Livv
Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 3 octobre 2024, n° 23/03132

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Verlaine Presse (SARL)

Défendeur :

Paul Verlaine (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher-Gros

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Renaud Courbon, Me Antoine Siffert

TJ Le Havre, du 4 juill. 2023, n° 22/004…

4 juillet 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 9 Avril 2013, la SCI Paul Verlaine a donné à bail à la S.A.R.L Verlaine Presse un local à usage commercial, situé dans la galerie commerciale du centre commercial d'Aplemont, situé [Adresse 3], comprenant :

Une cellule commerciale d'environ 30 m² donnant sur le mail commun et une réserve au sous-sol d'environ 2 m².

Ce bail a été consenti pour une durée de 9 années ayant commencé à courir le 1er mai 2013 et moyennant un loyer mensuel initial annuel de 8.800 euros HT, payable par fractions trimestrielles et d'avance de 2.200 HT.

Ce loyer est indexé annuellement sur l'indice du coût de la construction.

Le 15 septembre 2022, la SCI Paul Verlaine a fait délivrer à la SARL Verlaine Presse un commandement de payer la somme de 23.982,11 euros, puis l'a assignée le 24 novembre 2022 pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire.

Par ordonnance de référé du 4 juillet 2023, le président du tribunal judiciaire du Havre a :

- constaté la résiliation du bail commercial du 9 avril 2013, portant sur les locaux commerciaux situés au [Adresse 3], du fait de l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit pour défaut de paiement des loyers au 15 octobre 2022,

- ordonné l'expulsion de la SARL Verlaine Presse ainsi que de tous occupants de son chef, en tant que de besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai d'un mois après la signification de la présente ordonnance,

- condamné la SARL Verlaine Presse à payer à la SCI Paul Verlaine une indemnité d'occupation trimestrielle provisionnelle équivalente au montant actuel du loyer, outre les charges, soit la somme de 3.021,26 euros, à compter du 15 octobre 2022 et jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés,

- condamné la SARL Verlaine Presse à payer à la SCI Paul Verlaine la somme provisionnelle de 6.480,99 euros au titre des loyers et charges échus au 30 avri12023, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance sur le surplus,

- débouté la SARL Paul Verlaine de sa demande de délais de paiement,

- condamné la SARL Verlaine Presse aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 15 septembre 2022 et de la citation du 2 juin 2023,

- condamné la SARL Verlaine Presse à payer à la SCI Paul Verlaine, une indemnité de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Verlaine Presse a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 19 septembre 2023.

Par jugement du 8 septembre 2023, le tribunal de commerce du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Verlaine Presse.

Par courrier recommandé du 8 novembre 2023 adressé à Maître [M], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Verlaine Presse, la SCI Paul Verlaine a déclaré sa créance pour un montant de 12.048,46 euros.

Par conclusions du 9 octobre 2023, Maître [M], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Verlaine Presse, est intervenue volontairement à l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 1er février 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Verlaine Presse et de Maître [M], ès qualités de mandataire judiciaire, qui demandent à la cour de :

- débouter la SCI Paul Verlaine de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer l'ordonnance du 4 juillet 2023 en ce qu'elle a :

- constaté la résiliation du bail commercial du 9 avril 2013, portant sur les locaux commerciaux situés au [Adresse 3], du fait de l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit pour défaut de paiement des loyers au 15 octobre 2022,

- ordonné l'expulsion de la SARL Verlaine Presse ainsi que de tous occupants de son chef, en tant que de besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai d'un mois après la signification de la présente ordonnance,

- condamné la SARL Verlaine Presse à payer à la SCI Paul Verlaine une indemnité d'occupation trimestrielle provisionnelle équivalente au montant actuel du loyer, outre les charges, soit la somme de 3.021,26 euros, à compter du 15 octobre 2022 et jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés,

- condamné la SARL Verlaine Presse à payer à la SCI Paul Verlaine la somme provisionnelle de 6.480,99 euros au titre des loyers et charges échus au 30 avril 2023, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance sur le surplus,

- débouté la SARL Paul Verlaine de sa demande de délais de paiement,

- condamné la SARL Verlaine Presse aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 15 septembre 2022 et de la citation du 2 juin 2023,

- condamné la SARL Verlaine Presse à payer à la SCI Paul Verlaine, une indemnité de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyer la SCI Paul Verlaine à déclarer sa créance au passif de la procédure ouverte à l'endroit de la Société Verlaine Presse,

- condamner la SCI Paul Verlaine à payer à la Société Verlaine Presse la somme de 1 530,18 euros,

- condamner la SCI Paul Verlaine aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Vu les conclusions du 24 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Paul Verlaine qui demande à la cour de :

- donner acte à la concluante de ce qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur la recevabilité et la régularité en l'état de la procédure d'appel,

- en tout état de cause, dire et juger que c'est à juste titre que le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion de la SARL Verlaine Presse, et condamné cette dernière selon les modalités fixées dans cette ordonnance.

- donner acte à la concluante de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les conséquences de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SARL Verlaine Presse,

- fixer au passif de la procédure collective la créance de la concluante à la somme de 12.048,46 euros,

- condamner l'appelante au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.

- la condamner aux entiers dépens de la procédure.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les conséquences de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SARL Verlaine Presse sur la résiliation du bail et les provisions allouées

Moyens des parties

La SARL Verlaine Presse fait valoir que :

* elle a été admise au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire rendant impossible les poursuites en condamnation en paiement et en résiliation du bail ;

* la SCI Paul Verlaine devra déclarer sa créance au passif de la procédure ouverte à l'endroit de la Société Verlaine Presse.

La SCI Paul Verlaine réplique :

* compte tenu de l'ouverture de la procédure collective de la société, elle ne méconnaît pas qu'elle devra attendre les suites de cette procédure pour être potentiellement réglée de cette créance ;

* en tout état de cause, il y a lieu pour la cour de fixer au passif de la procédure collective sa créance à la somme de 12.048,46 euros.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L 622-21 du code de commerce, '' le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

(').

La procédure de redressement judiciaire de la SARL Verlaine Presse ouverte par jugement du 8 septembre 2023 postérieurement à l'ordonnance de référé entreprise du 4 juillet 2023 étant en cours, elle entraîne l'interdiction des poursuites.

Par ailleurs, la créance faisant l'objet de la présente instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, présentant un caractère provisoire, elle doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.Il s'ensuit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour de fixer une créance au passif nonobstant la déclaration de créance du 8 novembre 2023 effectuée par la SCI Paul Verlaine par courrier recommandé du 8 novembre 2023 auprès de Maître [M], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Verlaine Presse.

Compte tenu de l'évolution du litige, il convient d'infirmer l'ordonnance dont appel et dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes tendant à la résolution du bail par acquisition de la clause résolutoire et à la condamnation de la SARL Verlaine Presse à des provisions.

Sur la demande de la SARL Verlaine Presse tendant à la condamnation de la SCI Paul Verlaine à lui payer la somme de 1.530,18 euros

La SARL Verlaine Presse soutient que :

* la SCI Paul Verlaine a été condamnée par l'arrêt du 15 février 2018 à payer à la société Verlaine Presse 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à supporter la moitié des dépens de première instance et à supporter la totalité des dépens d'appel soit la somme de 1.530,18 euros ;

* la SCI Paul Verlaine n'ignore rien de cette situation puisqu'à l'époque la concluante lui avait proposé de régler les sommes dues par compensation avec la condamnation au titre des loyers d'avril 2013 et du trimestre débuté le 1er novembre 2014.

La SCI Paul Verlaine n'a pas répliqué.

Réponse de la cour

La demande de la SARL Verlaine Presse porte sur les suites de l'arrêt rendu par cette cour le 15 février 2018 qui constitue un titre exécutoire de sorte qu'elle n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés. Il convient de dire n'y avoir lieu à référé sur cette prétention.

Sur les dépens et les demandes présentées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'évolution du litige en cours d'appel, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise sur les dépens et les frais irrépétibles et de mettre les dépens de l'appel à la charge de l'appelante. Les parties seront déboutées de leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme l'ordonnance du 4 juillet 2023 en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a :

- condamné la SARL Verlaine Presse aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 15 septembre 2022 et de la citation du 2 juin 2023,

- condamné la SARL Verlaine Presse à payer à la SCI Paul Verlaine, une indemnité de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la résiliation du bail et les provisions sollicitées par la SCI Paul Verlaine,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SARL Verlaine Presse tendant à la condamnation de la SCI Paul Verlaine à lui payer la somme de 1.530,18 euros,

Y ajoutant,

Met les dépens d'appel à la charge de la SARL Verlaine Presse,

Déboute la SARL Verlaine Presse et la SCI Paul Verlaine de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.