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Décisions

CA Orléans, ch. com., 3 octobre 2024, n° 23/00010

ORLÉANS

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Cornu-Sadania-Paillot (SCP), Krovnikoff Gally (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Avocats :

SCP Cornu-Sadania-Paillot, SELARL Krovnikoff Gally

CA Orléans n° 23/00010

2 octobre 2024

Le 31 janvier 2012, en exécution d'un protocole d'accord transactionnel tripartite, la société Yahro, devenue ITM Région Parisienne, qui gère le foncier du groupe Intermarché et conclu des baux commerciaux avec les exploitants sous enseigne Intermarché ou Netto, a pris à bail des locaux bâtis en 1984 et exploités depuis lors en supermarché à dominance alimentaire appartenant aux consorts [K] pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2012, moyennnant un loyer annuel en principal de 75 000 euros et, dans le même temps, concédé une sous-location commerciale à la société Cactus, sous enseigne Netto.

Par acte du 29 juin 2017, la société ITM Région Parisienne a fait délivrer un congé aux bailleurs pour le 31 décembre 2017. Un état des lieux de sortie a été établi le 2 janvier 2018.

Il était mis fin au contrat de sous-location à effet au 31 décembre 2017 de manière amiable et sans indemnité, par acte du 3 juillet 2017.

Par acte du 18 décembre 2017, un bail dérogatoire a été conclu entre les consorts [K] et la société Cactus à compter du 1er janvier 2018 jusqu'au 30 avril 2018, le preneur pouvant toutefois donner congé à tout moment moyennant le respect d'un préavis d'un mois.

Le bail dérogatoire a in fine pris fin le 31 mars 2018. Un état des lieux de sortie contradictoire a été établi à cette date.

Par acte notarié du 27 décembre 2018, les consorts [K] ont donné à bail commercial les mêmes locaux à la société LIDL à effet du 2 janvier 2019 pour une durée de neuf ans, moyennant un loyer annuel en principal de 75 000 euros.

Par acte en date des 19 et 27 décembre 2018, les consorts [K] ont fait assigner les sociétés ITM Région Parisienne et Cactus devant le tribunal judiciaire de Tours en paiement de réparations locatives, soit respectivement les sommes de 274 530,04 euros et 57 631,70 euros. En cours d'instance, soutenant que du fait du mauvais état des locaux restitués, ils avaient été contraints de négocier avec la société Lidl un loyer anormalement bas (75 000 euros) inférieur à la valeur locative (estimée à 174 000 euros) et ont ainsi perdu une chance de percevoir un montant supplémentaire raisonnablement fixé à 50 000 euros par an pendant 18 ans, ils ont modifié leur demande et sollicité la réparation de leur préjudice à hauteur de 900 000 euros à titre principal, la demande relative aux réparations locatives étant désormais formée à titre subsidiaire.

Par jugement contradictoire du 13 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Tours a :

- débouté les consorts [K] de leur demande en paiement de la somme de 900 000 euros,

- condamné la société ITM Région Parisienne à verser aux consorts [K] la somme totale de 4 361,02 euros (soit 244,60 euros pour l'état des lieux + 716,89 euros bilan toiture + 3 399,53 euros entretien toiture),

- débouté les consorts [K] du surplus de leur demande à l'encontre de la société ITM Région Parisienne,

- condamné la société Cactus à verser aux consorts [K] la somme totale de 7 636,27 euros (7.391,67 euros + 244,60 euros),

- débouté les consorts [K] du surplus de leur demande à l'encontre de la société Cactus,

- ordonné, en application des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil, la compensation entre d'une part les sommes dues par la société Cactus et d'autre part le montant du dépôt de garantie conservé par les bailleurs,

- condamné en conséquence les consorts [K] à verser à la société Cactus la somme de 4.363,73 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- ordonné, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts,

- rejeté l'ensemble des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit et jugé que les sociétés ITM Région Parisienne et Cactus supporteront chacune la moitié des dépens,

- accordé à Me Delphine Lucon le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Suivant déclaration du 20 décembre 2022, les consorts [K] ont interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement, en intimant la société ITM Région Parisienne et la société Cactus.

Par conclusions d'incident notifiées le 23 février 2024, M. [R] [K], M. [U] [K], M. [L] [K], Mme [Z] [K], M. [S] [K], Mme [D] [K] dit les consorts [K] ont demandé au conseiller de la mise en état la désignation d'un expert judiciaire.

Dans leurs dernières conclusions d'incident notifiées le 27 mai 2024, les consorts [K] demandent au conseiller de la mise en état de :

Vu les articles 145-1 et suivants du code de commerce,

Vu le contrat de bail commercial du 31 janvier 2012,

Vu le contrat de bail dérogatoire du 18 décembre 2017,

Vu les états des lieux d'entrée et de sortie,

Vu l'article 1343-2 du code civil,

Vu les anciens articles 1147 et suivants du code civil,

Vu l'article 771 du code de procédure civile,

Vu les articles 143 et suivants du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

- débouter les sociétés Cactus et ITM Région Parisienne de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- ordonner une expertise judiciaire et commettre tel expert qu'il plaira lequel aura pour mission de :

* rechercher et donner tous les éléments de faits permettant d'évaluer le loyer annuel auquel le local commercial litigieux pouvait être loué (valeur locative) en se plaçant à la date du 14 février 2018 et dans l'hypothèse d'un local commercial en bon état de réparations locatives,

* établir sur la base de cette estimation le calcul des loyers qui auraient été perçus depuis le 2 janvier 2019 jusqu'au 1er janvier 2037 et à défaut tout autre terme que l'expert judiciaire estimera comme celui pouvant raisonnablement être envisagé pour le cas d'espèce,

* donner les éléments de fait permettant de déterminer les préjudices subis et à subir par l'indivision [K],

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées le 8 avril 2024, la SA ITM Région Parisienne demande au conseiller de la mise en état :

Vu les dispositions des articles 1719, 1720 et suivants, 1754, 1755 et suivants du code civil,

Vu l'article 1104 du code civil,

Vu les dispositions des articles 145 et 146 du code de procédure civile,

Vu le contrat de bail commercial du 31 juillet 2012 et les conditions de signature,

Vu le contrat de bail de la société LIDL,

Vu l'ensemble des picèes versées aux débats,

Vu le jugement du 13 octobre 2022,

- juger la société ITM RP recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger les consorts [K] irrecevables et mal fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

en conséquence,

- débouter les appelants de leur demande de désignation d'un expert, présentée pour la première fois en cause d'apppel,

- condamner les consorts [K] à payer à la société ITM RP une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner également aux entiers dépens de l'incident qui seront recouvrés par Me Flora Gally, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées le 19 avril 2024, la SAS Cactus demande au conseiller de la mise en état de :

- débouter purement et simplement les consorts [K] de leur demande d'expertise,

A titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire la mesure était ordonnée,

- définir la mission de l'expert comme suit :

* rechercher et donner tous les éléments de fait permettant d'évaluer la valeur locative du local objet du litige en se plaçant au 14 février 2018 (date de l'avant-contrat de bail conclu entre les consorts [K] et la société LIDL) et en tenant compte de la date de construction du bâtiment et de la vétusté naturelle inhérente à une exploitation commerciale de 34 ans.

L'incident fixé à l'audience du 18 avril 2024 a été utilement évoqué à celle du 30 mai 2024.

SUR CE :

Les consorts [K] font valoir que la société Lidl a pu négocier un loyer bien inférieur au montant de la valeur locative du fait de l'accomplissement par le nouveau locataire de travaux importants à raison de la restitution des locaux en mauvais état de réparations locatives par les anciens locataires en 2018 ; qu'ils ont fait procéder à l'évaluation du loyer du local en bon état d'entretien de manière non contradictoire ; que les intimés contestent la force probante de la valeur estimative établie par l'expert amiable (174 000 euros par an), les contraignant à solliciter une expertise judiciaire.

Ils demandent ainsi la désignation d'un expert afin de déterminer la valeur locative des locaux en bon état de réparations locatives à la date du 14 février 2018, date de l'avant contrat de bail conclu avec la société Lidl dont les termes ont été repris au contrat de bail du 27 décembre 2018.

Il ressort du bail dérogatorire au bénéfice de la société Cactus du 18 décembre 2017 que 'le bailleur a d'ores et déjà reloué les locaux à compter du 2 mai 2018".

Le contrat de bail notarié conclu avec la société Lidl le 27 décembre 2018 fait mention d'un loyer annuel de 75 000 euros qui 'correspond à la valeur locative et s'entend hors droits, taxes et charges'. Il est annexé à cet acte l'avant contrat de bail de février 2018 prévoyant le même loyer selon la même précision ainsi qu'un dossier d'aménagement de l'ensemble immobilier par la société Lidl.

Outre le fait que les locaux tels qu'ils se trouvaient à la date du 14 février 2018 n'existent plus dans cet état -la société Lidl ayant depuis lors réalisé d'importants travaux non seulement de rafraîchissement mais aussi de structure, de réaménagement et d'amélioration aux fins de mise en oeuvre du concept Lidl notamment-, il importe au préalable de déterminer si la perte de chance alléguée par les consorts [K] de négocier un loyer plus élévé, c'est-à-dire conforme à la valeur locative, est en lien avec l'état de restitution des locaux ou si cet état n'est jamais entré dans la négociation comme le soutiennent les intimées, étant en outre relevé que le loyer de la société Lidl a été fixé en 2018 au montant du précédent loyer, à savoir 75 000 euros par an, dont il n'est pas prétendu qu'il était inférieur à la valeur locative en 2012 et sans qu'aucune explication ne soit fournie par les appelants sur la hausse de cette valeur locative, prétendument de plus du double, en six ans.

En conséquence, la mesure d'instruction sollicitée au stade de la mise en état par les consorts [K] -qui ont également demandé la désignation d'un expert dans leurs conclusions au fond- apparaît en conséquence quelque peu prématurée.

Les consorts [K], qui succombent, supporteront la charge des dépens de l'incident et seront condamnés à verser à la société ITM Région Parisienne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboutons les consorts [K] de leur demande d'expertise formée au stade de la mise en état,

Condamnons in solidum M. [R] [K], M. [U] [K], M. [L] [K], Mme [Z] [K], M. [S] [K], Mme [D] [K] dit les consorts [K] aux dépens de l'incident, lesquels pourront être directement recouvrés par Me Flora Gally, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamnons in solidum M. [R] [K], M. [U] [K], M. [L] [K], Mme [Z] [K], M. [S] [K], Mme [D] [K] dit les consorts [K] à verser à la société ITM Région Parisienne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

ET la présente ordonnance a été signée par le Conseiller de la mise en état et le Greffier