Décisions
CA Lyon, 3e ch. a, 3 octobre 2024, n° 20/04664
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 20/04664 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NDU6
Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 24 juillet 2020
RG : 2018 00604
S.A.S.U. [F]
C/
[P]
S.A.R.L. PAVILUNE INVEST
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 03 Octobre 2024
APPELANTE :
S.A.S. [F] au capital de 5.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de THONON LES BAINS sous le numéro 829 710 466, représentée par son président en exercice domicilié es-qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Virginie MARRO de la SELARL VM AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1439
INTIMES :
M. [V] [P]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7] (95)
[Adresse 4]
[Localité 1]
S.A.R.L. PAVILUNE INVEST au capital social de 498.750€, immatriculée au RCS de BOURG EN BRESSE sous le n° 829 841 964, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentés par Me Edouard DE MELLON, avocat au barreau de LYON, toque : 2130, postulant et par Me Paul YON de la SARL PAUL YON, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 25 Novembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Juin 2024
Date de mise à disposition : 26 Septembre 2024, puis prorogé au 03 Octobre 2024, les parties ayant été avisées
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 27 octobre 2016, M. [R] [N], par l'intermédiaire du cabinet Michel Simond est rentré en contact avec M. [V] [P] en vue d'acheter les actions de la société Pavilune, fonds de commerce de restauration exploité sous l'enseigne 'La Pataterie'.
Le 19 janvier 2017, un compromis de vente avec clause de retrait a été signé entre les parties.
La société [F], dont M. [N] est le président, a été constituée de 18 mai 2017 en vue de l'acquisition des actions Pavilune.
Le 5 juin 2017, la société Pavilune Invest et M. [P] ont cédé l'intégralité des actions Pavilune à la société [F] pour un montant de 570.000 euros. L'article 6 de l'acte de cession contient une garantie d'actif et de passif.
Le 18 juin 2018, les sociétés [F] et Pavilune ont actionné la garantie d'actif et de passif et mis en demeure le 20 juin 2018 la société Pavilune Invest et M. [P] de payer à titre de dommages et intérêts la somme de 235.000 euros.
Le 29 août 2018, la société [F] a assigné M. [P] et la société Pavilune devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse.
Par jugement contradictoire du 24 juillet 2020, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :
déclaré recevable les demandes de la société [F]
débouté la société [F] de l'ensemble de ses demandes, les réticences dolosives alléguées n'étant pas démontrées,
condamné la société [F] à payer à M. [V] [P] et à la société Pavilune Invest la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,
mis les entiers dépens à la charge de la société [F].
La société [F] a interjeté appel par déclaration du 25 août 2020.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 août 2021, la société [F] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1 et 1231-2, 1137,1178 et 1240 du code civil, de :
infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 24 juillet 2020,
Et statuant a nouveau :
à titre principal :
juger que la société Pavilune Invest et M. [P] se sont rendus coupables de réticences dolosives à l'égard d'[F] lors de la cession des actions de la société Pavilune,
En conséquence :
juger que le consentement de la société [F] a été vicié,
juger que la responsabilité délictuelle de la société Pavilune Invest et de M. [P] est engagée,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel venait à considérer que le contrat de cession des titres n'était pas vicié et trouverait à s'appliquer :
constater que M. [P] et la société Pavilune Invest ont fait de fausses déclarations dans le contrat de cession,
En conséquence :
juger que la responsabilité contractuelle de la société Pavilune Invest et de M. [P] est engagée,
En toute hypothèse quel que soit le fondement juridique retenu :
condamner solidairement M. [P] et la société Pavilune Invest à verser à la société [F] une somme de 235.000 euros,
débouter M. [P] et la société Pavilune Invest de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
condamner solidairement M. [P] et la société Pavilune Invest au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner en outre solidairement aux entiers dépens avec droit de recouvrement.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 octobre 2021, la société Pavilune Invest et M. [P] demandent à la cour, au visa des articles 1137, 1103 et 1104 du code civil, de :
à titre principal :
dire et juger que la société [F] invoque des manquements contractuels à l'encontre de la société Pavilune Invest et de M. [P] alors qu'elle engage la responsabilité extracontractuelle de ces derniers,
infirmer le jugement rendu le 24 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société [F],
déclarer irrecevables les demandes de la société [F].
À titre subsidiaire :
dire et juger que la société Pavilune Invest et M. [P] n'ont commis aucune réticence dolosive,
dire et juger que la société Pavilune Invest et M. [P] n'ont commis aucun manquement à leurs obligations contractuelles résultant de l'acte de cession du 5 juin 2017,
débouter la société [F] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la société Pavilune Invest et de M. [P],
En tout état de cause :
condamner la société [F] à verser la somme de 5.000 euros à la société Pavilune Invest et à M. [P] au titre des frais irrépétibles,
condamner la société [F] au paiement des entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 novembre 2021, les débats étant fixés au 27 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes de la société [F]
La société Pavilune Invest et M. [P] font valoir que :
la société [F] entend se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle puisqu'elle invoque des manquements contractuels et a actionné la garantie d'actif et de passif,
elle demande dans son assignation la condamnation des concluantes sur le fondement de l'article 1240 du code civil soit de la responsabilité délictuelle, alors qu'elle ne peut prétendre cumuler les deux régimes de responsabilité pour obtenir une indemnisation,
en appel, la société [F] n'a développé des arguments que sur le fondement contractuel,
le tribunal de commerce avait bien noté en première instance l'impossibilité de cumuler les deux régimes de responsabilité mais a pourtant déclaré recevables les demandes présentées.
La société [F] fait valoir que :
à titre principal, elle invoque un vice du consentement sur le fondement de l'article 1109 du code civil, faisant valoir que le contrat n'a jamais été formé
la jurisprudence admet l'octroi de dommages et intérêts en cas de nullité d'un contrat pour dol, et donc le recours au régime de la responsabilité délictuelle,
si le dol est retenu, la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif est de nul effet,
si elle avait en 'uvre la garantie d'actif et de passif au cours de la procédure judiciaire, elle aurait reconnu implicitement que le contrat était régulièrement formé, et le fait qu'elle l'a actionnée avant le début de l'instance n'a aucun effet sur sa demande de nullité du contrat.
Sur ce,
Il convient de retenir la recevabilité des demandes formées par la société [F] étant indiqué qu'en cas d'annulation du contrat tel que sollicité par l'appelante, l'anéantissement rétroactif de ce contrat ne permettrait pas de rechercher la responsabilité contractuelle des intimés.
En conséquence, c'est à bon escient que la société [F] présente des demandes d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle.
Sur l'existence de réticences dolosives
La société [F] fait valoir que :
les intimés, et notamment M. [P], ont dissimulé lors de la vente le fait que l'équipe était démotivée en raison de l'absence régulière du gérant, que certaines procédures d'hygiène n'avaient pas été mises en place, que la clientèle avait déserté et que des dépenses personnelles du dirigeant restaient à prendre en charge,
l'absence régulière du gérant depuis le début de l'année 2017, a eu un impact sur l'implication des salariés qui en témoignent dans différentes attestations, étant indiqué que quelques semaines après le rachat, 40% des salariés étaient en arrêt maladie,
les procédures d'hygiène n'étaient pas mises en 'uvre, ce qui est également indiqué par les salariés,
les attestations rédigées par les salariés débauchés par M. [P] ne peuvent avoir de valeur probatoire, étant indiqué que celui-ci s'était engagé contractuellement à ne pas engager de salariés de son ancienne société pendant trois ans, sans compter que d'autres salariés ont attesté et nourrissaient des griefs à l'encontre du gérant de la concluante car ils avaient commis des indélicatesses dans le cadre d'arrêts maladie,
M. [P] n'avait pas informé les salariés de la cession du fonds de commerce, ce qui est attesté par le formateur de l'enseigne La Pataterie, qui indique également l'existence d'un climat social tendu au restaurant antérieur à la cession, son attestation portant sur des dates antérieures à l'information sur la cession donnée le 17 mai 2017 par le gérant de la concluante,
elle a, en raison des difficultés rencontrées, fait appel à une société de consulting pour comprendre les besoins des salariés en juillet 2017 qui a indiqué que les salariés faisaient valoir que leur ancien gérant était absent depuis le début de l'année, et qu'ils avaient été laissés à eux-mêmes, les attestations contraires émanant de salariés en litige avec le gérant de la société [F],
le délaissement de la société cédée par son ancien gérant a causé des difficultés puisque elle ne disposait pas d'une orientation claire, d'autant plus que la société était sous compromis, alors que l'intéressé a déclaré lors de la cession que rien n'avait changé dans la gestion et l'exploitation du restaurant, ce qui est donc faux,
les intimés ne démontrent pas que la société [F] avait été informée en mars 2017 de son nouvel emploi en mars 2017, sans compter que sa présence effective les derniers mois avant la cession se montaient à trois jours par mois, ce qui n'est pas conforme à une gestion en bon père de famille,
en raison de ces carences, la concluante a dû faire face à une équipe démotivée, engager et former du nouveau personnel en urgence, reconquérir la clientèle habituelle qui avait déserté et faire face au recul de la fréquentation ainsi que revoir l'organisation du restaurant et prioriser les dépenses,
des carences ont été relevées au niveau de l'hygiène dès mai 2017, informations qui n'ont pas été communiquées, sans compter qu'aucun état des lieux n'a été effectué lors de la cession, le non-respect des mesures d'hygiène n'étant pas accepté dans le cadre de la cession,
s'agissant de la désaffection de la clientèle, la société Pavilune n'avait pas mis en place le système de fidélisation créé par la franchise en 2015, ce qui a mené à une baise de chiffre d'affaires significative et donc du résultat,
la société Pavilune a dû s'acquitter de factures relatives à des dépenses personnelles de M. [P] pour un montant de 10.064,38 euros outre une somme de 11.000 euros, sommes qui ne pouvaient être ignorées par les intimés qui ont donc réalisé de fausses déclarations lors de la cession,
les intimés ne contestent pas la qualité de dépenses personnelles de M. [P], qui pourtant ne fournit pas les justificatifs et factures les concernant sans compter que ses cotisations Urssaf sont toujours prélevées sur le compte de la société Pavilune, comme le démontrent les comptes bancaires,
les intimés n'ont fourni aucune information sur l'état de la franchise et ses difficultés, alors même qu'en mai 2017, la franchise évoquait elle-même des difficultés et indiquait connaître ses plus mauvais chiffres d'affaires depuis 1996, ces courriels étant adressés à la direction des restaurants, dont aux intimés, mais n'étant pas transmis à la concluante,
la dégradation de l'état de la franchise en 2017 n'était pas de notoriété publique, les informations demeurant en interne,
le DIP qui lui a été remis dans le cadre de l'entrée de la franchise est rédigé en termes généraux et parle de l'état du marché français de manière générale, sans parler de la franchise en elle-même, le DIP adoptant un ton plutôt rassurant et n'évoquant l'état de cessation des paiements que de 7 franchises sur 221,
les informations présentées avaient pour objet de lui présenter une situation rassurante alors que tout était à faire et reconstruire dans le restaurant acquis, et notamment reconstituer une équipe de travail, réparer les locaux pour accueillir le public et mettre en place les process imposés par l'enseigne, honorer les factures dues avant la cession et reconquérir la clientèle.
La société Pavilune Invest et M. [P] font valoir que :
tous les documents comptables sur l'état de la société Pavilune ont été transmis à l'acquéreur, éléments validés par l'expert-comptable, ce qui démontre qu'aucune information n'a été dissimulé sur l'état financier du restaurant,
le consentement de la société [F] a été éclairé puisqu'elle a obtenu les bilans, a pu les examiner avec ses conseils mais aussi son banquier, sans compter que M. [P] n'avait pas l'intention de dissoudre la société Pavilune qui était rentable,
M. [P] a continué à gérer le restaurant même s'il exerçait d'autres activités par ailleurs, ce qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires, l'appelante ayant connaissance de ce cumul d'activités, et le gérant de la société [F] exerçant lui-même plusieurs activités,
les attestations des salariés ont été obtenues sous la contrainte, sans compter que certains étaient en conflit avec le concluant qui avait pris des sanctions à leur encontre,
s'agissant de l'hygiène, l'intervention du formateur démontre que le restaurant était bien géré et qu'il était nécessaire d'accentuer encore les efforts dans ce domaine,
les attestations produites par les concluants démontrent les bonnes conditions de travail sous la gérance de M. [P], et les attestations que tente de décrédibiliser la société [F] montrent avant tout les manquements du nouveau gérant,
l'attestation de [T] Consulting est de pure complaisance d'autant plus que de nombreux salariés n'ont pas rencontré cette structure, sans compter qu'il pointe un défaut de motivation un mois après la reprise ce qui montre des difficultés postérieures à la cession et non antérieures,
un état des lieux a été réalisé lors de la cession et aucune remarque n'a été faite concernant le besoin de travaux ou de réhabilitation des locaux,
la mise en 'uvre ou non d'un système de fidélisation est sans conséquence sur le chiffre d'affaires et les résultats de la société, d'autant plus que la société Pavilune était rentable sans cela, outre le fait que le système en question était coûteux à mettre en 'uvre,
concernant les sommes qui ressortiraient de dépenses personnelles de M. [P], elles relèvent de la garantie d'actif et de passif et non de réticences dolosives, sans compter que les documents comptables versés aux débats ne sont adossés à aucun justificatif, et il convient de les ramener à la somme exacte de 4.567,17 euros,
la société [F] ne démontre pas qu'elle aurait renoncé à l'acquisition du restaurant avec les informations qu'elle met en avant,
concernant l'état de la franchise, M. [N] a rencontré des responsables de celle-ci, a eu accès au DIP qui indique par ailleurs l'évolution de tous les restaurants de la franchise, sans compter que la mauvaise santé d'une franchise au niveau national ne peut présager de l'état d'un restaurant,
le DIP indiquait les comptes annuels des deux derniers exercices, la liste des restaurants faisant l'objet d'un redressement judiciaire ainsi que le montant du droit d'entrée, outre des rapports complets sur l'état de la franchise en 2015, mais également sur l'état général du marché de la restauration, sans compter que la franchise indique être adossée au pôle franchise des banques qui sont donc informées,
les concluants ne peuvent être tenus pour responsables de la dégradation de la franchise.
Sur ce,
L'article 1137 du code civil dispose que : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »
Il est constant que l'appréciation de la constitution du dol ou de réticences dolosives mène à se placer à la date de conclusion des conventions querellées et ne permet pas de retenir des éléments postérieurs.
S'agissant des griefs concernant l'état de démotivation des salariés et une soi-disant absence de M. [P] dans le fonds de commerce sous franchise cédé, il convient de relever que les deux parties présentent des attestations contradictoires, et que certains salariés précisent avoir rédigé des attestations sous la contrainte de M. [N], nouveau gérant.
De fait, les différences constatées entre les attestations rédigées par des salariés identiques démontrent un changement dans le mode de gestion entre M. [P] et M. [N] mais aussi que ce dernier n'était pas forcément exempt de critiques quant à sa présence dans le restaurant mais aussi concernant son fonctionnement.
Il ne ressort pas des différentes attestations produites aux débats que le cessionnaire ait adopté des attitudes de nature à démotiver les salariés présents dans la structure vendue avant la cession du fonds de commerce.
Enfin, s'agissant du reproche lié à la présence dans le restaurant du gérant, aucun réticence dolosive ne saurait en être déduite étant rappelé que les deux gérants exerçaient d'autres activités par ailleurs.
Concernant l'information relative à l'hygiène du restaurant, l'appelante fait valoir que le rapport versé aux débats démontre un manque de motivation des salariés alors que la lecture exacte de la pièce qui est un compte-rendu d'une formation ayant eu lieu les 16 et 17 mai 2017 démontre que la gestion du stock est compliquée la semaine en raison d'une fréquentation irrégulière mais que les équipes demeurent attentives à la situation pour être en conformité avec les règles sanitaires. En outre, le formateur indique que dans son ensemble le restaurant est propre et qu'il y a une volonté réelle d'être dans une démarche qualité sanitaire et respect des bonnes pratiques.
Ce document ne caractérise pas de manquement concernant l'information dans le cadre de la cession mais surtout ne démontre pas l'existence de difficultés chez les salariés avant la cession, qui auraient été dissimulées.
Concernant le rapport réalisé par la société [T] Consulting intervenue sur demande de M. [N] du 27 au 31 juillet 2027, il convient de relever dans un premier temps qu'il relate des éléments postérieurs à la vente mais aussi que plusieurs salariés indiquent ne pas avoir rencontré la personne mandatée par le nouveau gérant pour évoquer la situation.
De fait, ce rapport ne permet pas non plus de caractériser l'existence de réticences dolosives dans le cadre de la vente.
Concernant les arrêts maladie des salariés mis en avant par la société [F], il est relevé que ceux-ci se sont produits après la cession du fonds de commerce et non avant celle-ci, les documents versés démontrant leur caractère postérieur.
L'appelante entend faire valoir qu'aucun état des lieux n'a été fait lors de la cession, et qu'elle a dû engager des travaux d'importance en raison de l'hygiène laissant à désirer mais aussi pour parvenir à présenter à la clientèle un lieu en bon état.
Sur ce point, la société [F] ne démontre pas la nécessité des travaux qu'elle aurait entrepris, et s'agissant de l'hygiène, il convient de reprendre le rapport du formateur des 16 et 17 mai 2017 qui indique qu'il n'y a aucune difficulté majeure et qui aurait pu justifier lesdits travaux.
Concernant le débauchage de salariés, notamment Mme [W] et M. [H], la société [F] fait valoir que ceux-ci ont été engagés dans la nouvelle enseigne acquise par M. [P]. Toutefois, il ressort des documents versés aux débats que ces éléments sont postérieurs à l'acquisition mais aussi que l'intimé n'est devenu propriétaire du restaurant concerné que postérieurement à l'embauche des deux salariés.
Concernant les sommes qui seraient dues par M. [P] au titre de dépenses personnelles, il sera noté que l'appelante ne verse aucun élément objectif à l'appui de ses prétentions, ce qui ne permet pas de caractériser des réticences dolosives de la part du cédant lors de la cession, étant rappelé par ailleurs que la société [F] a eu accès à la comptabilité avant la reprise du fonds.
L'appelante entend faire grief à la société Pavilune de ne pas avoir mis en place le système de fidélisation de clientèle proposé par la franchise.
Sur ce point, il est à noter que ce système était optionnel et que par la suite, il appartenait au repreneur de le mettre en place, ce qu'il n'a pas fait. De fait, aucune réticence dolosive ne saurait être retenue à ce titre.
La société [F] fait valoir qu'elle n'a pas été informée des difficultés de la franchise « La Pataterie » lors de son projet de reprise, alors que celle-ci rencontrait des problèmes financiers depuis plusieurs années, et que son chiffre d'affaires se dégradait.
Il est relevé que l'appelante ne conteste pas avoir reçu le DIP concernant l'adhésion ou non à la franchise, mais aussi avoir eu des rendez-vous avec des représentants de celle-ci. Il ressort en outre des différentes pièces versées aux débats que M. [N] a pu être en contact avec d'autres gérants de restaurant exerçant sous la même enseigne et pouvait disposer d'informations à ce titre.
En outre, il appartient au franchisé de réaliser une étude de marché locale pour envisager la rentabilité de l'activité qu'il souhaite créer ou acquérir, qu'il n'appartient au franchiseur de procéder à cette étude de marché et que dès lors, il appartenait à l'appelante de faire le nécessaire pour disposer des informations concernant l'état financier du fonds qu'elle entendait acquérir mais aussi des perspectives économiques qui lui étaient ouvertes à ce titre.
Il ressort en outre des éléments du dossier que l'appelante a eu à sa disposition tous les documents financiers relatifs au fonds de commerce par la remise des comptes mensuels qui démontraient la baisse mensuel du chiffre d'affaires.
Par ailleurs, la baisse du prix de cession a été consentie en raison de la baisse du chiffre d'affaires de la société Pavilune, ce qui démontre que la société [F] avait connaissance de la situation exacte du fonds de restauration qu'elle entendait reprendre et que rien ne lui avait été dissimulé.
Faute pour l'appelante de caractériser l'existence de réticences dolosives de la part du cédant, il convient de rejeter les moyens présentés et de confirmer la décision déférée.
Sur les manquements contractuels de la société Pavilune Invest et M. [P]
La société [F] fait valoir que :
les intimés n'ont pas respecté les engagements pris dans l'acte de cession à savoir la présence de la clientèle, l'absence de fonctionnement de certains matériels et le non-respect de mesures d'hygiène,
M. [P] ne gérait plus le restaurant depuis plusieurs mois et que les factures exigibles avant la cession n'avaient pas été réglées,
les fausses déclarations entraînent l'engagement de la responsabilité contractuelle.
Sur ce,
L'article 1232-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Concernant les griefs mis en avant par l'appelante, il est ressorti de l'analyse déjà faite que celle-ci disposait de tous les éléments d'information lors de l'acquisition du fonds de restauration, y compris s'agissant de l'hygiène ou de la situation des salariés.
Pour ce qui est du fonctionnement du matériel, il ne peut qu'être noté que les parties ne produisent aucun état des lieux, ce qui laisse présumer un bon état des locaux mais aussi des biens meubles cédés.
De plus, la société [F] ne démontre pas qu'elle aurait engager des frais suite à un éventuel manquement de la part de la société Pavilune Invest et M. [P].
En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée.
Sur la demande de réparation formée par la société [F]
La société [F] fait valoir que :
elle a acquis les parts de la société Pavilune pour la somme de 570.000 euros, prix accepté au regard de la situation florissante présentée par les intimées,
l'acceptation de la réduction du prix de 620.000 euros à 570.000 euros par les intimés démontre leur connaissance de la difficulté, notamment avec la baisse du chiffre d'affaires et du résultat net sur les deux dernières années,
elle a dû investir une somme conséquente dans le restaurant pour réaliser uniquement un chiffre d'affaires de 911.968 euros en 2017 et un bénéfice deux fois moins important que l'année précédente (chiffre d'affaires 1.140.244 euros HT en 2016), ce qui a mené à la cession du fonds de commerce pour la somme de 335.000 euros,
le seul actif à valoriser au jour de l'acquisition du bien était le fonds de commerce,
son préjudice doit être fixé à la somme de 235.000 euros soit la différence entre le prix d'acquisition et le prix de revente,
la concluante avait bien intégré la franchise, ce qui est confirmé par le président de la franchise la Pataterie, le paiement de royalties et le protocole de sortie du réseau.
La société Pavilune Invest et M. [P] font valoir que :
la société [F] ne démontre pas que les éléments qu'elle dénonce ont été déterminants dans son consentement,
la société [F] ne démontre aucun préjudice entre l'acquisition et la cession du fonds de commerce, qui sont deux actes différents, d'autant plus que les concluants ont cédé un restaurant sous franchise alors que l'appelante a cédé un fonds de commerce de restauration hors franchise, sans compter que l'appelante n'a jamais adhéré au réseau de la franchise.
Sur ce,
Eu égard à ce qui précède, en l'absence de nullité du contrat de cession mais aussi de responsabilité contractuelle de la part de la société Pavilune Invest et M. [P], les demandes de la société [F] aux fins d'indemnisation ne sauraient prospérer.
De plus, l'appelante a procédé à la cession du fonds de commerce uniquement comme un fonds de restauration sans franchise et ne peut donc se plaindre de ce choix qui relève d'un acte de gestion du dirigeant de la société [F].
Il convient dès lors de confirmer la décision déférée.
Sur les demandes accessoires
La société [F] échouant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande d'accorder à la société Pavilune Invest et M. [P] une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, la société [F] sera condamnée à payer à la société Pavilune Invest et M. [P] la somme de 4.000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel
Déclare recevables les demandes formées par la SAS [F],
Confirme dans son intégralité la décision déférée,
Y ajoutant
Condamne la SAS [F] à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,
Condamne la SAS [F] à payer à la SARL Pavilune Invest et à M. [V] [P] la somme de 4.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 24 juillet 2020
RG : 2018 00604
S.A.S.U. [F]
C/
[P]
S.A.R.L. PAVILUNE INVEST
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 03 Octobre 2024
APPELANTE :
S.A.S. [F] au capital de 5.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de THONON LES BAINS sous le numéro 829 710 466, représentée par son président en exercice domicilié es-qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Virginie MARRO de la SELARL VM AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1439
INTIMES :
M. [V] [P]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7] (95)
[Adresse 4]
[Localité 1]
S.A.R.L. PAVILUNE INVEST au capital social de 498.750€, immatriculée au RCS de BOURG EN BRESSE sous le n° 829 841 964, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentés par Me Edouard DE MELLON, avocat au barreau de LYON, toque : 2130, postulant et par Me Paul YON de la SARL PAUL YON, avocat au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 25 Novembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Juin 2024
Date de mise à disposition : 26 Septembre 2024, puis prorogé au 03 Octobre 2024, les parties ayant été avisées
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 27 octobre 2016, M. [R] [N], par l'intermédiaire du cabinet Michel Simond est rentré en contact avec M. [V] [P] en vue d'acheter les actions de la société Pavilune, fonds de commerce de restauration exploité sous l'enseigne 'La Pataterie'.
Le 19 janvier 2017, un compromis de vente avec clause de retrait a été signé entre les parties.
La société [F], dont M. [N] est le président, a été constituée de 18 mai 2017 en vue de l'acquisition des actions Pavilune.
Le 5 juin 2017, la société Pavilune Invest et M. [P] ont cédé l'intégralité des actions Pavilune à la société [F] pour un montant de 570.000 euros. L'article 6 de l'acte de cession contient une garantie d'actif et de passif.
Le 18 juin 2018, les sociétés [F] et Pavilune ont actionné la garantie d'actif et de passif et mis en demeure le 20 juin 2018 la société Pavilune Invest et M. [P] de payer à titre de dommages et intérêts la somme de 235.000 euros.
Le 29 août 2018, la société [F] a assigné M. [P] et la société Pavilune devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse.
Par jugement contradictoire du 24 juillet 2020, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :
déclaré recevable les demandes de la société [F]
débouté la société [F] de l'ensemble de ses demandes, les réticences dolosives alléguées n'étant pas démontrées,
condamné la société [F] à payer à M. [V] [P] et à la société Pavilune Invest la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,
mis les entiers dépens à la charge de la société [F].
La société [F] a interjeté appel par déclaration du 25 août 2020.
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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 août 2021, la société [F] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1 et 1231-2, 1137,1178 et 1240 du code civil, de :
infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 24 juillet 2020,
Et statuant a nouveau :
à titre principal :
juger que la société Pavilune Invest et M. [P] se sont rendus coupables de réticences dolosives à l'égard d'[F] lors de la cession des actions de la société Pavilune,
En conséquence :
juger que le consentement de la société [F] a été vicié,
juger que la responsabilité délictuelle de la société Pavilune Invest et de M. [P] est engagée,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel venait à considérer que le contrat de cession des titres n'était pas vicié et trouverait à s'appliquer :
constater que M. [P] et la société Pavilune Invest ont fait de fausses déclarations dans le contrat de cession,
En conséquence :
juger que la responsabilité contractuelle de la société Pavilune Invest et de M. [P] est engagée,
En toute hypothèse quel que soit le fondement juridique retenu :
condamner solidairement M. [P] et la société Pavilune Invest à verser à la société [F] une somme de 235.000 euros,
débouter M. [P] et la société Pavilune Invest de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
condamner solidairement M. [P] et la société Pavilune Invest au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner en outre solidairement aux entiers dépens avec droit de recouvrement.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 octobre 2021, la société Pavilune Invest et M. [P] demandent à la cour, au visa des articles 1137, 1103 et 1104 du code civil, de :
à titre principal :
dire et juger que la société [F] invoque des manquements contractuels à l'encontre de la société Pavilune Invest et de M. [P] alors qu'elle engage la responsabilité extracontractuelle de ces derniers,
infirmer le jugement rendu le 24 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société [F],
déclarer irrecevables les demandes de la société [F].
À titre subsidiaire :
dire et juger que la société Pavilune Invest et M. [P] n'ont commis aucune réticence dolosive,
dire et juger que la société Pavilune Invest et M. [P] n'ont commis aucun manquement à leurs obligations contractuelles résultant de l'acte de cession du 5 juin 2017,
débouter la société [F] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la société Pavilune Invest et de M. [P],
En tout état de cause :
condamner la société [F] à verser la somme de 5.000 euros à la société Pavilune Invest et à M. [P] au titre des frais irrépétibles,
condamner la société [F] au paiement des entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 novembre 2021, les débats étant fixés au 27 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes de la société [F]
La société Pavilune Invest et M. [P] font valoir que :
la société [F] entend se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle puisqu'elle invoque des manquements contractuels et a actionné la garantie d'actif et de passif,
elle demande dans son assignation la condamnation des concluantes sur le fondement de l'article 1240 du code civil soit de la responsabilité délictuelle, alors qu'elle ne peut prétendre cumuler les deux régimes de responsabilité pour obtenir une indemnisation,
en appel, la société [F] n'a développé des arguments que sur le fondement contractuel,
le tribunal de commerce avait bien noté en première instance l'impossibilité de cumuler les deux régimes de responsabilité mais a pourtant déclaré recevables les demandes présentées.
La société [F] fait valoir que :
à titre principal, elle invoque un vice du consentement sur le fondement de l'article 1109 du code civil, faisant valoir que le contrat n'a jamais été formé
la jurisprudence admet l'octroi de dommages et intérêts en cas de nullité d'un contrat pour dol, et donc le recours au régime de la responsabilité délictuelle,
si le dol est retenu, la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif est de nul effet,
si elle avait en 'uvre la garantie d'actif et de passif au cours de la procédure judiciaire, elle aurait reconnu implicitement que le contrat était régulièrement formé, et le fait qu'elle l'a actionnée avant le début de l'instance n'a aucun effet sur sa demande de nullité du contrat.
Sur ce,
Il convient de retenir la recevabilité des demandes formées par la société [F] étant indiqué qu'en cas d'annulation du contrat tel que sollicité par l'appelante, l'anéantissement rétroactif de ce contrat ne permettrait pas de rechercher la responsabilité contractuelle des intimés.
En conséquence, c'est à bon escient que la société [F] présente des demandes d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle.
Sur l'existence de réticences dolosives
La société [F] fait valoir que :
les intimés, et notamment M. [P], ont dissimulé lors de la vente le fait que l'équipe était démotivée en raison de l'absence régulière du gérant, que certaines procédures d'hygiène n'avaient pas été mises en place, que la clientèle avait déserté et que des dépenses personnelles du dirigeant restaient à prendre en charge,
l'absence régulière du gérant depuis le début de l'année 2017, a eu un impact sur l'implication des salariés qui en témoignent dans différentes attestations, étant indiqué que quelques semaines après le rachat, 40% des salariés étaient en arrêt maladie,
les procédures d'hygiène n'étaient pas mises en 'uvre, ce qui est également indiqué par les salariés,
les attestations rédigées par les salariés débauchés par M. [P] ne peuvent avoir de valeur probatoire, étant indiqué que celui-ci s'était engagé contractuellement à ne pas engager de salariés de son ancienne société pendant trois ans, sans compter que d'autres salariés ont attesté et nourrissaient des griefs à l'encontre du gérant de la concluante car ils avaient commis des indélicatesses dans le cadre d'arrêts maladie,
M. [P] n'avait pas informé les salariés de la cession du fonds de commerce, ce qui est attesté par le formateur de l'enseigne La Pataterie, qui indique également l'existence d'un climat social tendu au restaurant antérieur à la cession, son attestation portant sur des dates antérieures à l'information sur la cession donnée le 17 mai 2017 par le gérant de la concluante,
elle a, en raison des difficultés rencontrées, fait appel à une société de consulting pour comprendre les besoins des salariés en juillet 2017 qui a indiqué que les salariés faisaient valoir que leur ancien gérant était absent depuis le début de l'année, et qu'ils avaient été laissés à eux-mêmes, les attestations contraires émanant de salariés en litige avec le gérant de la société [F],
le délaissement de la société cédée par son ancien gérant a causé des difficultés puisque elle ne disposait pas d'une orientation claire, d'autant plus que la société était sous compromis, alors que l'intéressé a déclaré lors de la cession que rien n'avait changé dans la gestion et l'exploitation du restaurant, ce qui est donc faux,
les intimés ne démontrent pas que la société [F] avait été informée en mars 2017 de son nouvel emploi en mars 2017, sans compter que sa présence effective les derniers mois avant la cession se montaient à trois jours par mois, ce qui n'est pas conforme à une gestion en bon père de famille,
en raison de ces carences, la concluante a dû faire face à une équipe démotivée, engager et former du nouveau personnel en urgence, reconquérir la clientèle habituelle qui avait déserté et faire face au recul de la fréquentation ainsi que revoir l'organisation du restaurant et prioriser les dépenses,
des carences ont été relevées au niveau de l'hygiène dès mai 2017, informations qui n'ont pas été communiquées, sans compter qu'aucun état des lieux n'a été effectué lors de la cession, le non-respect des mesures d'hygiène n'étant pas accepté dans le cadre de la cession,
s'agissant de la désaffection de la clientèle, la société Pavilune n'avait pas mis en place le système de fidélisation créé par la franchise en 2015, ce qui a mené à une baise de chiffre d'affaires significative et donc du résultat,
la société Pavilune a dû s'acquitter de factures relatives à des dépenses personnelles de M. [P] pour un montant de 10.064,38 euros outre une somme de 11.000 euros, sommes qui ne pouvaient être ignorées par les intimés qui ont donc réalisé de fausses déclarations lors de la cession,
les intimés ne contestent pas la qualité de dépenses personnelles de M. [P], qui pourtant ne fournit pas les justificatifs et factures les concernant sans compter que ses cotisations Urssaf sont toujours prélevées sur le compte de la société Pavilune, comme le démontrent les comptes bancaires,
les intimés n'ont fourni aucune information sur l'état de la franchise et ses difficultés, alors même qu'en mai 2017, la franchise évoquait elle-même des difficultés et indiquait connaître ses plus mauvais chiffres d'affaires depuis 1996, ces courriels étant adressés à la direction des restaurants, dont aux intimés, mais n'étant pas transmis à la concluante,
la dégradation de l'état de la franchise en 2017 n'était pas de notoriété publique, les informations demeurant en interne,
le DIP qui lui a été remis dans le cadre de l'entrée de la franchise est rédigé en termes généraux et parle de l'état du marché français de manière générale, sans parler de la franchise en elle-même, le DIP adoptant un ton plutôt rassurant et n'évoquant l'état de cessation des paiements que de 7 franchises sur 221,
les informations présentées avaient pour objet de lui présenter une situation rassurante alors que tout était à faire et reconstruire dans le restaurant acquis, et notamment reconstituer une équipe de travail, réparer les locaux pour accueillir le public et mettre en place les process imposés par l'enseigne, honorer les factures dues avant la cession et reconquérir la clientèle.
La société Pavilune Invest et M. [P] font valoir que :
tous les documents comptables sur l'état de la société Pavilune ont été transmis à l'acquéreur, éléments validés par l'expert-comptable, ce qui démontre qu'aucune information n'a été dissimulé sur l'état financier du restaurant,
le consentement de la société [F] a été éclairé puisqu'elle a obtenu les bilans, a pu les examiner avec ses conseils mais aussi son banquier, sans compter que M. [P] n'avait pas l'intention de dissoudre la société Pavilune qui était rentable,
M. [P] a continué à gérer le restaurant même s'il exerçait d'autres activités par ailleurs, ce qui n'a eu aucune conséquence sur le chiffre d'affaires, l'appelante ayant connaissance de ce cumul d'activités, et le gérant de la société [F] exerçant lui-même plusieurs activités,
les attestations des salariés ont été obtenues sous la contrainte, sans compter que certains étaient en conflit avec le concluant qui avait pris des sanctions à leur encontre,
s'agissant de l'hygiène, l'intervention du formateur démontre que le restaurant était bien géré et qu'il était nécessaire d'accentuer encore les efforts dans ce domaine,
les attestations produites par les concluants démontrent les bonnes conditions de travail sous la gérance de M. [P], et les attestations que tente de décrédibiliser la société [F] montrent avant tout les manquements du nouveau gérant,
l'attestation de [T] Consulting est de pure complaisance d'autant plus que de nombreux salariés n'ont pas rencontré cette structure, sans compter qu'il pointe un défaut de motivation un mois après la reprise ce qui montre des difficultés postérieures à la cession et non antérieures,
un état des lieux a été réalisé lors de la cession et aucune remarque n'a été faite concernant le besoin de travaux ou de réhabilitation des locaux,
la mise en 'uvre ou non d'un système de fidélisation est sans conséquence sur le chiffre d'affaires et les résultats de la société, d'autant plus que la société Pavilune était rentable sans cela, outre le fait que le système en question était coûteux à mettre en 'uvre,
concernant les sommes qui ressortiraient de dépenses personnelles de M. [P], elles relèvent de la garantie d'actif et de passif et non de réticences dolosives, sans compter que les documents comptables versés aux débats ne sont adossés à aucun justificatif, et il convient de les ramener à la somme exacte de 4.567,17 euros,
la société [F] ne démontre pas qu'elle aurait renoncé à l'acquisition du restaurant avec les informations qu'elle met en avant,
concernant l'état de la franchise, M. [N] a rencontré des responsables de celle-ci, a eu accès au DIP qui indique par ailleurs l'évolution de tous les restaurants de la franchise, sans compter que la mauvaise santé d'une franchise au niveau national ne peut présager de l'état d'un restaurant,
le DIP indiquait les comptes annuels des deux derniers exercices, la liste des restaurants faisant l'objet d'un redressement judiciaire ainsi que le montant du droit d'entrée, outre des rapports complets sur l'état de la franchise en 2015, mais également sur l'état général du marché de la restauration, sans compter que la franchise indique être adossée au pôle franchise des banques qui sont donc informées,
les concluants ne peuvent être tenus pour responsables de la dégradation de la franchise.
Sur ce,
L'article 1137 du code civil dispose que : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »
Il est constant que l'appréciation de la constitution du dol ou de réticences dolosives mène à se placer à la date de conclusion des conventions querellées et ne permet pas de retenir des éléments postérieurs.
S'agissant des griefs concernant l'état de démotivation des salariés et une soi-disant absence de M. [P] dans le fonds de commerce sous franchise cédé, il convient de relever que les deux parties présentent des attestations contradictoires, et que certains salariés précisent avoir rédigé des attestations sous la contrainte de M. [N], nouveau gérant.
De fait, les différences constatées entre les attestations rédigées par des salariés identiques démontrent un changement dans le mode de gestion entre M. [P] et M. [N] mais aussi que ce dernier n'était pas forcément exempt de critiques quant à sa présence dans le restaurant mais aussi concernant son fonctionnement.
Il ne ressort pas des différentes attestations produites aux débats que le cessionnaire ait adopté des attitudes de nature à démotiver les salariés présents dans la structure vendue avant la cession du fonds de commerce.
Enfin, s'agissant du reproche lié à la présence dans le restaurant du gérant, aucun réticence dolosive ne saurait en être déduite étant rappelé que les deux gérants exerçaient d'autres activités par ailleurs.
Concernant l'information relative à l'hygiène du restaurant, l'appelante fait valoir que le rapport versé aux débats démontre un manque de motivation des salariés alors que la lecture exacte de la pièce qui est un compte-rendu d'une formation ayant eu lieu les 16 et 17 mai 2017 démontre que la gestion du stock est compliquée la semaine en raison d'une fréquentation irrégulière mais que les équipes demeurent attentives à la situation pour être en conformité avec les règles sanitaires. En outre, le formateur indique que dans son ensemble le restaurant est propre et qu'il y a une volonté réelle d'être dans une démarche qualité sanitaire et respect des bonnes pratiques.
Ce document ne caractérise pas de manquement concernant l'information dans le cadre de la cession mais surtout ne démontre pas l'existence de difficultés chez les salariés avant la cession, qui auraient été dissimulées.
Concernant le rapport réalisé par la société [T] Consulting intervenue sur demande de M. [N] du 27 au 31 juillet 2027, il convient de relever dans un premier temps qu'il relate des éléments postérieurs à la vente mais aussi que plusieurs salariés indiquent ne pas avoir rencontré la personne mandatée par le nouveau gérant pour évoquer la situation.
De fait, ce rapport ne permet pas non plus de caractériser l'existence de réticences dolosives dans le cadre de la vente.
Concernant les arrêts maladie des salariés mis en avant par la société [F], il est relevé que ceux-ci se sont produits après la cession du fonds de commerce et non avant celle-ci, les documents versés démontrant leur caractère postérieur.
L'appelante entend faire valoir qu'aucun état des lieux n'a été fait lors de la cession, et qu'elle a dû engager des travaux d'importance en raison de l'hygiène laissant à désirer mais aussi pour parvenir à présenter à la clientèle un lieu en bon état.
Sur ce point, la société [F] ne démontre pas la nécessité des travaux qu'elle aurait entrepris, et s'agissant de l'hygiène, il convient de reprendre le rapport du formateur des 16 et 17 mai 2017 qui indique qu'il n'y a aucune difficulté majeure et qui aurait pu justifier lesdits travaux.
Concernant le débauchage de salariés, notamment Mme [W] et M. [H], la société [F] fait valoir que ceux-ci ont été engagés dans la nouvelle enseigne acquise par M. [P]. Toutefois, il ressort des documents versés aux débats que ces éléments sont postérieurs à l'acquisition mais aussi que l'intimé n'est devenu propriétaire du restaurant concerné que postérieurement à l'embauche des deux salariés.
Concernant les sommes qui seraient dues par M. [P] au titre de dépenses personnelles, il sera noté que l'appelante ne verse aucun élément objectif à l'appui de ses prétentions, ce qui ne permet pas de caractériser des réticences dolosives de la part du cédant lors de la cession, étant rappelé par ailleurs que la société [F] a eu accès à la comptabilité avant la reprise du fonds.
L'appelante entend faire grief à la société Pavilune de ne pas avoir mis en place le système de fidélisation de clientèle proposé par la franchise.
Sur ce point, il est à noter que ce système était optionnel et que par la suite, il appartenait au repreneur de le mettre en place, ce qu'il n'a pas fait. De fait, aucune réticence dolosive ne saurait être retenue à ce titre.
La société [F] fait valoir qu'elle n'a pas été informée des difficultés de la franchise « La Pataterie » lors de son projet de reprise, alors que celle-ci rencontrait des problèmes financiers depuis plusieurs années, et que son chiffre d'affaires se dégradait.
Il est relevé que l'appelante ne conteste pas avoir reçu le DIP concernant l'adhésion ou non à la franchise, mais aussi avoir eu des rendez-vous avec des représentants de celle-ci. Il ressort en outre des différentes pièces versées aux débats que M. [N] a pu être en contact avec d'autres gérants de restaurant exerçant sous la même enseigne et pouvait disposer d'informations à ce titre.
En outre, il appartient au franchisé de réaliser une étude de marché locale pour envisager la rentabilité de l'activité qu'il souhaite créer ou acquérir, qu'il n'appartient au franchiseur de procéder à cette étude de marché et que dès lors, il appartenait à l'appelante de faire le nécessaire pour disposer des informations concernant l'état financier du fonds qu'elle entendait acquérir mais aussi des perspectives économiques qui lui étaient ouvertes à ce titre.
Il ressort en outre des éléments du dossier que l'appelante a eu à sa disposition tous les documents financiers relatifs au fonds de commerce par la remise des comptes mensuels qui démontraient la baisse mensuel du chiffre d'affaires.
Par ailleurs, la baisse du prix de cession a été consentie en raison de la baisse du chiffre d'affaires de la société Pavilune, ce qui démontre que la société [F] avait connaissance de la situation exacte du fonds de restauration qu'elle entendait reprendre et que rien ne lui avait été dissimulé.
Faute pour l'appelante de caractériser l'existence de réticences dolosives de la part du cédant, il convient de rejeter les moyens présentés et de confirmer la décision déférée.
Sur les manquements contractuels de la société Pavilune Invest et M. [P]
La société [F] fait valoir que :
les intimés n'ont pas respecté les engagements pris dans l'acte de cession à savoir la présence de la clientèle, l'absence de fonctionnement de certains matériels et le non-respect de mesures d'hygiène,
M. [P] ne gérait plus le restaurant depuis plusieurs mois et que les factures exigibles avant la cession n'avaient pas été réglées,
les fausses déclarations entraînent l'engagement de la responsabilité contractuelle.
Sur ce,
L'article 1232-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Concernant les griefs mis en avant par l'appelante, il est ressorti de l'analyse déjà faite que celle-ci disposait de tous les éléments d'information lors de l'acquisition du fonds de restauration, y compris s'agissant de l'hygiène ou de la situation des salariés.
Pour ce qui est du fonctionnement du matériel, il ne peut qu'être noté que les parties ne produisent aucun état des lieux, ce qui laisse présumer un bon état des locaux mais aussi des biens meubles cédés.
De plus, la société [F] ne démontre pas qu'elle aurait engager des frais suite à un éventuel manquement de la part de la société Pavilune Invest et M. [P].
En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée.
Sur la demande de réparation formée par la société [F]
La société [F] fait valoir que :
elle a acquis les parts de la société Pavilune pour la somme de 570.000 euros, prix accepté au regard de la situation florissante présentée par les intimées,
l'acceptation de la réduction du prix de 620.000 euros à 570.000 euros par les intimés démontre leur connaissance de la difficulté, notamment avec la baisse du chiffre d'affaires et du résultat net sur les deux dernières années,
elle a dû investir une somme conséquente dans le restaurant pour réaliser uniquement un chiffre d'affaires de 911.968 euros en 2017 et un bénéfice deux fois moins important que l'année précédente (chiffre d'affaires 1.140.244 euros HT en 2016), ce qui a mené à la cession du fonds de commerce pour la somme de 335.000 euros,
le seul actif à valoriser au jour de l'acquisition du bien était le fonds de commerce,
son préjudice doit être fixé à la somme de 235.000 euros soit la différence entre le prix d'acquisition et le prix de revente,
la concluante avait bien intégré la franchise, ce qui est confirmé par le président de la franchise la Pataterie, le paiement de royalties et le protocole de sortie du réseau.
La société Pavilune Invest et M. [P] font valoir que :
la société [F] ne démontre pas que les éléments qu'elle dénonce ont été déterminants dans son consentement,
la société [F] ne démontre aucun préjudice entre l'acquisition et la cession du fonds de commerce, qui sont deux actes différents, d'autant plus que les concluants ont cédé un restaurant sous franchise alors que l'appelante a cédé un fonds de commerce de restauration hors franchise, sans compter que l'appelante n'a jamais adhéré au réseau de la franchise.
Sur ce,
Eu égard à ce qui précède, en l'absence de nullité du contrat de cession mais aussi de responsabilité contractuelle de la part de la société Pavilune Invest et M. [P], les demandes de la société [F] aux fins d'indemnisation ne sauraient prospérer.
De plus, l'appelante a procédé à la cession du fonds de commerce uniquement comme un fonds de restauration sans franchise et ne peut donc se plaindre de ce choix qui relève d'un acte de gestion du dirigeant de la société [F].
Il convient dès lors de confirmer la décision déférée.
Sur les demandes accessoires
La société [F] échouant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande d'accorder à la société Pavilune Invest et M. [P] une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, la société [F] sera condamnée à payer à la société Pavilune Invest et M. [P] la somme de 4.000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel
Déclare recevables les demandes formées par la SAS [F],
Confirme dans son intégralité la décision déférée,
Y ajoutant
Condamne la SAS [F] à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,
Condamne la SAS [F] à payer à la SARL Pavilune Invest et à M. [V] [P] la somme de 4.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE