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Décisions

CA Lyon, ch. soc. A, 2 octobre 2024, n° 21/04733

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Selarl Mj Synergie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mailhes

Conseillers :

Mme Rocci, Mme Brunner

Avocats :

Me Grosselin, Me Nouvellet, Me Baillot-Habermann, Me Croze

Cons. prud'h. Lyon, du 29 avr. 2021, n° …

29 avril 2021

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS AVICEN a été immatriculée le 30 août 2016.

Aux termes d'une assemblée générale du 15 décembre 2016, M. [G] [T], qui en était actionnaire, a été désigné en qualité de directeur général.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 avril 2018, M. [G] [T] a été embauché, à compter du 1er mai 2018, en qualité de directeur des opérations par la société Avicen.

M. [G] [T] a vu son mandat de directeur général révoqué par le Conseil d'administration le 11 janvier 2019.

Par jugement du 1er août 2019, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Avicen en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er avril 2019 et la SELARL MJ SYNERGIE étant désignée liquidateur.

Par lettre du 14 août 2019, M. [T] a été licencié pour motif économique, par la SELARL MJ SYNERGIE.

****

Le 24 février 2020, M. [G] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon, aux fins de voir fixer au passif de la liquidation de la société Avicen les sommes suivantes :

16 631,72 euros bruts à titre de rappel de salaire des mois d'avril 2019 à juillet 2019 ;

13 500,03 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 350 euros bruts de congés-payés afférents ;

7 718,75 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés-payés ;

2 741,12 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de JRTT

1747,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

voir ordonner à la SELARL MJ Synergie de lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte.

La SELARL MJ Synergie a été convoquée devant le bureau de jugement par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 28 février 2020

Elle s'est opposée aux demandes de M. [G] [T].

L'AGS CGEA de [Localité 5] a été convoquée devant le bureau de jugement par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 16 juillet 2020 s'est opposée aux demandes de M. [G] [T].

***

Par jugement du 29 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a rejeté la demande de reconnaissance du contrat de travail, a débouté M. [G] [T] de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 28 mai 2021, M. [G] [T] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 3 mai 2021, aux fins d'infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de reconnaissance de l'existence du contrat de travail le liant avec la société AVICEN en qualité de Directeur des opérations depuis le 1er mai 2018, de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société AVICEN des sommes de 16 631,72 € bruts au titre des salaires des mois d'avril 2019 à juillet 2019, 1 747,31 € à titre d'indemnité légale de licenciement ; 13 500,03 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1350.00€ bruts de congés-payés afférents, 7 718, 75 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés-payés, 2 741,12 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de JRTT, 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de sa demande tendant à obtenir l'opposabilité des dispositions de la décision à intervenir au CGEA AGS de [Localité 5], de sa demande tendant à ce que soit ordonnée à la SELARL MJ SYNERGIE, sous astreinte de 50 € par jour de retard, la remise du solde de tout compte, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi, de sa demande tendant à voir la SELARL MJ SYNERGIE condamnée, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AVICEN, aux dépens de première instance.

****

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 4 août 2023, M. [G] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- juger qu'il était lié par un contrat de travail avec la société AVICEN depuis le 1er mai 2018 en qualité de directeur des opérations ;

- juger que ce contrat de travail, nonobstant son absence d'approbation par la collectivité des associés, doit produire effet,

- juger qui plus est que les créances afférentes à ce contrat de travail n'ont jamais été novées en créances civiles,

En conséquence :

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AVICEN les sommes suivantes :

16 631,72 euros bruts à titre de rappel sur les salaires des mois d'avril 2019 à juillet 2019 ;

1 747,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

13 500,03 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1350,00 euros bruts de congés-payés afférents,

7 718,75 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés-payés,

2 741,12 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de JRTT,

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (compte tenu des frais engagés dans le cadre de la première instance).

- prononcer l'opposabilité des dispositions de la décision qui sera rendue au CGEA-AGS de [Localité 5] dont la garantie devra intervenir, s'agissant de toutes les sommes dont la fixation au passif est sollicitée (à l'exception de celle sollicitée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile) dans la limite des dispositions légales et réglementaires et des plafonds applicables ;

- ordonner à la SELARL MJ SYNGERGIE, ès qualités de mandataire liquidateur judicaire de la société AVICEN, de procéder, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision, à la remise du solde de tout compte, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi ;

- condamner la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société AVICEN, aux entiers frais et dépens de première instance.

Y ajoutant :

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AVICEN la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (compte tenu des frais engagés par dans le cadre de l'instance d'appel) ;

- condamner la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société AVICEN, aux entiers frais et dépens de seconde instance.

***

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 25 novembre 2021, la SELARL MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur de la société Avicen demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [G] [T] de l'ensemble de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, de débouter M. [G] [T] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux dépens

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 26 novembre 2021, l'AGS-CGEA de [Localité 5] demande à la cour :

A Titre Principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce que la qualité de salarié de M. [K] n'a pas été retenue et que l'intégralité des demandes de M. [K] ont été rejetées,

- en conséquence, débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- juger que les créances salariales de M. [K] se sont nécessairement novées en créances civiles,

- Statuant à nouveau, débouter M. [K] de sa demande,

- juger que le contrat de M. [K] était constitutif d'une convention règlementée au sens de l'article L.227-10 du code de commerce qui aurait dû être autorisée par une assemblée générale,

- Statuant à nouveau, débouter M. [K] de sa demande,

- subsidiairement, minimiser dans de très sensibles proportions,

En tout état de cause,

- dire et juger que la garantie de l'AGS-CGEA DE [Localité 5] n'intervient qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles ;

- dire et juger que l'AGS-CGEA DE [Localité 5] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du Code du Travail ;

- dire et juger que l'obligation de l'AGS CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des éventuelles créances garanties, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail ;

- dire et juger que l'AGS CGEA de [Localité 5] ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les créances résultat de la liquidation d'une éventuelle astreinte ;

- dire et juger l'AGS-CGEA DE [Localité 5] hors dépens.

La clôture des débats a été ordonnée le 16 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

SUR CE,

Sur l'existence d'un contrat de travail :

L'appelant fait valoir que :

il a décidé, après avoir été approché par M. [W], actionnaire majoritaire, de participer à la création de la société Avicen et d'en devenir actionnaire à hauteur de 5% ;

la direction de cette société a été confiée à M. [W], nommé président ;

aux termes d'une assemblée générale, en 2016, il a accepté de devenir directeur général afin de suppléer le président, en assurant gracieusement cette fonction ;

il était alors en recherche d'emploi, ciblait des postes de directeur des opérations, de consultant décisionnel ou de « business intelligence » et n'a cessé ses recherches que lorsque la société a décidé de l'embaucher en qualité de directeur des opérations ;

son contrat de travail décrit avec précision les missions attribuées et il a bien exercé les fonctions techniques de directeur opérationnel, sous la supervision et le subordination du président qui était informé en permanence de ses actions ;

il a été révoqué de son mandat de directeur général en raison de son désaccord avec la politique de l'entreprise, ce qui démontre qu'il n'a jamais été décisionnaire ;

il ne disposait, à la création de la société, que de 5% du capital social et suite aux opérations de restructuration, sa participation n'a jamais dépassé 17% ;

M. [W] a toujours été présenté comme le seul dirigeant de la société ;

il n'a exercé ses fonctions de directeur général que temporairement et le contrat de travail s'est poursuivi après sa révocation ;

le non-respect des dispositions du code de commerce relatives à l'approbation des conventions règlementées n'est pas de nature à priver le contrat d'effet ;

son embauche n'a pas eu lieu alors que la société se trouvait en difficulté financière et n'a pas constitué un stratagème pour faire prendre en charge ses rémunérations par le CGEA puisqu'il ne percevait aucune rémunération au titre de son mandat social.

Le liquidateur fait observer que :

M. [G] [T] a été à l'origine de la création de la société dont il était le directeur général, désigné par la première résolution de l'assemblée générale du 15 décembre 2016, qui mentionne qu'il aura les mêmes pouvoirs que le président ;

le contrat de travail du 1er mai 2018 ne permet pas d'établir une séparation claire avec les missions assurées dans le cadre du mandat social ;

il a accepté que ses salaires ne soient pas réglés à compter du mois d'avril et n'en a pas exigé le paiement en raison de sa qualité d'associé ;

avant d'être embauché, il ne recherchait pas activement un poste de directeur des opérations mais un poste de dirigeant d'entreprise ;

M. [K] n'a pas souhaité bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle, ce qui tend à faire penser qu'il s'était déjà organisé pour la suite de sa carrière professionnelle.

L'AGS-CGEA soutient que :

Il n'est pas établi que M. [K] exerçait réellement des fonctions distinctes de ses fonctions de directeur général et qu'il était dans une situation de subordination hiérarchique ;

M. [K] ne justifie pas avoir été salarié ;

le témoignage du président de la société est dénué de valeur probante ;

les fonctions de directeur des opérations induit des missions similaires aux fonctions

Pour qu'il puisse se prévaloir du cumul de son mandat social et d'un contrat de travail, il doit être établi que le mandataire social exerce une fonction technique distincte de son mandat social dans un lien de subordination à l'égard de la société.

Un mandataire social ne peut se prévaloir d'un contrat de travail que, d'une part, s'il exerce à ce titre des fonctions réelles et distinctes matériellement de son mandat et, d'autre part, si cet emploi répond aux conditions du salariat, c'est-à-dire s'il s'exerce dans le cadre d'un lien de subordination entre l'intéressé et l'entreprise. La personne en cause doit donc être soumise, au titre de son emploi salarié, à une autorité ayant le pouvoir de donner des directives et d'en contrôler l'exécution.

C'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence mais, en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, M. [G] [T], désigné directeur général par assemblée générale du 15 décembre 2016 et investi des mêmes pouvoirs que le président, exerçait ses fonctions à titre grâcieux.

Le contrat de travail, signé le 9 avril 2018 lui confiait les fonctions suivantes :

« - Piloter les équipes de production ;

- Assurer le respect des engagements et veiller à la bonne application du cahier des charges;

- Participer à l'élaboration des objectifs et suivi de l'évolution de l'activité de vente en accord avec la direction ;

- Contribuer à la définition de la stratégie de l'entreprise pour répondre aux objectifs à court et long terme ;

- Assister la direction dans les opérations de financement ;

- concevoir des procédures et processus pour assurer une qualité de service supérieure et homogène et établir les mesures correctives nécessaires ;

- Assurer l'adéquation entre ressources et besoins (financiers, techniques, humains) ;

- Travailler en interface avec la direction technique pour appréhender les évolutions des besoins des clients et les transformer en orientations techniques ;

- Promouvoir l'offre de services et intervenir ponctuellement auprès du client lors de la phase de présentation de l'offre ;

- Participer à la promotion de la culture d'entreprise et l'engagement d'AVICEN à l'égard de ses clients et de ses collaborateurs ;

- Contribuer à la capitalisation et au partage des bonnes pratiques et à l'amélioration de la qualité dans les phases de développement ;

- Participer aux plans de recrutement ;

- Entretenir, nouer et développer des relations de confiance avec les partenaires clés et les professionnels du secteur automobile ;

- Participer et représenter l'entreprise lors des grands évènements (colloques, salons '). ».

Par attestation du 29 novembre 2019, de M. [W], président de la société, atteste de « l'emploi d'[G] [K] en tant que Directeur des opérations (COO) chez AVICEN et de sa contribution sur le plan technique. En ma qualité d'ancien CEO et dirigeant d'AVICEN, j'ai mandaté [G] [K] de conduire les développements techniques (HARDWARE SOFTWARE) et scientifiques (OATA/IA) et inclus également dans le périmètre de ses livrables la rédaction du programme d'innovation qui a valu à AVICEN l'obtention du label DEEP TECH. »

La réalité des fonctions techniques de M. [G] [T] est objectivée par l'attestation de M. [I], en date du 22 janvier 2020, selon laquelle « Je travaille au sein de la société E2-CAD en tant que Directeur des opérations. Dans le cadre de la mission effectuée par E2-CAD « support et réalisation de la spécification d'une Gateway associée à un Dongle CAN » au profit de la société Avicen, j'ai pu travailler régulièrement sur les aspects techniques avec M. [K].

Notamment sur tout ce qui avait trait aux problématiques de facteur de forme et autres spécifications relevant du cahier des charges technique et fonctionnel du produit pour une intégration optimale dans des véhicules à usage professionnel. Je peux confirmer pour l'avoir constaté que son concours aux développements techniques a été permanent et sérieux. ».

Egalement, M. [N] [V], directeur innovation du pôle de compétitivité Cara, témoigne, par attestation du 4 décembre 2019 « des activités de M. [G] [K] sur les onglets suivants :

' Dépôt de demande de labellisation et soutenance en conseil scientifique et technique CARA pour le projet ADEME Innovation EPEIOS le 09/03/2018,

' Participation aux assemblées générales CARA et soutenance de la candidature d'AVICEN au conseil d'administration CARA collège industriel le 18/05/18 et 07/06/19,

' Participation aux AUTOMOTIVE TECH DAYS 2018 (20/11/2018). Présentation des produits innovants créés de manière collaborative par l'écosystème CARA à des donneurs d'ordre du monde automobile. Participation pour AVICEN aux cours d'organisation et à l'exposition,

' Présentation d'AVICEN de ses produits lors des pitchs de la journée véhicule du futur organisée par CARA / MINALOGIC / VIAMECA,

' Participation au séminaire RSE CARA du 08/06/18,

' Coordination du montage du projet TCOPTIMUM dans le cadre de l'initiative ALLFRATECH:

Participation et pilotage des montages 2018,

Projet de demande de labellisation et soutenance en CST le 11/04/19,

Projet non déposé suite au retrait du partenaire VIBRATEC. ».

Le lien de subordination ressort de l'attestation de M. [X], qui témoigne qu'il demandait « à [G] [K] de me rendre compte très régulièrement de l'avancée de ses travaux et de présentation de livrables (mails, échanges téléphoniques, réunions physiques), minimum 1x/ semaine. Comme mentionné à plusieurs reprises dans le cadre de l'instruction du dossier AVICEN auprès du SCTS, je réaffirme et atteste de l'existence d'un lien de subordination avec mon ancien responsable des opérations, [G] [K]. ».

M. [A] [J], directeur d'entreprise, témoigne que « M. [W] était le dirigeant de l'entreprise AVICEN et donnait bien des ordres à M. [K]. A ma connaissance, M. [K] ne prenait pas de décisions de direction, stratégiques, sur les devenirs de l'entreprise. M. [K] ne s'est jamais présenté comme étant un membre du Comité de direction. M. [W] ne m'a jamais cité le nom de M. [K] comme étant un membre du Comité de direction, mais plutôt un collaborateur. ».

Ainsi, M. [G] [T] établit ses fonctions réelles et distinctes de son mandat social et le lien de subordination.

Après qu'il a été mis fin au mandat social de M. [G] [T] par sa révocation, décidée lors de l'assemblée générale du 11 janvier 2019, le contrat de travail s'est poursuivi et, pour cette période, la preuve du caractère fictif n'est pas rapportée par les intimés.

En conséquence, la cour infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de reconnaissance d'un contrat de travail.

Sur les conséquences de l'existence du contrat de travail :

Le salarié fait valoir que les salaires des mois d'avril, mai, juin et juillet 2019 ne lui ont pas été payés ; que l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et l'indemnité lui restent dues ; que l'indemnité compensatrice de congés payés et de JRTT ne lui pas été payées.

Il ajoute que ses créances sont garanties par l'AGS-CGEA ; que la novation ne se présume pas ; qu'il n'était qu'associé minoritaire de la société ; qu'il s'est inquiété du non versement de ses salaires mais que le président s'est voulu rassurant ; qu'il n'a en aucun cas renoncé au paiement de ses rémunérations.

Le liquidateur soutient que le salarié ne justifie pas des sommes qui lui ont été versées par la production de ses relevés bancaires.

L'AGS-CGEA s'oppose aux demandes au motif que :

le salarié a fait le choix de renoncer au bénéfice de ses créances salariales pour soutenir la société de sorte que les créances salariales se sont novées en créances civiles ;

que le contrat de travail aurait dû être soumis à l'approbation des associés en ce qu'il était une convention règlementée or, aucune assemblée générale n'a approuvé le contrat de travail.

***

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon l'article 1329 du code civil, la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée.

Elle peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.

Selon l'article 1330 du code civil, la novation ne se présume pas ; la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

Il appartient au liquidateur de démontrer que les salaires du mois d'avril au mois de juillet 2019 ont été payés, ce qu'il ne fait pas.

Il n'est pas établi que le salarié a fait le choix de renoncer au bénéfice des créances salariales.

Il y a lieu, par dispositions infirmatives, de fixer la créance de M. [G] [T] à au titre des salaires du mois d'avril au mois de juillet 2019, à la somme de 16 631,72 euros.

Selon l'article L. 3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.

L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

Le bulletin de paie du mois de juillet 2017 mentionne un solde de congés payés de 37,17 jours et de 13,20 jours de réduction du temps de travail

Il y a lieu, par dispositions infirmatives, de fixer la créance au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 7 718,75 euros et la créance au titre des jours de RTT à la somme de 2 741,12 euros.

Conformément à l'article L.1234-9 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 24 septembre 2017, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

Conformément à l'article R. 1234-1 du code du travail, cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Conformément à l'article R. 1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Il y a lieu, par dispositions infirmatives, de fixer la créance de M. [G] [T], au titre de l'indemnité légale de licenciement à la somme, non contestée, de 1 747,31 euros.

Selon l'article 4-2 de la convention collective Syntec applicable à la relation contractuelle, la durée du préavis est de trois mois pour les cadres.

Il y a lieu, en considération du salaire mensuel de 4 500,01 euros qu'il aurait dû percevoir, par dispositions infirmatives, de fixer l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 13 500,03 euros outre celle de 1 350 euros pour congés payés afférents.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC - CGEA De [Localité 5], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [G] [T] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu d'ordonner à la SELARL MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur de la société Avicen de remettre à M. [G] [T] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans un délai d'un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront infirmées.

La SELARL MJ Synergie, ès qualités de liquidateur de la société Avicen qui succombe partiellement en appel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de condamner la SELARL MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur de la société Avicen à payer à M. [G] [T], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 3 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;

Dans la limite de la dévolution,

Infirme le jugement

Statuant à nouveau,

Fixe les créances de M. [G] [T] au passif de la liquidation judiciaire de la société Avicen :

la somme de 16 631,72 euros au titre des salaires du mois d'avril au mois de juillet 2019,

la somme de 7 718,75 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

la somme de 2 741,12 euros au titre des jours de RTT ;

la somme de 13 500,03 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1 350 euros pour congés payés afférents ;

la somme de 1 747,31 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Ordonne la remise par la SELARL MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur de la société Avicen à M. [G] [T] des documents de fin de contrat et d'un bulletin de salaire conforme aux dispositions du présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

Y ajoutant,

Déclare opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC - CGEA De [Localité 5], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [G] [T] dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, étant précisé que les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas garanties ;

Condamne la SELARL MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur de la société Avicen, à payer à M. [G] [T], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;

Condamne la SELARL MJ Synergie, ès-qualités de liquidateur de la société Avicen aux dépens de première instance et d'appel.