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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 6 juin 2024, n° 21/01691

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pierre Maçonnerie et Travaux Publics (PMTP) (SARL)

Défendeur :

Vidanges de la Haute Gironde (VHG) (SARL), Areas Dommages (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

M. Figerou, Mme Defoy

Avocats :

Me Florent, Me Dion, Me Raimbault, Me Dirou, Me de Boussac Di Pace

TJ Bordeaux, 7e ch., du 27 janv. 2021, n…

27 janvier 2021

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Propriétaire d'un immeuble d'habitation sis [Adresse 1]), Mme [V] [S] a, par devis en date du 11 août 2011, confié à la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics (SARL PMTP) la mise en 'uvre d'une nouvelle fosse septique et d'une pompe de relevage.

La SARL PMTP a, par la suite, procédé à trois remplacements de cette pompe les 27 décembre 2013, 13 janvier 2014 et 19 mai 2014.

Mme [V] [S] a en outre sollicité l'intervention de la SARL Vidanges de la Haute Gironde (VHG), assurée auprès d'Areas Dommages, laquelle a procédé le 21 janvier 2014 à une vidange de cette fosse.

Se plaignant de dysfonctionnements du système d'assainissement et du soulèvement de la pompe, Mme [V] [S] a fait, dans un premier temps, appel à un expert amiable afin de déterminer l'origine des désordres. M. [Y], mandaté par le cabinet IXI, a rendu son rapport le 16 juillet 2014. Mme [V] [S] a également sollicité l'intervention du service d'assainissement non collectif, la Sogedo, qui a établi un compte-rendu du fonctionnement de cette installation le 26 septembre 2014.

Par ordonnance de référé en date du 1er juin 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a, sur assignation de

Mme [V] [S], désigné M. [W] [K] [I] en qualité d'expert. Ce dernier a déposé son rapport le 26 mars 2018.

Suivant acte d'huissier en date du 7 mai 2019, Mme [V] [S] a assigné la SARL PMTP, la SARL Vidanges de la Haute Gironde, ainsi qu'Areas Dommages, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d'obtenir la condamnation de ces dernières à lui payer le coût des travaux réparatoires de la fosse, outre des dommages et intérêts correspondant au montant de la perte de loyers.

Par jugement en date du 27 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a:

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes des parties tendant à « déclarer » et «constater»,

- condamné la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics à payer la somme de 348 euros à Mme [V] [S] au titre des travaux réparatoires relatifs à la pompe,

- condamné in solidum la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages, à payer à Mme [V] [S] les sommes de :

- 1401 euros au titre de son dommage matériel,

- 34 286 euros au titre de son préjudice immatériel,

- dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :

- la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics supportera 80% de la dette,

- la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur Areas Dommages : 20%,

- autorisé Areas Dommages à opposer sa franchise contractuelle de 10% avec un minimum de 180 euros et un maximum de 900 euros,

- condamné la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages, in solidum à payer à Mme [V] [S] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la SARL Vidanges de Haute Gironde et Areas Dommages de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages, in solidum à payer les dépens, comprenant les frais d'expertise,

- dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration électronique en date du 19 mars 2021, la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics a interjeté appel total de la décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 octobre 2021, la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a condamnée à payer la somme de 348 euros à Mme [V] [S] au titre des travaux réparatoires relatifs à la pompe,

- l'a condamnée in solidum avec la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages, à payer à Mme [V] [S] les sommes de :

- 1401 euros au titre de son dommage matériel,

- 34.286 euros au titre de son préjudice immatériel,

- dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :

- la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics supportera 80% de la dette,

- la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur Areas Dommages : 20%,

- l'a condamnée in solidum avec la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages, à payer à Mme [V] [S] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-l'a déboutée avec la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée in solidum avec la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages in solidum à payer les dépens, comprenant les frais d'expertise,

- dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Statuant de nouveau,

À titre principal,

- débouter Madame [S], la société VHG et son assureur Areas Dommages, de l'intégralité de leurs demandes présentées contre elles,

À titre subsidiaire,

Dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue,

- fixer le pourcentage de sa responsabilité à 5% du montant des sommes allouées à Madame [S], y compris les dépens et les frais irrépétibles, compte tenu de la responsabilité prépondérante de la société VHG dans la survenance du dommage et de la faute exonératoire du tiers,

- condamner en conséquence la société VHG et son assureur Areas Dommages à la prise en charge de 95% du montant des sommes allouées à Madame [S],

En toute hypothèse,

- juger que le préjudice lié à la perte de loyers doit s'analyser en une perte de chance,

- ordonner la réduction du montant du préjudice lié à la perte de loyers à 5% du montant des sommes réclamées par Madame [S] sur ce poste, et à défaut, le réduire à de plus justes proportions,

- débouter Madame [S], la société VHG et son assureur Areas Dommages de l'ensemble de leurs demandes plus amples et contraires,

- condamner in solidum tous succombants à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 3 décembre 2021, la SARL Vidanges de la Haute Gironde demande à la cour de :

À titre principal,

- faire droit à son appel incident,

- infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

- débouter Madame [S] de toutes ses demandes tournées vers elle,

À titre subsidiaire,

Si sa responsabilité était retenue,

- juger de la garantie de la société Areas,

- condamner la société Areas à la relever indemne de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge en vertu de sa garantie en principal, dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens,

En tout état de cause,

- condamner solidairement Madame [S] et la Société PMTP et la société Areas à lui verser la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance,

Dans ses dernières conclusions en date du 3 octobre 2022, Madame [V] [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 27 janvier 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a limité son indemnité au titre de son préjudice immatériel,

- l'infirmer s'agissant de cette limitation en tant que de besoin.

- condamner in solidum la société PMTP, la société VHG et la compagnie Areas, ès qualité d'assureur de la société VHG, à lui verser la somme de 54.560 €, à parfaire, au titre de son préjudice immatériel,

- subsidiairement sur ce point, condamner in solidum la société PMTP, la société VHG et la compagnie Areas, ès qualité d'assureur de la société VHG, à lui verser la somme de 38.192 €, à parfaire, au titre de son préjudice immatériel,

- débouter les sociétés PMTP et VHG de l'ensemble de leurs demandes.

- condamner in solidum la société PMTP, la société VHG et la compagnie Areas, ès qualité d'assureur de la société VHG, au règlement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référés, d'expertise, de première instance et d'appel.

La société Areas Dommages, dans ses dernières conclusions du 16 novembre 2021, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel incident interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 27 janvier 2021,

- débouter Madame [V] [S] de ses demandes dirigées à son encontre,

À titre subsidiaire,

- débouter Madame [V] [S] de ses demandes dirigées à son encontre au titre des pertes locatives,

- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,

À titre infiniment subsidiaire,

- déclarer Madame [V] [S] responsable de 50% des pertes locatives qu'elle réclame,

- limiter les pertes locatives au dépôt du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [I],

À titre plus infiniment subsidiaire,

- confirmer le montant des indemnités allouées à Madame [V] [S] par le tribunal.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2024.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité des sociétés Pierre Maçonnerie et Travaux Publics et Vidanges de la Haute Gironde

A titre liminaire, il convient de préciser que la SARL Pierres Maçonnerie et Travaux publics (PMPT) demande de voir infirmer le jugement déféré qui a retenu sa responsabilité décennale au titre des désordres allégués, alors qu'un tel moyen n'était pas invoqué par les parties. Elle estime qu'en soulevant d'office le principe de la responsabilité décennale, le jugement entrepris a violé le principe du contradictoire, seule sa responsabilité contractuelle étant recherchée par Mme [S].

S'il est exact que le principe de la responsabilité décennale a été soulevé d'office par le premier juge, sans pour autant que ce dernier invite les parties à y répondre contradictoirement, violant ainsi le principe du contradictoire, force est de constater toutefois que la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Public ne tire aucune conséquence de cette situation, ne sollicitant nullement l'annulation du jugement déféré et se contentant de conclure à l'infirmation de la décision attaquée en application des dispositions relatives à la responsabilité contractuelle.

Il en résulte que la cour statuera exclusivement sur le principe de la responsabilité contractuelle des constructeurs sans tirer aucune conséquence de la violation du principe du contradictoire, en l'absence de toute demande d'annulation du jugement de la part de la société appelante.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics,

La société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics (PMTP) fait grief au jugement de l'avoir condamnée à indemniser Madame [V] [S] au titre de ses préjudices matériels et immatériels. Elle fait en effet valoir qu'elle n'est pas responsable des désordres qui concernent la pompe de relevage et le soulèvement de la fosse.

S'agissant spécialement des désordres relatifs à la pompe de relevage, la société appelante indique que ces derniers ne sont pas liés à la pompe elle-même, mais à un défaut de raccordement électrique, qui ne lui est pas imputable.

S'agissant de ceux relatifs au soulèvement de la fosse, la société PMTP relève qu'avant de réaliser cette dernière, Madame [V] [S] n'avait pas déclaré se situer en zone inondable et qu'après réalisation, la Sogedo avait considéré l'installation comme conforme, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être imputée.

Madame [V] [S], en réponse, reprend principalement les arguments de l'expert judiciaire et considère que s'agissant de la pompe, la société PMTP a procédé à l'installation et au raccordement de ladite pompe. De même, pour ce qui est de la fosse en elle-même : le fait de ne pas avoir alourdi l'ensemble par du remblai composé de ciment a conduit à son soulèvement.

L'article 1147 du Code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce, prévoit que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

Sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, quatre conditions cumulatives sont requises pour agir en responsabilité contractuelle : l'existence d'un contrat valable; l'inexécution d'une obligation du contrat ou rattachée au contrat en vertu de l'article 1135 du Code civil ; le fait que les parties au contrat soient parties à l'instance et l'existence d'un préjudice lié à l'inexécution.

En l'espèce, Madame [V] [S] a validé, le 11 août 2011, un devis émis par la société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics afin de remplacer sa fosse septique. Postérieurement aux travaux, et à trois reprises, les 27 décembre 2013, 13 janvier 2014 et 19 mai 2014, Madame [S] a fait procéder au remplacement de la pompe de relevage. Dans le même temps, la fosse s'est soulevée.

L'expert judiciaire, dans son rapport du 26 mars 2018, a confirmé la matérialité des deux désordres susvisés.

S'agissant de la pompe de relevage, il a noté un défaut d'isolement et une absence de boîte de raccordement. Il a imputé la responsabilité de ces désordres à la société PMTP qui a procédé à l'installation de cette pompe à l'origine et qui a effectué chaque remplacement.

S'agissant du second désordre concernant la fosse septique elle-même, il a relevé qu'elle n'avait été lestée par une dalle béton et que le remblai sable n'avait pas été mélangé avec du ciment afin de l'alourdir, ce qui a eu pour conséquence de rendre la fosse septique inutilisable.

Le rapport d'expertise a en outre fait état du fait que : 'le devis de la SARL PMTP prévoyait que le sable serait mélangé avec du ciment', ce qui n'a pas été le cas, de sorte que la fosse s'est soulevée de par la faute du constructeur qui n'a pas respecté les prescriptions contractuelles.

Pour ce qui de la pompe de relevage, elle est en l'état selon l'expert inutilisable, si le SAV confirme la présence d'eau à l'intérieur. De plus, elle n'a pas été correctement raccordée. Dès lors que la société PMTP a procédé à l'installation et au remplacement de cette pompe qui s'avère dysfonctionnelle, elle a nécessairement commis une faute dans l'exécution de sa prestation de travail.

Ainsi, le tribunal, à juste titre, a retenu la responsabilité contractuelle de la société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics.

Sur la responsabilité de la société Vidanges de la Haute Gironde,

L'article 1147 du Code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce, prévoit que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

La société Vidanges de la Haute Gironde fait grief au jugement entrepris de l'avoir condamnée à régler, à Madame [V] [S] la somme de 1401 euros au titre des travaux réparatoires de la fosse et la somme de 34.286 euros au titre de sa perte de revenus locatifs et d'avoir ainsi considéré que sa responsabilité contractuelle était engagée.

Elle fait valoir pour sa part qu'elle n'a pas commis de faute en ce qu'elle a procédé à la vidange de la fosse septique de Madame [V] [S] et a rempli son obligation d'information consistant à prévenir le client profane des risques liés à la vidange d'une fosse septique, à savoir le relèvement de cette dernière, du fait de la poussée d'Archimède. De même, elle avance que ses conditions générales de vente excluaient le remplissage en eau de la fosse et que le locataire de Madame [S] a tardé à procéder à la remise en eau.

Son assureur, Areas Dommages fait valoir que la société Vidanges de la Haute Gironde n'a pas commis de faute et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'éventuelle faute de son assurée et le soulèvement de la fosse.

En réponse, Madame [V] [S] ne conteste pas que la vidange ait été faite convenablement, mais estime qu'au regard du contexte de fortes pluies et d'un sol gorgé d'eau, la société Vidanges de la Haute Gironde, aurait dû différer son intervention ou s'assurer que le locataire, profane, était en mesure de remplir la fosse septique rapidement.

En l'espèce, la société Vidanges de la Haute Gironde a procédé, conformément au contrat passé entre elle et Madame [V] [S] (pièces 1 et 2 dossier Société VHG) a procédé à la vidange de la fosse septique de l'immeuble dont cette dernière est propriétaire. Pendant cette opération, la société a informé le locataire de Madame [S] que, conformément à ses conditions générales de vente, elle ne remplirait pas la fosse après vidange et que le locataire devait y procéder. Il a attiré l'attention du locataire sur la nécessité de procéder au remplissage dans un temps proche de la vidange.

Il sera relevé, comme l'a fait le tribunal, que la société Vidange de la Haute Gironde est un professionnel et qu'en tant cette qualité, son obligation principale est d'effectuer la vidange de la fosse. Toutefois, au titre de ses obligations accessoires, elle doit informer ses clients des risques liés à la vidange d'une fosse septique, à savoir son soulèvement en raison de la poussée d'Archimède.

S'il apparaît que la société pouvait effectivement ne pas remplir la fosse, le contexte général aurait dû l'alerter. Dès lors qu'il avait beaucoup plu et que par conséquent les terres étaient gorgées d'eau, la société VHG aurait dû reporté son intervention, ce qu'elle n'a pas fait. Il en est pour preuve le bon de travaux versé aux débats par la société Vidange de la Haute Gironde elle-même sur lequel il est inscrit dans la rubrique relative aux observations : 'terrain très humide'. (pièce 1 dossier société VHG).

L'expert judiciaire, dans son rapport du 26 mars 2018 estime ainsi que 'La vidange a été réalisée pendant une période où le terrain était gorgé d'eau. Le vidangeur aurait dû s'assurer que le locataire avait un matériel permettant de remplir la fosse rapidement, et que cette opération serait réalisée immédiatement après la vidange ; le terrain étant gorgé d'eau, son devoir de conseil lui en faisait l'obligation. Compte-tenu de la hauteur de la nappe, il aurait peut-être même dû différer son intervention ou revenir avec un matériel permettant de vidanger, en remettant en eau au fur et à mesure'.

En conséquence, en procédant à la vidange de la fosse dans des conditions inadéquates et sans s'assurer du remplissage rapide et subséquent de ladite fosse, la société VHG a engagé sa responsabilité contractuelle, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel,

Dans son rapport d'expertise, l'expert a estimé que le devis de 348 euros relatif au remplacement de la pompe ainsi que son raccordement électrique et le devis de 1401 euros relatif au remplacement de la fosse correspondaient aux pris couramment pratiqués sur le marché.

Dès lors, comme l'a justement jugé le tribunal, la société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics sera condamnée au paiement des sommes de 348 euros et 1401 euros au titre des travaux réparatoires. La société Vidanges de la Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages seront quant à eux condamnés, in solidum avec la société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics au paiement de la somme de 1401 euros.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la réparation du préjudice lié à la perte de loyers,

La société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics ainsi que la société Vidanges de la Haute Gironde et son assureur Areas Dommages font grief au jugement de les avoir condamnés à régler à Madame [S] la somme de 34.286 euros au titre de son préjudice relatif à sa perte de revenus locatifs.

Ils font valoir que Madame [S] ne démontre pas que le départ des locataires a été provoqué par les problèmes liés à la fosse septique et qu'elle a été dans l'impossibilité de louer son bien immobilier, ce dernier pouvant être occupé malgré les désordres. Ils ajoutent enfin qu'elle aurait pu avancer les frais de remise en état afin de remettre son bien en location. Les trois sociétés sollicitent à titre principal que Madame [S] soit déboutée de sa demande.

A titre subsidiaire, la société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics sollicite que la somme allouée en réparation du préjudice lié à cette perte de loyers soit ramenée à 5% du montant réclamé par Madame [S] ou simplement réduite à de plus justes proportions.

La société Areas Dommages sollicite à titre infiniment subsidiaire que Madame [S] soit considérée responsable de 50% des pertes locatives qu'elle réclame et à titre encore plus subsidiaire, que le montant des indemnités allouées en première instance soit confirmé.

En réponse, Madame [S] avance qu'aucun propriétaire ne viendrait proposer un bien à la location dépourvu de fosse septique fonctionnelle et par voie de conséquence, de sanitaire. Elle estime donc que du fait de ce désordre son bien n'était pas en l'état d'être loué. Elle sollicite ainsi l'infirmation du jugement et sollicite la somme de 54.580 euros à titre indemnitaire, correspondant à 88 mois de loyers, à parfaire. A titre subsidiaire, elle sollicite la somme de 38.192 euros, correspondant à 70% des sommes demandées en raison de l'occupation très occasionnelle de son logement par elle.

Dans sa décision du 27 janvier 2021, le tribunal a octroyé à Madame [S] la somme de 34.286 euros, correspondant à 70% de 620 euros (loyer anciennement perçu) multiplié par 79 mois de juin 2014 (départ des locataires) à janvier 2021 (date du jugement). Pour déterminer cette somme, le tribunal a retenu que le logement était partiellement habité.

La cour relève, comme l'a fait le tribunal, que le dommage causé par les sociétés Pierre Maçonnerie et Travaux Publics et Vidanges de la Haute Gironde a nécessairement causé à Madame [S] un préjudice locatif comme en témoigne l'attestation de ses locataires versée aux débats libellée comme suit 'nous quittons la maison, cause état insalubre et inhabitable' (pièce 10 dossier Madame [S]).

Toutefois, il n'est pas précisé en quoi l'immeuble de Madame [S] est insalubre et inhabitable. Aucun constat d'huissier ou aucune photographie des lieux ne permettent de constater l'état du bien dans son ensemble. En somme, il n'est pas précisé si l'état d'insalubrité résulte uniquement du désordre lié à la fosse septique.

De même, le jugement a retenu que l'assureur de la société VHG ne rapportait pas la preuve que Madame [S] disposait de revenus suffisants pour effectuer les travaux réparatoires et qu'il ne pouvait dès lors lui être reproché de ne pas les avoir réalisés.

Il apparaît néanmoins à ce sujet que la société PMTP a fait sommation de communiquer à Madame [S], le 18 juin 2021, les pièces afférentes à la location de son bien, dont l'état des lieux d'entrée et de sortie des anciens locataires, les factures d'eau et d'électricité sur la période 2014 - 2021. Ces éléments auraient pu permettre à Madame [S] de prouver la réalité de son préjudice, tout en permettant à la cour de déterminer si l'état d'insalubrité du bien provenait uniquement de la fosse septique et si le bien avait réellement été habité ou non, au regard des consommations d'eau et d'électricité.

Ces éléments étaient d'autant plus essentiels que l'expert judiciaire dans son rapport a écrit quant à l'habilitabilité du bien : 'nous considérons que cette maison n'a pas pu être louée normalement depuis mars 2013. Cependant, à chacune de nos visites, nous avons pu constater qu'elle était partiellement occupée. Mme [S] nous a fait parvenir une demande pour perte de loyers pendant 60 mois, soit un montant de 37.200 euros. Nous ne pensons pas que Madame [S] ait loué son bien, mais il est évident qu'une personne occupait partiellement les lieux, sûrement à titre gratuit. Aussi, nous ne pouvons valider la totalité de cette demande'.

En outre, si le créancier d'une obligation n'est pas tenu de limiter son préjudice, la cour relève la disproportion entre le montant des travaux réparatoires, à savoir 1401 euros au titre de la fosse septique et 348 au titre de la pompe de relevage et le montant demandé au titre de la réparation du préjudice.

Madame [S], qui sollicite le versement de la somme de 54.560 euros correspondant à 88 mois de loyers, à parfaire à la date de l'arrêt à l'intervenir, fait valoir qu'elle n'a pas exécuté les travaux réparatoires ayant préféré consigné les sommes, compte-tenu de la procédure d'appel, au cas où elles devraient être restituées. Par son attentisme, elle a ainsi contribué à l'aggravation de son préjudice.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement rendu le 27 janvier 2021 devra être infirmé quant au quantum du préjudice allégué. La perte de chance subie par Madame [S] doit ainsi être ramenée à 40%.

En conséquence, la société Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la société Vidanges de la Haute Gironde et son assureur Areas Dommages seront condamnés in solidum à payer à Madame [S] la somme de 19.592 euros (40% de 620 x 79 mois entre juin 2014 et janvier 2021).

Sur la contribution à la dette,

Au regard de la part de responsabilité de chacune des sociétés, la contribution à la dette déterminée en première instance à savoir 80% pour la société PMTP et 20% pour la société VHG doit être confirmée.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande l'allocation d'une indemnité à Madame [V] [S] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conséquent, le jugement sera également confirmé sur ce point tandis qu'en cause d'appel, la société PMTP, la société VHG et la compagnie Aeras seront condamnées in solidum à payer à Mme [S] à la somme de 6000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référés et d'expertise de première instance et d'appel.

Au final, les parties seront tenus à ces condamnations ai prorata de leur part de responsabilité dans le présent litige.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 27 janvier 2021 sauf s'agissant du quantum du préjudice locatif,

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne in solidum la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages, à payer à Mme [V] [S] la somme de 19.592 euros au titre de son préjudice immatériel,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages, in solidum à payer à Mme [V] [S] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SARL Pierre Maçonnerie et Travaux Publics, la SARL Vidanges de Haute Gironde et son assureur, Areas Dommages aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de référés et d'expertise de première instance et d'appel.

Dit qu'au final, les parties seront tenus à ces condamnations ai prorata de leur part de responsabilité dans le présent litige.