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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 3 octobre 2024, n° 23/03378

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/03378

3 octobre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03378 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEST

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 novembre 2022 rendu par le pôle de proximité du Tribunal judiciaire d'EVRY - RG n° 21/01345

APPELANTE

SAS THALASSO N°1 immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 445 339 138, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qulaité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Me Pierre BOUSQUET de la SELEURL ROCHE BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D2052

INTIMÉS

Monsieur [K] [L] né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 12] (93)

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représenté par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau de l'ESSONNE

Madame [B] [U] épouse [L] née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 11]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau de l'ESSONNE

LA SOCIÉTÉ CARREFOUR VOYAGES, immatriculée au RCS d'Evry sous le numéro 379 601 974 agisant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 13]

[Localité 6]

Représentée par Me Rémy BARADEZ de la SELARL BREMARD-BARADEZ & ASSOCIÉS, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Marylène BOGAERS,

Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat du 6 avril 2019, M. [K] [L] et Mme [B] [U] épouse [L] ont réservé auprès de la société Carrefour Voyages un séjour aux Bahamas d'un montant de 3 076,35 euros comprenant les vols avec une correspondance à [Localité 8]. Le contrat indique que la société Thalasso n°1 est organisateur. En raison d`un ouragan, M. et Mme [L] sont restés bloqués à l'aller à l'aéroport d'[Localité 8] où ils sont restés 3 jours avant d'être rapatriés. La société Carrefour Voyages leur a remboursé la somme de 1 500 euros.

Par contrat du 17 octobre 2019, M. et Mme [L] ont réservé auprès de la société Carrefour Voyages un séjour aux Maldives d'un montant de 4 926 euros comprenant les vols. Le contrat indique que la société Ceilao Tours Private Limited est organisateur. Le séjour a été réalisé pendant la crise du Covid 19.

Par acte du 20 août 2021, M. et Mme [L] ont assigné la société Carrefour Voyages devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire d'Evry en indemnisation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis lors de ces deux voyages et par actes des 29 octobre 2021 et 04 janvier 2022, la société Carrefour Voyages a attrait en garantie les sociétés Thalasso n°1 et Ceilao Tours Private Limited.

Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2022, le pôle de proximité du tribunal judiciaire d'Evry a :

condamné in solidum les sociétés Carrefour Voyages et Thalasso n°1 à payer à M. et Mme [L] pour le voyage aux Bahamas la somme de 1 576 euros en réparation de leur préjudice matériel et la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice moral,

condamné la société Thalasso n°1 à garantir la société Carrefour Voyages de toute condamnation prononcée à son encontre au titre du voyage aux Bahamas,

débouté M. et Mme [L] de toute demande contre la société Ceilao Tours Private Limited au titre du voyage aux Bahamas,

condamné in solidum les sociétés Carrefour Voyages et Ceilao Tours Private Limited à payer à M. et Mme [L] pour le voyage aux Maldives la somme de 644 euros en réparation de leur préjudice moral,

débouté la société Carrefour Voyages de toute demande en garantie contre la société Ceilao Tours Private Limited au titre du voyage aux Maldives,

débouté M. et Mme [L] de toute demande contre la société Thalasso n°1 au titre du voyage aux Maldives,

condamné in solidum les sociétés Carrefour Voyages, Thalasso n°1 et Ceilao Tours Private Limited aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à M. et Mme [L],

condamné la société Thalasso n°1 à payer la somme de 500 euros à la société Carrefour Voyages sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la société Carrefour Voyages de ses demandes contre M. et Mme [L] et contre la société Ceilao Tours Private Limited sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant du voyage aux Bahamas, le tribunal a relevé que l'action était fondée sur la responsabilité de plein droit des agences de voyages édictée par le code du tourisme, au motif que les prestations promises ne leur avaient pas été fournies, et non sur celles du Règlement CE 11° 261/2004, de sorte qu'il ne pouvait leur être reproché de ne pas avoir dirigé leur action à l'encontre du transporteur aérien.

Il a retenu qu'en application de l'article L.2l l-16 I et III du code du tourisme l'agence de voyage qui vendait un voyage à forfait mais aussi l'organisateur de ce voyage étaient responsables de plein droit envers le voyageur qui pouvait demander la réduction du prix et des dommages et intérêts en cas d'inexécution, que la survenance d'un ouragan dans une zone géographique fréquemment touchée par ce type d'événement climatique ne constituait pas un cas de force majeure ni des circonstances exceptionnelles et inévitables exonératoires de toute responsabilité, que M. et Mme [L] qui n'avaient pas du tout pu bénéficier du séjour étant restés 3 jours bloqués à la première escale avant d'être rapatriés pouvaient prétendre à la somme de 1 576 euros au titre de leur préjudice matériel et à celle de 800 euros au titre de leur préjudice moral correspondant à la déception de ne pouvoir se rendre aux Bahamas après avoir été entretenus dans l'illusion de pouvoir effectuer ce séjour.

Il a relevé que l'organisateur avait l'obligation envers le vendeur de s'assurer de la bonne exécution des prestations vendues et que faute de l'avoir fait, il devait le garantir. Il a condamné la société Thalasso n°1 à garantir la société Carrefour Voyages des condamnations prononcées au titre de ce voyage.

Il a enfin relevé que la société Ceilao Tours Private Limited n'était en rien concerné par le voyage aux Bahamas.

S'agissant du voyage aux Maldives, le tribunal a relevé que L.2l l-16 I et III du code du tourisme l'agence de voyage qui vendait un voyage à forfait mais aussi l'organisateur de ce voyage étaient responsables de plein droit envers le voyageur qui pouvait demander la réduction du prix et des dommages et intérêts en cas d'inexécution. Il a toutefois souligné que le voyage avait eu lieu mais au début la pandémie liée au Covid l9 ce qui n'avait pas permis d'assurer la qualité de service habituelle et que la société Carrefour Voyages avait implicitement reconnu que les prestations vendues n'avaient pas été correctement exécutées. Il a considéré que cette inexécution engageait la responsabilité de la société Carrefour Voyages et de la société Ceilao Tours Private Limited mais que le seul préjudice de M. et Mme [L] était moral et liée à une qualité inférieure de prestations qu'il a estimée à 15 %, fixant ainsi ce préjudice à 644 euros.

Il a relevé que la société Ceilao Tours Private Limited n'était responsable que des excursions et a rejeté la demande de garantie de la société Carrefour Voyages à son encontre.

Il a enfin relevé que la société Thalasso n°1 n'était en rien concernée par le voyage aux Bahamas.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 10 février 2023, la société Thalasso n°1 a interjeté appel du jugement mais uniquement en ce qu'il concernait la partie voyage aux Bahamas, les dépens et l'article 700.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 mai 2023, la société Thalasso n°1 demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société Carrefour Voyages à payer à M. et Mme [L] les sommes de 1 576 euros en réparation de leur préjudice matériel et de 800 euros en réparation de leur préjudice moral pour le voyage aux Bahamas, l'a condamnée à garantir la société Carrefour Voyages de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de M. et Mme [L] concernant ledit voyage, l'a condamnée in solidum avec la société Carrefour Voyages et la société Ceilao Tours Private Limited à verser à M. et Mme [L] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et l'a condamnée à payer à la société Carrefour Voyages la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau,

- de débouter M. et Mme [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de débouter la société Carrefour Voyages de son appel en garantie,

- de condamner M. et Mme [L] et la société Carrefour Voyages à lui verser la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner in solidum M. et Mme [L] et la société Carrefour Voyages aux entiers dépens d'instance.

Elle fait valoir que la responsabilité de plein droit prévue par l'article L. 211-16 I du code du tourisme ne concerne que le professionnel qui vend le forfait touristique mentionné au 1° du I de l'article L. 211-1, et du 2° du même article, qu'elle n'a rien vendu directement à M. et Mme [L], qu'elle n'est que le fournisseur de l'agence de voyage qui vend le forfait au voyageur.

Elle conteste toute faute et soutient que si M. et Mme [L] n'ont pu réaliser que la partie du voyage [Localité 11]-[Localité 8] et la suite du séjour, c'est en raison de l'ouragan de catégorie 5 Dorian qui a sévi aux Bahamas, à partir du 1er septembre 2019, ce qui constitue bien des circonstances exceptionnelles et inévitables, de nature à exonérer la responsabilité de l'organisateur et du détaillant et sont définies par le V de l'article L. 211-2 du code du tourisme. Elle souligne qu'aucune mesure raisonnable n'aurait pu lui permettre d'éviter les conséquences de cet ouragan. Elle ajoute que le fait qu'un tel ouragan d'une telle puissance, empêchant tout trafic aérien, touche [Localité 10] à ce moment précis n'était peut-être pas impossible, mais que la probabilité en était infinitésimale, qu'il s'agissait de l'ouragan le plus fort jamais subi par les Bahamas, causant plus de 70 morts et qu'en un siècle, il n'y a eu que 33 ouragans de catégorie 5 non pas à l'échelle des seules Bahamas, mais de tout l'espace Atlantique Nord (dont relève les Bahamas). Elle précise en outre que les circonstances exceptionnelles et inévitables n'ont pas à être imprévisibles au moment de la signature du contrat pour être caractérisées. Elle se prévaut de la limitation apportée à la responsabilité du transporteur aérien en cas de circonstances climatiques extraordinaires.

Sur l'appel en garantie de la société Carrefour Voyages, elle considère que s'il existe bien des relations contractuelles avec le détaillant, l'appel en garantie de celui-ci ne peut prospérer dès lors que les circonstances exceptionnelles et inévitables, exonératoires de toute indemnisation sont caractérisées et doivent également bénéficier à la société Carrefour Voyages et où en tout état de cause seule cette dernière pouvait informer le voyageur de l'existence d'ouragans sur les Bahamas. Elle ajoute que si l'agence de voyage n'informe pas suffisamment le voyageur, ceci relève de sa propre responsabilité et qu'elle n'a pas à la garantir.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 02 août 2023, M. et Mme [L] demandent à la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et en conséquence de débouter la société Thalasso n°1 de toutes ses demandes, fins ou prétentions et de condamner in solidum les sociétés Thalasso n°1 et Carrefour Voyages à leur payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir à titre liminaire que la société Carrefour Voyages conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre mais que dès lors qu'elle n'expose aucune motivation en fait et en droit qui justifierait l'infirmation de la condamnation concernant le voyage aux Maldives, il y a lieu de confirmer la décision entreprise sur ce point.

S'agissant du voyage aux Bahamas, ils estiment que le tribunal a fait une parfaite application des dispositions du code du tourisme et qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum les sociétés Carrefour Voyages et Thalasso n°1 à les indemniser tant sur le principe que sur le quantum.

Ils soutiennent que même si la société Thalasso n°1 devait être considérée comme un tiers au contrat passé entre eux et la société Carrefour Voyages, elle demeure responsable à leur égard sur le fondement de l'article 1240 du code civil qui permet à un tiers à un contrat d'invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Ils soulignent que l'article 10 dernier alinéa du contrat signé entre société Carrefour Voyages et la société Thalasso n°1 stipule expressément que « le fournisseur s'engage à indemniser Carrefour Voyages, que société Carrefour Voyages pourrait subir du fait du non-respect de l'un quelconque de ses obligations et à garantir Carrefour Voyages des conséquences pécuniaires de toute condamnation dans le cas où la responsabilité de Carrefour Voyages se trouverait engagée du fait du non-respect de l'une quelconque de ses obligations. » et en déduisent que le truchement d'un intermédiaire, à savoir la société Carrefour Voyages dans la commercialisation du voyage ne saurait donc exonérer la société Thalasso n°1 de sa responsabilité à l'égard des consommateurs finaux, d'autant que les éventuelles clauses limitatives de responsabilité ne seraient pas opposables aux consommateurs qu'ils sont. Ils ajoutent que c'est bien la société Thalasso n°1 qui a fait le choix de l'hôtel et des prestations vendues et qu'elle a bien commis une faute en n'informant pas la société Carrefour Voyages de l'annulation des activités sur place afin que l'information soit répercutée aux voyageurs et qu'ils puissent faire le choix de poursuivre ou non le voyage. Ils relèvent que le contrat de collaboration prévoit que la société Thalasso n°1 doit proposer des solutions de remplacement dans le cas où une des prestations ne pourrait être honorée.

Ils contestent que la société Thalasso n°1 puisse se retrancher derrière le caractère prétendument exceptionnel et irrésistible de l'ouragan Dorian et soulignent qu'il y en a un tous les 3 ans ce qui exclut tout caractère exceptionnel.

Ils relèvent qu'elle pouvait parfaitement éviter de les laisser livrés à leur sort à mi-parcours et errer trois jours dans un aéroport de la première puissance mondiale sans hébergement ni accès à un minimum d'hygiène.

S'agissant de la position de la société Carrefour Voyages, ils soutiennent qu'elle leur a vendu un voyage au Bahamas qui n'a absolument pas été exécuté, puisqu'ils ne sont jamais arrivés sur site. Ils soulignent qu'aucune solution ne leur a été apportée une fois arrivés à la zone de transit d'[Localité 8], qu'ils ont été laissés livrés à eux-mêmes dans les couloirs de l'aéroport alors que cette société était en sa qualité de professionnelle du voyage, tout à fait à même d'évaluer la situation et qu'elle les a donc en connaissance de cause invités à partir malgré l'ouragan.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2023, la société Carrefour Voyages demande à la cour :

d'infirmer le jugement concernant les condamnations prononcées à son encontre et statuant à nouveau :

de débouter M. et Mme [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

de condamner M. et Mme [L] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner en toute hypothèse la société Thalasso n°1 à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit du demandeur au principal,

de condamner dans cette hypothèse la société Thalasso n°1 au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner tout succombant aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Elle souligne que la demande de M. et Mme [L] n'est pas justifiée, que si elle est fondée sur le fait qu'ils sont restés à l'aéroport d'[Localité 8] pendant 3 jours, cette demande doit être formulée auprès de la compagnie aérienne directement sur le fondement du règlement CE n°261/2004 du 11 février 2004 qui établit des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol. Elle soutient qu'à compter du moment où les passagers passent la porte d'embarquement, ils relèvent de la responsabilité de la compagnie aérienne, et non plus de celle du voyagiste. Elle fait valoir que l'agence de voyages qui n'a pas la maitrise de la circulation des aéronefs assurant le transport aérien de sa clientèle, ne pouvait aller au-delà des limites fixées par les textes supranationaux. Elle relève que dès lors elle ne peut rembourser le solde du voyage qui correspond aux prestations aériennes. Elle souligne que le vol [Localité 11]-[Localité 8] a été exécuté et que la demande de dommages et intérêts doit être adressée au véritable responsable. Elle fait encore valoir que la somme de 800 euros allouée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral n'est en rien justifiée. Elle rappelle que le coût total du séjour pour deux personnes s'élevait à 3 076,35 euros soit 1 538,17 euros par personne et que le tribunal propose un quantum représentant plus de 50 % du voyage complet pour une personne ce qui est disproportionné.

S'agissant de sa demande en garantie à l'encontre de la société Thalasso n°1, elle se prévaut du contrat de collaboration signé, souligne que c'est cette dernière société qui a fait le choix de l'hôtel et des prestations vendues, soutient qu'elle a commis une faute en ne l'informant pas de l'annulation des activités sur place ce qu'elle aurait pu répercuter aux voyageurs, qu'elle n'a pas non plus proposé de solution de remplacement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L'appel ne porte que sur la partie voyage aux Bahamas et si la société Carrefour Voyages demande à la cour d'infirmer le jugement concernant les condamnations prononcées à son encontre, elle ne développe aucun moyen concernant les condamnations prononcées à son encontre concernant le voyage aux Maldives. Elle ne conclut pas à l'infirmation en ce que le jugement l'a déboutée de certaines de ses demandes. En outre la société Ceilao Tours Private Limited n'est pas intimée. M. et Mme [L] ne remettent pas en cause le débouté de leurs demandes contre la société Thalasso n°1 concernant le voyage aux Maldives qui ne la concerne pas.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a :

débouté M. et Mme [L] de toute demande contre la société Ceilao Tours Private Limited au titre du voyage aux Bahamas,

condamné in solidum les sociétés Carrefour Voyages et Ceilao Tours Private Limited à payer à M. et Mme [L] pour le voyage aux Maldives la somme de 644 euros en réparation de leur préjudice moral,

débouté la société Carrefour Voyages de toute demande en garantie contre la société Ceilao Tours Private Limited au titre du voyage aux Maldives,

débouté M. et Mme [L] de toute demande contre la Thalasso n°1 au titre du voyage aux Maldives,

condamné Ceilao Tours Private Limited aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à M. et Mme [L],

débouté la société Carrefour Voyages de ses demandes contre M. et Mme [L] et contre la société Ceilao Tours Private Limited sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes de M. et Mme [L] contre la société Carrefour Voyages

Il est constant que le contrat signé le 06 avril 2019 entre M. et Mme [L] et la société Carrefour Voyages portait sur un séjour de 7 nuits aux Bahamas en pension complète comprenant les vols [Localité 11] - [Localité 10] avec une correspondance à [Localité 8] devant se dérouler du 1er septembre 2019 date du départ à 14h05 au 08 septembre 2019 date d'arrivée à 10 h 25.

Ceci correspond à la définition du forfait touristique prévu à l'article L.211-1 du code du tourisme.

Le tribunal a justement relevé que l'action de M. et Mme [L] était fondée sur les dispositions du code du tourisme ce qui est également le cas devant la cour.

Il résulte de l'article L.211-16 du code du tourisme que l'agent de voyages qui vend un forfait touristique est responsable de plein droit de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par lui-même ou par d'autres prestataires, et qu'il ne peut s'en exonérer en tout ou en partie qu'en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait imprévisible et insurmontable d'un tiers, étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.

L'article L 211-13 dispose par ailleurs que lorsque, avant le départ, le respect d'un des éléments essentiels du contrat est rendu impossible par suite d'un évènement extérieur qui s'impose à l'organisateur ou au détaillant, celui-ci doit le plus rapidement possible en avertir l'acheteur et informer ce dernier de la faculté dont il dispose soit de résilier le contrat, soit d'accepter la modification proposée par l'organisateur ou le détaillant.

L'article L 211-14 prévoit en outre :

que le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination et que dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire.

que l'organisateur ou le détaillant peut résoudre le contrat et rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués, mais il n'est pas tenu à une indemnisation supplémentaire, si l'organisateur ou le détaillant est empêché d'exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et notifie la résolution du contrat au voyageur dans les meilleurs délais avant le début du voyage ou du séjour.

Il est constant que c'est en raison de l'Ouragan Dorian que le séjour n'a pu avoir lieu et que M. et Mme [L] sont restés bloqués à [Localité 8].

Contrairement à ce qu'a pu retenir le tribunal, la survenue d'un ouragan et notamment la survenue de l'ouragan Dorian de niveau 5 est une circonstance exceptionnelle et inévitable. Toutefois, si le passage de l'ouragan était effectivement un élément insurmontable pour l'agent de voyages, l'information due au titre de l'article L.211-13 ne l'était pas. Il résulte en effet des pièces produites par la société Thalasso n°1 que dès le 29 août 2019 voyant que la trajectoire de l'ouragan se dirigeait directement sur les Bahamas, le gouvernement avait demandé une aide humanitaire. et qu'il était déjà qualifié de catastrophique par le centre national américain des ouragans. Il en résulte que dès cette date, la trajectoire de l'ouragan était connue de même que sa dangerosité.

Il était donc parfaitement prévisible que le séjour ne puisse avoir lieu normalement et la société Carrefour Voyages se devait donc d'en informer ses clients et leur laisser la possibilité de résilier sans frais ou de reporter ce qu'elle n'a pas fait, les laissant partir pour [Localité 8] où ils ont été bloqués ce qu'ils lui reprochent également à juste titre. La société Carrefour Voyages sur laquelle repose au premier chef cette obligation d'information ne peut se retrancher sur sa méconnaissance concrète des conditions locales pour s'exonérer de cette responsabilité envers les acheteurs du forfait.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Carrefour Voyages à payer à M. et Mme [L] la somme de 1 576 euros représentant le solde du prix à titre d'indemnisation, une somme de 1 500 euros leur ayant déjà été remboursée.

Le défaut d'information a en outre conduit M. et Mme [L] à rester bloqués trois jours dans l'aéroport d'[Localité 8] alors que s'ils avaient été prévenus, ils auraient été en mesure de résilier ou de reporter et de passer ces jours de vacances de manière plus agréable. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à leur demande d'indemnisation à hauteur de la somme de 800 euros qui représente le préjudice lié à la faute d'information.

Sur les demandes de M. et Mme [L] contre la société Thalasso n°1

Le contrat a été passé entre M. et Mme [L] et la société Carrefour Voyages. La société Thalasso n°1 n'est que l'organisateur, et si à ce titre elle ne peut être tenue responsable de plein droit sur le fondement de l'article L.211-16 I du code du tourisme, elle doit en application de l'article L.211-16 III du code du tourisme remédier aux non conformités et de l'article L.211-16 V et VI proposer d'autres prestations. Elle est également débitrice de l'obligation d'information prévue à l'article L.211-13 qui pèse sur le détaillant mais aussi sur l'organisateur. Or force est de constater qu'elle n'a pas respecté non plus cette obligation d'information et que ce non-respect a été à l'origine des préjudices subis par M. et Mme [L]. de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé les mêmes condamnations à son encontre et prévu une solidarité.

Sur la demande de garantie de la société Carrefour Voyages

Il résulte du contrat signé entre la société Carrefour Voyages et la société Thalasso n°1 que celle-ci s'engage à assurer l'intégrité physique et morale des voyageurs (article 11) et qu'elle s'engage à respecter l'ensemble des prescriptions légales, réglementaires, administratives et professionnelles, nationales ou communautaires. Elle se devait donc d'informer non seulement les clients mais aussi son co contractant des conditions locales liées à l'ouragan et des difficultés prévisibles ce qu'elle n'a pas fait. Dès lors elle a commis une faute contractuelle et ce qui suffit à confirmer la condamnation à garantie.

Sur les autres demandes

La société Thalasso n°1 qui succombe en son appel doit être condamnée aux dépens. Il apparaît en outre équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles engagés par M. et Mme [L] à hauteur de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il apparaît équitable de laisser supporter à la société Carrefour Voyages la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Thalasso n°1 à payer à M. [K] [L] et à Mme [B] [U] épouse [L] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Thalasso n°1 aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE DE CHAMBRE,