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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 2 octobre 2024, n° 24/01146

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/01146

2 octobre 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 02 OCTOBRE 2024

N° RG 24/01146 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NVQQ

S.A.R.L. ASYR

S.E.L.A.R.L. PHILAE

c/

S.A.R.L. DANEY

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 20 février 2024 (R.G. 2023R00925) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 08 mars 2024

APPELANTES :

S.A.R.L. ASYR, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 839 174 299, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

S.E.L.A.R.L. PHILAE, es qualité de mandataire judiciaire de la SARL ASYR, domiciliée en cette qualité [Adresse 1]

Représentées par Maître François CILIENTO de la SELAS CILIENTO AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉE :

S.A.R.L. DANEY, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 381 268 317, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siége social sis [Adresse 4]

Représentée par Maître Frédéric CUIF de la SARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Alice MONSAIN du Cabinet FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juillet 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

La société à responsabilité limitée Asyr, qui a pour activité la construction et la rénovation de bâtiments, a commandé à la société à responsabilité limitée Daney divers travaux dans le cadre d'un projet de rénovation d'un immeuble situé [Adresse 2] (Gironde).

La société Asyr a accepté un premier devis portant sur la réalisation d'une ossature métallique et de bardages pour la somme de 93.000 euros HT le 1er juillet 2020, puis un second le 11 août 2020 relatif à des travaux supplémentaires, pour la somme de 35.790 euros HT.

La société Daney a engagé les travaux et émis des factures intermédiaires en novembre et décembre 2020. Le 7 novembre 2023, elle a mis en demeure la société Asyr d'avoir à lui régler la somme de 37.785 euros puis, par acte du 8 décembre 2023, a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de diverses sommes.

Par ordonnance réputée contradictoire prononcée le 20 février 2024, le juge des référés a statué ainsi qu'il suit :

- condamnons à titre provisionnel en application de l'article 873 du code de procédure civile, la société Asyr à payer à la société Daney la somme de 37.785 euros ;

- condamnons la société Asyr à payer à la société Daney la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnons la société Asyr aux dépens.

La société Asyr a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 8 mars 2024.

La société Philae, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Asyr, alors en redressement judiciaire en vertu d'un jugement en date du 7 février 2024, a également relevé appel de cette ordonnance par déclaration au greffe du 8 mars 2024. Ce deuxième appel, enregistré sous le numéro de Répertoire général 24-1147 a fait l'objet d'une jonction avec la présente affaire par mention au dossier en date du 29 mars 2024.

Le 9 avril 2024, la déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai ont été signifiés à l'intimé.

***

Par dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2024, la société Asyr et la société Philae es qualités demandent à la cour de :

Vu les articles L 622-21 et L 622-22 et suivants du code de commerce

Vu les articles 872 et 873 du code de procédure civile,

Vu les articles 144 et 873 du code de procédure civile,

A titre principal,

- constater que la demande en paiement de la société Daney est devenue irrecevable ;

Y faisant droit,

- réformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 20 février 2024 en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- déclarer recevable et bien fondée l'argumentation de la société Asyr représentée par la société Philae ;

- constater que la demande de la société Daney est sérieusement contestable ;

Y faisant droit,

- constater que seul le juge du fond est compétent ;

- réformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 20 février 2024 en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Daney de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions en raison de l'incompétence du juge des référés ;

A titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour devait considérer que le président du tribunal de commerce de Bordeaux est compétent et partant la cour, pour statuer au fond du litige,

- constater que la demande en paiement de la société Daney n'est pas justifiée ;

- réformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 20 février 2024 en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Daney de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre surabondamment subsidiaire,

- réformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 20 février 2024 en toutes ses dispositions ;

- ordonner une expertise judiciaire avec la mission de faire les comptes entre les parties et notamment pour déterminer et évaluer le montant des travaux non réalisés par la société Daney et facturés par cette dernière ;

- débouter la société Daney de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

- réformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 20 février 2024 au titre des frais irrépétibles ;

- débouter la société Daney de ses demandes en paiement des frais irrépétibles et des dépens de première instance ;

- condamner la société Daney à payer à la société Asyr représentée par la société Philae la somme de 3.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la présente procédure ;

- condamner la société Daney aux entiers dépens de la présente instance.

***

Par dernières écritures notifiées le 26 juin 2024, la société Daney demande à la cour de :

Vu les articles L622-21 et L622-22 du code de commerce,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

A titre principal,

- rejeter comme irrecevables toutes les demandes de la société Asyr et dire l'appel sans objet ;

A titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance entreprise et ce qu'elle a fait droit à la demande de condamnation provisionnelle et fixer en conséquence à 39 032,08 euros (37 785 + 1 000 + 247,08) la créance de la société Daney au passif du redressement judiciaire de la société Asyr ;

En tout état de cause,

- condamner la société Asyr à payer à la société Daney une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Asyr aux dépens.

***

L'ordonnance de clôture a été reportée au jour des plaidoiries.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Par jugement du 7 février 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Asyr et désigné la société Philae en qualité de mandataire judiciaire.

Or il est constant en droit que l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur ; dès lors, la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictées par l'article L622- 21 du code de commerce.

Il en résulte que seul le juge commissaire a désormais le pouvoir de statuer sur la déclaration de créance.

En conséquence, ainsi que le font valoir à juste titre les appelants, la demande de la société Daney en paiement d'une provision est irrecevable, ce par application des dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce, et la cour, statuant en qualité de juge d'appel du juge des référés, infirmera l'ordonnance entreprise et dira n'y avoir lieu à référé.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de l'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance prononcée le 20 février 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux.

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé.

Déboute les parties de leur demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président