Décisions
CA Rennes, 5e ch., 2 octobre 2024, n° 24/00937
RENNES
Arrêt
Autre
5ème Chambre
ARRÊT N°-324
N° RG 24/00937 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UQTY
(Réf 1ère instance : 23/03296)
COMMUNE DE [Localité 5]
C/
Mme [V] [K]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Juin 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
COMMUNE DE [Localité 5] prise en la personne de sa maire en exercice domiciliée en cette qualité en l'Hôtel de Ville
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Romain REVEAU de la SELARL MRV AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [V] [K]
née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 7] (fédération de Russie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Loïc BOURGEOIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/2023 du 28/03/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
Dans le cadre de sa prise en charge par le Centre d'hébergement et de réinsertion sociale, Mme [V] [K] a bénéficié d'un logement temporaire, situé [Adresse 4] à [Localité 5], fourni par le Centre communal d'action sociale de la commune de [Localité 5], suivant une convention d'occupation précaire conclue le 9 juin 2016, pour une durée d'un mois renouvelable par tacite reconduction.
Une proposition de relogement a été refusée par Mme [V] [K] le 9 août 2022.
Par un courrier du 22 juin 2023, la commune de [Localité 5] a mis en demeure Mme [K] de quitter les lieux avant le 24 juillet 2023.
La commune de [Localité 5] a assigné Mme [V] [K] en référé, devant le juge des contentieux de la protection, aux fins de voir ordonner à celle-ci, ainsi qu'à tout occupant de son chef, la libération des lieux.
Par ordonnance en date du 18 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de Nantes, statuant en référé, a :
- constaté l'existence d'une contestation sérieuse,
- dit en conséquence n'y avoir lieu à référé,
- renvoyé chacune des parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond ainsi qu'elles aviseront,
- rejeté la demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la commune de [Localité 5] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit.
Le 16 février 2024, la commune de [Localité 5] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 29 février 2024, elle demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,
- infirmer l'ordonnance du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes rendue le 18 janvier 2024, en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et en conséquence renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond, rejeté ses demandes et l'a condamnée aux dépens,
Et, statuant à nouveau,
- ordonner à Mme [V] [K], ainsi qu'à tout occupant de son chef de libérer volontairement et sans délai, le logement dont elle est occupante sans droit, ni titre, sis [Adresse 4] à [Localité 5],
À défaut de libération volontaire, ordonner l'expulsion immédiate de Mme [V] [K], ainsi que de tout autre occupant de son chef, pour qui la décision à intervenir vaudra ordonnance sur requête, des lieux qu'elle occupe sans droit ni titre et ce, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin il y a,
- supprimer le bénéfice du délai prévu à l'article L.412-1 al.1 du code des procédures civiles d'exécution,
- rejeter toute demande de délai pour quitter les lieux,
- supprimer le bénéfice du sursis prévu à l'article L.412-6 al.1 du code des procédures civiles d'exécution,
- débouter Mme [V] [K] de toutes demandes, fins et conclusions qu'elle dirigerait contre la Commune de [Localité 5],
- condamner Mme [V] [K] à lui verser la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2024, Mme [V] [K] demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer l'ordonnance du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes rendue le 18 janvier 2024, en toutes ses dispositions,
- débouter en conséquence la commune de [Localité 5] de sa demande visant à ordonner son départ volontaire et sans délai de son logement, ainsi que tout autre occupant de son chef, ainsi que celle visant à ordonner leur expulsion forcée des lieux avec l'éventuel concours de la force publique et d'un serrurier,
À titre subsidiaire,
- lui accorder un délai d'un an pour se loger dans des conditions normales,
- débouter la commune de [Localité 5] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire n'y avoir lieu à suppression du délai prévu à l'article L 412-1, en l'absence de voie de fait caractérisée,
- débouter la commune de [Localité 5] de sa demande de versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La commune de [Localité 5] explique que :
- conformément aux stipulations de la convention d'occupation précaire, Mme [K] s'est engagée à quitter les lieux lorsqu'une proposition de relogement lui serait faite,
- la signature de cette convention implique l'acceptation d'un accompagnement social.
Elle signale que la DDETS de Loire-Atlantique a informé l'intéressée de la prolongation à titre exceptionnel du dispositif qui lui était accordé jusqu'au 20 juillet 2022, sans renouvellement possible.
Elle indique qu'une proposition de logement a été présentée à Mme [K] par la société Atlantique Habitations à [Localité 10] et que Mme [K] a refusé cette proposition précisant souhaiter un logement en rez-de-jardin à [Localité 5].
Elle fait état de la décision du 19 août 2022, la DDETS ayant procédé au retrait de Mme [K] du contingent des personnes prioritaires hébergées en structure.
Elle expose que :
- Mme [K] a formé un recours contre cette décision qui a donné lieu à un rejet de la part de la préfecture et que ce rejet n'a pas été contesté,
- Mme [K] a été informée de la résiliation de la convention d'occupation et de la nécessité de libérer les lieux le 19 novembre 2022,
- l'intéressée s'est maintenue dans les lieux et a refusé l'accès du logement pour l'établissement d'un état des lieux.
La commune de [Localité 5] avance qu'elle fonde son action sur les dispositions de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, que l'occupation des lieux par Mme [K] est un trouble manifestement illicite.
Elle sollicite la suppression du délai de l'article L. 412-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, en précisant que Mme [K] a refusé un logement adapté à sa situation.
Elle s'oppose aux délais réclamés par Mme [K] ainsi qu'au bénéfice du sursis prévu à l'article L. 412-6 alinéa 1.
En réponse, Mme [K] affirme que :
- elle n'a pas pu visiter le logement de [Localité 10], logement qui n'était pas disponible,
- elle ne peut supporter un logement qui ne serait pas situé en rez-de-jardin en raison de son état de santé.
Elle répond à la commune de [Localité 5] en se prévalant des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile.
Elle rappelle les dispositions de la convention d'occupation précaire selon lesquelles et soutient que :
- aucune proposition réelle de logement ne lui a été notifiée,
- son attitude ne peut s'assimiler à un refus injustifié d'une proposition de relogement.
Elle écrit que la commune de [Localité 5] lui a également proposé deux autres logements ultérieurement, qu'elle a accepté, mais qui étaient indisponibles.
Mme [K] indique qu'elle a continué d'effectuer par elle-même des démarches pour trouver un logement.
Elle invoque sa situation de handicap, de la nécessité d'un suivi médical régulier justifiant la proximité de son logement (en rez-de-jardin) par rapport au CHU ou aux cliniques [6] et [8].
Elle soutient qu'elle n'a pas refusé explicitement le logement proposé mais a seulement réitéré sa demande visant à obtenir un logement correspondant à son état de santé.
À titre subsidiaire, Mme [K] invoque le droit au logement et souhaite bénéficier d'un délai pour pouvoir se reloger dans des conditions décentes.
Elle s'oppose à la suppression du délai de l'article L. 412-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution.
Au visa de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Selon une jurisprudence constante, l'occupation sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés et ce même si l'occupant se trouve dans une situation précaire.
Dans le cas présent, Mme [K] a bénéficié d'une convention d'occupation précaire depuis le 9 juin 2016.
L'article 1er de cette convention prévoit que : ' le présent contrat a pour objectif de concrétiser le projet d'insertion par le logement et de trouver une solution définitive de relogement adapté. Mme [K] s'engage à quitter les lieux dans les délais prescrits lorsqu'une proposition de logement correspondant à ses possibilités et à ses besoins lui aura été faite. Le présent contrat est consenti pour un usage d'habitation exclusivement, à titre de logement temporaire.
Son article 2 précise que 'le contrat est conclu pour une durée d'un mois renouvelable par tacite reconduction à la seule volonté du résident, ou à défaut, de son représentant légal, pour des périodes de même durée'.
Le logement est un T2 situé au premier étage, [Adresse 9] à [Localité 5].
Mme [K] ne peut contester que par courrier du 11 février 2022, compte tenu de la durée extrêmement longue de son séjour, il lui a été accordé une prolongation exceptionnelle d'occupation jusqu'au 20 juillet 2022.
Il résulte des pièces du dossier qu'un logement a été proposé à Mme [K] à savoir un logement neuf, de type 3, accessible par ascenseur situé [Adresse 3] à [Localité 10].
Dans un courrier du 9 août 2022, Mme [K] a écrit : 'c'est pour cela que je demande auprès de vous un habitat adapté à ma pathologie, une maison ou un appartement T3/T4 en rez-de-jardin, s'il vous plaît.(...) Mon fils n'a pas de logement. Cette situation est très difficile à vivre pour nous. Permettez-nous d'avoir une vie familiale normale avec mon fils. Je ne peux pas le laisser dans cette situation. Je sollicite un logement sur [Localité 5] dans un quartier calme, s'il vous plaît'.
Contrairement aux écritures de Mme [K], ce courrier constitue un refus du logement proposé.
Certes Mme [K] connaît des problèmes de santé, mais elle ne justifie aucunement par des documents objectifs (les attestations de ses médecins traitants n'étant en rien motivées) en quoi l'appartement proposé ne serait pas adapté à sa situation médicale et ce d'autant plus qu'elle demeurait auparavant au 1er étage d'un immeuble dans un logement plus petit.
Un trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il en est ainsi en demeurant dans les lieux sans autorisation et en contravention avec les dispositions contractuelles.
Si Mme [K] invoque le droit au logement, il convient de souligner qu'il est interdit à son titulaire de le réaliser soi-même.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner à Mme [K], ainsi qu'à tout occupant de son chef, de libérer volontairement le logement dont elle est occupante au [Adresse 4] à [Localité 5].
À défaut de libération volontaire, il convient d'ordonner l'expulsion de Mme [K], ainsi que de tout occupant de son chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin il y a.
Pour ordonner les mesures pour mettre fin au trouble manifestement illicite, le juge doit rechercher si les mesures ordonnées sont proportionnées au regard des droits respectifs des parties.
La situation personnelle de Mme [K] ne justifie pas la suppression du délai tel que prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, ni la suppression de la trêve hivernale prévue par l'article L. 412-6 du même code.
En application des articles L 412-3 et 4, il convient d'accorder à Mme [K] un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt pour quitter les lieux et s'organiser pour trouver une solution alternative.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. La commune de [Localité 5] est déboutée de cette demande.
Succombant en cause d'appel, Mme [K] est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe :
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf celle relative aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau,
Ordonne à Mme [K], ainsi qu'à tout occupant de son chef, de libérer volontairement le logement dont elle est occupante, sans droit ni titre, au [Adresse 4] à [Localité 5] ;
À défaut de libération volontaire, ordonne l'expulsion de Mme [K], ainsi que de tout occupant de son chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin il y a ;
Déboute la commune de [Localité 5] de ses demandes fondées sur les articles
L. 412-1 et L 412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
Accorde à Mme [K] un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt pour quitter les lieux ;
Condamne Mme [K] aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Déboute la commune de [Localité 5] de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne Mme [K] aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,
ARRÊT N°-324
N° RG 24/00937 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UQTY
(Réf 1ère instance : 23/03296)
COMMUNE DE [Localité 5]
C/
Mme [V] [K]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Juin 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
COMMUNE DE [Localité 5] prise en la personne de sa maire en exercice domiciliée en cette qualité en l'Hôtel de Ville
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Romain REVEAU de la SELARL MRV AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [V] [K]
née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 7] (fédération de Russie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Loïc BOURGEOIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/2023 du 28/03/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
Dans le cadre de sa prise en charge par le Centre d'hébergement et de réinsertion sociale, Mme [V] [K] a bénéficié d'un logement temporaire, situé [Adresse 4] à [Localité 5], fourni par le Centre communal d'action sociale de la commune de [Localité 5], suivant une convention d'occupation précaire conclue le 9 juin 2016, pour une durée d'un mois renouvelable par tacite reconduction.
Une proposition de relogement a été refusée par Mme [V] [K] le 9 août 2022.
Par un courrier du 22 juin 2023, la commune de [Localité 5] a mis en demeure Mme [K] de quitter les lieux avant le 24 juillet 2023.
La commune de [Localité 5] a assigné Mme [V] [K] en référé, devant le juge des contentieux de la protection, aux fins de voir ordonner à celle-ci, ainsi qu'à tout occupant de son chef, la libération des lieux.
Par ordonnance en date du 18 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de Nantes, statuant en référé, a :
- constaté l'existence d'une contestation sérieuse,
- dit en conséquence n'y avoir lieu à référé,
- renvoyé chacune des parties à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond ainsi qu'elles aviseront,
- rejeté la demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la commune de [Localité 5] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit.
Le 16 février 2024, la commune de [Localité 5] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 29 février 2024, elle demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,
- infirmer l'ordonnance du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes rendue le 18 janvier 2024, en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et en conséquence renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond, rejeté ses demandes et l'a condamnée aux dépens,
Et, statuant à nouveau,
- ordonner à Mme [V] [K], ainsi qu'à tout occupant de son chef de libérer volontairement et sans délai, le logement dont elle est occupante sans droit, ni titre, sis [Adresse 4] à [Localité 5],
À défaut de libération volontaire, ordonner l'expulsion immédiate de Mme [V] [K], ainsi que de tout autre occupant de son chef, pour qui la décision à intervenir vaudra ordonnance sur requête, des lieux qu'elle occupe sans droit ni titre et ce, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin il y a,
- supprimer le bénéfice du délai prévu à l'article L.412-1 al.1 du code des procédures civiles d'exécution,
- rejeter toute demande de délai pour quitter les lieux,
- supprimer le bénéfice du sursis prévu à l'article L.412-6 al.1 du code des procédures civiles d'exécution,
- débouter Mme [V] [K] de toutes demandes, fins et conclusions qu'elle dirigerait contre la Commune de [Localité 5],
- condamner Mme [V] [K] à lui verser la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2024, Mme [V] [K] demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer l'ordonnance du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes rendue le 18 janvier 2024, en toutes ses dispositions,
- débouter en conséquence la commune de [Localité 5] de sa demande visant à ordonner son départ volontaire et sans délai de son logement, ainsi que tout autre occupant de son chef, ainsi que celle visant à ordonner leur expulsion forcée des lieux avec l'éventuel concours de la force publique et d'un serrurier,
À titre subsidiaire,
- lui accorder un délai d'un an pour se loger dans des conditions normales,
- débouter la commune de [Localité 5] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire n'y avoir lieu à suppression du délai prévu à l'article L 412-1, en l'absence de voie de fait caractérisée,
- débouter la commune de [Localité 5] de sa demande de versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La commune de [Localité 5] explique que :
- conformément aux stipulations de la convention d'occupation précaire, Mme [K] s'est engagée à quitter les lieux lorsqu'une proposition de relogement lui serait faite,
- la signature de cette convention implique l'acceptation d'un accompagnement social.
Elle signale que la DDETS de Loire-Atlantique a informé l'intéressée de la prolongation à titre exceptionnel du dispositif qui lui était accordé jusqu'au 20 juillet 2022, sans renouvellement possible.
Elle indique qu'une proposition de logement a été présentée à Mme [K] par la société Atlantique Habitations à [Localité 10] et que Mme [K] a refusé cette proposition précisant souhaiter un logement en rez-de-jardin à [Localité 5].
Elle fait état de la décision du 19 août 2022, la DDETS ayant procédé au retrait de Mme [K] du contingent des personnes prioritaires hébergées en structure.
Elle expose que :
- Mme [K] a formé un recours contre cette décision qui a donné lieu à un rejet de la part de la préfecture et que ce rejet n'a pas été contesté,
- Mme [K] a été informée de la résiliation de la convention d'occupation et de la nécessité de libérer les lieux le 19 novembre 2022,
- l'intéressée s'est maintenue dans les lieux et a refusé l'accès du logement pour l'établissement d'un état des lieux.
La commune de [Localité 5] avance qu'elle fonde son action sur les dispositions de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, que l'occupation des lieux par Mme [K] est un trouble manifestement illicite.
Elle sollicite la suppression du délai de l'article L. 412-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, en précisant que Mme [K] a refusé un logement adapté à sa situation.
Elle s'oppose aux délais réclamés par Mme [K] ainsi qu'au bénéfice du sursis prévu à l'article L. 412-6 alinéa 1.
En réponse, Mme [K] affirme que :
- elle n'a pas pu visiter le logement de [Localité 10], logement qui n'était pas disponible,
- elle ne peut supporter un logement qui ne serait pas situé en rez-de-jardin en raison de son état de santé.
Elle répond à la commune de [Localité 5] en se prévalant des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile.
Elle rappelle les dispositions de la convention d'occupation précaire selon lesquelles et soutient que :
- aucune proposition réelle de logement ne lui a été notifiée,
- son attitude ne peut s'assimiler à un refus injustifié d'une proposition de relogement.
Elle écrit que la commune de [Localité 5] lui a également proposé deux autres logements ultérieurement, qu'elle a accepté, mais qui étaient indisponibles.
Mme [K] indique qu'elle a continué d'effectuer par elle-même des démarches pour trouver un logement.
Elle invoque sa situation de handicap, de la nécessité d'un suivi médical régulier justifiant la proximité de son logement (en rez-de-jardin) par rapport au CHU ou aux cliniques [6] et [8].
Elle soutient qu'elle n'a pas refusé explicitement le logement proposé mais a seulement réitéré sa demande visant à obtenir un logement correspondant à son état de santé.
À titre subsidiaire, Mme [K] invoque le droit au logement et souhaite bénéficier d'un délai pour pouvoir se reloger dans des conditions décentes.
Elle s'oppose à la suppression du délai de l'article L. 412-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution.
Au visa de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Selon une jurisprudence constante, l'occupation sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés et ce même si l'occupant se trouve dans une situation précaire.
Dans le cas présent, Mme [K] a bénéficié d'une convention d'occupation précaire depuis le 9 juin 2016.
L'article 1er de cette convention prévoit que : ' le présent contrat a pour objectif de concrétiser le projet d'insertion par le logement et de trouver une solution définitive de relogement adapté. Mme [K] s'engage à quitter les lieux dans les délais prescrits lorsqu'une proposition de logement correspondant à ses possibilités et à ses besoins lui aura été faite. Le présent contrat est consenti pour un usage d'habitation exclusivement, à titre de logement temporaire.
Son article 2 précise que 'le contrat est conclu pour une durée d'un mois renouvelable par tacite reconduction à la seule volonté du résident, ou à défaut, de son représentant légal, pour des périodes de même durée'.
Le logement est un T2 situé au premier étage, [Adresse 9] à [Localité 5].
Mme [K] ne peut contester que par courrier du 11 février 2022, compte tenu de la durée extrêmement longue de son séjour, il lui a été accordé une prolongation exceptionnelle d'occupation jusqu'au 20 juillet 2022.
Il résulte des pièces du dossier qu'un logement a été proposé à Mme [K] à savoir un logement neuf, de type 3, accessible par ascenseur situé [Adresse 3] à [Localité 10].
Dans un courrier du 9 août 2022, Mme [K] a écrit : 'c'est pour cela que je demande auprès de vous un habitat adapté à ma pathologie, une maison ou un appartement T3/T4 en rez-de-jardin, s'il vous plaît.(...) Mon fils n'a pas de logement. Cette situation est très difficile à vivre pour nous. Permettez-nous d'avoir une vie familiale normale avec mon fils. Je ne peux pas le laisser dans cette situation. Je sollicite un logement sur [Localité 5] dans un quartier calme, s'il vous plaît'.
Contrairement aux écritures de Mme [K], ce courrier constitue un refus du logement proposé.
Certes Mme [K] connaît des problèmes de santé, mais elle ne justifie aucunement par des documents objectifs (les attestations de ses médecins traitants n'étant en rien motivées) en quoi l'appartement proposé ne serait pas adapté à sa situation médicale et ce d'autant plus qu'elle demeurait auparavant au 1er étage d'un immeuble dans un logement plus petit.
Un trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il en est ainsi en demeurant dans les lieux sans autorisation et en contravention avec les dispositions contractuelles.
Si Mme [K] invoque le droit au logement, il convient de souligner qu'il est interdit à son titulaire de le réaliser soi-même.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner à Mme [K], ainsi qu'à tout occupant de son chef, de libérer volontairement le logement dont elle est occupante au [Adresse 4] à [Localité 5].
À défaut de libération volontaire, il convient d'ordonner l'expulsion de Mme [K], ainsi que de tout occupant de son chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin il y a.
Pour ordonner les mesures pour mettre fin au trouble manifestement illicite, le juge doit rechercher si les mesures ordonnées sont proportionnées au regard des droits respectifs des parties.
La situation personnelle de Mme [K] ne justifie pas la suppression du délai tel que prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, ni la suppression de la trêve hivernale prévue par l'article L. 412-6 du même code.
En application des articles L 412-3 et 4, il convient d'accorder à Mme [K] un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt pour quitter les lieux et s'organiser pour trouver une solution alternative.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. La commune de [Localité 5] est déboutée de cette demande.
Succombant en cause d'appel, Mme [K] est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe :
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf celle relative aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau,
Ordonne à Mme [K], ainsi qu'à tout occupant de son chef, de libérer volontairement le logement dont elle est occupante, sans droit ni titre, au [Adresse 4] à [Localité 5] ;
À défaut de libération volontaire, ordonne l'expulsion de Mme [K], ainsi que de tout occupant de son chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin il y a ;
Déboute la commune de [Localité 5] de ses demandes fondées sur les articles
L. 412-1 et L 412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
Accorde à Mme [K] un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt pour quitter les lieux ;
Condamne Mme [K] aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Déboute la commune de [Localité 5] de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne Mme [K] aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,