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Décisions

CA Lyon, 3e ch. a, 3 octobre 2024, n° 23/04233

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 23/04233

3 octobre 2024

N° RG 23/04233 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7VL

Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 03 mai 2023

RG : 2022/03219

[Y]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

[N]

SELARL MJ SYNERGIE

S.A.R.L. DELPHIN FRANCE

S.A.R.L. VLD DISTRIBUTION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 03 Octobre 2024

APPELANT :

M. [P] [Y]

né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 10]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Julien COMBIER du cabinet FIDAL, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

En la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général

M. [H] [N]

né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

S.A.R.L. DELPHIN FRANCE au capital de 25.000 €, RCS DIJON n°509 240 156, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié de droit en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

S.A.R.L. VLD DISTRIBUTION au capital de 5.000 €, RCS DIJON n°531 350 577, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié de droit en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Jacques LEROY, avocat au barreau de LYON, toque : 1911, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Antoine DULIEU de la SELARL BAILLET DULIEU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE ' MANDATAIRES JUDICIAIRES au capital de 160 000,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce

et des Sociétés de LYON sous le numéro 538 422 056, dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en son établissement de [Localité 8], représentée par Maître [K] [S].

Prise en qualité de Mandataire ayant pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir, le cas échéant, les sommes perçues à l'issue de celles-ci, de la société BIOSPH'AIR EVOLUTION, société à responsabilité limitée au capital social de 5.000 euros, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 523 580 884, dont le siège social était situé [Adresse 7]. Désignée à cette fonction par Jugement du Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE en date du 20 septembre 2023, en applicationde l'article L. 643-9 du Code de commerce

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Jérémy ASTA-VOLA de la SELARL MORELL ALART ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 11 Juin 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Juin 2024

Date de mise à disposition : 19 Septembre 2024, puis prorogé au 03 Octobre 2024, les parties ayant été avisées

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Biosph'air Évolution été placée en liquidation judiciaire à sa demande, le 27 octobre 2021. Le tribunal a désigné la Selarl MJ Synergie, prise en la personne de Me [S], en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 15 juillet 2021.

Le 11 mai 2022, la Selarl MJ Synergie, ès qualités, a assigné M. [P] [Y] en sa qualité de gérant de la société Biosph'air Évolution, au titre de l'insuffisance d'actif constatée aux fins de le juger pour avoir commis des fautes de gestion ayant conduit à une insuffisance d'actif de la société Biosph'air Évolution.

Par jugement contradictoire du 3 mai 2023, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :

déclaré la Selarl MJ Synergie recevable et bien fondée dans ses demandes, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Biosph'air Évolution,

déclaré VLD distribution, Delphin France et M. [H] [N] recevables et bien fondés de leur intervention volontaire,

constaté que M. [P] [Y] est bien gérant de la société Biosph'air Évolution,

condamné M. [Y] à payer à la Selarl MJ Synergie, représentée par Me. [S], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Biosph'air, une contribution pour insuffisance d'actif d'un montant de 215.000 euros,

ordonné qu'il lui soit octroyé des délais de paiement à hauteur de 12 mois afin d'exécuter son obligation en paiement de la condamnation prononcée,

débouté le défendeur de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamné le même au paiement d'une somme de 2.000 euros à la Selarl MJ Synergie au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [Y] au paiement d'une somme de 500 euros à chacun des trois créanciers contrôleurs, à savoir VLD distribution, Delphin France et M. [H] [N],

constaté l'exécution provisoire,

rejeté toutes les demandes,

condamné le défendeur aux entiers dépens.

M. [Y] a interjeté appel par déclaration du 23 mai 2023.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 juin 2024, M. [Y] demande à la cour, au visa de l'article L.651-2 du code de commerce, de :

infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 3 mai 2023 en ce qu'il a :

déclaré la Selarl MJ Synergie recevable et bien fondée dans ses demandes, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Biosph'air Évolution,

condamné M. [Y] à payer à la Selarl MJ Synergie, représentée par Me. [S], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Biosph'air, une contribution pour insuffisance d'actif d'un montant de 215.000 euros,

débouté le défendeur de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamné le même au paiement d'une somme de 2.000 euros à la Selarl MJ Synergie au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [Y] au paiement d'une somme de 500 euros à chacun des trois créanciers contrôleurs, à savoir VLD distribution, Delphin France et M.[N].

Statuant a nouveau :

constater qu'il a été reversé la somme de 41.383,68 euros à la liquidation, diminuant d'autant l'insuffisance d'actifs de la société Biosph'air,

dire et juger que M. [Y] n'a pas commis la moindre faute de gestion susceptible d'engager sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actifs de^la société Biosph'air Évolution.

En conséquence,

débouter la société MJ Synergie, les sociétés VLD distribution et Delphin France et M. [N] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de M. [Y],

En tout état de cause,

condamner solidairement la société MJ Synergie, les sociétés VLD distribution et Delphin France et M. [N] ou qui mieux le devra, au paiement d'une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement la société MJ Synergie, les sociétés VLD distribution et Delphin France et M. [N] ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 6 juin 2024, M. [N], la société Delphin France et la société VLD distribution demandent à la cour, au visa des articles 325 et suivants du code de procédure civile et l'article L.651-2 du code de commerce, de :

confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant,

condamner M. [P] [Y] à verser à chacun des concluants une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 11 juin 2024, la société MJ Synergie, ès-qualités, demande à la cour, au visa des articles L.651-2 et R.643-16 du code de commerce, de :

à titre liminaire :

écarter des débats les pièces n°20 à 25 visées par M. [Y] à savoir :

Pièce n°20 : Rapport d'expertise judiciaire

Pièce n°21 : Modification du parcellaire cadastral

Pièce n°22 : Nouveau Plan Cadastral et relevé de propriété

Pièce n°23 : Photographies inondations

Pièce n°24 : Impôt foncier des locaux professionnels

Pièce n°25 : Attestation de l'assureur

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 3 mai 2023 en ce qu'il a :

déclaré la Selarl MJ Synergie recevable et bien fondée dans ses demandes, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Biosph'air Évolution,

constaté que M. [P] [Y] est bien gérant de la société Biosph'air,

condamné M. [P] [Y] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif,

débouté le défendeur de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamné le même au paiement d'une somme de 2.000 euros à la Selarl MJ Synergie au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,

l'infirmer :

s'agissant du quantum de la condamnation, prononcée à hauteur de 215.000 euros, pour l'actualiser à la somme de 173.696,97 euros, compte tenu du recouvrement de nouveaux actifs,

s'agissant de l'octroi d'office de délais de paiement, cette demande n'ayant jamais été formulée et n'étant justifiée par aucun élément,

En conséquence, et statuant a nouveau sur les chefs du jugement critiques,

condamner M. [Y] [P] à verser à la Selarl MJ Synergie ' mandataires judiciaires, en qualité de mandataire de la société Biosph'air Évolution, ayant pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir, le cas échéant, les sommes perçues à l'issue de celles-ci, la somme de 173.696,97 euros en responsabilité pour insuffisance d'actif,

Y ajoutant et en tout état de cause

rejeter toutes demandes, fins, conclusions contraires,

condamner M. [Y] [P] à verser la somme supplémentaire de 5.000 euros à la Selarl MJ Synergie ' mandataires judiciaires, ès-qualités, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [Y] [P] aux entiers dépens d'appel avec droit de recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

***

Le ministère public, par avis communiqué contradictoirement aux parties le 12 juin 2024 a requis la confirmation de la décision entreprise, sous réserve de la somme retenue de 173.696 euros.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 juin 2024, les débats étant fixés au 20 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à ses dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des nouvelles pièces de l'appelant

La Selarl MJ Synergie, ès-qualités fait valoir que :

l'appelant vise 6 nouvelles pièces dans ses conclusions n°3 notifiées la veille de la clôture,

ces pièces n'ont pas été communiquées concomitamment à ses dernières écritures ou en temps utiles,

elle n'en a pas connaissance et n'a pas été en mesure d'en débattre contradictoirement.

Sur ce,

L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Il est constaté que la veille de la clôture, l'appelant a communiqué un nouveau jeu de conclusions et n'a pas, dans le même temps, communiqué les pièces sur lesquelles il entendait se fonder, celles-ci étant communiquées par un envoi différent.

Or, l'article 15 du code de procédure civile suscité, rappelle les règles concernant les échanges entre les parties pour assurer le principe du contradictoire entre elles. L'échange dans un temps permettant l'examen des conclusions et pièces, le tout dans un délai raisonnable, et qui plus est dans un contexte où l'ordonnance de clôture devait être prononcée sous peu, impose de réelles diligences de la part de la partie qui entend communiquer de nouveaux éléments.

En l'espèce, le conseil de l'appelant n'a pas respecté un délai suffisant permettant à la Selarl MJ Synergie de prendre connaissance des conclusions et pièces nouvelles la veille de la clôture de la mise en état.

Dès lors, il convient de rejeter les pièces n° 20 à 25 communiquées par M. [Y] la veille de l'ordonnance de clôture.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire

M. [Y] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé recevable l'intervention volontaire, sans élever de moyen à l'appui de cette demande.

La société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N] distribution font valoir que :

ils sont contrôleurs des opérations de liquidation judiciaire de la société,

ils sont titulaires d'une créance cumulée représentant 85% du passif déclaré,

ils sont intervenus volontairement en première instance,

l'appelant ne fait pas valoir de moyens au soutien de cette demande d'infirmation.

Sur ce,

L'article 954 alinéa 1 du code de procédure civile dispose : « Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues aux deuxième à quatrième alinéas de l'article 960. Elles formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. »

L'article 31 du code de procédure civile dispose que L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 325 du code de procédure civile dispose que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

L'article 330 du même code dispose que « L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. L'intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention. »

En l'espèce, il convient de rappeler que dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Biosph'air Evolution, la société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N] ont été désignés comme créanciers contrôleurs par ordonnance du 7 janvier 2022 qui n'a fait l'objet d'aucune contestation.

Il n'est pas contesté par ailleurs que ces trois créanciers représentent une part de 85% du passif déclaré et retenu par le juge-commissaire dans son ordonnance globale d'admission des créances du 4 novembre 2022.

La présente procédure portant sur une action en responsabilité pour insuffisance d'actifs, la société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N] sont parfaitement fondés à agir et à faire part de leur position en tant que créanciers principaux du fait de l'objet de cette procédure.

Dès lors, la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur la caractérisation d'une insuffisance d'actifs

La Selarl MJ Synergie fait valoir que :

l'insuffisance d'actif est aujourd'hui certaine,

le passif définitif est de 224.580,65 euros,

la liquidation a permis de recouvrer certaines sommes, de sorte que l'insuffisance d'actif est de 173.696,97 euros,

il ne peut être fait grief au jugement de ne pas avoir tenu compte d'une partie des sommes recouvrées dès lors que le remboursement n'est intervenu que postérieurement à l'audience de plaidoirie en première instance.

La société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N] font valoir que le passif déclaré était de 224.580,65 euros et qu'après recouvrement, l'insuffisance d'actifs s'élève à la somme de 173.696,97 euros.

Le ministère public fait valoir que des sommes ont été recouvrées dans l'intervalle, de sorte que la somme retenue doit être de 173.696 euros.

Sur ce,

L'article L651-2 alinéa 1 du code de commerce dispose : « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. »

Tout d'abord, il n'est pas contesté que M. [Y] était le dirigeant de droit de la société Biosph'air Evolution depuis l'année 2016 jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire de cette société.

Concernant l'insuffisance d'actifs, il convient de rappeler que le passif définitif admis suite à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée mise en 'uvre a été fixé à la somme de 244.580,65 euros.

En première instance, le jugement du tribunal de commerce a retenu une insuffisance d'actifs à hauteur de 215.000 euros.

Cette somme a été contestée dans le cadre de l'appel en raison de recouvrements intervenus postérieurement à l'audience de plaidoirie en première instance.

Le liquidateur judiciaire justifie dans ses écritures et ses pièces de ce que pendant la période entre la plaidoirie de première instance et l'audience de plaidoirie devant la cour d'appel, des ventes sont intervenues, permettant de diminuer le montant de l'insuffisance d'actifs à savoir la vente d'un véhicule de société pour la somme de 9.500 euros et le remboursement d'honoraires de résultat versés de manière injustifiée au cabinet d'avocats Fidal pour la somme de 41.383,68 euros.

Dès lors, le passif peut être fixé à la somme de 173.696,97 euros ce, de manière définitive.

La décision déférée doit donc être infirmée sur ce point.

Sur la caractérisation de fautes de gestion à l'encontre de M. [Y]

La Selarl MJ Synergiefait valoir que :

l'appelant a commis une faute de gestion en inscrivant des sommes en comptabilité obtenues suite au jugement du 2 mai 2019 du tribunal de commerce de Dijon sans constituer en parallèle les provisions nécessaires puisque la décision n'était pas définitive, ce qui a mené à rendre la comptabilité inexacte,

l'appelant avait connaissance du risque sérieux de devoir restituer la somme appréhendée, inhérent à une exécution provisoire, et en raison du fonds du dossier lui-même rendant probable une infirmation,

l'inscription en comptabilité a faussé cette dernière, en masquant derrière un résultat net artificiel bénéficiaire la poursuite abusive d'une activité déficitaire dans un intérêt purement personnel,

la seule circonstance, qui n'est de surcroît pas démontrée, qu'un expert-comptable ait 'attesté de la fidélité des comptes' n'exonère pas l'appelant de sa responsabilité,

l'appelant n'a pas constitué de garantie et n'a pris aucune mesure permettant la restitution des sommes, caractérisant une autre faute de gestion,

la somme précaire a été utilisée au bénéfice de l'appelant ce qui ne relève pas d'une simple négligence mais d'une volonté avérée de faire usage des fonds,

la motivation du tribunal sur les irrégularités comptables est exempte de toute critique,

l'appelant a utilisé le crédit de la société Biosph'air pour la rénovation et l'aménagement d'un bien immobilier lui appartenant, situé sur le même terrain que sa résidence principale, sans indemnité ni contrepartie pour la société,

compte tenu de son activité, la société n'avait pas besoin de ces travaux d'aménagement,

l'appelant ne démontre pas qu'une prise à bail d'un local aurait été plus coûteuse que l'aménagement des locaux,

le bien immobilier de l'appelant a donc bénéficié d'une plus-value,

le fait que le terrain soit inondable n'implique pas l'absence de valorisation du bien immobilier dans le contexte de travaux d'aménagement si importants,

l'appelant a utilisé le crédit de la société Biosph'air pour le remboursement anticipé du crédit en garantie duquel il avait consenti avec son épouse une hypothèque personnelle, au détriment de la trésorerie de la société et en connaissance de sa situation financière,

l'appelant a détourné le reliquat perçu au titre de la saisie-attribution, du prêt garanti par l'État et plus généralement de la quasi intégralité de la trésorerie de la société par le remboursement anticipé du crédit, mais également par des virements à son bénéfice et à celui de son épouse,

il est relevé l'existence d'un virement important dès le lendemain du déblocage du prêt garantie par l'État au profit de l'appelant et de son épouse en remboursement partiels des comptes-courants d'associés, alors qu'ils avaient connaissance de la situation financière délicate de la société, ce qui caractérise une faute,

il n'est pas démontré que ces virements correspondaient à la rémunération de M. [Y] ou venaient en remboursement de retards de loyers,

les virements ont été intitulés « retraits » et n'indiquent pas de remboursement de loyers,

l'appelant, également bailleur, a augmenté les loyers dus par la société sans justification, au détriment de la société Biosph'air qui a payé spontanément et a asséché sa trésorerie, ce qui caractérise une faute de gestion, et démontre un enrichissement personnel de l'appelant,

il n'est pas démontré que ces paiements viennent en apurement de loyers en retard,

la comptabilité de la société liquidée est donc insincère ce qui caractérise une faute de gestion,

s'ils étaient justifiés, les virements au profit de l'appelant et de son épouse ne pouvaient toutefois être réalisés s'agissant du paiement préférentiel de certains créanciers,

en ne payant pas mensuellement les sommes dues dès leur exigibilité, l'appelant a commis une faute en poursuivant l'activité déficitaire de la société,

La société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N] font valoir que :

l'appelant a commis une faute en remboursant de façon anticipée un prêt non exigible dont il était avec son épouse caution hypothécaire,

ce remboursement a été financé en intégralité par les sommes saisies à la société Delphin France,

le remboursement a manifestement été réalisé dans l'intérêt personnel de l'appelant qui recherchait l'extinction de son hypothèque,

l'importance et la nature des travaux d'aménagement réalisés sur le bien immobilier de l'appelant démontrent qu'il en a bénéficié,

le remboursement anticipé a asséché la trésorerie de la société Biosph'air, ce qui n'était pas dans son intérêt ; d'ailleurs, l'appelant a rapidement souscrit un nouveau crédit par le prêt garanti par l'État,

le remboursement d'une dette non exigible a conduit à la cessation des paiements en faisant obstacle au remboursement d'une dette exigible, de sorte que le paiement préférentiel prohibé est caractérisé,

l'appelant a viré dès le lendemain de son obtention le prêt garanti par l'État, qu'il n'a jamais remboursé, démontrant son attitude cavalière,

l'appelant n'a pas conservé les facultés de restitution de sa société en oubliant le caractère provisoire des fonds saisis à la concluante ; l'absence de provision comptable et financière constitue une faute de gestion,

la mise en 'uvre de la faculté d'exécution provisoire se fait aux risques et périls de l'appelant,

l'appelant a commis une faute de gestion par le versement de loyers majorés importants à lui-même et son épouse, alors qu'il avait connaissance de la situation financière difficile de sa société,

l'appelant ne démontre pas qu'il ne s'agirait que d'arriérés de loyers, notamment en ne produisant pas le bail et en ne les inscrivant pas en comptabilité,

la poursuite de l'intérêt personnel de l'appelant au détriment de la société Biosph'air est caractérisée par la perception des loyers, et par les travaux d'aménagement valorisant son patrimoine,

quand bien même les versements complémentaires de loyers correspondraient à des arriérés de loyers, il s'agirait d'une faute de paiements préférentiels faits par le gérant à son profit au détriment des créanciers,

le remboursement des comptes courants d'associés de l'appelant et de son épouse constitue une faute de gestion, par des paiements préférentiels au détriment des créanciers alors que la société rencontrait une situation financière 'dramatique' de l'aveu de son gérant,

la somme concernée par le remboursement des comptes courants d'associés n'est pas particulièrement faible,

chaque faute de gestion a été caractérisée par le tribunal,

l'instance a été initiée par le liquidateur pour recouvrer l'intégralité de l'insuffisance d'actif, et non seulement pour la créance de la société Delphin France.

Le ministère public fait valoir que :

l'appelant a commis une faute de manipulation comptable masquant aux tiers la situation déficitaire de l'exploitation en portant une somme attribuée par le tribunal de commerce de Dijon en produit exceptionnel de l'exercice, sans inscrire une provision pour le risque lié à l'appel,

l'appelant a fait financer d'importants travaux sur un bien immobilier lui appartenant par la société ; il a opéré des remboursements anticipés de ce prêt aux fins de se dégager de l'hypothèque prise sur son bien au détriment de la trésorerie de la société ; qui plus est, des loyers importants étaient versés par la société aux époux [Y] pour l'occupation de leur bien immobilier,

les remboursements par le couple [Y] de leurs comptes-courants ont obéi été effectués dans la même logique de recherche d'enrichissement au détriment de la personne morale ; alors qu'un prêt garanti par l'État avait été accordé la veille, ils ont aspiré toute cette trésorerie.

M. [Y] fait valoir que :

l'instance n'a été introduite que dans l'intérêt d'un seul créancier,

les travaux d'aménagement des locaux servaient exclusivement les besoins de l'activité de la société Biosph'air et ils ont modifié la parcelle pour l'affecter aux locaux professionnels,

il était plus économique d'aménager ces locaux que de prendre à bail un local dans une zone commerciale,

il n'y a pas eu de valorisation de l'immeuble car il est en zone inondable non constructible ; les locaux ne sont plus exploités et non sont pas exploitables, et ne sont pas utilisés par le concluant ou son épouse,

le remboursement anticipé du prêt n'était pas un agissement contraire aux intérêts de la société puisqu'il s'agissait de désendetter la société pour faire face aux difficultés rencontrées en conséquence des agissements des sociétés Delphin France et VLD Distribution,

il a agi de bonne foi,

le remboursement anticipé d'un prêt diminuant l'actif et le passif ne constitue pas une faute de gestion,

la preuve n'est pas rapportée que le remboursement s'est fait via les sommes perçues dans le cadre du litige l'opposant à la société Delphin France,

l'usage de la somme perçue par la société Biosph'air était libre, seule une imprudence pouvant être relevée concernant le défaut de constitution d'une provision,

le remboursement n'est pas intervenue de manière concomitante à l'arrêt réformatif rendu par la cour d'appel de Dijon,

le risque de réformation n'était ni certain ni probable compte tenu des éléments du dossier de sorte qu'il n'y avait pas lieu de constituer une provision, qui n'aurait pas non plus été acceptée par l'administration fiscale, et le comptable n'a pas jugé bon de le faire,

la comptabilité était cohérente puisque la somme reçue a été passée en résultat exceptionnel avec paiement d'impôts à ce titre,

l'attribution du prêt garantie par l'État est issu d'une demande de sa banque à laquelle il a répondu du fait du contexte difficile,

les loyers versés correspondent au paiement d'arriérés auxquels la société liquidée était tenue, les paiement intervenant en fonction des capacités contributives de celles-ci, comme c'était le cas lors d'exercices antérieurs,

le paiement des loyers est conforme à l'objet social de la société Biosph'air,

le paiement des comptes-courants d'associés comprenait la rémunération du concluant et de son épouse ainsi que des loyers, ce qui renvoie à un transit des sommes,

le transit des fonds via les comptes-courants ne constitue pas une faute mais une simple négligence,

aucun élément ne démontre qu'il a reçu à titre personnel les fonds issus du litige ou du prêt garanti par l'État.

Sur ce,

L'article L653-3 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

2° (Abrogé).

3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

II.- Que Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V les faits ci-après :

1° (Abrogé)

2° Sous le couvert de l'activité ou du patrimoine visés par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ou de ce patrimoine ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant.

L'article L653-5 du code de commerce dispose : Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.

Sur le grief de tenue d'une comptabilité inexacte

L'article L123-14 du code de commerce dispose que les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.

Sur ce point, le grief porte sur l'imputation dans les comptes annuels du produit exceptionnel issu du procès en première instance contre la société Delphin France, et le défaut de prise en compte du fait que cette dernière société avait interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Dijon le 2 mai 2019.

S'il est bien indiqué en produit exceptionnel la somme reçue au titre de la condamnation en première instance à hauteur de 143.000 euros, il est constaté qu'aucune provision pour litige, risques ou charges n'est passée en contrepartie pour tenir compte de l'appel et donc du caractère incertain des produits reçus.

Enfin, la mention utilisée dans les comptes concernant cette somme à savoir « Indem. Delphin France Procès », sans aucune contrepartie en matière de provision laisse entendre que le gain de cette somme est définitif.

Cela a pour effet de rendre la comptabilité inexacte et de donner une image faussée de la situation de la société Biosph'air Evolution puisque le résultat de cette dernière pour l'année 2019 est faussé faute de mise en 'uvre d'une provision pour risque, et il en est de même concernant l'exercice 2020.

Si l'appelant entend faire valoir qu'il n'y avait lieu à inscrire une provision, il omet de considérer le fait que l'exécution d'une décision frappée d'appel se fait aux risques de celui qui poursuit l'exécution conformément à l'article L110-10 du code des procédures civiles d'exécution.

En outre, l'appelant ne peut se prévaloir de l'absence de suspension de l'exécution provisoire par la juridiction du Premier Président de la cour d'appel de Dijon puisque la mesure de saisie-attribution qu'il avait diligentée en tant que dirigeant de la société Biosph'air Evolution avait déjà été exécutée le 16 juillet 2019, l'arrêt de la juridiction étant rendu le 5 novembre 2019.

En outre, M. [Y] était informé par son propre conseil de ce que même dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, des questions seraient posées concernant le sort des sommes concernant le litige avec la société Delphin France, et notamment le fait qu'elles n'étaient plus disponibles alors que lesdites sommes avaient été obtenues à titre provisoire.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il appert que M. [Y], en tant que dirigeant de la société Biosph'air Evolution, avait connaissance de la situation, mais aussi du risque encouru concernant le défaut d'inscription dans les comptes de la société d'une provision. Il ne peut se retrancher derrière son expert-comptable, puisque la présentation de comptes conformes à la réalité de la société est de la responsabilité du seul dirigeant de celle-ci.

M. [Y] ne peut se prévaloir d'une simple négligence alors même qu'il a été averti par son conseil et qu'il avait connaissance que la décision qui lui était favorable était remise en cause ce qui occasionnait un risque menant à inscrire des sommes dans les comptes de provision sur charge ou risques, et pas uniquement à inscrire des sommes en produit exceptionnel.

En conséquence, la faute reprochée à M. [Y] est constituée et la décision déférée doit être confirmée.

Sur le grief d'usage des biens ou crédits de l'entreprise dans un intérêt contraire à celle-ci et à des fins personnelles et le paiement préférentiel d'un créancier

Il est constant que la société Biosph'air Evolution a conclu le 9 février 2012 un prêt sur 179 mois pour 200.000 euros aux fins d'aménagement de bâtiment à usage professionnel, sis [Adresse 7], ce bâtiment étant attenant au domicile de l'appelant et de son épouse. Il est constant par ailleurs que des hypothèques ont été prises sur l'habitation principale de l'appelant au titre de ce prêt.

Il ressort des pièces versées aux débats que la somme obtenue via le prêt a permis la réhabilitation d'un hangar attenant au domicile de l'appelant et de son épouse, ce qui ne peut que constituer une valorisation totale du bien leur appartenant. En outre, les travaux ont rendu les locaux habitables.

Il ressort des éléments du dossier que la société Biosph'air Evolution a procédé au remboursement anticipé le 26 juin 2020 suite à l'obtention d'une partie de l'indemnité due par la société Delphin pour la somme de 72.574,09 euros

En outre, un second remboursement anticipé est intervenu le 25 juin 2021, soit le lendemain de l'arrêt infirmant la décision de première instance, pour la somme de 27.757,02 euros ce qui a totalement soldé le prêt.

L'usage des sommes obtenues de la société Delphin, pour lesquelles aucune provision n'avait été passée, ne peut que poser difficulté dans le sens où elle a permis un paiement préférentiel d'un créancier de la société Biosph'air Evolution mais a également permis de lever les hypothèques prises sur le domicile de l'appelant et de son épouse, ce qui leur permettait de bénéficier d'un patrimoine valorisé et non gagé.

La date du second remboursement pose difficulté puisqu'elle intervient au lendemain de l'arrêt infirmant la décision de première instance qui oblige, de fait, la société Biosph'air Evolution à rembourser les sommes obtenues par le biais des mesures d'exécution forcée sur la société Delphin.

La précipitation dans le remboursement démontre un usage de l'argent obtenu contraire à l'intérêt social de la société Biosph'air Evolution puisque celle-ci se trouve en défaut de paiement à l'égard d'un créancier pour lequel elle n'a passé aucune provision, et a préféré rembourser une prêt qui n'était pas exigible ou échu que ce soit en 2020 ou en 2021.

En procédant de la sorte, le gérant a épuisé la trésorerie de la société Biosph'air Evolution qui depuis 2018, connaissait une exploitation déficitaire.

Le grief querellé est ainsi constitué.

Il a de plus été renouvelé à l'occasion de la souscription d'un PGE pour la somme de 24.710 euros virée sur le compte de la société le 2 juillet 2020. Il est constaté que dès le lendemain, cette somme était virée vers les comptes de M. [Y] et de son épouse aux fins de remboursement de leurs comptes-courants d'associés et n'a pas servi à poursuivre l'exploitation de la société ou à abonder sa trésorerie, ce qui démontre là encore un usage des biens de la société dans un but contraire à l'intérêt social de celle-ci, mais aussi la réalisation d'un paiement préférentiel de certains créanciers alors même que l'activité de la société Biosph'air Evolution était déjà déficitaire à l'époque.

Le grief querellé est ainsi constitué.

Il convient de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur le grief de poursuite d'une activité déficitaire

Sur ce point, il convient de renvoyer dans un premier temps aux développements s'agissant de l'usage de la trésorerie à des fins contraires à l'intérêt social de la société Biosph'air Evolution, le paiement de créanciers de manière préférentielle ayant mené à assécher la trésorerie d'une société qui connaissait une activité déficitaire depuis 2018 comme le démontrent les éléments versés aux débats par le liquidateur judiciaire.

Par ailleurs, les différentes pièces permettent de démontrer que sur la période querellée, le bailleur de la société Biosph'air Evolution, c'est-à-dire l'appelant, a procédé à des virements supplémentaires au titre des loyers avec des mouvements de 3.700 euros et 300 euros, le 2 juillet 2021 et de 2.000 euros le 7 juillet 2021, intitulés « virement web M. ou Mme [Y] règlement loyers arriérés » alors qu'aucun élément n'indique un retard de loyer lors des échéances précédentes dans les grands livres de la société Biosph'air Evolution.

En outre, les dates de ces différents paiements sont concomitantes à l'arrêt de la cour d'appel de Dijon qui se prononçait finalement en faveur de la société Delphin.

En procédant de la sorte et en continuant son activité malgré l'absence de trésorerie, M. [Y] a maintenu en activité la société Biosph'air Evolution alors qu'elle ne disposait plus d'aucune trésorerie puisqu'il l'avait épuisée dans un intérêt contraire à celui de la société, ce qui ne pouvait qu'augmenter le passif de la société.

Le grief querellé est donc constitué. La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.

Sur la contribution des fautes de gestion à l'insuffisance d'actif

La société MJ Synergie, ès-qualités fait valoir que :

l'absence de provision pour risque et de mesures garantissant la restitution empêchent le remboursement du créancier qui a déclaré un passif supplémentaire,

la souscription d'un emprunt bancaire pour les travaux d'aménagement outre frais et intérêt a indubitablement contribué à l'insuffisance d'actif,

le remboursement anticipé de cet emprunt a en tout état de cause augmenté l'insuffisance d'actif à sa hauteur, mettant en péril la société en asséchant sa trésorerie et conduisant à la souscription d'un prêt garanti par l'État, soit une nouvelle charge,

chaque somme versée à l'appelant et son épouse a diminué d'autant la trésorerie de la société et la capacité de remboursement des créanciers,

l'utilisation du prêt garanti par l'État pour rembourser le compte courant d'associé de l'appelant est de manière certaine liée à l'insuffisance d'actif, la créance ayant été déclarée au passif,

le remboursement partiel des comptes courants d'associés alors que la société rencontrait des difficultés l'a privée d'une partie de sa trésorerie nécessaire et au paiement de ses créanciers, pour des montants très élevés,

l'augmentation du prix des loyers supportée par la société a contribué à l'insuffisance d'actif,

le jugement a parfaitement caractérisé la contribution de chaque faute.

La société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N] distribution font valoir que :

la contribution à l'insuffisance d'actif de l'absence de provision est manifeste alors qu'il aurait dû veiller à la conservation des fonds,

l'appelant a soustrait la somme totale de 180.000 euros dans son intérêt personnel et celui de son épouse par le remboursement anticipé, les loyers majorés et les versements sur les comptes courants d'associés, somme correspondant à l'insuffisance d'actifs,

l'absence de provision comptable a permis la réalisation de ces dépenses.

Le ministère public fait valoir que les fautes de gestion de l'appelant ont aggravé le passif et empêché tout redressement.

M. [Y] fait valoir que :

les seules dettes sont d'une part à hauteur de 85% issue de la réformation d'une décision de première instance, et d'autre part le solde d'un prêt garanti par l'État non échu, aucune dette sociale ou fiscale n'étant déclarée au passif ce qui démontre le lien entre l'insuffisance d'actifs et une éventuelle mauvaise gestion,

la société Delphin France et la société VLD Distribution sont responsables de la liquidation judiciaire en raison de l'arrêt des livraisons pour la première et du pillage des vendeurs pour la seconde,

la preuve du lien entre le remboursement anticipé d'un prêt et l'insuffisance d'actif n'est pas rapportée par le liquidateur judiciaire, et il en va de même concernant le passage d'une provision,

le paiement des loyers n'a pas contribué à l'insuffisance d'actif.

Sur ce,

Les fautes de gestion commises par M. [Y] démontrent que ce dernier a fait un usage de la trésorerie de la société à des fins personnelles et a privé celle-ci des fonds dont elle avait besoin pour son bon fonctionnement, notamment concernant le PGE.

Le choix de privilégier le remboursement d'un prêt non échu ou le remboursement des comptes-courants d'associés alors que la trésorerie était basse démontre également que l'appauvrissement de la société ne pouvait qu'intervenir au terme de ces différents mouvements financiers.

En outre, l'absence de provision concernant les sommes reçues à titre provisoire, étant rappelé que l'exécution provisoire d'une décision de justice se fait toujours aux risques et périls de la personne qui l'exécute, a eu pour effet de présenter une comptabilité erronée mais aussi d'éviter de bloquer les sommes qui aurait pu être rendues suite à l'arrêt d'appel, fait qui s'est réalisé.

M. [Y], en ignorant les règles de la comptabilité, mais aussi en gérant la trésorerie de la société Biosph'air Evolution comme si elle était la sienne et non celle d'une personne morale a, de fait, généré l'insuffisance d'actifs aujourd'hui constatée qui ne permet pas de rembourser les créanciers de la société Biosph'air Evolution alors même que l'appelant dispose à présent d'une annexe à son logement entière restaurée et qui permet d'accueillir des personnes, et d'un patrimoine qui n'est plus affecté par une mesure d'hypothèque.

En privant la société Biosph'air Evolution de toute trésorerie, l'appelant a constitué le passif de cette société tel qu'il est constaté aujourd'hui.

L'ensemble des fautes retenues à l'encontre de M. [Y] qui démontrent la mauvaise gestion de l'appelant est à l'origine de l'insuffisance d'actifs.

La décision déférée doit donc être confirmée sur ce point.

Sur la condamnation de l'appelant à combler l'insuffisance d'actif

La Selarl MJ Synergie fait valoir que :

les agissements de l'appelant étaient volontaires,

l'appelant a agi dans son intérêt personnel contrairement à l'intérêt social,

les fautes ne sont pas de simples négligences permettant d'échapper à une condamnation,

il doit être tenu compte des sommes recouvrées qui ont diminué l'insuffisance d'actif.

La société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N] font valoir que les fautes de gestion sont graves et ont été réalisées dans l'intérêt personnel de l'appelant.

Le ministère public fait valoir que :

l'aggravation du passif et l'empêchement de tout redressement par les fautes de l'appelant justifient sa condamnation,

des sommes ont été recouvrées dans l'intervalle.

M. [Y] fait valoir qu'il a été condamné à combler une insuffisance d'actifs pour un montant supérieur au passif de la liquidation judiciaire car des sommes ont été recouvrées depuis.

Sur ce,

L'article L651-2 alinéa 1 du code de commerce dispose : « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le code civil applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et non assujettie à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant. »

Eu égard aux fautes commises par M. [Y], qui ne sont pas de simples négligences au regard du caractère organisé des fautes, notamment les dates de virement qui coïncident avec l'absence de mise en 'uvre de provision, la date de l'arrêt infirmant la décision de première instance dans le litige opposant la société Biosph'air Evolution à la société Delphin, ou bien le remboursement des comptes-courants d'associés lors de l'obtention du PGE, la condamnation de l'appelant au remboursement de l'insuffisance d'actifs s'impose, étant rappelé qu'il convient de tenir compte des sommes recouvrées dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

Ainsi, il convient d'infirmer la décision déférée mais seulement en ce qu'elle a condamné M. [Y] à payer la somme de 215.000 euros, l'appelant étant condamné à payer la somme de 173.696 euros.

Sur la demande de délais de paiement

La Selarl MJ Synergie fait valoir que :

les délais de paiement ont été accordés d'office à l'appelant qui ne les sollicitait pas,

l'appelant ne présente pas cette demande à hauteur d'appel,

l'octroi de délais de paiement n'est justifié par aucun élément.

Sur ce,

L'article 1343-5 alinéa 1 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, les premiers juges ont accordé des délais de paiement à M. [Y] alors que ce dernier n'en avait pas fait la demande, le tribunal excédant sa saisine.

Il est noté qu'à hauteur d'appel, l'appelant ne présente pas cette demande ni n'en demande la confirmation.

Les éléments de l'espèce ne démontrent pas en outre la nécessité d'octroyer des délais de paiement à l'appelant.

En conséquence, la décision déférée sera infirmée sur ce point.

Sur les demandes accessoires

M. [Y] échouant en ses prétentions, il sera condamné à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande d'accorder à la Selarl MJ Synergie une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, M. [Y] est condamné à lui verser la somme de 4.000 euros.

L'équité commande d'accorder à la société Delphin, la société VLD Distribution et M. [N], une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, M. [Y] sera condamné à verser à chacune des parties la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Déclare irrecevables les pièces n° 20 à 25 communiquées par M. [P] [Y],

Confirme la décision déférée sauf en ce que :

elle a retenu une insuffisance d'actifs à hauteur de 215.080,65 euros,

elle a condamné M. [P] [Y] à payer la somme de 215.000 euros en contribution à l'insuffisance d'actifs

elle a accordé des délais de paiement à M. [P] [Y]

Statuant à nouveau et y ajoutant

Fixe l'insuffisance d'actifs à la somme de 173.696,97 euros,

Condamne M. [P] [Y] à payer à la Selarl MJ Synergie, en qualité de mandataire de la SAS Biosph'air Évolution, la somme de 173.696 euros à titre de contribution à l'insuffisance d'actifs,

Rejette l'octroi de délais de paiement,

Condamne M. [P] [Y] à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne M. [P] [Y] à payer à la Selarl MJ Synergie, en qualité de mandataire de la SAS Biosph'air Évolution, la somme de 4.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [Y] à payer à la SARL Delphin France la somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [Y] à payer à la SARL VLD Distribution la somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [Y] à payer à M. [H] [N] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE