvellement au 1er juillet 2015 à la valeur de 26 300 euros HT/HC par an.
Sur la demande de reversement du trop-perçu :
La SAS Wawa formait, à ce titre, devant le premier juge, une demande dont elle a été déboutée, au motif que le loyer de renouvellement était supérieur au loyer payé en fin de bail écoulé.
À hauteur de cour, si la SAS Wawa a entendu voir réformer le jugement entrepris sur ce point, elle ne formule, à ce titre, aucune demande, ce qui ne permet pas de remettre en cause le jugement entrepris sur ce point, étant cependant rappelé qu'il appartiendra aux parties de tirer toutes conséquences de la valeur du loyer de renouvellement fixée par la cour.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme [K], succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi que de ceux de la première instance, en infirmation du jugement déféré sur cette question, ce qui inclut la prise en charge des frais d'expertise, laquelle a, du reste, été initialement sollicitée par la partie demanderesse désormais intimée.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'intimée une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3 000 euros au profit de l'appelante, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 16 mars 2022 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg, en ce qu'il a :
- fixé le loyer du bail renouvelé à 34 600 euros à compter du 1er juillet 2015,
- condamné chaque partie aux frais et dépens qu'elle a exposés,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,
Fixe le loyer du bail renouvelé à 26 300 euros hors taxes et hors charges par an, à compter du 1er juillet 2015,
Condamne Mme [T] [K] aux dépens de la première instance et de l'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire,
Condamne Mme [T] [K] à payer à la SAS Wawa la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [T] [K].