Décisions
CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 2 octobre 2024, n° 22/14493
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14493 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIQK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2022 - tribunal judiciaire de Paris - RG n° 21/10272
APPELANT
M. [R] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Julie BARIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : R234
INTIMÉE
S.A. BANQUE PALATINE
[Adresse 2]
[Localité 4]
N°SIRET : 542 104 245
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD, président
M. Marc BAILLY, président
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Vincent BRAUD, président, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Vincent BRAUD, président et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte du 6 décembre 2013, [R] [Z] a ouvert un compte courant dans les livres de la Banque palatine.
À partir de ce compte, il a effectué, entre le 30 novembre 2017 et le 28 décembre 2017, sept règlements par virements, pour un montant total de 94 124 euros, se décomposant ainsi :
- le 30 novembre 2017 pour 324 euros au profit de BIT MARKET COINS,
- le 1er décembre 2017 pour 324 euros au profit de BIT MARKET COINS,
- le 12 décembre 2017 pour 10 000 euros au profit de VLD CAPITAL,
- le 12 décembre 2017 pour 4 976 euros au profit de VLD CAPITAL,
- le 27 décembre 2017 pour 10 000 euros au profit de GROUPE B-M-C,
- le 27 décembre 2017 pour 10 000 euros au profit de GROUPE B-M-C,
- le 28 décembre 2017 pour 58 500 euros au profit de GROUPE B-M-C.
Ces opérations de paiement ont été effectuées dans le cadre d'un contrat de gestion signé le 8 janvier 2018, avec effet au 1er décembre 2017, entre [R] [Z] d'une part et, d'autre part, la société Bit Market Coins, celle-ci s'engageant notamment à assurer la gestion d'investissement en cryptomonnaies acquises par [R] [Z] et déposées sur un compte ouvert auprès de la société Bitcoin Capital.
Cependant, ces investissements se sont révélés frauduleux et, dans l'impossibilité de récupérer ses fonds, [R] [Z] s'est constitué partie civile le 16 avril 2018 par le truchement de son conseil, dans une information judiciaire ouverte au tribunal de grande instance de Nancy pour escroquerie en bande organisée impliquant notamment les sociétés Bit Market Coins et Bitcoin Capital.
Par ailleurs, suivant mise en demeure en date du 31 mai 2021, [R] [Z] a demandé à la Banque palatine de lui restituer, sous quinzaine, la somme de 94 124 euros au motif que cet établissement avait manqué à son obligation de vigilance et de contrôle des opérations de paiement frauduleuses.
Par correspondance du 14 juin 2021, la Banque palatine a donné une réponse qui n'a pas satisfait [R] [Z] et, par exploit d'huissier de justice en date du 27 juillet 2021, [R] [Z] a assigné l'établissement notamment aux mêmes fins devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement contradictoire en date du 8 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
DÉBOUTÉ Monsieur [R] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNÉ Monsieur [R] [Z] aux dépens et à verser à la Banque Palatine la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 29 juillet 2022, [R] [Z] a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 mai 2024, [R] [Z] demande à la cour de :
' Infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.
ET STATUANT A NOUVEAU :
A TITRE PRINCIPAL :
' Juger et retenir que la société BANQUE PALATINE n'a pas respecté son obligation légale de vigilance.
' Juger que la société BANQUE PALATINE est responsable des préjudices subis par Monsieur [Z].
A TITRE SUBSIDIAIRE :
' Juger et retenir que la société BANQUE PALATINE n'a pas respecté son obligation d'information à l'égard de Monsieur [Z].
' Juger que la société BANQUE PALATINE est responsable des préjudices subis par Monsieur [Z].
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
' Condamner la société BANQUE PALATINE à rembourser à Monsieur [Z] la somme de 94.124 €, correspondant à la totalité de son investissement auprès de la société BIT MARKET COINS, en réparation de son préjudice matériel.
' Condamner la société BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] la somme de 18.824,80 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, au titre du préjudice moral et de jouissance.
' Condamner la société BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] la somme de 5.000 €, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
' Condamner la même aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 mai 2024, la Banque palatine demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 8 juillet 2022
DEBOUTER M. [R] [Z] de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent.
Le condamner au paiement, au profit de BANQUE PALATINE, d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024 et l'audience fixée au 25 juin 2024.
CELA EXPOSÉ,
Sur la responsabilité de la Société générale :
Au visa des articles 1240, 1241, 1112-1 et 1231-1 du code civil et des articles L. 214-1-1, D. 214-0, L. 550-1, L. 561-4 et suivants du code monétaire et financier, [R] [Z] invoque à titre principal un manquement de la Banque palatine à son obligation de vigilance, en ce que la banque avait connaissance du risque d'escroquerie aux investissements, et en ce que, néanmoins, elle n'a pas relevé les anomalies intellectuelles qui affectaient les virements litigieux, à savoir :
' 7 opérations en un mois pour des montants importants, comparés aux débits habituels du compte et aux revenus de [R] [Z] :
324 euros le 30 novembre 2017 au profit de Bit Market Coins,
324 euros le 1er décembre 2017 au profit de Bit Market Coins,
10 000 euros le 13 décembre 2017 au profit de VLC Capital 1708,
4 976 euros le 13 décembre 2017 au profit de VLC Capital 1708,
10 000 euros le 27 décembre 2017 au profit de Groupe B-M-C,
10 000 euros le 27 décembre 2017 au profit de Groupe B-M-C,
58 500 euros le 28 décembre 2017 au profit de Groupe B-M-C ;
' des virements à destination de l'étranger, ce qui était inhabituel pour lui ;
' la mention de nouveaux bénéficiaires et l'absence de relation contractuelle antérieure avec ceux-ci.
[R] [Z] reproche à la Banque palatine de n'avoir sollicité aucun justificatif auprès de son client ou de la banque bénéficiaire des fonds avant d'exécuter les paiements, et de n'avoir pas refusé de prêter son concours aux opérations par lui réalisées.
[R] [Z] invoque à titre subsidiaire un manquement de la Banque palatine à son obligation d'information, en ce qu'elle ne l'a pas informé des risques liés à la nature des placements financiers en cause.
Sur le devoir de vigilance :
Les premiers juges ont rappelé à bon droit que les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-4 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et les victimes d'agissements frauduleux ne peuvent s'en prévaloir pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier, étant ajouté qu'en l'espèce aucun soupçon de cette nature n'affecte l'origine des fonds virés, qui provenaient de l'épargne de [R] [Z].
Il résulte en effet de l'article L. 561-18 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l'espèce, que la déclaration de soupçon mentionnée à l'article L. 561-15 est confidentielle et qu'il est interdit de divulguer l'existence et le contenu d'une déclaration faite auprès du service mentionné à l'article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l'auteur de l'une des opérations mentionnées à l'article L. 561-15 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l'article L. 561-36. Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d'assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs. Selon l'article L. 561-30, paragraphe premier, du même code, sous réserve de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l'article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d'autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s'en déduit que la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier (Com., 28 avr. 2004, no 02-15.054 ; 21 sept. 2022, no 21-12.335).
La Banque palatine soutient que sa responsabilité ne peut être engagée du fait des opérations de payement litigieuses que sur le fondement des articles L. 133-18 et suivants du code monétaire et financier selon lesquels, dans les opérations autorisées comme en l'espèce, le prestataire de services de payement n'est responsable que de l'exécution de l'opération de paiement conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur de services de paiement.
La responsabilité contractuelle de droit commun prévue résultant de l'article 1231-1 du code civil n'est pas applicable en présence d'un régime de responsabilité exclusif.
Or, dans un arrêt du 16 mars 2023 (C-351/21, Beobank), la Cour de justice de l'Union européenne a interprété en ces termes les article 58, 59 et 60 de la directive no 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de payement dans le marché intérieur :
« 37[...] le régime de responsabilité des prestataires de services de paiement prévu à l'article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64 ainsi qu'aux articles 58 et 59 de cette directive a fait l'objet d'une harmonisation totale. Cela a pour conséquence que sont incompatibles avec ladite directive tant un régime de responsabilité parallèle au titre d'un même fait générateur qu'un régime de responsabilité concurrent qui permettrait à l'utilisateur de services de paiement d'engager cette responsabilité sur le fondement d'autres faits générateurs (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, C-337/20, CRCAM, [...] points 42 et 46).
« 38 En effet, le régime harmonisé de responsabilité pour les opérations non autorisées ou mal exécutées établi dans la directive 2007/64 ne saurait être concurrencé par un régime alternatif de responsabilité prévu dans le droit national reposant sur les mêmes faits et le même fondement qu'à condition de ne pas porter préjudice au régime ainsi harmonisé et de ne pas porter atteinte aux objectifs et à l'effet utile de cette directive (arrêt du 2 septembre 2021, C-337/20, CRCAM, [...] point 45). »
Il s'ensuit que, dès lors que la responsabilité d'un prestataire de services de payement est recherchée en raison d'une opération de payement non autorisée ou mal exécutée, seul est applicable le régime de responsabilité défini aux articles L. 133-18 à L. 133-24 du code monétaire et financier, qui transposent les articles 58, 59 et 60, paragraphe premier, de la directive du 13 novembre 2007, à l'exclusion de tout autre régime de responsabilité résultant du droit national (Com., 27 mars 2024, no 22-21.200).
En l'espèce, il est constant que les virements litigieux ont été autorisés et correctement exécutés. Dès lors que la responsabilité de la Banque palatine n'est pas recherchée en raison d'une opération de payement non autorisée ou mal exécutée, [R] [Z] peut l'engager sur le fondement d'un régime de responsabilité autre que celui qui est prévu par les articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier, et notamment sur le fondement du régime de droit commun de la responsabilité contractuelle.
Aussi bien l'article L. 133-5 du code monétaire et financier dispose-t-il que la responsabilité prévue aux sections 2 à 9 du présent chapitre ne s'applique pas lorsque le prestataire de services de payement est lié par d'autres obligations légales prévues par des législations nationales ou communautaires.
En application de l'article 1147 ancien, devenu1231-1, du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421). Ainsi, le prestataire de services de payement, tenu d'un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n'a pas, en principe, à s'ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s'assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.
S'il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l'obligation de vigilance de l'établissement de crédit prestataire de services de payement, c'est à la condition que l'opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont fournis, soit de la nature elle-même de l'opération ou encore du fonctionnement du compte.
Au soutien du caractère inhabituel des opérations litigieuses, [R] [Z] fait valoir que :
' certains paiements sont de l'ordre de 2 à 12 fois ses revenus mensuels (pièce no 2 de l'appelant : bulletins de paye) ;
' les paiements mentionnent les noms des sociétés Bit Market Coins ou VLD Capital comme bénéficiaire des opérations, de sorte que la Banque palatine ne pouvait se méprendre sur leur finalité ;
' les opérations ont été exécutées vers une destination bancaire située au Danemark ;
' il n'avait pas réalisé d'opérations antérieures similaires (pièces nos 38 et 39 de : relevés de compte bancaire).
Toutefois, ni l'ancienneté des relations entretenues par la banque avec [R] [Z], ni les habitudes antérieures de celui-ci quant aux opérations qu'il pratiquait sur son compte ne devaient conduire la banque à s'interroger sur la cause ou l'opportunité des virements ordonnés et à s'immiscer dans les affaires de l'intéressé (Com., 30 sept. 2008, no 07-18.988).
Le caractère potentiellement suspect des mouvements de fonds au profit des sociétés Bit Market Coins ou VLD Capital, mis en avant par l'appelant, ne ressort pas à l'évidence des circonstances de l'espèce. Alors que les autorités publiques avaient averti dès 2016 le grand public du risque d'escroquerie présenté par les produits financiers « atypiques » (pièces nos 8 à 11 de l'appelant), le site btc-cap.net exploité par la société Bit Market Coins n'a été inscrit sur la liste des sites d'investissement suspects dressée par l'Autorité des marchés financiers que le 27 septembre 2018, neuf mois après les faits (pièce no 12 de l'appelant). Les autres éléments du dossier dénonçant les escroqueries financières sur Internet sont également postérieurs aux virements en cause (pièces nos 13 à 21 de l'appelant).
Au regard du fonctionnement du compte de [R] [Z], les virements litigieux n'étaient entachés d'aucune anomalie apparente. En effet, ni le montant des virements ' qui étaient couverts par le solde créditeur ', ni leur nombre, ni leur objet, qui demeurait licite, ni leur destination vers des comptes détenus dans les livres de banques dûment agréées au sein d'un pays membre de l'Union européenne, qui n'attirait pas spécialement l'attention en terme de sécurité, ne constituaient des anomalies devant retenir la vigilance de la Banque palatine.
En définitive, il n'est pas produit en appel de nouvel argument ou de nouvelles pièces de nature à remettre en cause l'exacte analyse du tribunal qui a estimé à bon droit que la Banque palatine n'a pas manqué à son obligation de vigilance.
Sur le devoir d'information :
Au visa des articles 1231-1 et 1112-1 du code civil, [R] [Z] invoque un manquement de la Banque palatine à son obligation d'information sur le risque lié à des placements financiers atypiques.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article 1112-1 du code civil dispose pour sa part :
« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
« Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
« Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
« Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
« Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
« Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Ces dispositions sont relatives à la conclusion d'un contrat et ne s'appliquent pas aux ordres de virement litigieux. Si le banquier doit en effet éclairer son client sur les caractéristiques du contrat qu'il lui propose, il ne doit pas s'immiscer dans la gestion des affaires du titulaire du compte. Or il est constant que la Banque palatine n'est pas à l'initiative des placements réalisés par [R] [Z].
Dans ces circonstances, le tribunal a exactement jugé qu'aucun défaut d'information ne pouvait être retenu à la charge de la Banque palatine.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner [R] [Z] aux dépens d'appel, l'équité commandant de ne pas prononcer de condamnation supplémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [R] [Z] aux entiers dépens.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14493 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIQK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2022 - tribunal judiciaire de Paris - RG n° 21/10272
APPELANT
M. [R] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Julie BARIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : R234
INTIMÉE
S.A. BANQUE PALATINE
[Adresse 2]
[Localité 4]
N°SIRET : 542 104 245
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD, président
M. Marc BAILLY, président
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Vincent BRAUD, président, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Vincent BRAUD, président et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte du 6 décembre 2013, [R] [Z] a ouvert un compte courant dans les livres de la Banque palatine.
À partir de ce compte, il a effectué, entre le 30 novembre 2017 et le 28 décembre 2017, sept règlements par virements, pour un montant total de 94 124 euros, se décomposant ainsi :
- le 30 novembre 2017 pour 324 euros au profit de BIT MARKET COINS,
- le 1er décembre 2017 pour 324 euros au profit de BIT MARKET COINS,
- le 12 décembre 2017 pour 10 000 euros au profit de VLD CAPITAL,
- le 12 décembre 2017 pour 4 976 euros au profit de VLD CAPITAL,
- le 27 décembre 2017 pour 10 000 euros au profit de GROUPE B-M-C,
- le 27 décembre 2017 pour 10 000 euros au profit de GROUPE B-M-C,
- le 28 décembre 2017 pour 58 500 euros au profit de GROUPE B-M-C.
Ces opérations de paiement ont été effectuées dans le cadre d'un contrat de gestion signé le 8 janvier 2018, avec effet au 1er décembre 2017, entre [R] [Z] d'une part et, d'autre part, la société Bit Market Coins, celle-ci s'engageant notamment à assurer la gestion d'investissement en cryptomonnaies acquises par [R] [Z] et déposées sur un compte ouvert auprès de la société Bitcoin Capital.
Cependant, ces investissements se sont révélés frauduleux et, dans l'impossibilité de récupérer ses fonds, [R] [Z] s'est constitué partie civile le 16 avril 2018 par le truchement de son conseil, dans une information judiciaire ouverte au tribunal de grande instance de Nancy pour escroquerie en bande organisée impliquant notamment les sociétés Bit Market Coins et Bitcoin Capital.
Par ailleurs, suivant mise en demeure en date du 31 mai 2021, [R] [Z] a demandé à la Banque palatine de lui restituer, sous quinzaine, la somme de 94 124 euros au motif que cet établissement avait manqué à son obligation de vigilance et de contrôle des opérations de paiement frauduleuses.
Par correspondance du 14 juin 2021, la Banque palatine a donné une réponse qui n'a pas satisfait [R] [Z] et, par exploit d'huissier de justice en date du 27 juillet 2021, [R] [Z] a assigné l'établissement notamment aux mêmes fins devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement contradictoire en date du 8 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
DÉBOUTÉ Monsieur [R] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNÉ Monsieur [R] [Z] aux dépens et à verser à la Banque Palatine la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 29 juillet 2022, [R] [Z] a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 mai 2024, [R] [Z] demande à la cour de :
' Infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.
ET STATUANT A NOUVEAU :
A TITRE PRINCIPAL :
' Juger et retenir que la société BANQUE PALATINE n'a pas respecté son obligation légale de vigilance.
' Juger que la société BANQUE PALATINE est responsable des préjudices subis par Monsieur [Z].
A TITRE SUBSIDIAIRE :
' Juger et retenir que la société BANQUE PALATINE n'a pas respecté son obligation d'information à l'égard de Monsieur [Z].
' Juger que la société BANQUE PALATINE est responsable des préjudices subis par Monsieur [Z].
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
' Condamner la société BANQUE PALATINE à rembourser à Monsieur [Z] la somme de 94.124 €, correspondant à la totalité de son investissement auprès de la société BIT MARKET COINS, en réparation de son préjudice matériel.
' Condamner la société BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] la somme de 18.824,80 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, au titre du préjudice moral et de jouissance.
' Condamner la société BANQUE PALATINE à verser à Monsieur [Z] la somme de 5.000 €, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
' Condamner la même aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 mai 2024, la Banque palatine demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 8 juillet 2022
DEBOUTER M. [R] [Z] de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent.
Le condamner au paiement, au profit de BANQUE PALATINE, d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024 et l'audience fixée au 25 juin 2024.
CELA EXPOSÉ,
Sur la responsabilité de la Société générale :
Au visa des articles 1240, 1241, 1112-1 et 1231-1 du code civil et des articles L. 214-1-1, D. 214-0, L. 550-1, L. 561-4 et suivants du code monétaire et financier, [R] [Z] invoque à titre principal un manquement de la Banque palatine à son obligation de vigilance, en ce que la banque avait connaissance du risque d'escroquerie aux investissements, et en ce que, néanmoins, elle n'a pas relevé les anomalies intellectuelles qui affectaient les virements litigieux, à savoir :
' 7 opérations en un mois pour des montants importants, comparés aux débits habituels du compte et aux revenus de [R] [Z] :
324 euros le 30 novembre 2017 au profit de Bit Market Coins,
324 euros le 1er décembre 2017 au profit de Bit Market Coins,
10 000 euros le 13 décembre 2017 au profit de VLC Capital 1708,
4 976 euros le 13 décembre 2017 au profit de VLC Capital 1708,
10 000 euros le 27 décembre 2017 au profit de Groupe B-M-C,
10 000 euros le 27 décembre 2017 au profit de Groupe B-M-C,
58 500 euros le 28 décembre 2017 au profit de Groupe B-M-C ;
' des virements à destination de l'étranger, ce qui était inhabituel pour lui ;
' la mention de nouveaux bénéficiaires et l'absence de relation contractuelle antérieure avec ceux-ci.
[R] [Z] reproche à la Banque palatine de n'avoir sollicité aucun justificatif auprès de son client ou de la banque bénéficiaire des fonds avant d'exécuter les paiements, et de n'avoir pas refusé de prêter son concours aux opérations par lui réalisées.
[R] [Z] invoque à titre subsidiaire un manquement de la Banque palatine à son obligation d'information, en ce qu'elle ne l'a pas informé des risques liés à la nature des placements financiers en cause.
Sur le devoir de vigilance :
Les premiers juges ont rappelé à bon droit que les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-4 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et les victimes d'agissements frauduleux ne peuvent s'en prévaloir pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier, étant ajouté qu'en l'espèce aucun soupçon de cette nature n'affecte l'origine des fonds virés, qui provenaient de l'épargne de [R] [Z].
Il résulte en effet de l'article L. 561-18 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l'espèce, que la déclaration de soupçon mentionnée à l'article L. 561-15 est confidentielle et qu'il est interdit de divulguer l'existence et le contenu d'une déclaration faite auprès du service mentionné à l'article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l'auteur de l'une des opérations mentionnées à l'article L. 561-15 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l'article L. 561-36. Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d'assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs. Selon l'article L. 561-30, paragraphe premier, du même code, sous réserve de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l'article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d'autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s'en déduit que la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier (Com., 28 avr. 2004, no 02-15.054 ; 21 sept. 2022, no 21-12.335).
La Banque palatine soutient que sa responsabilité ne peut être engagée du fait des opérations de payement litigieuses que sur le fondement des articles L. 133-18 et suivants du code monétaire et financier selon lesquels, dans les opérations autorisées comme en l'espèce, le prestataire de services de payement n'est responsable que de l'exécution de l'opération de paiement conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur de services de paiement.
La responsabilité contractuelle de droit commun prévue résultant de l'article 1231-1 du code civil n'est pas applicable en présence d'un régime de responsabilité exclusif.
Or, dans un arrêt du 16 mars 2023 (C-351/21, Beobank), la Cour de justice de l'Union européenne a interprété en ces termes les article 58, 59 et 60 de la directive no 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de payement dans le marché intérieur :
« 37[...] le régime de responsabilité des prestataires de services de paiement prévu à l'article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64 ainsi qu'aux articles 58 et 59 de cette directive a fait l'objet d'une harmonisation totale. Cela a pour conséquence que sont incompatibles avec ladite directive tant un régime de responsabilité parallèle au titre d'un même fait générateur qu'un régime de responsabilité concurrent qui permettrait à l'utilisateur de services de paiement d'engager cette responsabilité sur le fondement d'autres faits générateurs (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, C-337/20, CRCAM, [...] points 42 et 46).
« 38 En effet, le régime harmonisé de responsabilité pour les opérations non autorisées ou mal exécutées établi dans la directive 2007/64 ne saurait être concurrencé par un régime alternatif de responsabilité prévu dans le droit national reposant sur les mêmes faits et le même fondement qu'à condition de ne pas porter préjudice au régime ainsi harmonisé et de ne pas porter atteinte aux objectifs et à l'effet utile de cette directive (arrêt du 2 septembre 2021, C-337/20, CRCAM, [...] point 45). »
Il s'ensuit que, dès lors que la responsabilité d'un prestataire de services de payement est recherchée en raison d'une opération de payement non autorisée ou mal exécutée, seul est applicable le régime de responsabilité défini aux articles L. 133-18 à L. 133-24 du code monétaire et financier, qui transposent les articles 58, 59 et 60, paragraphe premier, de la directive du 13 novembre 2007, à l'exclusion de tout autre régime de responsabilité résultant du droit national (Com., 27 mars 2024, no 22-21.200).
En l'espèce, il est constant que les virements litigieux ont été autorisés et correctement exécutés. Dès lors que la responsabilité de la Banque palatine n'est pas recherchée en raison d'une opération de payement non autorisée ou mal exécutée, [R] [Z] peut l'engager sur le fondement d'un régime de responsabilité autre que celui qui est prévu par les articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier, et notamment sur le fondement du régime de droit commun de la responsabilité contractuelle.
Aussi bien l'article L. 133-5 du code monétaire et financier dispose-t-il que la responsabilité prévue aux sections 2 à 9 du présent chapitre ne s'applique pas lorsque le prestataire de services de payement est lié par d'autres obligations légales prévues par des législations nationales ou communautaires.
En application de l'article 1147 ancien, devenu1231-1, du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421). Ainsi, le prestataire de services de payement, tenu d'un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n'a pas, en principe, à s'ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s'assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.
S'il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l'obligation de vigilance de l'établissement de crédit prestataire de services de payement, c'est à la condition que l'opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont fournis, soit de la nature elle-même de l'opération ou encore du fonctionnement du compte.
Au soutien du caractère inhabituel des opérations litigieuses, [R] [Z] fait valoir que :
' certains paiements sont de l'ordre de 2 à 12 fois ses revenus mensuels (pièce no 2 de l'appelant : bulletins de paye) ;
' les paiements mentionnent les noms des sociétés Bit Market Coins ou VLD Capital comme bénéficiaire des opérations, de sorte que la Banque palatine ne pouvait se méprendre sur leur finalité ;
' les opérations ont été exécutées vers une destination bancaire située au Danemark ;
' il n'avait pas réalisé d'opérations antérieures similaires (pièces nos 38 et 39 de : relevés de compte bancaire).
Toutefois, ni l'ancienneté des relations entretenues par la banque avec [R] [Z], ni les habitudes antérieures de celui-ci quant aux opérations qu'il pratiquait sur son compte ne devaient conduire la banque à s'interroger sur la cause ou l'opportunité des virements ordonnés et à s'immiscer dans les affaires de l'intéressé (Com., 30 sept. 2008, no 07-18.988).
Le caractère potentiellement suspect des mouvements de fonds au profit des sociétés Bit Market Coins ou VLD Capital, mis en avant par l'appelant, ne ressort pas à l'évidence des circonstances de l'espèce. Alors que les autorités publiques avaient averti dès 2016 le grand public du risque d'escroquerie présenté par les produits financiers « atypiques » (pièces nos 8 à 11 de l'appelant), le site btc-cap.net exploité par la société Bit Market Coins n'a été inscrit sur la liste des sites d'investissement suspects dressée par l'Autorité des marchés financiers que le 27 septembre 2018, neuf mois après les faits (pièce no 12 de l'appelant). Les autres éléments du dossier dénonçant les escroqueries financières sur Internet sont également postérieurs aux virements en cause (pièces nos 13 à 21 de l'appelant).
Au regard du fonctionnement du compte de [R] [Z], les virements litigieux n'étaient entachés d'aucune anomalie apparente. En effet, ni le montant des virements ' qui étaient couverts par le solde créditeur ', ni leur nombre, ni leur objet, qui demeurait licite, ni leur destination vers des comptes détenus dans les livres de banques dûment agréées au sein d'un pays membre de l'Union européenne, qui n'attirait pas spécialement l'attention en terme de sécurité, ne constituaient des anomalies devant retenir la vigilance de la Banque palatine.
En définitive, il n'est pas produit en appel de nouvel argument ou de nouvelles pièces de nature à remettre en cause l'exacte analyse du tribunal qui a estimé à bon droit que la Banque palatine n'a pas manqué à son obligation de vigilance.
Sur le devoir d'information :
Au visa des articles 1231-1 et 1112-1 du code civil, [R] [Z] invoque un manquement de la Banque palatine à son obligation d'information sur le risque lié à des placements financiers atypiques.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article 1112-1 du code civil dispose pour sa part :
« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
« Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
« Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
« Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
« Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
« Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Ces dispositions sont relatives à la conclusion d'un contrat et ne s'appliquent pas aux ordres de virement litigieux. Si le banquier doit en effet éclairer son client sur les caractéristiques du contrat qu'il lui propose, il ne doit pas s'immiscer dans la gestion des affaires du titulaire du compte. Or il est constant que la Banque palatine n'est pas à l'initiative des placements réalisés par [R] [Z].
Dans ces circonstances, le tribunal a exactement jugé qu'aucun défaut d'information ne pouvait être retenu à la charge de la Banque palatine.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner [R] [Z] aux dépens d'appel, l'équité commandant de ne pas prononcer de condamnation supplémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [R] [Z] aux entiers dépens.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT