Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 2 octobre 2024, n° 22/02850
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 02 OCTOBRE 2024
(n° 2024/ , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02850 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFI75
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F18/05025
APPELANT
Monsieur [V] [N]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532
INTIMEE
S.N.C. [7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Avocat non constitué, la déclaration d'appel et les conclusions adverses ont été signifiées par remise de l'acte en l'étude de l'huissier de justice le 22 décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARGUERITE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Florence MARGUERITE, présidente
Fabrice MORILLO, conseiller
Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- PAR DEFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence MARGUERITE, président et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [N] a été engagé par la société [7] pour une durée indéterminée, à compter du 1er juillet 1993, en qualité de plongeur.
La convention collective applicable est celle des Cafés Hôtels Restaurants.
Le bail commercial consenti à la société [7] expirait le 31 décembre 2014. Le 4 juin 2014, le bailleur a signifié un congé avec refus de renouvellement à effet du 31 décembre 2014. Le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er janvier 2015 a été fixé à 183 330 euros, sur la base d'un rapport d'expertise, par le TGI de Paris statuant en référé, alors que le loyer annuel dont s'acquittait la société s'élevait à 152 000 euros.
La société a décidé de cesser l'exploitation du café [6] et il a été procédé à la liquidation amiable de la société, qui a cessé son activité à compter du 1er mars 2018.
Par lettre du 25 janvier 2018, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 27 février suivant pour motif économique.
Le 4 juillet 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail et des demandes visant à ordonner la production de documents sous astreinte.
Par jugement du 14 janvier 2022, rendu sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- déclaré irrecevables les demandes de M. [N] concernant la communication de divers documents sous peine d'astreinte, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts pour non versement de la prime de 13ème mois ;
- dit que le licenciement économique de M. [N] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société [7] à verser à M. [N] les sommes de :
' 467,06 euros à titre d'indemnité compensatrice du travail de nuit ;
' 2 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation ;
' 1 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;
- condamné la société [7] aux dépens ;
- débouté la société [7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que le jugement est exécutoire de droit conformément à l'article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des
trois derniers mois qui est de 1794,33 euros bruts ;
- rejeté toute autre demande.
Par déclaration adressée au greffe le 17 février 2022, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 9 novembre 2023, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7].
M. [N] a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant à la S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7], le 22 décembre 2023.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 septembre 2024.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [N] demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes concernant la communication de divers documents sous peine d'astreinte et en paiement de dommages-intérêts pour non versement de la prime de 13ème mois ;
- infirmer ledit jugement en ce qu'il a dit que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- ordonner la communication par l'employeur des documents suivants :
' les décomptes quotidiens des heures de début et fin de chaque période de travail
' les relevés quotidiens du nombre d'heures de travail effectuées
' les récapitulatifs hebdomadaires du nombre d'heures de travail effectuées comportant mon émargement, pour la période du 01 janvier 2014 au 1er mars 2018, le tout sous astreinte de 100 euros par jour et par document;
- condamner la société [7] à verser à M. [N] les sommes suivantes :
' 12 312, 47 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation ;
' 6 156, 23 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d"une compensation financière
' 24 624,95 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit
' 24 624, 95 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société [7] dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que :
- la demande de communication des documents précités est justifiée car il estime avoir été victime d'une différence de traitement car ses heures supplémentaires n'étaient pas payées et car il demande le paiement d'heures supplémentaires et que l'employeur doit apporter la preuve contraire d'absence d'heures supplémentaires ;
- en l'absence d'une compensation financière ou d'un repos compensateur pour les heures réalisées entre 22h et 1h 15, entre mars 2015 à mars 2018, il est fondé à demander la condamnation de l'employeur à lui verser une somme supérieure à celle retenue par le conseil de prud'hommes ;
- l'employeur ne justifiant pas avoir respecté les dispositions conventionnelles du travail de nuit, il doit être condamné à lui verser des dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit ;
- n'ayant suivi aucune formation depuis 25 ans, il est fondé à demander la condamnation de l'employeur à lui verser une somme supérieure à celle retenue par le conseil de prud'hommes ;
- la justification de la réalité des difficultés économiques n'est pas rapportée;
- l'employeur a fait montre d'une légèreté blâmable en privilégiant les intérêts financiers;
- l'employeur exploite un autre café restaurant et ne démontre pas avoir effectué une recherche active des possibilités de reclassement car aucune offre de reclassement ne lui a été proposée ;
- la cour devra exercer un contrôle de proportionnalité quant à la législation sur les licenciements pour motif économique.
La S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7], à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 22 décembre 2023, par remise de l'acte en l'étude de l'huissier de justice selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.
La S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7] n'ayant pas conclu, elle est réputée s'approprier les motifs du jugement rendu le 14 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Paris en application de l'article 954 in fine du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les demandes de communication de divers documents
Aux termes des articles 139 et 142 du code de procédure civile, le juge, s'il estime la demande de communication de pièces fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
M. [N] soutient qu'il a accompli des heures supplémentaires qui n'étaient pas payées contrairement à ses autres collègues de travail et estime avoir été victime d'une différence de traitement.
Il invoque aussi le paiement d'heures supplémentaires
Il sollicite la communication sous astreinte des décomptes quotidiens des heures de début et fin de chaque période de travail, des relevés quotidiens du nombre d'heures de travail effectuées et des récapitulatifs hebdomadaires du nombre d'heures de travail effectuées comportant son émargement, pour la période du 1er janvier 2014 au 1er mars 2018.
D'une part, M. [N] ne formule aucune critique à l'encontre des motifs du jugement ayant conclu à l'irrecevabilité de la demande.
D'autre part, alors que la société employeuse a cessé toute activité depuis mars 2018, l'existence de ces pièces est peu vraisemblable.
Enfin, M. [N] ne formule dans le présent litige aucune demande de condamnation de l'employeur à des dommages-intérêts ou au paiement au titre des heures supplémentaires ou de la différence de traitement.
Dès lors, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication des documents invoqués. La demande sera rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages-intérêts pour travail de nuit et de dommages-intérêts à caractère salarial pour non respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit
L'article L.3122-8 du code du travail dispose que le travailleur de nuit bénéficie de contreparties au titre des périodes de travail de nuit pendant lesquelles il est employé, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.
L'article 16.1. de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 dispose que tout travail entre 22 heures et 7 heure est considéré comme du travail de nuit.
L'article 16.4. de cet avenant prévoit que les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit, égales à 1 % de repos par heure de travail effectuée et, pour les salariés occupés à temps plein et présents toute l'année au cours, que ces contreparties sont forfaitisées à deux jours par an.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
L'horaire de travail de M. [N] était de 17h à 1h15 du mardi au samedi. Ainsi, il était travailleur de nuit au sens de la convention collective applicable et avait droit au repos compensateur prévu par celle-ci.
Or, il n'a pas bénéficié du repos compensateur prévu par la convention collective.
Le salarié sollicite pour la période comprise entre le 28 février 2015 et 28 février 2018 la somme de 6 156,23 euros à titre de dommages-intérêts.
Il sollicite en outre la somme de 24 624, 95 euros de dommages-intérêts à caractère salarial pour non-respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit sur la même période.
Mais le conseil de prud'hommes a fait justement droit à cette demande à hauteur d'une indemnité compensatrice équivalente à 6 jours de travail, calculée sur la base d'un taux horaire brut de 9,98 euros et alloué à M. [N] la somme de 467,06 euros.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point. M. [N] sera débouté du surplus de ces demandes à ce titre dès lors qu'il ne justifie pas de l'étendue de son préjudice qui ne serait pas réparé par la somme ci-dessus indiquée.
Sur la demande d'indemnité pour défaut de présentation de formation de l'article L. 6321-1 du code du travail
Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Cette obligation relève de l'initiative de l'employeur, peu important que le salarié n'ait pas pris d'initiative en ce sens.
Le conseil de prud'hommes a alloué à M. [N] une somme de 2 000 euros de dommages-intérêts à ce titre.
Devant la cour d'appel, ce dernier sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 12 312, 47 euros.
En l'espèce, M. [N] n'a bénéficié d'aucune formation au cours de la relation contractuelle qui a duré presque 25 ans.
Le préjudice subi par M. [N] doit donc être évalué à 4 000 euros.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé sur ce point et l'employeur sera condamné à lui payer la somme de 4 000 euros.
Sur le bien-fondé du licenciement
Il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur.
Le fait pour l'employeur, à qui avait été signifié par le bailleur un congé avec refus de renouvellement à effet du 31 décembre 2014 et alors que l'indemnité d'occupation avait été fixée à un montant supérieur au loyer annuel, de décider de cesser l'exploitation du café [6] sans rechercher un autre local ne caractérise pas une telle faute.
Sans que la cour d'appel n'ait à effectuer un contrôle de proportionnalité, le motif économique du licenciement est établi.
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
L'obligation de reclassement impose à l'employeur une recherche loyale, sérieuse et effective des possibilités de reclassement.
Il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise ou, s'il y a lieu, dans le groupe auquel elle appartient.
M. [N] soutient que la société exploitait un autre café-restaurant situé dans le [Localité 1] et qu'aucune proposition de reclassement sur ce site ne lui a été adressée.
Mais il ressort de la lettre de licenciement que les recherches de reclassement sont restées infructueuses. En outre, le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu que l'employeur a interrogé cet autre café-restaurant sur les possibilités de reclassement et que la réponse s'est révélée négative.
Dès lors, le salarié n'est pas fondé à soutenir que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le salarié succombant pour l'essentiel en appel, s'agissant de la qualification du licenciement, il sera condamné aux dépens d'appel.
En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a fixé à 2 000 euros la somme due à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DEBOUTE M. [N] de sa demande de communication sous astreinte des décomptes quotidiens des heures de début et fin de chaque période de travail, des relevés quotidiens du nombre d'heures de travail effectuées et des récapitulatifs hebdomadaires du nombre d'heures de travail effectuées comportant son émargement, pour la période du 1er janvier 2014 au 1er mars 2018,
CONDAMNE la société [7], représentée par la SELARL [8] en qualité de mandataire de justice, à verser à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre des dommages-intérêts pour défaut de l'obligation de formation,
DÉBOUTE M. [N] du surplus de ses demandes,
CONDAMNE M. [N] aux dépens de la procédure d'appel,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 02 OCTOBRE 2024
(n° 2024/ , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02850 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFI75
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F18/05025
APPELANT
Monsieur [V] [N]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532
INTIMEE
S.N.C. [7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Avocat non constitué, la déclaration d'appel et les conclusions adverses ont été signifiées par remise de l'acte en l'étude de l'huissier de justice le 22 décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARGUERITE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Florence MARGUERITE, présidente
Fabrice MORILLO, conseiller
Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- PAR DEFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence MARGUERITE, président et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [N] a été engagé par la société [7] pour une durée indéterminée, à compter du 1er juillet 1993, en qualité de plongeur.
La convention collective applicable est celle des Cafés Hôtels Restaurants.
Le bail commercial consenti à la société [7] expirait le 31 décembre 2014. Le 4 juin 2014, le bailleur a signifié un congé avec refus de renouvellement à effet du 31 décembre 2014. Le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er janvier 2015 a été fixé à 183 330 euros, sur la base d'un rapport d'expertise, par le TGI de Paris statuant en référé, alors que le loyer annuel dont s'acquittait la société s'élevait à 152 000 euros.
La société a décidé de cesser l'exploitation du café [6] et il a été procédé à la liquidation amiable de la société, qui a cessé son activité à compter du 1er mars 2018.
Par lettre du 25 janvier 2018, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 27 février suivant pour motif économique.
Le 4 juillet 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail et des demandes visant à ordonner la production de documents sous astreinte.
Par jugement du 14 janvier 2022, rendu sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- déclaré irrecevables les demandes de M. [N] concernant la communication de divers documents sous peine d'astreinte, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts pour non versement de la prime de 13ème mois ;
- dit que le licenciement économique de M. [N] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société [7] à verser à M. [N] les sommes de :
' 467,06 euros à titre d'indemnité compensatrice du travail de nuit ;
' 2 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation ;
' 1 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;
- condamné la société [7] aux dépens ;
- débouté la société [7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que le jugement est exécutoire de droit conformément à l'article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des
trois derniers mois qui est de 1794,33 euros bruts ;
- rejeté toute autre demande.
Par déclaration adressée au greffe le 17 février 2022, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 9 novembre 2023, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7].
M. [N] a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant à la S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7], le 22 décembre 2023.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 septembre 2024.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [N] demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes concernant la communication de divers documents sous peine d'astreinte et en paiement de dommages-intérêts pour non versement de la prime de 13ème mois ;
- infirmer ledit jugement en ce qu'il a dit que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- ordonner la communication par l'employeur des documents suivants :
' les décomptes quotidiens des heures de début et fin de chaque période de travail
' les relevés quotidiens du nombre d'heures de travail effectuées
' les récapitulatifs hebdomadaires du nombre d'heures de travail effectuées comportant mon émargement, pour la période du 01 janvier 2014 au 1er mars 2018, le tout sous astreinte de 100 euros par jour et par document;
- condamner la société [7] à verser à M. [N] les sommes suivantes :
' 12 312, 47 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation ;
' 6 156, 23 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d"une compensation financière
' 24 624,95 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit
' 24 624, 95 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société [7] dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que :
- la demande de communication des documents précités est justifiée car il estime avoir été victime d'une différence de traitement car ses heures supplémentaires n'étaient pas payées et car il demande le paiement d'heures supplémentaires et que l'employeur doit apporter la preuve contraire d'absence d'heures supplémentaires ;
- en l'absence d'une compensation financière ou d'un repos compensateur pour les heures réalisées entre 22h et 1h 15, entre mars 2015 à mars 2018, il est fondé à demander la condamnation de l'employeur à lui verser une somme supérieure à celle retenue par le conseil de prud'hommes ;
- l'employeur ne justifiant pas avoir respecté les dispositions conventionnelles du travail de nuit, il doit être condamné à lui verser des dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit ;
- n'ayant suivi aucune formation depuis 25 ans, il est fondé à demander la condamnation de l'employeur à lui verser une somme supérieure à celle retenue par le conseil de prud'hommes ;
- la justification de la réalité des difficultés économiques n'est pas rapportée;
- l'employeur a fait montre d'une légèreté blâmable en privilégiant les intérêts financiers;
- l'employeur exploite un autre café restaurant et ne démontre pas avoir effectué une recherche active des possibilités de reclassement car aucune offre de reclassement ne lui a été proposée ;
- la cour devra exercer un contrôle de proportionnalité quant à la législation sur les licenciements pour motif économique.
La S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7], à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 22 décembre 2023, par remise de l'acte en l'étude de l'huissier de justice selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.
La S.E.L.A.R.L. [8] en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société [7] n'ayant pas conclu, elle est réputée s'approprier les motifs du jugement rendu le 14 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Paris en application de l'article 954 in fine du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les demandes de communication de divers documents
Aux termes des articles 139 et 142 du code de procédure civile, le juge, s'il estime la demande de communication de pièces fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
M. [N] soutient qu'il a accompli des heures supplémentaires qui n'étaient pas payées contrairement à ses autres collègues de travail et estime avoir été victime d'une différence de traitement.
Il invoque aussi le paiement d'heures supplémentaires
Il sollicite la communication sous astreinte des décomptes quotidiens des heures de début et fin de chaque période de travail, des relevés quotidiens du nombre d'heures de travail effectuées et des récapitulatifs hebdomadaires du nombre d'heures de travail effectuées comportant son émargement, pour la période du 1er janvier 2014 au 1er mars 2018.
D'une part, M. [N] ne formule aucune critique à l'encontre des motifs du jugement ayant conclu à l'irrecevabilité de la demande.
D'autre part, alors que la société employeuse a cessé toute activité depuis mars 2018, l'existence de ces pièces est peu vraisemblable.
Enfin, M. [N] ne formule dans le présent litige aucune demande de condamnation de l'employeur à des dommages-intérêts ou au paiement au titre des heures supplémentaires ou de la différence de traitement.
Dès lors, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication des documents invoqués. La demande sera rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages-intérêts pour travail de nuit et de dommages-intérêts à caractère salarial pour non respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit
L'article L.3122-8 du code du travail dispose que le travailleur de nuit bénéficie de contreparties au titre des périodes de travail de nuit pendant lesquelles il est employé, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.
L'article 16.1. de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 dispose que tout travail entre 22 heures et 7 heure est considéré comme du travail de nuit.
L'article 16.4. de cet avenant prévoit que les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit, égales à 1 % de repos par heure de travail effectuée et, pour les salariés occupés à temps plein et présents toute l'année au cours, que ces contreparties sont forfaitisées à deux jours par an.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
L'horaire de travail de M. [N] était de 17h à 1h15 du mardi au samedi. Ainsi, il était travailleur de nuit au sens de la convention collective applicable et avait droit au repos compensateur prévu par celle-ci.
Or, il n'a pas bénéficié du repos compensateur prévu par la convention collective.
Le salarié sollicite pour la période comprise entre le 28 février 2015 et 28 février 2018 la somme de 6 156,23 euros à titre de dommages-intérêts.
Il sollicite en outre la somme de 24 624, 95 euros de dommages-intérêts à caractère salarial pour non-respect des dispositions conventionnelles du travail de nuit sur la même période.
Mais le conseil de prud'hommes a fait justement droit à cette demande à hauteur d'une indemnité compensatrice équivalente à 6 jours de travail, calculée sur la base d'un taux horaire brut de 9,98 euros et alloué à M. [N] la somme de 467,06 euros.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point. M. [N] sera débouté du surplus de ces demandes à ce titre dès lors qu'il ne justifie pas de l'étendue de son préjudice qui ne serait pas réparé par la somme ci-dessus indiquée.
Sur la demande d'indemnité pour défaut de présentation de formation de l'article L. 6321-1 du code du travail
Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Cette obligation relève de l'initiative de l'employeur, peu important que le salarié n'ait pas pris d'initiative en ce sens.
Le conseil de prud'hommes a alloué à M. [N] une somme de 2 000 euros de dommages-intérêts à ce titre.
Devant la cour d'appel, ce dernier sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 12 312, 47 euros.
En l'espèce, M. [N] n'a bénéficié d'aucune formation au cours de la relation contractuelle qui a duré presque 25 ans.
Le préjudice subi par M. [N] doit donc être évalué à 4 000 euros.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé sur ce point et l'employeur sera condamné à lui payer la somme de 4 000 euros.
Sur le bien-fondé du licenciement
Il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur.
Le fait pour l'employeur, à qui avait été signifié par le bailleur un congé avec refus de renouvellement à effet du 31 décembre 2014 et alors que l'indemnité d'occupation avait été fixée à un montant supérieur au loyer annuel, de décider de cesser l'exploitation du café [6] sans rechercher un autre local ne caractérise pas une telle faute.
Sans que la cour d'appel n'ait à effectuer un contrôle de proportionnalité, le motif économique du licenciement est établi.
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
L'obligation de reclassement impose à l'employeur une recherche loyale, sérieuse et effective des possibilités de reclassement.
Il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise ou, s'il y a lieu, dans le groupe auquel elle appartient.
M. [N] soutient que la société exploitait un autre café-restaurant situé dans le [Localité 1] et qu'aucune proposition de reclassement sur ce site ne lui a été adressée.
Mais il ressort de la lettre de licenciement que les recherches de reclassement sont restées infructueuses. En outre, le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu que l'employeur a interrogé cet autre café-restaurant sur les possibilités de reclassement et que la réponse s'est révélée négative.
Dès lors, le salarié n'est pas fondé à soutenir que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le salarié succombant pour l'essentiel en appel, s'agissant de la qualification du licenciement, il sera condamné aux dépens d'appel.
En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a fixé à 2 000 euros la somme due à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DEBOUTE M. [N] de sa demande de communication sous astreinte des décomptes quotidiens des heures de début et fin de chaque période de travail, des relevés quotidiens du nombre d'heures de travail effectuées et des récapitulatifs hebdomadaires du nombre d'heures de travail effectuées comportant son émargement, pour la période du 1er janvier 2014 au 1er mars 2018,
CONDAMNE la société [7], représentée par la SELARL [8] en qualité de mandataire de justice, à verser à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre des dommages-intérêts pour défaut de l'obligation de formation,
DÉBOUTE M. [N] du surplus de ses demandes,
CONDAMNE M. [N] aux dépens de la procédure d'appel,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT