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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 3 octobre 2024, n° 20/14619

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Barbier, Me Arents

TJ Bobigny, du 16 sept. 2020, n° 19/1331…

16 septembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte en date du 18 octobre 2002, les consorts [O] ont donné à bail à Mme [Z] [W] un local commercial dépendant de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] (93) pour y exercer l'activité de « toilettage animaux - vente d'accessoires, objets et nourriture pour animaux - objets de décoration et cadeaux ».

Le bail a été conclu pour une durée de 9 années entières et consécutives qui ont commencé à courir le 1er octobre 2002 pour se terminer le 30 septembre 2011.

Suivant acte notarié établi le 5 octobre 2004, la commune de [Localité 5] est devenue propriétaire des lieux loués.

Le bail s'est prolongé tacitement à compter du 1er octobre 2011.

Par acte en date du 29 mars 2019, la commune de [Localité 5] a donné congé à Mme [Z] [W] pour le 30 septembre 2019.

Par acte du 22 novembre 2019, Mme [Z] [W] a assigné la commune de [Localité 5] devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de nullité du congé.

Par jugement du 16 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a, en substance, déclaré nul et de nul effet le congé délivré à Mme [W] par la commune [Localité 5], par acte du 29 mars 2019 au titre du bail commercial du 18 octobre 2002 précité, débouté la commune de [Localité 5] de sa demande de résiliation judiciaire du bail commercial et de sa demande tendant à dire et juger que l'immeuble dans lequel se trouve les locaux pris à bail a été détruit, débouté les parties de leurs autres demandes, condamné la commune de [Localité 5] à payer à Mme [Z] [W] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporer la charge des dépens d'appel.

Par déclaration du 14 octobre 2020, la commune [Localité 5] a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 18 avril 2023, la commune [Localité 5] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de déclarer irrecevables les conclusions d'intimée de Mme [Z] [W].

Par ordonnance du 21 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a, notamment, déclaré irrecevables les conclusions et pièces de Mme [Z] [W] à l'encontre de la commune [Localité 5] remises au greffe le 17 et 18 avril 2023 ainsi que toutes conclusions et pièces à venir de Mme [Z] [W] contre la commune [Localité 5].

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 janvier 2021, la commune [Localité 5], appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en date du 16 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a :

- de'clare' nul et de nul effet le conge' de'livre' a' Madame [W] par la commune [Localité 5] par acte du 29 mars 2019 au titre du bail commercial du 18 octobre 2002 pour un local commercial de'pendant de l'immeuble situe' [Adresse 1] a' [Localité 5] ;

- de'boute' la commune de [Localité 5] de sa demande de re'siliation judiciaire du bail commercial du 18 octobre 2002 pre'cite' ;

- de'boute' la commune de [Localité 5] de sa demande tendant a' voir dire et juger que l'immeuble dans lequel se trouvent les locaux pris a' bail a e'te' de'truit ;

- de'boute' les parties de leurs autres demandes ;

- condamne' la commune de [Localité 5] a' payer a' Madame [Z] [W] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de proce'dure civile ;

- condamne' la commune de [Localité 5] aux de'pens dont distraction au profit de Maître Rim Moumen pour ceux des de'pens avance's pour le compte de Madame [W] ;

Statuant à nouveau, à titre principal,

- dire et juger que Madame [W] se borne a' solliciter de voir de'clarer nul et non avenu le conge' en date du 29 mars 2019 ;

- dire et juger que Madame [W] ne formule aucune autre demande ;
- dire et juger que le conge' en date du 29 mars 2019 a donc produit tous ses effets ;

À titre subsidiaire,

- dire et juger que Madame [W] ne disposait plus de l'autorisation d'exploiter un commerce de « toilettage animaux ' vente d'accessoires, objets et nourriture pour animaux - objets de de'coration et cadeaux », activite' pourtant expresse'ment vise'e dans le contrat de bail a' compter du 14 novembre 2019 ;

- dire et juger que les lieux loue's ont e'te' de'truits pour avoir pour avoir e'te' vendus a' la société Kaufman and broad promotion 6 le 3 de'cembre 2019 ;

Par conse'quent, prononcer la re'siliation judiciaire du contrat de bail commercial consenti le 18 octobre 2002 a' Madame [W] ;

En tout état de cause,

- condamner Madame [W] a' re'gler a' la commune de [Localité 5] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile ;

- condamner Madame [W] aux entiers de'pens.

Au soutien de ses prétentions, la commune [Localité 5] fait valoir :

- À titre principal, sur la fin du bail commercial, sur le fondement de l'article L. 145-9 du code de commerce que Mme [W] n'a pas sollicité la poursuite du bail, la demanderesse ne disposant plus d'autorisation pour exploiter un commerce de « toilettage animaux ' vente d'accessoires, objets et nourriture pour animaux - objets de de'coration et cadeaux » depuis le 14 novembre 2019 et l'immeuble ayant e'te' ce'de' a' la société Kaufman et Broad en de'cembre 2019, de sorte que le conge' en date du 29 mars 2019 a produit tous ses effets ;

- À titre subsidiaire, sur la résiliation judiciaire du bail commercial, que le contrat de bail prévoit sans équivoque l'obligation pour le locataire d'exploiter le commerce de « toilettage animaux ' vente d'accessoires, objets et nourriture pour animaux - objets de de'coration et cadeaux » dans le respect des prescriptions le'gales et administratives ; que le salon de toilettage [4] dont Madame [W] est ge'rante a e'te' ferme' par arrête' municipal n° 2019-1385 en date du 25 octobre 2019 « au regard de sa non-conformite' a' la re'glementation relative aux personnes handicape'es et aux e'tablissements recevant du Public, ce lieu e'tant un e'tablissement de type M relevant de la 5ème cate'gorie des ERP » ; que Mme [W] a été informée de la nécessité de se conformer à la réglementation en vigueur avant l'édiction de l'arrêté sus visé par la visite de trois agents assermentés le 10 octobre 2019 ; que la résiliation judiciaire du bail est justifiée dès lors que Mme [W] n'est plus autorisée à exercer l'activité visée dans la destination des lieux prévue au contrat de bail ; que les lieux loués ont été détruits, pour avoir été vendus à la société Kaufman and Broad promotion 6 le 3 décembre 2019.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'donner acte' ou de 'constater', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.

Sur la validité du congé

L'article L. 145-9 du code de commerce, dont les dispositions sont impératives, prévoit que « le congé doit être donné par acte extrajudiciaire ['et], à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l''expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. »

Au cas d'espèce, c'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier a relevé que le congé délivré, par la commune [Localité 5], par acte extrajudiciaire en date du 29 mars 2019 signifié à personne, ne comporte aucun motif.

Au demeurant, l'acte d'huissier porte mention en-tête de l'acte « congé par le bailleur » et indique en fin de première page « le bailleur entend mettre fin à la location et vous donne en conséquence congé pour le trente septembre deux mille dix-neuf » alors que la page de « signification de l'acte à personne physique » indique concernant la nature de l'acte « congé avec offre de renouvellement bail » de sorte que le preneur n'était par ailleurs pas en mesure de connaître les intentions réelles du bailleur de sorte que la nullité du congé ainsi délivré ne saurait être discuté.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de résiliation du bail

L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement », le co-contractant devant, s'il le souhaite, solliciter la résolution du contrat en justice.

L'article 1741 du même code énonce que « le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements »

Contrairement à ce que soutient le bailleur, les dispositions du bail faisant obligation au preneur de « se conformer strictement aux prescriptions de tous règlements, arrêtés de police, règlements sanitaires » vise son obligation d'user des lieux en bon père de famille et, notamment, « les précautions qu'il lui incombe de prendre pour éviter tous bruits, odeurs, et introduction d'animaux nuisibles »

Au demeurant, si le bail met les travaux de l'article 606 du code civil à la charge du preneur, au point 2 relatifs à « Entretien ' Réparations » des Charges de conditions du bail litigieux, il n'en demeure pas moins que, contrairement à ce que soutient l'appelante, la preuve de « la non-conformité des conditions de sécurité et d'accessibilité aux personnes handicape'es pour recevoir du public » n'est pas rapportée, le rapport de contrôle en sécurité-incendie et en accessibilité aux personnes handicapées de l'établissement établi le 24/10/2019 par la directrice de l'habitat privé de la Ville du Blanc-Mesnil et visé à l'arrêté municipal n° 2019-1385 susvisé n'étant pas plus versé aux débats en cour d'appel que devant le premier juge.

Enfin, si le bail prévoit que « par dérogation à l'article 1722 du code civil, en cas de destruction par suite d'incendie ou autre événement de la majeure partie des lieux loués, le présent bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, le preneur renonçant expressément à user de la faculté de maintenir le bail moyennant une diminution de loyer », la vente de l'immeuble par la commune à un promoteur immobilier, peu important que, postérieurement à la vente l'immeuble, ait été détruit pour construction d'un nouvel immeuble dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine, ne peut être assimilée à une « destruction par incendie ou autre événement » visée par le texte, en ce que la vente n'a abouti qu'au transfert de propriété du bien litigieux.

De ce fait, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de résiliation judiciaire du bail et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant en ses prétentions, la commune [Localité 5] supportera les dépens d'appel et sa demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 16 septembre 2020 ;

Y ajoutant,

Rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la commune [Localité 5] à supporter la charge des dépens d'appel.