Décisions
CA Paris, Pôle 3 - ch. 1, 2 octobre 2024, n° 23/07340
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 02 OCTOBRE 2024
(n°2024/ , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07340 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHPWJ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Mars 2023 - Juge de la mise en état de MELUN - RG n° 21/05095
APPELANTE
Madame [I] [S] veuve [O]
née le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 10] (47)
[Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Frédéric GUERREAU de la SELARL PONTAULT LEGALIS, avocat au barreau de MELUN, toque : 55
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/019520 du 02/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Monsieur [T] [M]
né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 9] (77)
[Adresse 4]
défaillant, auquel la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte d'huissier du 30.08.2023 à sa personne
Madame [W] [L] née [M]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 8] (77)
[Adresse 7]
défaillante, à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte d'huissier du 30.08.2023 à sa personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président,
M. Bertrand GELOT, Conseiller
Mme Béatrice BAUDIMENT, Conseiller désigné pour compléter la chambre
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [I] [S] et [P] [M] ont vécu en concubinage à compter de 1987 et jusqu'au décès de ce dernier survenu le [Date décès 5] 2019. Il laisse pour lui succéder ses enfants : Mme [W] [M] et M. [T] [M].
Il dépendait de la succession de [P] [M] un bien immobilier dans lequel celui-ci a vécu avec Mme [S] jusqu'à son décès.
Par testament du 31 mai 2014, [P] [M] a légué à Mme [S] l'usufruit de ce bien immobilier ainsi que les meubles le garnissant.
Ce bien a été vendu le 30 août 2019, Mme [S], qui est intervenue à l'acte de vente par son représentant, a indiqué être d'accord sur cette vente.
Malgré leurs tentatives, les parties ne sont pas parvenues à un accord sur le projet de partage.
Le solde du prix de vente a été séquestré entre les mains du notaire en charge du règlement de la succession.
Un procès-verbal de contestations a été établi le 5 juillet 2021.
Mme [I] [S] déposait le 17 septembre 2021 une plainte à l'encontre des enfants de [P] [M] du chef de vol en réunion et recel successoral.
Par acte extrajudiciaire du 4 novembre 2021, Mme [W] [M] et M. [T] [M] ont fait assigner Mme [I] [S] devant le tribunal judiciaire de Melun aux fins de voir ordonner les opérations de liquidation et partage de la succession de [P] [M].
Par ordonnance du 12 septembre 2022, le juge de la mise en état a débouté Mme [I] [S] de sa demande de sursis à statuer et les consorts [M] de leurs demandes relevant du fond du litige.
Par conclusions remises le 12 janvier 2023, Mme [S] a saisi une seconde fois le juge de la mise en état d'un incident aux fins de voir ordonner le sursis à statuer de l'instance dans l'attente d'une décision définitive concernant l'action publique, d'une part, et de la décision devant intervenir à la suite de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 12 septembre 2022, d'autre part.
Par ordonnance contradictoire du 13 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun a notamment :
- déclaré Mme [I] [S] irrecevable en sa demande de sursis à statuer compte tenu de l'autorité de la chose jugée,
- débouté Mme [W] [M] et M. [T] [M] de leur demande au titre de l'amende civile,
- condamné Mme [I] [S] à verser à Mme [W] [M] la somme de 350 euros et à M. [T] [M] la somme de 350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [I] [S] aux dépens.
Mme [I] [S] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 18 avril 2023 intimant Mme [W] [M] (épouse [L]) et M. [T] [M] et a présenté le 19 avril 2023 une demande d'aide juridictionnelle.
Mme [W] [M] et M. [T] [M] n'ont pas constitué avocat.
Par avis du greffe du 17 mai 2023, l'affaire a été fixée à bref délai en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Par décision du 2 août 2023, le président du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme [I] [S].
L'appelante a remis ses premières conclusions au greffe le 28 août 2023.
Mme [I] [S] a fait procéder à la signification de sa déclaration d'appel et de ses conclusions aux intimés par acte de commissaire de justice du 30 août 2023. L'acte de signification leur a été remis à leur personne.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 28 août 2023, Mme [I] [S], appelante, demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état de Melun du 13 mars 2023 dont appel en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- ordonner le sursis à statuer de la présente instance dans l'attente d'une décision définitive concernant l'action publique mise en 'uvre à la suite de la plainte déposée par Mme [S],
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [S] à payer une somme de 700 euros chacun aux consorts [M],
statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à condamnation de Mme [S] au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Après s'être vu signifiés la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant, les intimés n'ont pas constitué avocat ; ils n'ont donc pas conclu.
L'acte de signification de la déclaration d'appel ayant été remis à la personne des deux intimés, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
S'agissant des moyens qui ne seront pas développés ci-après, il sera renvoyé aux écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024.
L'affaire a été appelée à l'audience du 2 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer
L'ordonnance dont appel a déclaré irrecevable la demande de Mme [I] [S] veuve [O] de voir ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur l'action publique mise en 'uvre à la suite de sa plainte déposée par entre les mains du Doyen des juges d'instruction pour vol et recel successoral et de l'issue de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance d'incident du juge de la mise en état du 12 septembre 2022 pour le motif tiré de l'autorité de la chose jugée attachée à cette ordonnance qui avait déjà débouté Mme [I] [S] veuve [O] de sa demande de sursis à statuer.
A l'appui de son appel, Mme [I] [S] veuve [O] fait valoir que :
- l'ordonnance du 12 septembre 2022 est dénuée de l'autorité de la chose jugée du fait qu'elle en a interjeté appel,
- la mise en mouvement de l'action publique par la plainte avec constitution civile constitue un élément nouveau,
- la bonne administration de justice et le principe du criminel tient le civil en état n'interdisaient pas au juge d'ordonner le sursis à statuer.
En premier lieu, aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
En application de l'article 794 du même code dans sa version en vigueur applicable au litige, les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de procédure ont autorité de la chose jugée.
Or, le sursis à statuer qui suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement déterminé par la décision qui l'ordonne, constitue une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile.
Mme [I] [S] veuve [O] confond ainsi autorité de la chose jugée et force de chose jugée.
L'ordonnance du 12 septembre 2022 a rejeté la demande de sursis à statuer au motif que la plainte simple déposée par Mme [I] [S] veuve [O] avait été classée sans suite et n'avait donc pas mis en 'uvre l'action publique, le juge ayant ajouté que dans l'hypothèse d'une telle mise en mouvement, il n'y aurait pas une obligation de sursoir à statuer.
Mme [I] [S] veuve [O] justifie de la mise en mouvement de l'action publique par l'effet de sa plainte déposée le 5 janvier 2023 qui a été suivie par une ordonnance de dispense de consignation en date du 13 juillet 2023.
Cette mise en mouvement de l'action publique constitue une modification de la situation de fait antérieurement constatée en justice de nature à faire obstacle à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 12 septembre 2022.
Partant, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a déclarée la demande de sursis à statuer présentée par Mme [I] [S] veuve [O] irrecevable.
Depuis sa modification par la loi n°2007-291 du 6 mars 2007, le dernier alinéa l'article 4 du code de procédure pénale dispose que « la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. ».
Cette réforme de l'article 4 a, ainsi, mis fin à la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état.
Mme [I] [S] veuve [O] reproche à Mme [W] [M] épouse [L] et M. [T] [M] de l'avoir expulsée du pavillon dépendant de l'actif de la succession dont [P] [M] lui avait consenti l'usufruit par voie testamentaire sans avoir pu emporter ses affaires personnelles et ses meubles ainsi que ceux qui garnissaient ce bien dont la jouissance lui a également été attribuée et des faits de recel successoral. La qualification pénale des faits apparaît incertaine ; en effet, le recel successoral est un délit civil dont l'appréciation relève de la compétence du juge civil ; s'agissant des autres faits, ces derniers portent sur les conditions de son départ du bien indivis dont elle a accepté la vente.
En conséquence, il n'apparaît pas opportun de retarder l'issue du litige successoral alors que le décès remonte déjà à plus de cinq ans dans l'attente de l'issue de la plainte pour des faits de vol en réunion et de recel allégués par l'appelante ; il est en outre relevé que Mme [I] [S] veuve [O] n'a fourni aucune indication sur l'état de l'avancée de la procédure pénale depuis l'ordonnance la dispensant de consignation qui remonte désormais à plus d'un an.
Au vu des éléments qui précèdent, Mme [I] [S] veuve [O] se voit déboutée de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée entre les mains du Doyen des juges d'instruction.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
L'article 42 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique prévoit que lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle de l'article 75.
Les intimés n'ayant pas constitué avocat, ils n'ont pas supporté de dépens.
En application de l'article susvisé, les dépens resteront à la charge du Trésor.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.
Mme [I] [S] veuve [O] ne justifiant pas avoir été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle en première instance, elle se verra déboutée de sa demande tendant à l'infirmation du chef de l'ordonnance l'ayant condamnée à payer à chacun de Mme [W] [M] épouse [L] et M. [T] [M] la somme de 350 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt par réputé contradictoire et dans les limites de l'appel,
Infirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun ayant déclaré Mme [I] [S] veuve [O] irrecevable en sa demande de sursis à statuer compte tenu de l'autorité de la chose jugée ;
La confirme en ses autres chefs dévolus à la cour ;
Statuant à nouveau :
Déclare Mme [I] [S] veuve [O] recevable en sa demande de sursis à statuer ;
Y ajoutant :
Déboute Mme [I] [S] veuve [O] de sa demande de sursis à statuer ;
Dit que les dépens d'appel seront supportés par le Trésor.
Le Greffier, Le Président,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 02 OCTOBRE 2024
(n°2024/ , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07340 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHPWJ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Mars 2023 - Juge de la mise en état de MELUN - RG n° 21/05095
APPELANTE
Madame [I] [S] veuve [O]
née le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 10] (47)
[Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Frédéric GUERREAU de la SELARL PONTAULT LEGALIS, avocat au barreau de MELUN, toque : 55
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/019520 du 02/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Monsieur [T] [M]
né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 9] (77)
[Adresse 4]
défaillant, auquel la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte d'huissier du 30.08.2023 à sa personne
Madame [W] [L] née [M]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 8] (77)
[Adresse 7]
défaillante, à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte d'huissier du 30.08.2023 à sa personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président,
M. Bertrand GELOT, Conseiller
Mme Béatrice BAUDIMENT, Conseiller désigné pour compléter la chambre
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [I] [S] et [P] [M] ont vécu en concubinage à compter de 1987 et jusqu'au décès de ce dernier survenu le [Date décès 5] 2019. Il laisse pour lui succéder ses enfants : Mme [W] [M] et M. [T] [M].
Il dépendait de la succession de [P] [M] un bien immobilier dans lequel celui-ci a vécu avec Mme [S] jusqu'à son décès.
Par testament du 31 mai 2014, [P] [M] a légué à Mme [S] l'usufruit de ce bien immobilier ainsi que les meubles le garnissant.
Ce bien a été vendu le 30 août 2019, Mme [S], qui est intervenue à l'acte de vente par son représentant, a indiqué être d'accord sur cette vente.
Malgré leurs tentatives, les parties ne sont pas parvenues à un accord sur le projet de partage.
Le solde du prix de vente a été séquestré entre les mains du notaire en charge du règlement de la succession.
Un procès-verbal de contestations a été établi le 5 juillet 2021.
Mme [I] [S] déposait le 17 septembre 2021 une plainte à l'encontre des enfants de [P] [M] du chef de vol en réunion et recel successoral.
Par acte extrajudiciaire du 4 novembre 2021, Mme [W] [M] et M. [T] [M] ont fait assigner Mme [I] [S] devant le tribunal judiciaire de Melun aux fins de voir ordonner les opérations de liquidation et partage de la succession de [P] [M].
Par ordonnance du 12 septembre 2022, le juge de la mise en état a débouté Mme [I] [S] de sa demande de sursis à statuer et les consorts [M] de leurs demandes relevant du fond du litige.
Par conclusions remises le 12 janvier 2023, Mme [S] a saisi une seconde fois le juge de la mise en état d'un incident aux fins de voir ordonner le sursis à statuer de l'instance dans l'attente d'une décision définitive concernant l'action publique, d'une part, et de la décision devant intervenir à la suite de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 12 septembre 2022, d'autre part.
Par ordonnance contradictoire du 13 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun a notamment :
- déclaré Mme [I] [S] irrecevable en sa demande de sursis à statuer compte tenu de l'autorité de la chose jugée,
- débouté Mme [W] [M] et M. [T] [M] de leur demande au titre de l'amende civile,
- condamné Mme [I] [S] à verser à Mme [W] [M] la somme de 350 euros et à M. [T] [M] la somme de 350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [I] [S] aux dépens.
Mme [I] [S] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 18 avril 2023 intimant Mme [W] [M] (épouse [L]) et M. [T] [M] et a présenté le 19 avril 2023 une demande d'aide juridictionnelle.
Mme [W] [M] et M. [T] [M] n'ont pas constitué avocat.
Par avis du greffe du 17 mai 2023, l'affaire a été fixée à bref délai en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Par décision du 2 août 2023, le président du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme [I] [S].
L'appelante a remis ses premières conclusions au greffe le 28 août 2023.
Mme [I] [S] a fait procéder à la signification de sa déclaration d'appel et de ses conclusions aux intimés par acte de commissaire de justice du 30 août 2023. L'acte de signification leur a été remis à leur personne.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 28 août 2023, Mme [I] [S], appelante, demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état de Melun du 13 mars 2023 dont appel en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- ordonner le sursis à statuer de la présente instance dans l'attente d'une décision définitive concernant l'action publique mise en 'uvre à la suite de la plainte déposée par Mme [S],
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [S] à payer une somme de 700 euros chacun aux consorts [M],
statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à condamnation de Mme [S] au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Après s'être vu signifiés la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant, les intimés n'ont pas constitué avocat ; ils n'ont donc pas conclu.
L'acte de signification de la déclaration d'appel ayant été remis à la personne des deux intimés, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
S'agissant des moyens qui ne seront pas développés ci-après, il sera renvoyé aux écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024.
L'affaire a été appelée à l'audience du 2 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer
L'ordonnance dont appel a déclaré irrecevable la demande de Mme [I] [S] veuve [O] de voir ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur l'action publique mise en 'uvre à la suite de sa plainte déposée par entre les mains du Doyen des juges d'instruction pour vol et recel successoral et de l'issue de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance d'incident du juge de la mise en état du 12 septembre 2022 pour le motif tiré de l'autorité de la chose jugée attachée à cette ordonnance qui avait déjà débouté Mme [I] [S] veuve [O] de sa demande de sursis à statuer.
A l'appui de son appel, Mme [I] [S] veuve [O] fait valoir que :
- l'ordonnance du 12 septembre 2022 est dénuée de l'autorité de la chose jugée du fait qu'elle en a interjeté appel,
- la mise en mouvement de l'action publique par la plainte avec constitution civile constitue un élément nouveau,
- la bonne administration de justice et le principe du criminel tient le civil en état n'interdisaient pas au juge d'ordonner le sursis à statuer.
En premier lieu, aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
En application de l'article 794 du même code dans sa version en vigueur applicable au litige, les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de procédure ont autorité de la chose jugée.
Or, le sursis à statuer qui suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement déterminé par la décision qui l'ordonne, constitue une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile.
Mme [I] [S] veuve [O] confond ainsi autorité de la chose jugée et force de chose jugée.
L'ordonnance du 12 septembre 2022 a rejeté la demande de sursis à statuer au motif que la plainte simple déposée par Mme [I] [S] veuve [O] avait été classée sans suite et n'avait donc pas mis en 'uvre l'action publique, le juge ayant ajouté que dans l'hypothèse d'une telle mise en mouvement, il n'y aurait pas une obligation de sursoir à statuer.
Mme [I] [S] veuve [O] justifie de la mise en mouvement de l'action publique par l'effet de sa plainte déposée le 5 janvier 2023 qui a été suivie par une ordonnance de dispense de consignation en date du 13 juillet 2023.
Cette mise en mouvement de l'action publique constitue une modification de la situation de fait antérieurement constatée en justice de nature à faire obstacle à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 12 septembre 2022.
Partant, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a déclarée la demande de sursis à statuer présentée par Mme [I] [S] veuve [O] irrecevable.
Depuis sa modification par la loi n°2007-291 du 6 mars 2007, le dernier alinéa l'article 4 du code de procédure pénale dispose que « la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. ».
Cette réforme de l'article 4 a, ainsi, mis fin à la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état.
Mme [I] [S] veuve [O] reproche à Mme [W] [M] épouse [L] et M. [T] [M] de l'avoir expulsée du pavillon dépendant de l'actif de la succession dont [P] [M] lui avait consenti l'usufruit par voie testamentaire sans avoir pu emporter ses affaires personnelles et ses meubles ainsi que ceux qui garnissaient ce bien dont la jouissance lui a également été attribuée et des faits de recel successoral. La qualification pénale des faits apparaît incertaine ; en effet, le recel successoral est un délit civil dont l'appréciation relève de la compétence du juge civil ; s'agissant des autres faits, ces derniers portent sur les conditions de son départ du bien indivis dont elle a accepté la vente.
En conséquence, il n'apparaît pas opportun de retarder l'issue du litige successoral alors que le décès remonte déjà à plus de cinq ans dans l'attente de l'issue de la plainte pour des faits de vol en réunion et de recel allégués par l'appelante ; il est en outre relevé que Mme [I] [S] veuve [O] n'a fourni aucune indication sur l'état de l'avancée de la procédure pénale depuis l'ordonnance la dispensant de consignation qui remonte désormais à plus d'un an.
Au vu des éléments qui précèdent, Mme [I] [S] veuve [O] se voit déboutée de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée entre les mains du Doyen des juges d'instruction.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
L'article 42 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique prévoit que lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle de l'article 75.
Les intimés n'ayant pas constitué avocat, ils n'ont pas supporté de dépens.
En application de l'article susvisé, les dépens resteront à la charge du Trésor.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.
Mme [I] [S] veuve [O] ne justifiant pas avoir été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle en première instance, elle se verra déboutée de sa demande tendant à l'infirmation du chef de l'ordonnance l'ayant condamnée à payer à chacun de Mme [W] [M] épouse [L] et M. [T] [M] la somme de 350 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt par réputé contradictoire et dans les limites de l'appel,
Infirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Melun ayant déclaré Mme [I] [S] veuve [O] irrecevable en sa demande de sursis à statuer compte tenu de l'autorité de la chose jugée ;
La confirme en ses autres chefs dévolus à la cour ;
Statuant à nouveau :
Déclare Mme [I] [S] veuve [O] recevable en sa demande de sursis à statuer ;
Y ajoutant :
Déboute Mme [I] [S] veuve [O] de sa demande de sursis à statuer ;
Dit que les dépens d'appel seront supportés par le Trésor.
Le Greffier, Le Président,