CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 3 octobre 2024, n° 19/18613
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Effepi Design (Sté)
Défendeur :
Lago Maggiore Incoming (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bonafos
Conseillers :
Mme Möller, M. Candau
Avocats :
Me Carrez, Me Lombardi
FAITS ET PROCÉDURE
La SA LAGOMAGGIORE INCOMING est copropriétaire d'un appartement sis [Adresse 1] à [Localité 4], au sein de la copropriété « LE [Adresse 5] ».
Le 29 aout 2017, le devis de la société SDE EFFEPI DESIGN portant sur des travaux de rénovation de l'appartement susmentionné a été accepté par la SA LAGOMAGGIORE INCOMING, pour un montant total de 88.195,00 €.
La fin du chantier a été déterminée au 31 décembre 2017, puis a été repoussée au 28 février 2018.
Les travaux n'ont pas été terminé à la date prévue.
Le 1er mars 2017 la SA LAGOMAGGIORE INCOMING a récupéré les clés de son logement.
Le 03 mars 2017 la SA LAGOMAGGIORE INCOMING a fait procéder à un constat d'huissier.
Par actes d'huissier en date du 27 juillet 2018, la société SDE EFFEPI DESIGN, donnait assignation à la SA LAGOMAGGIORE INCOMING, d'avoir à comparaitre devant le Tribunal de commerce de NICE, en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de 40.723,50 euros au titre des sommes restant dues prévues dans le devis initial.
Par jugement n° RG 2018F00714 rendu en date du 29 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NICE :
PRONONCE la nullité du contrat conclu entre la SDE EFFEPI DESIGN et la SA LAGOMAGGIORE INCOMING,
DIT que la SDE EFFEPI DESIGN doit rembourser à la SA LAGOMAGGIORE INCOMING les acomptes reçus à hauteur de 60.001,20 euros, et que la SA LAGOMAGGIORE INCOMING doit payer à la SDE EFFEPI DESIGN la somme de 21.920,00 euros au titre de l'indemnisation des travaux réalisés.
DIT qu'il y a lieu à de compenser les sommes et condamne en conséquence la SDE EFFEPI DESIGN à payer la somme de 38.081,20 euros à la SA LAGOMAGGIORE INCOMING.
CONDAMNE la SDE EFFEPI DESIGN aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Liquide les dépens à la somme de 63,36 euros.
Par déclaration d'appel n°19/15849 en date du 06 décembre 2019, la société SDE EFFEPI DESIGN, interjetait appel du jugement rendu par le Tribunal de commerce de NICE en date du 29 novembre 2019, à l'encontre de la SA LAGOMAGGIORE INCOMING, en ce qu'il a :
Prononcé la nullité du contrat conclu entre le SDE EFFEPI DESIGN et la SA LAGOMAGGIORE INCOMING
Dit que la SDE EFFEPI DESIGN doit rembourser à la SA LAGOMAGGIORE INCOMING les acomptes reçus à hauteur de 60 001,20€ et que la SA LAGOMAGGIORE INCOMING doit payer à la SDE EFFEPI DESIGN 21 920,00€ au titre de l'indemnisation des travaux réalisés.
Dit qu'il y a lieu de compenser les sommes et condamne en conséquence le SDE EFFEPI DESIGN à payer la somme de 38 081,20€ la SA LAGOMAGGIORE INCOMING.
Condamne la SDE EFFEPI DESIGN aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Liquide les dépens à la somme de 63,36€.
Le 27 janvier 2020, la SA LAGOMAGGIORE INCOMING se constituait intimée.
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La société SDE EFFEPI DESIGN par conclusions d'appelant déposées et notifiées par RPVA le 18 janvier 2023, demande à la Cour :
Recevoir l'appel formé par la société de droit Italien EFFEPI DESIGN du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nice le 29 novembre 2019 ;
Le Dire régulier en la forme et bien fondé ;
En conséquence,
Infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau ;
Vu les dispositions des articles 1104, 1225 et suivants du Code civil ;
Vu la jurisprudence citée ;
Vu les pièces versées aux débats,
CONDAMNER la société LAGOMAGGIORE INCOMING au paiement de la somme de 40.723,50 euros au titre des sommes restant dues à la société EFFEPI DESIGN et prévues par le dernier devis, ou à tout le moins de la somme de 27.560,50 euros au titre des sommes restant dues à la société EFFEPI DESIGN et prévues par le devis signé par les parties
CONDAMNER la société LAGOMAGGIORE INCOMING au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
La société SDE EFFEPI DESIGN fait valoir que le premier devis d'un montant de 88.195,00 € a été porté à la somme de 101 358€ le 10 janvier 2018 afin de tenir compte des modifications à la demande du maître de l'ouvrage , que les sociétés EFFEPI DESIGN SRL et LATOUR CONSTRUCTION se sont alors engagées à terminer le chantier pour le 28 février 2018, que Monsieur [T] va récupérer les clés laissées aux ouvriers le vendredi 2 mars 2018 et, dès le samedi 3 mars 2018, fera procéder à un constat d'huissier et demandera officiellement à la société EFFEPI DESIGN et à LATOUR CONSTRUCTION de ne plus intervenir sur le chantier, qu'il ne s'agit donc pas d'un abandon de chantier de la société EFFEPI DESIGN , que la société LAGOMAGGIORE INCOMING a versé la somme de 60 634,50 euros inférieure au montant du devis initial, que débouté de sa demande en paiement, elle considère que le Tribunal de commerce de Nice s'est fondé sur une mauvaise base normative en évoquant la norme NF P03-001 alors même que cette dernière était inapplicable au cas d'espèce car non-stipulée dans le contrat et les avenants objets du litige.
La société SDE EFFEPI DESIGN critique le premier juge en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat alors que la réticence dolosive de la concluante n'est pas établie, le maître d'ouvrage ayant connaissance de l'intervention du sous-traitant LATOUR CONSTRUCTION, qu'au visa des articles 1181 et 1182 du Code civil, la nullité relative peut être couverte par un acte de confirmation. Cette confirmation peut ressortir de l'exécution du contrat par le cocontractant (Civ. 1re, 21 oct. 2020, n°18-26.761), qu'en l'espèce l'accord du 12/02/2018 se réfère aux factures du sous-traitant, factures communiquées, que madame [N] [C] confirme que le maître d'ouvrage connaissait l'activité de monsieur [H].
La société SDE EFFEPI DESIGN estime ne pas avoir manqué à son devoir d'information sur son domaine d'activité alors que Monsieur [T], gérant de la société LAGOMAGGIORE INCOMING, professionnel de l'immobilier, ne saurait se prévaloir d'un défaut d'information et de conseil relatif au secteur d'activité de la concluante et ainsi de sa propre turpitude
S'agissant de la résolution du contrat, la société SDE EFFEPI DESIGN fait valoir au visa de l'article 1225 du Code civil, que le contrat initial ne comporte pas de clause résolutoire, que l'accord du 12 février 2018 ne comporte pas davantage une telle clause même s'il prévoit la possibilité pour le maître d'ouvrage de faire intervenir une autre entreprise à défaut de finition des travaux le 28/02/2018.
De plus, il n'est pas démontré de manquements suffisamment graves pour justifier une résiliation du contrat ou une volonté de l'entreprise de ne pas exécuter ses obligations, que s'agissant du délai d'exécution il a été retardé en raison de l'obligation de réaliser les travaux entre 9h et 12h imposée par le syndicat des copropriétaires.
Ensuite il n'est pas justifié d'une mise en demeure préalable à la résolution unilatérale du contrat qui était nécessaire en respect du principe de bonne foi dans l'exécution du contrat alors que dès le 1er mars 2018, il est demandé à la société EFFEPI DESIGN de quitter les lieux ainsi que de restituer les clés de l'appartement objet des travaux. De surcroit, la LRAR du 03 mars 2018, adressée à l'appelant par la société LAGOMAGGIORE INCOMING, lui est inopposable car entièrement rédigée en italien.
Il n'est pas davantage justifié d'une notification de la résiliation du contrat
La société SDE EFFEPI DESIGN considère, au visa de l'article 1104 du Code civil, que la société LAGOMAGGIORE INCOMING a manqué à son obligation de bonne foi, tant par l'absence de mise en demeure avant la résolution du contrat, que par le laps de temps trop court exigé par le Maître d'ouvrage et aggravé par les horaires prévus pour réaliser des travaux stipulés dans le règlement de copropriété.
Elle ajoute que le devis de l'entreprise VACCARO d'un montant de 70250€ est supérieur à l'acompte de 60 000€ versé à la concluante et inclut des travaux déjà réalisés par la concluante et l'entreprise sous-traitante, qu'il ne pouvait y avoir de réception des travaux inachevés, que c'est à cette date que l'attestation décennale est remise.
***
La SA LAGOMAGGIORE INCOMING par conclusions d'intimé portant appel incident déposées et notifiées par RPVA le 02 juin 2020, demande à la Cour :
Vu les articles 1112-1, 1130, 1131, 1137 du code civil,
Vu les articles 1224, 1226, 1104, 1217, 1231-3 du code civil,
Vu la jurisprudence,
La société LAGO MAGGIORE INCOMING demande à la Cour de :
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
Recevant l'appel incident formé par la société LAGO MAGGIORE INCOMING,
Le dire régulier et bien formé,
En conséquence,
A TITRE LIMINAIRE
REJETER l'ensemble des pièces produites en langue italienne par la demanderesse et la débouter de l'ensemble des demandes fondées sur lesdites pièces ;
A TITRE PRINCIPAL
Sur la confirmation partielle du jugement rendu le 29 novembre 2019 :
CONSTATER que la société EFFEPI DESIGN a manqué à son obligation précontractuelle d'information en ne précisant pas sa qualité, en ne fournissant pas de contrat avec les modalités de réalisation des travaux, ni les attestations d'assurance obligatoires et en dissimulant l'intervention d'une société tierce ;
CONSTATER que la société EFFEPI DESIGN a intentionnellement dissimulé ces informations déterminantes en vue d'obtenir le consentement de la société LAGOMAGGIORE INCOMING ;
DIRE ET JUGER que la société EFFEPI DESIGN a commis un dol par réticence ;
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu le 29 novembre 2019 par le Tribunal de commerce de Nice en ce que le Tribunal a :
PRONONCE la nullité du contrat ;
Dit que la SDE EFFEPI DESIGN devait rembourser à la société LAGO MAGGIORE INCOMING les acomptes déjà versés à hauteur de 60.001,20 euros
Sur l'appel incident et la reformation partielle du jugement rendu le 29 novembre 2019 :
INFIRMER le jugement rendu le 29 novembre 2019 par le Tribunal de commerce de Nice en ce qu'il a :
Dit que la société LAGO MAGGIORE INCOMING devait payer à la SDE EFFEPI DESIGN la somme de 21.920,00 euros au titre de l'indemnisation des travaux réalisés.
Ordonné la compensation des sommes dues par les deux parties
Rejeté sa demande d'indemnisation au titre du préjudice subi
Et statuant à nouveau :
DEBOUTER la société EFFEPI DESIGN de l'ensemble de ses demandes indemnitaires;
DIRE ET JUGER que la société LAGO MAGGIORE INCOMING ne sera redevable d'aucune compensation à l'endroit de la société EFFEPI DESIGN pour les matériaux utilisés et pour les coûts de construction, et que cette dernière doit en assumer seule les risques
CONDAMNER la société EFFEPI DESIGN à rembourser à la société LAGOMAGGIORE INCOMING la somme de 60 001,20 euros indûment perçue en l'absence de contrat valablement formé, ceci valant comme conséquence de la nullité ;
DIRE ET JUGER que la demande de dommages et intérêts formulée par la société LAGO MAGGIORE INCOMING est parfaitement fondée,
CONDAMNER la société EFFEPI DESIGN à payer à la société LAGOMAGGIORE INCOMING la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
A TITRE SUBSIDIAIRE,
CONSTATER que le contrat n'était constitué que du devis signé du 29 août 2017 et ne comprenait donc aucune clause résolutoire ni modalités particulières en cas de résolution;
CONSTATER que les travaux devaient être achevés au plus tard le 31 décembre 2017 et que la société LAGOMAGGIORE INCOMING a versé des acomptes conséquents de 60 001,20 euros TTC pour des travaux non-réalisés ;
CONSTATER que la société EFFEPI DESIGN n'a jamais produit ses attestations d'assurances ni celles des sociétés qu'elle a fait intervenir sur le chantier à l'insu de la société LAGOMAGGIORE INCOMING ;
CONSTATER que la société LAGOMAGGIORE INCOMING a laissé à la société EFFEPI DESIGN un délai raisonnable de deux mois pour remédier aux différents manquements, à savoir un premier délai jusqu'à la fin janvier 2018 puis un mois supplémentaire jusqu'au 28 février 2018 comme l'atteste la reconnaissance écrite du 12 février 2018 ;
CONSTATER qu'en date du 3 mars 2018 le chantier était à l'état d'abandon et que de nombreuses malfaçons ont été découvertes et constatées par huissier ;
CONSTATER que la société EFFEPI DESIGN a refusé de procéder à la réception contradictoire des travaux ;
En conséquence,
DIRE ET JUGER qu'un délai raisonnable a été laissé à la société EFFEPI DESIGN pour remédier à ses manquements ;
DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause, la société EFFEPI DESIGN a commis de graves manquements à ses obligations contractuelles de nature à justifier la résolution du contrat et que c'est à juste titre que cette résolution est intervenue par notification du 3 mars 2018 ;
DIRE ET JUGER que la rupture de la relation contractuelle n'est pas abusive ;
DIRE ET JUGER que la société LAGOMAGGIORE INCOMING n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat ;
REJETER le prétendu devis du 10 janvier 2018 non signé par la société LAGOMAGGIORE INCOMING ;
DIRE ET JUGER qu'au regard des malfaçons et de l'accord intervenu le 12 février 2018, aucune autre somme n'était due par la société LAGOMAGGIORE INCOMING;
DEBOUTER la société EFFEPI DESIGN de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
ADJUGER à LAGO MAGGIORE INCOMING l'entier bénéfice de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE, A TITRE RECONVENTIONNEL
CONDAMNER la société EFFEPI DESIGN à payer à la société LAGOMAGGIORE INCOMING la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER la société EFFEPI DESIGN à payer à la société LAGOMAGGIORE INCOMING la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel dont frais d'huissier (350 euros TTC pour PV de constat du 3.03.2018 + 290 euros TTC pour PV de constat du 22.03.2018 + frais de traduction 285,89 euros TTC);
CONDAMNER la société EFFEPI DESIGN aux entiers dépens ;
La SA LAGOMAGGIORE INCOMING considère, au visa de l'article 1112-1 du Code civil, que la société EFFEPI DESIGN a manqué à son obligation précontractuelle d'information en se présentant comme une société de construction alors qu'elle ne fait que de la vente de meubles et d'article de décoration. De plus, la société EFFEPI DESIGN n'a jamais précisé qu'elle ferait intervenir un sous-traitant dans la réalisation des travaux. De surcroit, il est évoqué, malgré sommation faite à l'appelant, la non-transmission des assurances portant garantie légale des constructeurs alors que ces dernières doivent être transmises à l'ouverture du chantier comme le dispose l'article L. 241-1 du Code des assurances. Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal de commerce de Nice a prononcé la nullité du contrat et le remboursement de toutes les sommes versées par la concluante.
Elle ajoute que la norme AFNOR P03 001 telle qu'évoquée au visa du jugement querellé ne l'a été qu'à titre illustratif, en tant que référentiel. Néanmoins le jugement a bien été rendu au visa des dispositions générales du droit commun des obligations.
La SA LAGOMAGGIORE INCOMING fait valoir que la société EFFEPI DESIGN a commis de graves manquements dans l'exécution du contrat et a prolongé les délais du chantier de façon totalement injustifiée en dissimulant l'existence d'importantes malfaçons que le maître d'ouvrage a découvert début mars 2018. Elle n'avait aucune compétence en matière de direction de chantier et n'a d'ailleurs jamais produit d'attestations d'assurance RCP et décennale, pas plus que la société LATOUR CONSTRUCTION à laquelle elle a fait appel à l'insu du maître de l'ouvrage. Ces manquements sont suffisamment graves et de nature à permettre une résiliation unilatérale du contrat, d'autant plus que l'accord du 12 février 2018 ne prévoyait aucune clause résolutoire ni modalités particulières de résiliation, sauf le non-respect du nouveau délai fixé et l'absence de production des garanties.
Le courrier du 3 mars 2018 par lequel la société LAGOMAGGIORE demandait à la société LATOUR CONSTRUCTION de quitter le chantier valait notification au sens de l'article 1224 du code civil.
L'intimé estime que la mise en demeure n'était pas requise en l'espèce, d'autant plus que les entreprises intervenantes ont bénéficié d'un délai largement suffisant pour parer à leurs manquements puisqu'un délai leur a été accordé d'abord jusqu'au 31 janvier 2018 puis jusqu'au 28 février 2018 pour terminer les travaux. Par conséquent la rupture unilatérale n'est ni brutale, ni abusive en ce que de nombreux avertissements préalables ont été réalisés.
La SA LAGOMAGGIORE INCOMING estime avoir respecté ses engagements contractuels de bonne foi, la preuve contraire n'étant pas produite. En outre, elle n'est pas tenue au paiement de 40 723,50 euros au titre du devis du 10 janvier 2018, ce dernier n'étant pas signé, raturé et rédigé en italien.
La SA LAGOMAGGIORE INCOMING évoque au titre d'un appel incident, que les juges consulaires ont fait une mauvaise appréciation du litige en rejetant le dédommagement demandé pour les travaux effectué. En effet, la concluante estime que la société EFFEPI DESIGN s'est rendu coupable d'une réticence dolosive et devra supporter seule le coût de ses fautes contractuelles d'un montant 60.001,20 euros en remboursement de l'intégralité des sommes versées, mais également 45.000 euros en sanction du comportement particulièrement grave. Ce préjudice se fonde sur les 45.000 euros versés par l'intimé à la société [Localité 6] (associé unique de la concluante) pour terminer le chantier et réparer les malfaçons.
***
L'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 mai 2024 et fixée à l'audience du 11 juin 2024 à laquelle les parties ont pu présenter leurs observations.
MOTIVATION
Sur les pièces produites en langue italienne :
L'appelante demande que les pièces en langue italienne soient écartées des débats.
Si l'on se réfère à la procédure, la mise en demeure du 03/03/2018 est effectivement en langue italienne et il n'est pas joint de traduction ainsi que le descriptif des travaux à réaliser, la facture émanant de « IMPRESA VACCARO ».
Il résulte des pièces de la procédure que La SARLEFFEPI DESIGN a son siège en Italie et a elle-même produite des documents en langue italienne à commencer par le devis signé par le maître d'ouvrage entre les parties en août 2018 ;
L'appelante ne peut ainsi demander que soit écartée des débats la mise en demeure en date du 03/03/2018 alors qu'il s'agit d'une pièce comprise par l'appelant comme écrite dans la langue choisie pour la signature de la convention des parties.
En outre, il ne s'agit pas d'une pièce essentielle.
En ce qui concerne l'acte du 12.02.2018, le descriptif des travaux à réaliser, la facture émanant de « IMPRESA VACCARO » il est joint une traduction réalisée par une interprète en langue italienne inscrite sur la liste de la cour d'appel de Nîmes.
Sur la nullité du contrat
Pour prononcer la nullité du contrat, le premier juge a retenu que la SDE EFFEPI DESIGN est une entreprise italienne de négoce de meubles en gros, qu'elle ne justifie pas être qualifiée pour réaliser les travaux de rénovation du bien de la SA LAGOMAGGIORE INCOMING , travaux intégralement sous traités à la société [Adresse 3] en violation de la norme NF P03 001 et de la loi du 31/12/1975 imposant à l'entrepreneur principal de faire accepter le sous-traitant et qu'il s'agit d'une cause de résolution du contrat .
Il retient que le manquement par l'entreprise à ses obligations d'informations en ne précisant pas sa qualité, en ne demandant pas l'agrément du sous-traitant et en ne fournissant pas ses attestations d'assurances est constitutif d'une réticence dolosive justifiant de prononcer la nullité du contrat.
La référence à la norme NF P03001 a pour objet de caractériser les faits matériels constitutifs du dol mais ne constitue pas le fondement juridique, le premier juge se référant expressément à la notion de réticence dolosive.
On ne peut donc dire que la décision contestée est dépourvue de fondement.
L'article 1130 du code civil dispose que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1131 du code civil précise que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
L'article 1137 du même code définit le dol comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Toutefois, s'il n'est pas contestable que l'entreprise a proposé un contrat de rénovation de l'appartement du maître d'ouvrage sans que cette activité soit prévue dans son objet social et a sous-traité l'exécution du contrat caractérisant ainsi un manquement délibéré à ses obligations d'informations lors de la souscription du contrat, rien ne permet d'affirmer qu'elle avait conscience de conséquences dommageables inéluctables de son acte pour le maître de l'ouvrage, et pas seulement du risque d'occasionner le dommage.
Ainsi, la faute dolosive n'est pas suffisamment caractérisée et la décision du premier juge doit être infirmée en ce qu'elle prononce la nullité du contrat.
Sur la résiliation du contrat :
La SDE EFFEPI DESIGN se prévaut au visa des articles 1225 et 1104 du code civil d'une résiliation abusive du contrat motif pris qu'elle est intervenue le 1er mars 2018 soit le lendemain du 28/02/2018, date d'expiration du délai pour réaliser les travaux convenus, qu'elle a été notifiée le 03/03/2028 en langue italienne.
Comme indiquée précédemment la langue italienne est la langue choisie par les parties et celle du pays de leur siège social.
Ensuite, les parties ont signé un premier devis le 29/08/2017 établi en langue italienne par la SDE EFFEPI DESIGN accepté par le maître d'ouvrage au verso de la dernière page.
Le devis en date du 10/01/2018 rédigé selon le même format par l'entreprise et toujours en italien ne comporte pas la signature du maître d'ouvrage attestant de son acceptation et ne peut en conséquence être retenu.
Le 19 janvier 2018, le maître d'ouvrage a été destinataire d'un courrier du syndicat des copropriétaires rappelant les conditions d'installation des climatiseurs non en façade mais sur les balcons et en respectant les modalités déterminées par la copropriété.
Le 12 février 2018, la société SDE EFFEPI DESIGN a reconnu avoir perçu du maître d'ouvrage la somme totale de 60634,50€ [sur un montant total du devis de 88.195,00 €] et qu'il avait été fixé au mois de septembre que l'appartement devait être livré avant la fin décembre 2017.
Il est accordé un délai d'exécution des travaux au 28/02/2018 et expressément mentionné qu'à défaut, il serait mis fin au contrat et une autre entreprise serait requise pour achever les travaux.
Le 02/03/2018, le syndicat des copropriétaires mettait en demeure le maître d'ouvrage de mettre fins aux travaux qu'il s'était engagé à terminer pour le 28/02/2018.
Un procès-verbal de constat du 03/03/2018 atteste de l'inachèvement des travaux :porte d'entrée partiellement dégondée et encadrement inachevé, présence de câbles électriques dans le hall d'entrée et dans le séjour, ponçage des murs inachevés, tableau électrique inachevé, système d'éclairage partiellement inachevé, climatisation non installée, non-conformité d'une niche, un local inachevé , différents tuyaux pendent dans plusieurs pièces, salle de bain inachevée, non-conformité du carrelage d'une chambre, absence de trappe d'accès au niveau des volets roulants, chantier à nettoyer, dégradations dans les parties communes.
Le 16 mars 2018, il a été délivré sommation à la société EFFEPI DESIGN et la société LATOUR CONSTRUCTION d'avoir à assister à la réception des travaux le 22/03/2018, de récupérer leurs matériels et de produire les attestations d'assurances requises pour les travaux objet du litige.
Un procès-verbal du 22/03/2018 dressé en présence de la société EFFEPI DESIGN et de son conseil, de la société LATOUR CONSTRUCTION n'a pas permis de procéder à la réception des travaux.
Il résulte des éléments précités que l'entreprise devait livrer le chantier commencé en septembre 2017 en décembre 2017, qu'à cette date les travaux n'étaient pas achevés, que le 12/02/2018 le maître d'ouvrage a accordé un nouveau délai jusqu'au 28/02/2018 avec l'accord du syndic et que l'entreprise n'a pas été en mesure de tenir ce nouveau délai.
Ainsi, mise en demeure le 12/02/2018 de terminer le chantier à peine de résiliation du contrat, elle n'a pas exécuté ce nouvel engagement comme en atteste le constat d'huissier précité du 03/03/2028.
Par voie de conséquence, elle ne peut valablement se prévaloir d'une résiliation injustifiée du contrat et prétendre au paiement du solde du prix.
Sur la demande reconventionnelle
Le maître d'ouvrage sollicite le paiement d'une somme de 45000€ à titre de dommages intérêts sur le fondement du dol.
Celui-ci n'étant pas retenu, la demande ne peut prospérer sur ce fondement.
En ce qui concerne le préjudice résultant de l'inexécution de ses obligations par l'entreprise, la preuve du lien d'un dommage évalué à la somme de 45000€ avec l'inexécution de ses obligations contractuelles par l'appelante n'est pas suffisamment rapportée.
D'une part les prestations mentionnées sur le descriptif des travaux à réaliser émanant de « IMPRESA VACCARO » et la facture jointe ne sont pas mises en lien avec le constat d'huissier, d'autre part le prix des prestations et matériels n'est pas mentionnés pour chaque poste.
Ainsi, il est demandé paiement d'une somme forfaitaire de 45 000€ en contradiction avec le principe d'indemnisation sans perte ni profit.
Par voie de conséquence, la décision du premier juge doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
Sur les autres demandes :
Partie perdante l'appelante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nice du 29 novembre 2019 dans l'intégralité de ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à écarter les pièces produites en langue italienne,
Prononce la résiliation du contrat conclu entre les parties aux torts de la société SDE EFFEPI DESIGN
Déboute la SA LAGOMAGGIORE INCOMING de sa demande de dommages intérêts à défaut de preuve du préjudice dont il est demandé réparation.
Condamne la société SDE EFFEPI DESIGN au paiement d'une somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société SDE EFFEPI DESIGN aux dépens.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Octobre 2024,
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.