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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 3 octobre 2024, n° 20/10785

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Saint Thomas de Breteville (SCI)

Défendeur :

Époux (I), Axe Cash (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocat :

Me Simon-Thibaud

TJ Grasse, du 7 sept. 2020, n° 16/01771

7 septembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé en date du 24 avril 2015, la SCI Saint Thomas de Breteville a donné à bail commercial à la SARL Axe Cash un ensemble immobilier à [Localité 6], [Adresse 2], pour une durée de neuf années pour se terminer le 23 avril 2024 et moyennant un loyer annuel de 30.000 € hors taxes et hors charges.

Par acte d'huissier du 16 décembre 2015, le bailleur a fait délivrer à la SARL Axe Cash un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 11.812 €.

Le commandement a été dénoncé le 22 décembre 2015 à M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I], tous deux cautions solidaires des sommes pouvant être dues par la preneuse dans le cadre du bail litigieux.

Par acte du 2 février 2016, la SCI Saint Thomas de Breteville a fait assigner la SARL Axe Cash et les époux [I] devant le juge des référés aux fins de voir constater la résiliation du bail commercial par le jeu de la clause résolutoire et d'ordonner l'expulsion de la locataire.

Par acte d'huissier du 9 mars 2016, la SARL Axe Cash a fait assigner au fond la SCI Saint Thomas de Breteville devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du bailleur, invoquant des manquements de ce dernier à son obligation d'entretenir les lieux en état de servir à l'usage pour lequel ils étaient loués ainsi qu'à son obligation d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

La SARL Axe Cash a quitté le local commercial en mai 2016 et restitué les clés au bailleur le 27 juillet 2016.

La SCI Saint Thomas de Breteville s'est désistée de son action en expulsion devant le juge des référés. Une ordonnance de désistement a ainsi été rendue le 24 août 2016.

Par acte du 12 septembre 2017, la SCI Saint Thomas de Breteville a dénoncé aux époux [I] la procédure au fond. Selon ordonnance en date du 22 janvier 2018, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des procédures.

Suivant ordonnance d'incident en date du 22 mars 2019, le juge de la mise en état a débouté la SARL Axe Cash et les époux [I] de leur demande d'expertise aux fins de voir vérifier la réalité des désordres allégués sur la toiture.

Par jugement en date du 7 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a:

- débouté la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] de leur demande de résiliation judiciaire du bail commercial aux torts exclusifs de la SCI Saint Thomas de Breteville,

- débouté la SARL Axe Cash de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de jouissance et du préjudice d'image,

- condamné solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme de 8.112 € au titre des loyers restant dus,

- débouté la SCI Saint Thomas de Breteville du surplus de ses demandes reconventionnelles au titre des loyers,

- débouté la SARL Axe Cash de sa demande de restitution du dépôt de garantie,

- dit que la somme de 5.000 € versée par la SARL Axe Cash à titre de dépôt de garantie restera acquise à la SCI Saint Thomas de Breteville,

- débouté la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] in solidum à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] in solidum aux dépens, en ce compris les frais de commandement de payer du 16 décembre 2015 et de dénonce du 22 décembre 2015,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision sur le tout.

Le tribunal a retenu, à cet effet, que s'agissant de la demande de la société bailleresse au titre des loyers impayés :

- la SCI Saint Thomas de Breteville sollicite le paiement des loyers dus jusqu'au 24 avril 2018, soit la somme de 67.188 €, soutenant que le preneur a quitté les lieux sans délivrer le moindre congé et que le contrat de bail s'est légalement poursuivi jusqu'à la fin de la première période triennale,

- le bailleur a entendu se prévaloir de l'application de la clause résolutoire insérée au bail puisqu'il a fait délivrer au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire le 16 décembre 2015 et, tirant les conséquences de la clause résolutoire, il a saisi le juge des référés aux fins de voir constater la résiliation automatique du bail commercial,

- il ne peut donc, sans se contredire et sans mauvaise foi, reprocher au preneur d'avoir quitté spontanément les lieux et soutenir que le bail s'est poursuivi jusqu'à la fin de la première période triennale,

- la SCI Saint Thomas est fondée à réclamer le paiement des loyers dus au 16 janvier 2016, date d'acquisition de la clause résolutoire, soit 8.112 € , étant observé qu'elle ne formule aucune demande au titre des indemnités d'occupation éventuellement dues à compter de cette date et jusqu'à la remise des clés par le preneur.

Par déclaration en date du 7 septembre 2020, la SCI Saint Thomas de Breteville a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées le 4 février 2021, la SCI Saint Thomas de Breteville demande à la cour de :

Vu les articles L 145-1 et suivants du code de commerce,

Vu l'article 1728 du code civil,

- confirmer le jugement du 7 septembre 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a seulement condamné solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme de 8.112 € au titre des loyers restant dus et débouté la SCI Saint Thomas de Breteville du surplus de ses demandes reconventionnelles au titre des loyers,

Statuant de nouveau,

A titre principal,

- condamner solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme de 67.188 €,

A titre subsidiaire,

- condamner solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme complémentaire de 24.300 € ( 6 mois x 4.050 €) à titre d'indemnité d'occupation ou la somme de 16.200 € ( 2.700 € x6) au titre des loyers pour la période allant du mois de février au mois de juillet 2016,

- condamner solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] aux dépens d'appel.

La SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I], tous trois régulièrement assignés par actes extra judiciaire du 9 février 2021 remis en l'étude de l'huissier instrumentaire, n'ont pas constitué avocat. Il sera statué par défaut.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 4 juin 2024.

MOTIFS

En l'état de l'appel limité interjeté par la SCI Saint Thomas de Breteville et de la défaillance des parties intimées en cause d'appel, la cour n'est saisie que des dispositions du jugement entrepris relatives au quantum des sommes allouées à la bailleresse au titre des loyers, charges et indemnités d'occupations impayées.

Se prévalant des articles L 145-4 et L 145-9 du code de commerce ainsi que des dispositions du bail liant les parties, la SCI Saint Thomas de Breteville considère que le preneur ne peut pas donner congé au bailleur avant l'expiration d'une période triennale ou quitter les lieux sans la délivrance d'un congé préalable et que la sanction du départ irrégulier du locataire au cours de la période triennale consiste dans le paiement des loyers et charges jusqu'à la fin de la période. Elle ajoute que le départ anticipé du preneur est inopposable au bailleur et ne saurait le dispenser du paiement des loyers, qu'en l'espèce que la SARL Axe Cash a quitté les lieux à la cloche de bois sans délivrer le moindre congé, de sorte que le contrat de bail du 24 avril 2015 s'est poursuivi légalement a minima jusqu'à la fin de la première période triennale, soit jusqu'au 24 avril 2018 et que la preneuse est redevable des loyers dus au cours de cette période.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, elle conteste avoir sollicité sur le plan judiciaire l'acquisition de la clause résolutoire, qu'une telle demande avait certes été formulée en référé mais suite au paiement des loyers par la SARL Axe Cash, elle s'est désistée de cette demande et précise dans le cadre de la procédure au fond, elle n'a jamais entendu se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire.

Les parties sont en l'état d'un bail commercial régularisé le 24 avril 2015 entre d'une part, la SCI Saint Thomas de Bretteville, bailleresse, d'autre part, la SARL Axe Cash, preneuse et enfin M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I], cautions solidaires, portant sur des locaux sis à [Localité 6], [Adresse 2], moyennant le paiement d'un loyer annuel en principal de 30.000 € hors charges et hors taxes.

Il est stipulé que ' le présente bail est consenti et accepté pour une durée de neuf années entières et consécutives, à compter du 24 avril 2015 pour se terminer le 23 avril 2024. Toutefois, conformément aux dispositions de l'article L 145-4 du code de commerce, la partie preneuse aura dans les formes et délais prévus à l'article L 145-9 du code de commerce, la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale.'

Ledit bail comporte également une clause résolutoire ainsi libellée ' A défaut par le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du bail qui sont toutes de rigueur de payer exactement à son échéance un seul terme le loyer ou de rembourser les accessoires du loyer, les frais de sommation, commandement et autres frais de poursuites, le présent bail sera, si bon semble au bailleur, résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire un mois après une simple mise en demeure d'exécuter ou un seul commandement de payer'.

En l'espèce, la SCI Saint Thomas de Bretteville a fait délivrer, par acte du 16 décembre 2015, à la SARL Axe Cash un commandement de payer la somme de 10.812 € au titre des loyers impayés à cette date, indiquant qu'elle entendait se prévaloir de la clause résolutoire insérée au bail, conformément à l'article L 145-41 du code de commerce. Ce commandement a été dénoncé aux époux [I], cautions solidaires, le 22 décembre 2015.

Il résulte de l'extrait de compte établi par le Cabinet [U], gestionnaire du bien, qu'au 16 janvier 2016, la SARL Axe Cash restait redevable d'une somme de 8.116 €.

Tirant les conséquences de l'absence de paiement par la preneuse dans le délai d'un mois qui lui était imparti, la société bailleresse a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse, par assignation du 2 février 2016, aux fins de voir notamment, constater la résiliation du bail commercial du 24 avril 2015 par le jeu de la clause résolutoire, l'expulsion de la locataire et sa condamnation solidaire, avec les cautions, au paiement des loyers impayés outre une indemnité mensuelle d'occupation.

Il n'est pas contesté que:

- la SARL Axe Cash a restitué les clés des locaux loués à la société bailleresse le 27 juillet 2016 ainsi qu'il en ressort du procès-verbal de constat d'huissier dressé à cette date,

- postérieurement au départ de la preneuse, la SCI Saint Thomas de Breteville s'est désistée de son instance devant le juge des référés lors de l'audience du 24 août 2016, une ordonnance étant rendue en ce sens le jour même.

Au regard de ces éléments, la société Cash Axe pouvait légitimement quitter les lieux sans avoir à donner un congé dans les formes et délais prévus par les articles L 145-4 et L 145-9 du code de commerce et il ne peut lui être reproché d'avoir spontanément déféré à l'obligation qu'elle avait de quitter les lieux au regard de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire et de l'introduction de l'instance en référé aux fins d'obtenir l'expulsion de la locataire.

En conséquence, la SCI Saint Thomas de Breteville n'est pas fondée à réclamer le paiement des loyers et charges jusqu'à la fin de la première période triennale et le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En revanche, la société Axe Cash est demeurée dans les lieux jusqu'au 27 juillet 2016, date à laquelle elle a effectivement restitué les clés au bailleur. Elle est donc redevable des loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à cette date.

Au regard des décomptes produits, la société Axe Cash était redevable de la somme de 8.116 € au titre des loyers et charges impayés au 16 janvier 2016, date d'acquisition de la clause résolutoire.

Le contrat liant les parties prévoit au chapitre 'clause résolutoire' que ' Dans une telle alternative (résiliation de plein droit du bail un mois après un commandement de payer), le dépôt de garantie deviendra immédiatement la propriété du bailleur à titre d'indemnité et de clause pénale. En outre, dans la mesure où le bail était résilié, l'indemnité d'occupation temporaire fixée à compter de l'effet de la clause résolutoire sera le loyer majoré de 50%' .

Le montant de loyer annuel étant de 30.000 € hors taxes et hors charges, soit 2.500 € par mois outre 200 € de charges, à savoir un total de 2.700 € . Le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 16 janvier 2016 est donc de 4.050 € ( 2.700 € + 50%), de sorte que la société Axe Cash et les époux [I] doivent être solidairement condamnés au paiement de la somme complémentaire de 24.300 € (4.050 € x 6 mois) au titre des indemnités d'occupation dues jusqu'à la restitution effective des locaux.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par défaut,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Grasse sauf en ce qu'il a débouté la SCI Saint Thomas de Bretteville du surplus de ses demandes reconventionnelles au titre des loyers,

Et statuant à nouveau,

Condamne solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme complémentaire de 24.300 € au titre des indemnités d'occupation dues jusqu'au 27 juillet 2016,

Y ajoutant,

Condamne solidairement la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] à payer à la SCI Saint Thomas de Breteville la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Axe Cash, M. [W] [I] et Mme [E] [O] épouse [I] aux dépens de la procédure d'appel.