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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 3 octobre 2024, n° 24/02038

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Joset, Me Herpin

TJ Valence, du 22 mai 2024, n° 24/01300

22 mai 2024

Faits et procédure

Mme [Z] [Y] épouse [U] exerce l'activité d'infirmière libérale. Elle est en arrêt maladie depuis avril 2023.

Le 29 avril 2024, elle a fait une déclaration de cessation des paiements et a sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement du 22 mai 2024, le tribunal judiciaire de Valence a notamment :

- prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de Mme [Z] [Y] épouse [U],

- fixé au 29 avril 2024 la date de cessation des paiements,

- désigné [M] [I] en qualité de juge commissaire et [G] [R] en qualité de juge commissaire suppléant,

- désigné Me [H] [K] en qualité de liquidateur,

- désigné la Scp de Lostalot-Monteillet aux fins de réalisation de l'inventaire et de la prisée,

- employé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration du 31 mai 2024, Mme [Z] [Y] épouse [U] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a prononcé sa liquidation judiciaire, fixant la cessation des paiements au 29 avril 2024, avec désignation d'un liquidateur et d'un commissaire priseur pour établir un inventaire.

Par acte du 20 juin 2024, Mme [Z] [Y] épouse [U] a assigné en intervention forcée Me [H] [K] en qualité de liquidateur.

La clôture de l'instruction du dossier a été prononcée le 5 septembre 2024.

Prétentions et moyens de Mme [Z] [Y] épouse [U]

Par dernières conclusions remises le 4 septembre 2024, elle demande à la cour de :

- donner acte à Mme [Z] [Y] épouse [U] de ce qu'elle a assigné en intervention forcée maître [H] [K], dans la présente procédure, suite à l'appel interjeté par Mme [Z] [Y] épouse [U] contre le jugement rendu le 22 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Valence,

- déclarer Mme [Z] [Y] épouse [U] recevable et bien fondée à demander à la cour la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a ouvert à son encontre une procédure de liquidation judiciaire,

Statuant à nouveau,

- prononcer au bénéfice de Mme [Z] [Y] épouse [U] une procédure de redressement judiciaire,

- fixer la période d'observation à une période de 12 mois,

- désigner les organes de la procédure qu'il plaira à la cour,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle expose que :

- elle est en arrêt maladie depuis le mois d'avril 2023, son état ne lui permettant pas pour l'instant de reprendre son emploi,

- elle est redevable de diverses dettes professionnelles ainsi que de quelques dettes personnelles,

- il lui a été indiqué qu'une procédure de liquidation judiciaire permettrait l'effacement des dettes sans qu'il lui soit expliqué les conséquences d'une telle procédure,

- elle a donc sollicité la liquidation judiciaire dans l'ignorance de ses conséquences,

- elle n'en a mesuré les effets qu'après avoir échangé avec maître [H] [K],

- elle peut faire face à son passif avec une reprise de son activité dans un délai raisonnable, sa situation n'étant pas irrémédiablement compromise,

- les créances déclarées auprès de Me [K] s'élève à 32.556,58 euros et son endettement n'est donc pas de 100.000 euros comme indiqué par le ministère public, étant relevé que son époux a usurpé son identité pour souscrire différents crédits à son profit,

- il ne peut être considéré que de nouvelles dettes vont être créées alors qu'elle bénéficie d'indemnités journalières d'un montant de 83,80 euros lui permettant de faire face à ses dépenses quotidiennes et qu'elle espère reprendre dans les meilleurs délais son activité,

- le dernier bilan de son activité laissait apparaître un bénéfice de 37.636 euros,

- elle peut apurer son passif dans le cadre d'un plan de redressement.

Prétentions et moyens de maître [H] [K], liquidateur judiciaire de Mme [Z] [Y] épouse [U]

Par dernières conclusions remises le 4 septembre 2024, il demande à la cour de:

- débouter Mme [Z] [Y] épouse [U] de ses prétentions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Valence,

- employer les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Il expose que :

- l'état de cessation des paiements n'est pas contestable, ni contesté par Mme [Z] [Y] épouse [U],

- si les créances déclarées entre ses mains s'élèvent à la somme de 32.556,58 euros, il résulte de la liste qu'elle a remise des dettes pour un montant de 66.100 euros outre des prêts familiaux pour 15.000 euros, à l'évidence l'ensemble des créanciers n'ont pas déclaré leurs créances,

- l'actif disponible est presque nul,

- Mme [Z] [Y] épouse [U] n'a aucune date de reprise de son activité professionnelle,

- en l'absence d'activité, tout redressement judiciaire s'avère impossible et le prononcé d'un redressement entraînerait la création de nouvelles dettes,

- Mme [Z] [Y] épouse [U] ne communique aucun prévisionnel,

- la présentation d'un plan de redressement au regard de l'état des dettes apparaît utopique.

Conclusions de ministère public

Le 2 septembre 2024, le ministère a conclu à la confirmation du jugement en faisant valoir que Mme [Z] [Y] épouse [U] est en arrêt maladie depuis plus d'un an et ne propose aucune date de reprise de son activité et que les dettes d'un montant d'environ 100.000 euros ne peuvent que s'accumuler. Il a repris oralement ses conclusions à l'audience.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

En l'espèce, les créances déclarées entre les mains du liquidateur s'élèvent à la somme de 32.556,58 euros.

Il résulte des relevés bancaires produits par Me [K] que le compte bancaire ouvert par Mme [Z] [Y] épouse [U] à la Société générale a un solde créditeur de 350,99 euros au 11 mai 2024, que celui ouvert auprès du Crédit Agricole a un solde créditeur de 612,10 euros au 21 mai 2024 et que le livret A a un solde créditeur de 29,24 euros.

Mme [Z] [Y] épouse [U] ne peut donc faire à son passif exigible avec son actif disponible et se trouve en état de cessation des paiements.

Elle reconnaît au demeurant cet état de cessation des paiements et s'oppose uniquement au prononcé d'une liquidation judiciaire en considérant que son redressement est possible.

Aux termes de l'article 631-1, la procédure de redressement est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

Il est constant que Mme [Z] [Y] épouse [U] est en arrêt maladie depuis avril 2023. Elle indique espérer reprendre une activité dans un délai raisonnable. Toutefois, le certificat médical du 30 mai 2024 qu'elle verse aux débats mentionne que son état de santé a nécessité un arrêt maladie depuis le 20 mars 2023 sans date de reprise de travail envisagée pour le moment. Elle ne communique aucun élément plus récent venant infirmer ces constatations.

Il en résulte que la débitrice se trouve en arrêt pour maladie depuis 18 mois sans date de reprise prévue dans les mois à venir.

Elle n'exerce donc aucune activité à ce jour et aucune reprise n'apparaît devoir intervenir dans les mois à venir.

En l'absence d'activité, l'un des buts du redressement judiciaire consistant en la poursuite de l'activité ne peut être réalisé.

Elle ne peut aussi produire un prévisionnel, son avenir professionnel et financier étant incertain. Ses indemnités de prévoyance à hauteur de 83,80 euros par jour sont ainsi conditionnées à l'avis de l'expert de la compagnie d'assurance au vu des termes du contrat et de son état de santé. En outre, elles sont moindres que les revenus que lui procurait son activité professionnelle alors même que celle-ci ne lui permettait pas de régler ses charges, certaines dettes étant anciennes ainsi que relevé par le liquidateur.

Dès lors, même si son passif s'élève à 32.556 euros et non à 100.000 euros, un plan ne peut être mis en place au regard de sa situation d'inactivité professionnelle destinée à se prolonger. En l'absence de possibilité d'un redressement, le tribunal a prononcé à juste titre l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ainsi que le sollicitait au demeurant Mme [Z] [Y] épouse [U].

Le jugement du 22 mai 2024 sera confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 22 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Valence en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure collective.