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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 3 octobre 2024, n° 23/03055

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/03055

3 octobre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03055 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHDW5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 janvier 2023 rendu par Juge des contentieux de la protection pôle de proximité de CHARENTON LE PONT du Tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 11-22-000228

APPELANTE

Madame [S] [I] née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 6] (93)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Odile COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0051

substituée à l'audience par Me Antony FAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0051

INTIMÉE

La société SOGEFINANCEMENT, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 394 352 272, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie MÜH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1256

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Selon offre préalable acceptée le 02 octobre 2015, la société Sogefinancement a consenti à Mme [S] [I] un crédit renouvelable d'une durée d'un an d'un montant maximal autorisé de 7 500 euros remboursable à un taux fonction du montant utilisé et de la durée.

Par avenant du 17 juillet 2017, les parties ont convenu d'un réaménagement du montant dû à cette date de 7 697,66 euros par réduction du montant des mensualités à la somme de 128,76 euros assurance comprise, sur 84 mois du 22 septembre 2017 au 22 août 2024.

Le 25 octobre 2018, Mme [I] a été déclarée recevable en sa demande tendant à bénéficier d'une procédure de surendettement et le 27 janvier 2020, la commission de surendettement des particuliers de Paris a imposé des mesures entrant en application le 29 février 2020 incluant la créance de la société Sogefinancement à hauteur de la somme de 6 640,82 euros et prévu un apurement en 11 mensualités de 0 euro, puis 31 mensualités de 216,70 euros incluant un taux de 0,87% ce qui correspondait au taux légal.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 05 juillet 2022, la société Sogefinancement a fait assigner Mme [I] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Charenton-le-Pont en paiement du solde du prêt, lequel par jugement réputé contradictoire du 10 janvier 2023, a condamné Mme [I] au paiement de la somme de 5 808,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 05 juillet 2022, débouté la société Sogefinancement du surplus de ses demandes et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [I] aux dépens.

Motif pris de ce que la banque ne justifiait pas avoir, trois mois avant le terme du contrat, informé Mme [I] des conditions du renouvellement au mépris des dispositions de l'article L.312-65 du code de la consommation, le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Il a considéré que dès lors la banque ne pouvait prétendre qu'au capital restant dû majoré de l'échéance de crédit impayée soit une somme de 5 808,23 euros et aux intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 06 février 2023, Mme [I] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 05 mai 2023, elle demande à la cour :

de juger que les articles 5.6, 5.7 du contrat de crédit ainsi que le dispositif de rétractation intégré dans ledit contrat constituent autant de clauses abusives justifiant la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Sogefinancement,

en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 808,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2022 et aux dépens,

statuant à nouveau, à titre principal de confirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions, de débouter la société Sogefinancement de l'intégralité de ses demandes, fins, prétentions et conclusions,

à titre subsidiaire et si la cour venait à entrer en voie de condamnation à son encontre, de la condamner à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 808,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2022, de débouter la société Sogefinancement du surplus de sa demande, de dire n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ni au prononcé de l'exécution provisoire,

en tout état de cause, de condamner la société Sogefinancement à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir qu'il résulte de la recommandation n°21-01 du 17 Mai 2021 - contrats de crédit à la consommation (BO DGCCRF du 17 mai 2021, Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, Commission des clauses abusives) que la clause de résiliation est rigoureusement abusive, que la clause pénale de 8% n'est pas un droit légal et que la banque pouvait parfaitement prévoir une clause d'un montant plus faible. Elle la considère abusive dès lors qu'elle se cumule avec les intérêts et a la même finalité.

Elle ajoute que le bordereau de rétractation laisse penser que son usage serait obligatoire et qu'il s'agit là encore d'une clause abusive.

Elle ajoute que la clause qui prévoit la possibilité de résiliation anticipée par la banque en cas de décès de l'emprunteur, alors même que ce décès serait indépendant de sa volonté, est aussi abusive.

Elle déduit de l'existence de ces clauses qu'elles justifient la résolution judiciaire du contrat de prêt et que la banque doit être déboutée de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2023, la société Sogefinancement demande à la cour :

à titre liminaire, de dire n'y avoir lieu à l'organisation d'une médiation ou conciliation,

de déclarer irrecevables l'intégralité des prétentions formulées par Mme [I] comme étant nouvellement formulées en cause d'appel pour la première fois,

à titre principal, de confirmer les termes du jugement rendu le 10 janvier 2023 et en conséquence de débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 5 808,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2022,

en tout état de cause, de condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Elle fait valoir qu'elle s'oppose à toute mesure de médiation, Mme [I] n'ayant jamais répondu à ses courriers de relance.

Elle se prévaut des dispositions des articles 563 à 566 du code de procédure civile et considère que les demandes formées par Mme [I] sont nouvelles en appel.

Elle relève qu'il n'existe pas d'articles 5.6 et 5.7 au contrat litigieux souscrit par Mme [I] en date du 02 octobre 2015, de sorte que cette demande apparaît d'ores et déjà comme mal fondée. Elle ajoute que la pénalité de 8% est autorisée par l'article D.311-6, devenu D.312-16 du code de la consommation et qu'elle est licite, que la recommandation dont se prévaut Mme [I] ne dit pas le contraire. Elle ajoute qu'elle ne demande pas cette pénalité et se réfère au montant reconnu par Mme [I] dans le cadre du plan de désendettement. Elle souligne que les clauses que Mme [I] considère comme abusives sont sans lien avec le litige puisqu'elle a appliqué le plan de surendettement, que Mme [I] n'a pas cherché à se rétracter et n'est pas décédée et qu'au surplus la sanction serait le caractère non écrit des clauses critiquées. Elle souligne que les recommandations dont elle se prévaut sont bien postérieures au contrat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour observe à titre liminaire qu'aucune demande de médiation ne figure dans les dernières demandes et qu'il n'y a pas lieu de se prononcer spécifiquement sur ce point.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 02 octobre 2015 soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la recevabilité des demandes de Mme [I]

Mme [I] n'était ni présente ni représentée en première instance. Dès lors ses demandes présentées pour la première fois en appel sont recevables nonobstant les dispositions citées par la société Sogefinancement qui doivent être écartées en ce cas. Juger le contraire reviendrait de fait à interdire à un défendeur non comparant ni représenté de faire un appel utile et constituerait une atteinte disproportionnée aux droits du défendeur. Mme [I] doit donc être déclarée recevable en ses demandes.

Sur la forclusion

Il résulte de L.311-52 repris dans l'article R.312-35 du code de la consommation que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En matière de crédit renouvelable, cet événement est caractérisé par le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après décision de la commission imposant les mesures.

La recevabilité de l'action de la société Sogefinancement au regard de la forclusion n'a pas été vérifiée par le premier juge. Or en application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce, le réaménagement est intervenu moins de deux ans après la signature du contrat et aucune forclusion n'avait donc pu jouer lors de la signature de l'avenant.

Après l'avenant, le premier impayé non régularisé est intervenu le 22 octobre 2018. Les mesures ont été imposées le 27 janvier 2020 soit moins de deux ans après. Suite à ces mesures, Mme [I] a bénéficié de 11 mensualités à zéro euro du 29 février 2020 au 29 décembre 2020 inclus et la première mensualité exigible était donc celle du mois de janvier 2021. La société Sogefinancement a assigné le 05 juillet 2022, soit moins de deux ans après et est donc nécessairement recevable.

Sur les demandes de Mme [I]

Mme [I] demande à la cour de juger que les articles 5.6 et 5.7 du contrat de crédit ainsi que le dispositif de rétractation intégré dans ledit contrat constituent autant de clauses abusives justifiant la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Sogefinancement.

Ainsi que l'a relevé la banque, il n'existe dans le contrat aucun article 5.6 non plus qu'aucun article 5.7.

S'agissant du droit de rétractation, la sanction serait de voir déclarer la clause non écrite ce qui n'a aucun intérêt dans ce litige, Mme [I] n'ayant pas cherché à se rétracter par quelque moyen que ce soit.

Ses critiques sur la résolution en cas de décès sont également sans intérêt pour le litige dès lors qu'elle ne rentre manifestement pas dans ce cas de figure.

En outre, la banque n'a pas fait jouer la clause résolutoire du contrat mais la clause de caducité des mesures imposées dont elle n'est pas la rédactrice et qui lui permettaient en cas d'impayés de se prévaloir de la caducité du plan et de l'exigibilité des sommes 15 jours après l'envoi d'une mise en demeure infructueuse ce qu'elle a fait le 22 octobre 2021. Elle a ensuite acté cette caducité par l'envoi d'une nouvelle mise en demeure le 25 novembre 2021.

La cour observe qu'en tout état de cause, le plan est arrivé à son terme, les 31 mensualités se terminant en juillet 2023 et que la totalité de la somme est exigible indépendamment de toute déchéance du terme.

Mme [I] doit donc être déboutée de ses demandes et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 808,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 05 juillet 2022.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [I] aux dépens de première instance et en ce qu'il a rejeté la demande de la société Sogefinancement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [I] qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel. Il apparaît toutefois équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare Mme [S] [I] recevable en ses demandes ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Déclare la société Sogefinancement recevable en sa demande ;

Condamne Mme [S] [I] aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE DE CHAMBRE,