Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 3 octobre 2024, n° 21/03897

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

M. Figerou, Mme Defoy

Avocats :

Me Mercier, Me Berneron

TJ Angoulême, 4e ch., du 16 juin 2021, n…

16 juin 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé en date du 27 mai 2020, Monsieur [E] [G] et Madame [I] [S] épouse [G] ont vendu leur maison d'habitation sise à [Localité 5] (16) à Madame [O] [D] veuve [M] pour un prix de 175 000 euros.

Mme [D] n'ayant pas eu recours à un prêt pour financer l'acquisition du bien, elle a indiqué aux vendeurs qu'elle vendait en parallèle sa résidence principale, dont le prix de vente permettait de couvrir le prix d'achat du bien litigieux.

La vente de l'immeuble des époux [G] devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 27 août 2020.

Par courriel en date du 8 août 2020, Mme [D] a fait connaître à ses vendeurs sa volonté de se rétracter de la vente.

Par la voix de son conseil, M. [G] a mis en demeure Mme [D], par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 septembre 2020, d'avoir à régler la somme de 8 750 euros au titre de la clause pénale, correspondant à 5% du prix d'achat, la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi, et la somme de 1 000 euros pour les frais exposés par les époux [G].

Par l'intermédiaire de son conseil, Mme [D] s'est opposée aux demandes précitées et a sollicité le versement de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Par acte du 30 novembre 2020, M. [G] a assigné Mme [D] devant le tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins de la voir condamner à lui payer la somme prévue au titre de la clause pénale stipulée dans le contrat de vente.

Par jugement du 16 juin 2021, le tribunal judiciaire d'Angoulême :

- a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir seul de M. [G] et l'a déclaré recevable en ses demandes,

- a condamné Mme [D] à payer à M. [G] la somme de 8 750 euros en paiement de la clause pénale,

- a débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts,

- a débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts,

- a condamné Mme [D] à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à payer les dépens.

Mme [D] a relevé appel de ce jugement, le 6 juillet 2021.

Par ordonnance du 21 septembre 2022, la présidente chargée de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a donné acte à M. [G] de son désistement de l'incident de radiation de l'affaire du rôle.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 juin 2024, Mme [D] demande à la cour, sur le fondement des articles 1112-1, 1137, 1139, 1133, 1240 et 1231-5 du code civil :

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

- l'a condamnée à payer à M. [G] la somme de 8 750 euros en paiement de la clause pénale,

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

- l'a condamnée à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à payer les dépens,

en conséquence et statuant à nouveau,

- déclarer nul et de nul effet l'acte sous seing privé conclu le 27 mai 2020 entre les parties au présent litige,

- condamner M. [G] à lui verser une somme s'élevant à 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

à titre subsidiaire,

- réduire à néant le montant de la clause pénale réclamée par M. [G],

en tout état de cause,

- le débouter de toutes ses demandes plus amples ou contraires aux présentes,

- le condamner à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 mars 2022, M. [G] demande à la cour, sur le fondement des articles 215, 1103, 1104, 1112-1, 1137, 1231-5 et 1240 du code civil, de :

- déclarer recevable mais mal-fondée Mme [D] en son appel,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes tendant à l'infirmation du jugement entrepris et notamment en ce qu'il :

- l'a condamnée à lui payer la somme de 8 750 euros en paiement de la clause pénale,

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

- l'a condamnée à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros d'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et, y ajoutant en cause d'appel,

- condamner Mme [D] à lui verser la somme de 3 000 euros en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2024.

MOTIF

Sur la nullité de l'acte de vente

Le tribunal a considéré que la modification du zonage était une information publique laquelle était intervenue plus de cinq mois avant la signature du compromis de vente alors qu'en outre Mme [D] épouse [M] était assistée de son propre notaire et de son agent immobilier si bien que ces professionnels de la vente étaient à même de se procurer les informations relatives à ce changement de zonage. Dans ces conditions, il ne pouvait être considéré que le vendeur aurait dissimulé des informations sur ce changement de zonage. Il a en outre jugé que ces modifications ne constituaient pas une erreur sur les qualités substantielles du bien vendu car elles n'avaient pas des conséquences importantes pour l'acquéreur de l'immeuble.

Mme [D] épouse [M] considère au contraire que M. [G] n'ignorait pas que le Plan local d'urbanisme applicable sur la commune de [Localité 5] avait été préalablement modifié le 5 décembre 2020, et que l'immeuble litigieux était passé de la zone UB à la zone A. D'autre part, les vendeurs n'ont pas informé l'acquéreur du fait qu'ils s'étaient engagés à céder à la commune de [Localité 5] la parcelle BH106 et ce à titre gratuit. Or, le changement de zonage était une condition déterminante de la conclusion du contrat pour Mme [D], puisque cela avait pour conséquence de restreindre très amplement les possibilités de modification de la construction existante, ainsi que de réduire la valeur du bien. En vertu de son obligation d'information, le vendeur aurait dû informer Mme [D] de la modification du zonage, quand bien même cette information était accessible au public et que des professionnels étaient présents dans le cadre de la conclusion de la vente. Ainsi, en ne communiquant pas ces informations à l'appelante, les époux [G] avaient commis une réticence dolosive ayant vicié son consentement et entraînant la nullité du contrat de vente. A titre subsidiaire, plusieurs erreurs sur les qualités essentielles du contrat doivent entraîner sa nullité.

Pour sa part M. [G] soutient que le classement de la parcelle du terrain visé par la vente en zone agricole était une information accessible à Mme [D], de sorte qu'elle n'a pas été volontairement dissimulée par lui. En effet, le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) a été approuvé le 5 décembre 2019, soit bien avant la régularisation de l'avant-contrat, et publié, de telle sorte que l'information était en tout état de cause accessible à tout un chacun. L'obligation d'information prévue à l'article 1112-1 du code civil ne s'applique qu'aux informations que le cocontractant ignore légitimement, ce qui n'est donc pas le cas en l'espèce. En outre, pour qu'il ait dol il faut que l'information dissimulée par l'une des parties ait un caractère déterminant pour le consentement de l'autre partie. Tel n'est pas le cas en l'espèce concernant la classification du fonds en zone A, dont l'incidence est moindre puisque Mme [D] allait acquérir un bien immobilier déjà construit et non un terrain constructible. Par ailleurs, la rétrocession de la parcelle n° [Cadastre 1] par M. [G] à la commune de [Localité 5] n'a aucune incidence sur la vente litigieuse alors que celui-ci n'a jamais régularisé d'accord avec la commune et il se trouve toujours propriétaire de cette parcelle. En toute hypothèse cette information était connue de l'appelante lors de la vente et cette parcelle avait été matérialisée pour la différencier du terrain qui lui était vendu. En toute hypothèse l'appelante ne rapporte pas la preuve que l'erreur dont elle se prévaut porterait effectivement sur les qualités essentielles du bien litigieux.

***

Il résulte de l'acte sous seing privé passé par les parties le 27 mai 2020, à l'en-tête de l'agence immobilière «' la bourse de l'immobilier'» que le bien vendu a été désigné par sa localisation, sa consistance en nombre de pièces et sa surface, mais sans référence au plan local d'urbanisme dont il dépendait.

Dés lors il n'est pas démontré que les parties connaissaient alors les règles d'urbanisme qui lui était applicables, et savaient notamment que le plan local d'urbanisme avait été modifié plus de cinq mois plus tôt.

En toute hypothèse, il n'est nullement démontré que le vendeur de l'immeuble aurait volontairement omis de porter cette information à la connaissance de son acheteur.

Mme [M] l'affirme mais ne le démontre nullement.

Par ailleurs, ainsi que le premier juge l'a parfaitement relevé, il s'agissait d'une information publique si bien que l'appelante pouvait très bien requérir cette information de l'administration si cet aspect des choses présentait une importance particulière pour elle, ce qu'elle ne démontre nullement.

De plus, aucune loi, aucun règlement n'impose de faire référence, dans un acte sous seing privé de vente d'immeuble, au plan local d'urbanisme applicable, alors qu'un tel acte doit simplement définir l'accord des parties sur la chose et sur le prix outre toutes autres conditions que les parties entendent faire rentrer dans le champ contractuel.

Or, en l'espèce, l'appelante ne démontre nullement que le plan d'urbanisme applicable était déterminant de son engagement.

En toute hypothèse, si tel était le cas, elle se devait de rechercher cette information ou inviter son vendeur à la rechercher pour la lui communiquer, ce qu'elle n'a nullement entrepris.

En outre, l'appelante affirme mais ne démontre nullement que le changement de zonage de l'immeuble litigieux aurait fait perdre de la valeur à celui-ci. En effet la comparaison entre le prix du terrain nu constructible en 2008 et ce même terrain nu devenu inconstructible n'a aucun sens alors que le terrain litigieux a été construit. (cf': pièce n° 3 de l'appelante)

Bien au contraire, la décision de ne pas densifier les constructions dans cette zone peut renchérir les constructions déjà existantes.

Mme [M] ne démontre pas l'existence d'un dol qui aurait été commis par son vendeur à son préjudice et pas davantage une erreur sur les qualités substantielles du bien.

En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de voir déclarer nul et de nul effet l'acte sous seing privé passé entre les parties le 27 mai 2020.

Sur la clause pénale

Le tribunal a jugé que la demande de M. [G] relative au paiement de la clause pénale contenue dans l'acte dont le montant avait été fixé par les parties à 5'% du montant du prix de vente était justifiée.

Mme [M] considére au contraire qu'il convient de réduire à néant la clause pénale stipulée dans l'acte sous seing privé dans la mesure où M. [G] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice en lien avec la rétractation de l'acquéreur.

M. [G] sollicite la confirmation du jugement.

***

Si au termes de l'article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut réduire ou augmenter le montant de pénalité s'il considère ce dernier comme manifestement excessif ou dérisoire, il n'apparaît pas et il n'est pas démontré que cette clause pénale soit en l'espèce manifestement excessive ou dérisoire.

Dans ces conditions, le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a condamné Mme [M] au paiement de celle qui avait été fixée par les parties.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Mme [M] succombant devant la cour sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à M. [G] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant':

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Mme [O] [D] veuve [M] à payer à M. [E] [G] la somme de 2500 euros sur le fondment des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [O] [D] veuve [M] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.