CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ., 30 mai 2023, n° 20/01942
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Imhofa (SCI)
Défendeur :
Mutuelle des Architectes Français (MAF) (Sté), Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) (Sté), Franklin Bach (Selarl) (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chevrier
Conseillers :
Mme Flauss, M. Fournie
Avocats :
Me Omarjee, Me Sevin, Me Lazzarotto, Me de Gery
* * *
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 18 avril 2011, la SCI IMHOFA a conclu avec Monsieur [Z] [I], architecte, un contrat de maîtrise d'oeuvre pour un projet de construction d'un immeuble sur une parcelle de terrain sise [Adresse 1].
Le 06 décembre 2011, dans le cadre de cette opération, le permis de construire a été délivré par la commune de Saint-Pierre en vue de l'édification d'un immeuble comportant un commerce ainsi que deux appartements.
Le 05 octobre 2012, la SCI IMHOFA a conclu un marché avec la SARL SCGPF pour la réalisation des travaux, s'agissant du lot « tout corps d'état », pour un montant de 430.488,46 €. Le contrat prévoyait un délai d'exécution des travaux de sept mois avec une livraison prévue au 15 mai 2013 au plus tard.
Suivant procès-verbal du 08 juillet 2014, la SCI IMHOFA a fait constater que les travaux n'étaient pas achevés.
Par LRAR du 22 décembre 2014, la SCI IMHOFA a mis en demeure la SCGPF de lui communiquer un calendrier précis de fin de travaux.
Par LRAR du 07 mars 2016, la SCI IMHOFA a mis en demeure Monsieur [I] de terminer les travaux et de réparer les conséquences de ses manquements.
Suivant procès-verbal du 02 mars 2017, la SCI IMHOFA a de nouveau fait constater le non-achèvement des travaux.
Suivant acte d'huissier du 1er août 2017, la SCI IMHOFA a assigné Monsieur [I], son assureur, la Mutuelle des architectes français (MAF) et la SELARL FRANKLIN BACH ès qualités de liquidateur de la SARL SCGPF devant le tribunal de grande instance de Saint-Pierre aux fins d'ordonner une expertise de l'immeuble.
Par ordonnance du 27 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Pierre a fait droit à cette demande et désigné Monsieur [J] [P].
Le 03 mars 2018, Monsieur [P] a rendu son rapport d'expertise définitif.
Suivant actes d'huissier des 14, 15 et 20 février 2019, la SCI IMHOFA a assigné Monsieur [I], son assureur, la MAF et la SELARL FRANKLIN BACH ès qualités de liquidateur de la SARL SCGPF et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) devant le tribunal de grande instance de Saint-Pierre aux fins d'obtenir réparation des préjudices subis.
Par jugement en date du 02 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre a statué en ces termes :
DEBOUTE la SMABTP de sa demande tendant à l'inopposabilité du rapport d'expertise de Monsieur [P] ;
MET HORS DE CAUSE la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ;
CONDAMNE solidairement Monsieur [Z] [I] et la Mutuelle des architectes français à payer à la SCI IMHOFA la somme de 11.600 euros au titre du préjudice matériel ;
CONDAMNE solidairement monsieur [Z] [I] et la mutuelle des architectes français à payer à la SCI IMHOFA la somme de 20.000 euros au titre du préjudice de jouissance ; DEBOUTE la SCI IMHOFA du surplus de ses prétentions,
CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [I] et la Mutuelle des architectes français à payer à la SCI IMHOFA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, Monsieur [Z] [I] et la Mutuelle des architectes français de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [I] et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 02 novembre 2020, la SCI IMHOFA a interjeté appel du jugement précité.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 02 novembre 2020.
La SCI IMHOFA a déposé ses premières conclusions d'appelante le 1er février 2021.
La SMABTP a déposé ses premières conclusions d'intimée le 29 avril 2021.
Monsieur [I] et la MAF ont déposé leurs premières conclusions d'appelants incident le 15 mars 2021.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 septembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante déposées le 22 février 2022, la SCI IMHOFA demande à la cour de :
- DECLARER l'appel de la SCI IMHOFA tant recevable que bien fondée.
- CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre du 2 octobre 2020 en ce qu'il a débouté la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics de sa demande tendant à l'inopposabilité du l'apport d'expertise de Monsieur [P].
- INFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre du 2 octobre 2020 en ce qu'il a :
MIS HORS DE CAUSE la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics.
CONDAMNE solidairement Monsieur [I], la Mutuelle des Architectes Français à payer à la SCI IMHOFA la somme de 11 600 euros au titre du préjudice matériel.
CONDAMNE solidairement Monsieur [I], la Mutuelle des Architectes Français à payer à la SCI IMHOFA la somme de 20 000 euros au tiffe du préjudice de Jouissance.
DEBOUTE la SCI IMHOFA du surplus de ses demandes.
STATUANT A NOUVEAU
A TITRE PRINCIPAL
- DIRE ET JUGER la société SCGPF responsable de plein droit, quant à la garantie biennale, décennale et de parfait achèvement ;
- DIRE ET JUGER Monsieur [I] responsable de plein droit, quant à la garantie biennale, décennale et de parfait achèvement ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
- DIRE ET JUGER que société SCGPF a engagé sa responsabilité civile contractuelle ;
- DIRE ET JUGER que Monsieur [I] a engagé sa responsabilité civile contractuelle ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- CONDAMNER solidairement, Monsieur [I], la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la SMABTP au paiement de la somme de 35.770,00 € de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi par la SCI IMHOFA ;
- CONDAMNER solidairement, Monsieur [I], la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la SMABTP au paiement de la somme de 72.000,00 € de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi par la SCI IMHOFA ;
- CONDAMNER solidairement, Monsieur [I], la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la SMABTP au paiement de la somme de 149.466,46 € de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi par la SCI IMHOFA ;
- CONDAMNER solidairement, Monsieur [I], la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la SMABTP au paiement de la somme de 20.000,00 €de dommages et intérêts pouf le préjudice moral subi paf la SCI IMHOFA ;
- REJETTER toutes demandes, conclusions, plus amples et contraires ;
- CONDAMNER solidairement, Monsieur [I], la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la SMABTP aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
* * * * *
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée déposées le 20 avril 2022, la SMABTP demande à la cour de :
- JUGER que la SCI IMHOFA ne rapporte pas la preuve de la qualité d'assureur de la SMABTP à l'égard de la société SCGPF au jour de la déclaration d'ouverture de chantier (DROC), conformément aux dispositions d'ordre public de l'annexe I à l'article A243-1 du code des assurances dans sa version en vigueur depuis le 28.11.2009 et alors applicable
- JUGER en tout état de cause que la SCI IMHOFA échoue pareillement à rapporter la preuve de la qualité d'assureur de la SMABTP a la date du commencement effectif des travaux de la société SCGPF
- JUGER que les dernières pièces versées aux débats par l'appelante démontrent au contraire un démarrage des travaux de la société SCGPF uniquement en février 2013, soit postérieurement à la période de validité de la garantie souscrite auprès de la SMABTP.
En conséquence,
- CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint Pierre le 02 Octobre 2020 en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la SMABTP ;
- METTRE HORS DE CAUSE la SMABTP
A défaut,
A TITRE LIMINAIRE,
- CONSTATER que la SMABTP, recherchée en qualité d'assureur de la société SCGPF n'a pas été attraite à la procédure d'expertise judiciaire et n'a pas participé aux opérations d'expertise confiées à Monsieur [P] ;
En conséquence,
- JUGER inopposable à la SMABTP le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [P] en date du 03 Mars 2018 ;
- JUGER que le rapport d'expertise définitif de M. [P] du 03.03.208 ne peut servir de fondement exclusif à une quelconque demande de condamnation de la SMABTP ;
- REJETER toutes demandes, fins et prétentions formées à l'encontre de la SMABTP en ce qu'elles sont irrecevables et à tout le moins mal fondées ;
AU FOND,
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE,
- JUGER que la garantie de la SMABTP ne s'applique que dans la limite des activités déclarées aux conditions personnelles de l'assuré ;
- CONSTATER l'absence de toute réception des travaux ;
- JUGER que la SCI IMHOFA reconnait elle-même aux termes de ses conclusions en appel n'avoir jamais eu une réelle volonté de recevoir l'ouvrage ;
- JUGER dès lors que les conditions requises pour une réception tacite des travaux ne sont pas réunies ;
- JUGER que les désordres visés dans le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [P] ne relèvent pas de responsabilité décennale des constructeurs au sens des articles 1792 et suivants du code civil et ne peuvent dès lors être couverts au titre de la garantie décennale obligatoire ;
- JUGER que toute action introduite sur le fondement de la garantie de parfait achèvement est prescrite ;
- JUGER qu'aucune garantie de parfait achèvement ou encore garantie biennale de bon fonctionnement n'a été souscrite auprès de la SMABTP ;
- JUGER mal-fondées toutes demandes de condamnation solidaire formée à l'encontre de la SMABTP au visa de l'article 1792-6 du code civil ;
- JUGER que les préjudices allégués dont la réparation est demandée ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant ;
- JUGER que la garantie d'assurance décennale obligatoire ne couvre pas les dommages immatériels consécutifs aux dommages matériels garantis ;
- JUGER que préjudices immatériels allégués ne sont pas consécutifs aux désordres dont la réparation est sollicitée mais consécutifs, selon les arguments de l'appelante, au retard important de livraison de l'immeuble ;
- JUGER que de tels préjudices ne peuvent être couverts par la garantie décennale obligatoire laquelle ne couvre pas les conséquences des retards de chantier ;
En conséquence,
- DEBOUTER la SCI IMHOFA de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions à l'encontre de la SMABTP ;
SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE,
- JUGER que la garantie responsabilité civile professionnelle ARTEC n'a pas vocation à s'appliquer s'agissant d'une demande en responsabilité civile contractuelle au visa de l'ancien article 1147 du code civil (nouvel article 1231-1 du même code) ;
- JUGER que la garantie responsabilité civile professionnelle souscrite par la société SQCGPF ne peut avoir pour objet de couvrir la responsabilité résultant d'inexécutions, de non façons ou de malfaçons ;
- JUGER que la garantie recherchée consiste en une police de responsabilité civile professionnelle qui couvre les dommages aux tiers mais pas les fautes commises dans le cadre du contrat de travaux ;
- JUGER que la garantie de la SMABTP ne s'applique que dans la limite des activités déclarées aux conditions personnelles de l'assuré ;
- JUGER que les préjudices allégués dont la réparation est demandée ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant ;
- JUGER spécialement pour le préjudice financier lié à une prétendue perte de défiscalisation que la demande est manifestement prescrite en application de l'article 2224 du code civil ;
- JUGER que selon les dernières conclusions de l'appelante c'est sur un fondement juridique exclusivement contractuel que cette demande en réparation est formulée et JUGER qu'aucune garantie souscrite auprès de la SMABTP ne couvre la responsabilité civile contractuelle de l'entreprise SCGPF ;
- JUGER que les préjudices immatériels allégués spécialement le préjudice de perte locative ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
- CONDAMNER Monsieur [Z] [I] ainsi que son assureur la MAF en toute hypothèse à relever et à garantir la SMABTP de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais de l'article 700 du code de procédure civile et dépens qui viendraient à être prononcées à son encontre sur les demandes de la SCI IMHOFA ;
- REJETER l'appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP à titre d'appel incident par la MAF et son assuré ;
- CONDAMNER la SCI IMHOFA ou toute partie succombante à régler à la compagnie SMABTP, la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure, outre les entiers dépens.
* * * * *
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelants incident déposées le 08 octobre 2021, Monsieur [I] et la MAF demandent à la cour :
- CONFIRMER le jugement du 2 octobre 2020 en ce qu'il a :
« Débouté la SMABTP de sa demande tendant à l'inopposabilité du rapport d'expertise de Monsieur [P] »
« Débouté la SCI IMHOFA du surplus de ses prétentions. »
- INFIRMER le jugement du 2 octobre 2020 en ce qu'il a prononcé la condamnation de Monsieur [Z] [I] et de la
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) au paiement de :
La somme de 11 600 euros au titre du préjudice matériel ;
La somme de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance;
La somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi qu'aux dépens.
Et en ce qu'il a mis hors de cause la SMABTP.
ET STATUANT A NOUVEAU :
Sur les demandes formulées au visa des articles 1792, 1792-3 et 1792-6 du. Code civil :
REJETER l'ensemble des demandes de la SCI IMHOFA formulées sur le fondement des garanties légales inscrites aux articles 1792, 1792-3 et 1792-6 du Code Civil et ce notamment en l'absence de réception de l'ouvrage pour ce qui est des garanties biennale et décennale ;
A défaut,
- CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a retenu que les garanties biennale et décennale ne sont pas mobilisables en raison :
Du caractère apparent des désordres Dl, m, D4, D5, D6, D9, DII, D12 et D13
De l'absence de désordre pour les désordres allégués suivants : D6, D8 et DIO.
Sur les demandes formulées au visa de l'article 1231-1 du Code civil :
- DIRE qu'en l'absence de faute imputable à Monsieur [Z] [I], sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée ;
En conséquence,
- DÉBOUTER la SCI IMHOFA de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Monsieur [Z] [I] et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) ;
Subsidiairement, si la Cour devait prononcer une quelconque condamnation à l'encontre des concluantes au titre des désordres relevant de la responsabilité contractuelle ou de la réparation des dommages immatériels :
- DIRE n'y avoir lieu à condamnation solidaire de l'architecte avec les autres intervenants, par application de la clause d'exclusion de solidarité stipulée au contrat de maîtrise d'oeuvre, laquelle s'étend à la reprise désordres relevant de la responsabilité contractuelle ainsi qu'à la réparation des dommages immatériels ;
- DIRE que toute condamnation sera strictement limitée à la part de responsabilité imputable à Monsieur [Z] [I], telle que retenue par l'expert judiciaire dans son rapport du 3 mars 2018 :
Soit à la somme de 4 983,33 € (Dl, D7, DII et D12) à laquelle s'ajouterait le coût relatif à la « fourniture et pose de 2 chatières sous faitière de toitures pour ventilation des combles » ayant fait l'objet d'un chiffrage global par l'expert au titre du désordre D14 ;
Sur les préjudices immatériels invoqués par la SCI IMHOFA :
- DIRE que les préjudices financiers, de jouissance et moral invoqués par la SCI IMHOFA ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant et en conséquence REJETER toute demande en réparation de ceux-ci ;
Subsidiairement,
- DIRE que le préjudice de défiscalisation et le préjudice de perte de loyers doivent tout au plus s'analyser en une perte de chance et qu'ils ne sauraient de ce fait être indemnisés à hauteur de l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
En tout état de cause
- DIRE que la SMABTP doit sa garantie à la Société SCGPFF ;
- DIRE que la SELARL FRANKLIN BACH es-qualité de mandataire liquidateur de la Société SCGPFF et son assureur la SMABTP devront garantir et relever indemnes Monsieur [Z] [I] et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) de toutes condamnations qui seraient prononcées contre eux ;
- CONDAMNER tout succombant à payer à Monsieur [Z] [I] et à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) la somme de 5.000 € chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'en tous les dépens.
* * *
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Rappel sur les intervenants à l'opération de construction :
Il résulte des débats et des pièces produites que :
Le contrat d'architecte conclu le 18 avril 2011 avec Monsieur [I] a été signé par Monsieur [G] [O], se qualifiant de maître d'ouvrage (Pièce N° 1 de l'appelante), ce dernier n'ayant pas signé la convention ;
Le 05 octobre 2012, la SCI IMHOFA a conclu un marché de travaux avec la SARL SCGPF prévoyant un délai d'exécution des travaux de sept mois à partir de la date fixée pour l'ordre de service délivré au lot N° 1 ' VRD. Ce contrat est validé par Monsieur [I] qui a apposé son tampon et sa signature sur l'acte et son annexe manuscrite ((Pièce N° 2 de l'appelante).
Selon le rapport d'expertise, l'ordre de service fixant le démarrage des travaux est daté du 15 octobre 2012.
L'expert a noté que la DROC n'avait pas été communiquée.
Il a retenu la date d'achèvement des travaux au 17 avril 2015 tout en évoquant la réception partielle des deux logements au 31 juillet 2015 avec remise des clés.
La SMABTP est recherchée comme assureur de la société SCGPF.
La MAF est recherchée comme assureur de Monsieur [I].
Sur la mise hors de cause de la SMABTP :
Le premier juge a estimé qu'en l'absence de justification de la date d'ouverture du chantier, la SMABTP devait être mise hors de cause.
La SCI IMHOFA conteste cette décision en soutenant que la société SCGPF a souscrit auprès de la SMABTP une assurance intitulée « RESPONSABILITE DECENNALE ENTREPRISE POLICE ASSURANCE CONSTRUCTEUR » laquelle couvre les chantiers ouverts en 2012, et vise précisément les garanties obligatoires des articles 1792 et suivants du code civil. Selon l'appelante, il ressort des constatations expertales, que le chantier a été ouvert en 2012. Elle demande à la cour de constater, d'une part, la production de l'attestation d'assurance démontrant que la société SCGPF était assurée auprès de la SMABTP et, d'autre part, que le chantier a débuté le 5 octobre 2012, tel qu'il ressort de l'acte d'engagement du 5 octobre 2012.
De plus, la déclaration préalable de chantier transmis aux organismes le 8 novembre 2012, le courrier de Monsieur [S] datant du même jour, la première réunion attestant la première phase des travaux du 8 février 2013 établissent de l'ouverture du chantier au 12 novembre 2012 ainsi que la situation des travaux de février 2013.
La SCI IMHOFA plaide que l'article L. 241-1 du code des assurances dispose que les assujettis doivent être en mesure de justifier qu'ils ont souscrit un contrat d'assurance à l'ouverture du chantier. Il n'y est pas mentionné 'une quelconque déclaration réglementaire d'ouverture de chantier. L'appelante affirme aussi que la clause-type en annexe de l'article A. 243-1 du code des assurances ne fait référence à aucune formalité administrative et ne subordonné pas la garantie à l'accomplissement de la production de la DROC.
La SMABTP conclut à la confirmation du jugement dont appel en considérant que la SCI IMHOFA ne rapporte pas la preuve de la qualité d'assureur de la SMABTP à l'égard de la société SCGPF au jour de la déclaration d'ouverture de chantier (DROC) ni à la date du commencement effectif des travaux de la société SCGPF. Selon l'intimée, les dernières pièces versées aux débats par l'appelante démontrent au contraire un démarrage des travaux de la société SCGPF uniquement en février 2013, soit postérieurement à la période de validité de la garantie souscrite auprès de la SMABTP.
Monsieur [I] et la MAF concluent à l'infirmation du jugement de ce chef en considérant que la SMABTP doit sa garantie à la société SCGPF car les pièces versées aux débats permettent d'établir que le chantier a bel et bien démarré dans le courant de l'année 2012, soit :
- Le permis de construire en date du 6 décembre 2011 (Pièce nº 4).
- L'acte d'engagement signe entre la Société SCGPF et la SCI IMHOFA en date du 5 octobre 2012. (Pièce SCI IMHOFA nº 2) ;
- L'ordre de service de démarrage des travaux en date du 15 octobre 2012 ;
- La Déclaration d'achèvement des travaux (DAT) du 20 avril 2015 (Rapport d'expertise GALIDEX Annexe nº 4).
Ceci étant exposé,
Aux termes de l'article L. 241-1 du code des assurances dans sa version en vigueur au 31 décembre 2011, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.
A l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité.
Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.
L'acte d'engagement conclu entre la SCI IMHOFA et la société SCGPF ne mentionne aucun renseignement sur l'assurance obligatoire de l'entreprise (Pièce nº 2 de l'appelante). Mais celle-ci produit une attestation d'assurance (Pièce nº 7) de la SMABTP qui confirme que la société SCGPF était assurée pour les chantiers ouverts entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2012 au titre de sa garantie décennale et de sa responsabilité civile (ARTEC).
Cette attestation n'évoque pas l'obligation de justifier de la DROC pour admettre l'ouverture d'un chantier.
Selon l'annexe I de l'article A. 243-1 du code des assurances à la même date, Intitulé CLAUSES-TYPES APPLICABLES AUX CONTRATS D'ASSURANCE DE RESPONSABILITÉ DÉCENNALE - Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l'article L. 243-1-1 du présent code, lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de construction, et dans les limites de cette responsabilité. (')
L'ouverture de chantier s'entend à date unique applicable à l'ensemble de l'opération de construction.
Cette date correspond, soit à la date de la déclaration d'ouverture de chantier, mentionnée au premier alinéa de l'article R. 424-16 du code de l'urbanisme pour les travaux nécessitant la délivrance d'un permis de construire, soit, pour les travaux ne nécessitant pas la délivrance d'un tel permis, à la date du premier ordre de service ou à défaut, à la date effective de commencement des travaux.
En l'espèce, il n'est nullement contesté que l'opération immobilière litigieuse nécessitait un permis de construire.
Ainsi, la date d'ouverture du chantier correspond à la date de la déclaration d'ouverture de chantier, mentionnée au premier alinéa de l'article R. 424-16 du code de l'urbanisme.
L'article A 243-1 annexe 1 du code des assurances, dans sa rédaction résultant des modifications apportées par l'arrêté du 19 novembre 2009, fixe, comme date unique de l'ouverture du chantier, la Déclaration d'Ouverture de Chantier (DOC) pour tous les travaux nécessitant la délivrance d'un permis de construire. Ces dispositions d'ordre public s'appliquent aux contrats conclus postérieurement au 27 novembre 2009.
La question posée par les parties porte donc sur l'obligation de garantie de l'assureur en cas d'absence de dépôt de la DROC en maire alors que les travaux ont pu effectivement commencer.
Pour tenter de justifier d'une déclaration d'ouverture du chantier, la SCI IMHOFA produit une « déclaration préalable de chantier en date du 8 novembre 2012 » adressée en réalité à la Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi qu'à la Caisse de sécurité sociale, pour respecter les dispositions des articles L. 4532-1 et suivants du code du travail (Pièce N° 21). Mais cette pièce n'évoque même pas la date réelle de début des travaux.
Elle verse aux débats aussi un courriel rédigé par Monsieur [S], adressé notamment à Monsieur [G] [O] (représentant la SCI), évoquant une réunion de démarrage des travaux le 12 novembre 2012 (Pièce nº 22).
La pièce nº 23, produite par l'appelante, mentionne pourtant le procès-verbal de réunion N° 1 en date du 8 février 2013, contredisant la tenue de la réunion prévue le 12 novembre 2012 dont aucune pièce ne vient étayer son existence.
Le procès-verbal de la réunion N° 1 du 8 février 2013 prévoit, dans le planning, le démarrage des fouilles pour le 11 février 2013 tandis que la situation de travaux N° 1, datée du 8 mars 2013, évoque parmi les travaux de février 2013, l'installation du chantier, le PEO et le récolement (Pièce N° 24).
Ainsi, en l'absence de production de la déclaration d'ouverture de chantier, exigée par les dispositions d'ordre public susvisées, la SCI IMHOFA échoue à démontrer que le chantier a été régulièrement ouvert pendant l'année 2012 par d'autres éléments probants.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la SMABTP en qualité d'assureur de la SARL SCGPF pour le chantier ouvert par la SCI IMHOFA et Monsieur [I].
La question de l'opposabilité de l'expertise judiciaire à la SMABTP est devenue sans objet par l'effet de cette mise hors de cause. Le jugement querellé sera infirmé de ce chef.
Sur la réception de l'ouvrage :
Le jugement entrepris a condamné Monsieur [Z] [I] et son assureur, la MAF, à indemniser la SCI IMHOFA au titre de son préjudice matériel et de son préjudice de jouissance en retenant la réception partielle expresse des deux appartements avec réserves à la date du 31 juillet 2015 pour deux appartements.
La SCI IMHOFA demande à la cour à titre principal de DIRE ET JUGER la société SCCPF responsable de plein droit, quant à la garantie biennale, décennale et de parfait achèvement.
L'appelante précise que les désordres ont été constatés suivant procès-verbal de constat d'huissier de justice et ont été examinés par Monsieur [J] [P] dans son rapport d'expertise judiciaire. Pas moins de 14 désordres ont été relevés par l'expert judiciaire affectant les éléments d'équipement et l'étanchéité de l'immeuble lesquels sont susceptibles de relever des garanties légales prévues par le code civil.
Monsieur [I] et la MAF concluent à l'infirmation du jugement querellé et au rejet de l'ensemble des demandes de la SCI IMHOFA formulées sur le fondement des garanties légales, notamment en l'absence de réception de l'ouvrage pour ce qui est des garanties biennale et décennale. Selon les intimés, dans son dire à expert en date du 19 février 2018 (annexe nº 8 au rapport [P]), la SCI IMHOFA écrit qu'elle n'a procédé à aucune réception de l'immeuble d'autant que Monsieur [B] était absent. Selon la SCI IMHOFA dans ce courrier, cette rencontre ne s'est soldée que par une simple remise de clés concernant les deux appartements permettant à la maitrise d'ouvrage de suivre la fin du chantier qui était alors bloqué et qui causait un important préjudice financier à la SCI IMHOFA.
Subsidiairement, les intimés soutiennent qu'en cas de confirmation d'une réception partielle des deux appartements et des parties communes, il conviendrait de tirer toute les conséquences légales du caractère apparent des désordres.
Sur ce :
Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile, 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
Selon les dispositions de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Ces garanties ne sont dues qu'à partir de la réception de l'ouvrage.
Selon l'état actuel du droit, la réception peut être formelle, judiciaire ou tacite.
La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage. Elle prend la forme d'un procès-verbal signé par le maître e l'ouvrage.
La réception judiciaire est prononcée par le juge. Elle suppose que l'ouvrage soit en état d'être reçu, c'est à dire, lorsqu'il s'agit d'un immeuble à usage d'habitation, qu'il soit habitable.
La réception tacite est constatée par le juge. Elle suppose que soit établie la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage.
Enfin, quelle qu'en soit la forme, la réception peut toujours être assortie de réserves.
L'expert judiciaire a retenu la date du 31 juillet 2015 comme date de réception partielle de deux appartements en considérant qu'il y avait eu remise des clés tandis que ces logements ont été occupés respectivement à partir du mois de février 2016 et du mois de mars 2016.
IL résulte d'ailleurs du courrier recommandé adressé à Monsieur [I] le 7 mars 2016 par la SCI IMHOFA (Pièce N° 5 de l'appelante) que le maître d'ouvrage se plaignait alors que le bâtiment n'était toujours pas livré, que « le procès-verbal de réception n'était toujours pas dressé en raison des manquements et défauts trop importants et graves ».
Face à ces griefs, les intimés versent aux débats un courrier en date du 11 juin 2015, adressé par LRAR à l'entreprise SCGPF, constitutive de la résiliation du marché et indiquant que Monsieur [I] « demande à M. [O] de procéder une nouvelle fois à la résiliation de votre marché, ce qu'il a toujours refusé jusqu'à présent, pensant pouvoir compter sur votre reprise énergique. » Ce courrier a fait l'objet d'une information à M [O] pour le compte de la SCI IMHOFA (Pièce nº 1 des intimés).
Mais, par courrier du 19 juin 2015, Monsieur [I] a convoqué de nouveau la société SCGPF à une réunion de réception des travaux « suite à la décision du Maître d'ouvrage de ne pas procéder à la résiliation du marché et de poursuivre leurs travaux à leur terme. »
Selon l'expert, dans sa réponse aux dires de l'avocat de la SCI IMHOFH (Page 34 du rapport), « un PV manuscrit de réception des deux logements, signé d'un associé de la maîtrise d'oeuvre et de l'entreprise a été rédigée par le représentant de la maîtrise d'oeuvre. Ce document ne m'a pas été dénoncé comme faut par le demandeur lors de la réunion d'expertise, et matérialise une remise d'ouvrage, réceptionner avec réserves.
Vous contestez cette réception partielle. Dont acte, en notant que les trois lots sont loués depuis février et mars 2016. »
En effet, le Dire du Conseil de la SCI IMHOFA (annexe 8 du rapport d'expertise) confirme la contestation pendant l'expertise de toute réception en bonne et due forme de l'immeuble (Page 6 du dire), invoquant d'ailleurs la jurisprudence de la Cour de cassation retenant qu'une réception tacite ne peut être admise si l'entreprise a continué d'intervenir sur le chantier après la prise de possession par le maître d'ouvrage et soulignant aussi que les contestations du maître de l'ouvrage à l'encontre de la qualité des travaux excluent toute réception tacite des travaux. Enfin, la SCI IMOFHA précisait à l'expert judiciaire qu'en raison du principe d'unicité de la réception, il ne peut y avoir réception partielle à l'intérieur d'un même lot, visant alors un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (7 février 2017 ' N° 14-19-279).
L'expert n'a pas motivé sa proposition de réception tacite des deux appartements hormis en constatant la remise des clés, et alors que cette notion de pur droit relève de l'appréciation de la juridiction saisie.
En outre, la SCI IMHOFA, bien qu'invoquant le jeu des garanties légales, ne forme aucune prétention relative à la réception de l'ouvrage pas plus qu'à sa date éventuelle dans ses conclusions d'appel comme c'était déjà le cas dans l'acte introductif d'instance devant le tribunal de grande instance.
Ainsi, aucune demande de réception judiciaire n'a été présentée par la SCI IMHOFA, aucun procès-verbal de réception même partielle n'est versée aux débats.
Il ne reste donc que l'examen de la réception tacite à mener et de vérifier ses conditions.
. L'achèvement de la totalité de l'ouvrage n'est pas une condition de la prise de possession d'un lot et de sa réception ;
. Le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite ;
. Il ne peut y avoir de réception tacite, dès lors que le maître de l'ouvrage exprime un désaccord immédiat sur la qualité des travaux réalisés et le montant du prix ;
. La prise de possession n'est pas suffisante à elle seule ;
. Le paiement des travaux est un indice de la volonté de recevoir ;
. La prise de possession accompagnée d'un paiement permet de constater la volonté de recevoir du maître de l'ouvrage ;
. Il existe une présomption de réception tacite si le maître de l'ouvrage a pris possession des lieux et s'est acquitté de la quasi-totalité du prix du marché ;
. Si le maître de l'ouvrage a pris possession de son appartement avant l'achèvement des travaux et, qu'à cette date, il avait payé le montant des travaux réalisés.
Face à ces indices, il n'y a pas de réception tacite dès lors que la qualité des travaux avait été contestée par le maître de l'ouvrage ;
. Il appartient à celui qui invoque une réception tacite de l'ouvrage de la démontrer ;
. La réception marque la fin du contrat d'entreprise ; le contrat d'entreprise prend fin à la réception de l'ouvrage, avec ou sans réserves ;
. L'achèvement de l'ouvrage n'est pas une des conditions nécessaires de la réception ;
. Une réception partielle par lots, non expressément prohibée, peut être licite.
Ainsi, la charge de la preuve de la réception tacite incombe à la SCI IMHOFA qui ne la rapporte pas alors qu'elle avait d'abord contesté toute réception de l'ouvrage pendant les opérations d'expertise.
En conséquence, la SCI IMHOFA doit être déboutée de toutes ses prétentions fondées sur l'application des garanties légales prévues par les articles 1792-1 et suivants du code civil en l'absence de preuve d'une réception tacite de l'ouvrage qui n'est pas sollicitée, et ce à l'égard de la SARL SCGPF, de Monsieur [I] et de son assureur la MAF.
Sur la responsabilité contractuelle de la société SCGPF :
Aux termes de l'article 1147 du code civil, alors en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La SCI IMHOFA fait valoir subsidiairement que la société SCGPF, comme entreprise chargée de la réalisation des travaux, et Monsieur [I], chargée de la maîtrise d'oeuvre, ont engagé leur responsabilité contractuelle. Elle prétend qu'ils doivent l'indemniser des préjudices subis résultant des désordres constatés par l'expert judiciaire, de son préjudice financier et de son préjudice de jouissance.
Il est donc nécessaire d'examiner les désordres allégués par l'appelante avant de les imputer éventuellement à la société SCGPF et à Monsieur [I].
Sur les désordres :
Selon le rapport d'expertise, l'expert a retenu quatorze désordres énumérés et nommés de D1 à D14 tout en proposant le montant des réparations pour chacun d'eux.
La SCI IMHOFA reprend cette liste en excluant le désordre D10 qualifié « sans objet », relatif aux boîtes à lettres.
Monsieur [I] et la MAF contestent une partie des désordres lors de la discussion sur l'application des garanties légales et évoquant leur caractère apparent ou leur absence. Mais cette discussion n'est pas opérante, s'agissant de la mise en cause de la responsabilité contractuelle de l'architecte puisque la SCI IMHOFA lui reproche la mauvaise exécution de ses obligations de maître d'oeuvre.
Les intimés soulignent que la majeure partie des désordres relevés au cours de l'expertise judiciaire, sont le résultat d'inachèvements. Or l'abandon du chantier par l'entrepreneur n'aurait pu être prédit par l'architecte au moment du choix de l'entreprise. La SCI IMHOFA ne saurait non plus mettre à la charge de Monsieur [Z] [I] une obligation de s'assurer de la solvabilité de l'entreprise en charge des travaux.
Selon le rapport d'expertise, les désordres sont les suivants :
- Désordres D1 : Raccordement au tout-à-l'égout : Montant estimé des travaux : 700, 00 € TTC.
Ces désordres ont été constatés contradictoirement. Ils constituent de simples défectuosités et inachèvement susceptibles de compromettre le bon fonctionnement des équipements techniques.
Il s'agit à titre principal de malfaçons dans la mise en oeuvre par l'entreprise. À titre secondaire l'expert retient l'insuffisance dans le suivi technique de l'architecte ainsi que l'insuffisance dans l'entretien et l'exploitation des ouvrages.
Ce désordre D1 est donc imputable à la société SCGPF et à Monsieur [I].
Désordre D2 : Assainissement des eaux pluviales : Montant estimé des travaux : 300, 00 € TTC
L'expert a constaté que les pissettes des balcons et des chutes d'eau pluviale ne sont pas raccordées aux réseaux EP VRD.
Selon l'expert la cause réside dans le nettoyage insuffisant à la fin du chantier ainsi que l'insuffisance de l'entretien lors de l'exploitation de l'ouvrage.
Ce désordre ne peut être mis à la charge de l'architecte alors qu'il incombait à l'entreprise SCGPF de nettoyer le chantier et à la SCI IMHOFA de l'entretenir après sa prise de possession.
Ce désordre D2 est donc imputable à la seule société SCGPF pour la somme de 300,00 euros.
Désordre D3 : câble de raccordement compresseur : Montant estimé des travaux : 70,00 € TTC
Selon l'expert, ce désordre constitue de simples défectuosités et inachèvement. À titre principal il s'agit de malfaçons dans la mise en oeuvre par l'entreprise.
Or, s'agissant de malfaçons non relevées par le maître d'oeuvre chargé du suivi des travaux, il convient d'imputer ce désordre à l'entreprise SCGPF et à Monsieur [I] pour la somme de 70,00 euros.
Désordre D4 : : Réseau Télécom, Montant estimé des travaux : 200, 00 € TTC.
L'expert a constaté que les prises RJ45 des chambres dans les baies de brassage des deux logements n'ont pas été paramétrées. Mais raccordement au réseau des opérateurs EDF et télécom sont hors travaux des entreprises de construction.
Ce désordre D4 relève donc exclusivement de la responsabilité de l'architecte pour la somme de 200 € TTC.
Désordre D5 : Dallage parking : Montant estimé des travaux : 3 400, 00 € TTC.
L'expert a constaté contradictoirement des fissurations du dallage et un défaut de signalisation horizontale. Les fissurations sont causées à titre principal par un défaut de joint de fractionnement dans la mise en oeuvre par l'entreprise.
Même si l'expert n'a pas retenu l'absence de contrôle du maître d'oeuvre, celui-ci avait bien en charge de surveiller l'exécution correcte du dallage notamment par la pose de joint de fractionnement.
Or, s'agissant de malfaçons non relevées par le maître d'oeuvre chargé du suivi des travaux, il convient d'imputer ce désordre à l'entreprise SCGPF et à Monsieur [I] pour la somme de 3.400,00 euros.
Désordre D6 : jardinière :
La SCI IMHOFA affirme à tort que la jardinière n'a pas été réalisée par la société SCGPF alors que celle-ci figurait dans le devis initial, repris par l'acte d'engagement pour une valeur de 1787,10 euros.
Or, l'expert a constaté sa réalisation en intégrant une photographie dans son rapport.
La demande formée à ce titre ne sera pas retenue alors que la SCI IMHOFA a indiqué « sans objet » ce désordre dans ses écritures.
Désordre D7 : Peinture de façade : Montant estimé des travaux : 5 200, 00 € TTC.
L'expert judiciaire a relevé l'absence de seconde couche de peinture, en façade pignon Nord, et le défaut d'entôlage marouflés au droit des linéaires singuliers.
Il s'agit à titre principal de malfaçons dans la mise en oeuvre par l'entreprise. À titre secondaire l'expert retient l'insuffisance dans le suivi technique de l'architecte.
Ce désordre D7 est donc imputable à la société SCGPF et à Monsieur [I] pour la somme de 5.200,00 euros TTC.
Désordre D8 : Eclairage extérieur : Montant estimé des travaux 2 400, 00 € TTC.
Expert a constaté que le disjoncteur des circuits d'éclairage extérieur était en position fermée. L'enclenchement a remis les circuits sous tension. Les détecteurs de présence étaient cassés. Les tubes fluo du porche étaient hors service.
Ainsi, il n'existe pas de désordre relatif à l'absence d'éclairage extérieur tandis qu'il n'est pas démontré que le bris des détecteurs de présence et des tubes fluo, constaté en 2017 ou 2018, est imputable à l'entreprise ou au maître d'oeuvre.
Les demandes formées au titre de ce désordre ne seront pas retenues.
Désordre D9 : Fermeture du Sas d'entrée et du local poubelle : Montant estimé des travaux : 8.100, 00 € TTC.
L'expert n'a pas constaté le défaut de porte et fermetures alléguées par le maître d'ouvrage mais a constaté que le sas d'entrée n'était pas fermé comme le recoin de stockage des conteneurs à déchets.
Il a aussi retenu que ces fermetures ont été supprimées du marché par avenant N° 1 tout en précisant que le tableau récapitulatif produit par le cabinet [I] n'était pas signé.
Néanmoins, la SCI IMHOFA n'évoque aucun moyen au soutien de cette prétention qui sera donc rejetée en l'absence de preuve d'une faute et d'un préjudice.
Désordre D 11 : Motorisation du portail : Montant estimé des travaux : 900, 00 € TTC.
Selon l'expert, les bras motorisés du portail étaient déverrouillés et endommagés. Il s'agirait à titre principal d'une malfaçon dans la mise en oeuvre par l'entreprise idem agissant pour le compte de la société SCGPF. Secondairement l'expert considère que ce désordre résulte d'une insuffisance dans le suivi technique du maître d'oeuvre.
Cependant le fait de constater un dommage causé un bras motorisé de portail électrique, déverrouillé, plusieurs années après sa pose, ne peut pas constituer un désordre imputable à l'entreprise ou à la maîtrise d'oeuvre.
Cette prétention ne sera pas retenue.
Désordre D12 : Escalier extérieur : Montant estimé des travaux : 3 400,00 € TTC
L'expert a relevé que le carrelage posé dans les escaliers n'était pas antidérapant, qu'il manque le nez de marche et les bandes de rives.
Il s'agit à titre principal de malfaçons dans la mise en oeuvre par l'entreprise. À titre secondaire l'expert retient l'insuffisance dans le suivi technique de l'architecte.
Ce désordre D12 est donc imputable à la société SCGPF et à Monsieur [I] pour la somme de 3.400,00 euros TTC.
Désordre D13 : Logement 3 : Montant estimé des travaux : 2 400, 00 € TTC.
Le rapport d'expertise énumère de ombreux désordres constatés dans le logement N° 3. Selon l'expert, il s'agit de désordres liés à des inachèvements esthétiques et fonctionnels.
La SCI IMHOFA ne reprend pas la totalité des désordres à ce titre que l'expert a classé de désordre a) à désordre l).
L'appelante se plaint de devoir déplacer le point lumineux escalier à 2, 00 m sur marche, de la fourniture et pose de 2 chatières sous faitière de toitures pour ventilation des combles. S'agissant des chambres, elle expose qu'il a fallu faire une reprise entre les plaques de BA13 et calicots, préparer les subjectiles et appliquer deux couches de peinture acrylique blanche par panneaux entiers.
Mais l'expert n'évoque pas ces désordres parmi ceux du logement N° 3.
Ainsi, il convient de ne pas retenir cette demande.
Désordre D14 : logement N° 2 :
Montant estimé des travaux : 6 100, 00 € TTC
Montant estimé des travaux 1 900, 00 € TTC
Montant estimé de la maitrise d'oeuvre : 2 700, 00 € TTC
Total : 10 700 €.
La SCI affirme, au titre de ces désordres, que :
. Les prises RJ 45 des chambres n'ont pas été paramétrées dans les baies de brassage.
. La reprise d'étanchéité sur mitoyenneté.
. Le joint de douchette à remplacer.
. Repositionner la trappe de visite comble.
. Réparer plafonnier hublot HS (circuit ou lampe) ;
. Fourniture et pose de 2 chatières sous faitière de toitures pour ventilation des combles
. Douche à l'italienne : joints sous pare-douche vitré à reprendre.
. Siphon lavabo à reprendre.
. Réparer circuit VMC Salle d'eau VMC.
. Défaut de conformité à la RTAA DOM : comble sous toiture non isolé ni ventilé par chatière.
. Séjour et chambre duplex :
. Reprise des joints entre plaques de BA13 et calicots ;
. Préparation des subjectiles ;
. Application de deux couches de peinture acrylique blanche, par panneaux entiers.
Le rapport d'expertise retient les désordres suivants dans le logement N° 2 (Pages 22 et 23 du rapport) :
Séjour : infiltrations en cueillie de plafonds ;
Vidéophone en service gâche électrique du portail inopérante ;
WC : joints de douchette à remplacer ;
Douche duplex : joints de douchette à remplacer ;
Liaisons frigorifiques électriques sous goulotte PVC : R.A.S. ;
Cuisine : aucune prise de courant posé en crédence ;
Trappe de visite des combles inesthétiques : R.A.S. fermetures déplacées ;
Varangue : tuyauterie du robinet de puisage sectionné et déplacé par le maître d'ouvrage : R.A.S. ;
WC canalisations apparente : R.A.S.
WC plafonnier hublot hors service ;
Chambre étage côté rue : obligation de rajouter des gris : R.A.S. ; faux plafonds endommagés ;
Faux plafonds endommagés ;
Défaut de conformité à la RTAA DOM : comble sous toiture n'en isolé ni ventilé par chatière ;
Frottement de la porte palière d'entrée : R.A.S. ;
Douche à l'italienne : joints sous pare douche vitrée à reprendre ;
VMC salle d'eau inopérante ;
Frottement de la porte palière d'entrée : R.A.S., réglages effectués.
Selon l'expert, les désordres C, D, J, O, sont consécutifs à un défaut d'entretien.
Les désordres E, G, H, I, K, N et Q sont sans objet.
Le désordre L, est réparé.
Il reste donc les désordres A, B, F, M et P qui sont dus à des inachèvements de la société SCGPF.
L'expert a estimé les travaux de reprise pour les désordres D 14 à la somme de 6.100,00 euros TTC.
L'insuffisance de contrôle de Monsieur [I] sur ces travaux réalisés par la société SCGFP justifie que les intimés soient solidairement tenus de l'obligation de réparation de ce désordre N° 14 pour la somme estimée par l'expert.
Récapitulatif de l'indemnisation due à la SCI IMHOFA :
Retenant les estimations de l'expert judicaire et les responsabilités analysées plus haut, le préjudice matériel indemnisable de la SCI IMHOFA doit être fixé comme suit :
Désordres : Montant du préjudice Imputabilité
D1 700,00 € SCGPF M. [I].
D2 : 300,00 € SCGPF
D3 70,00 € SCGPF M. [I].
D4 200,00 € M. [I].
D5 3.400 € SCGPF M. [I].
D7 5.200,00 € SCGPF M. [I].
D12 3.400,00 € SCGPF M. [I].
D14 6.100,00 € SCGPF M. [I].
Ainsi, les préjudices matériels indemnisables au profit de la SCI IMHOFA s'élèvent au total à la somme de 19.370,00 euros.
Les désordres imputables à la société SCGPF sont les désordres D1, D2, D3, D5, D7, D12 et D14 pour un total de 19.170,00 euros au titre de leur reprise.
Monsieur [I] est tenu in solidum avec la société SCGPF pour les désordres D1, D3, D5, D7, D12 et D14, soit pour la somme de 18.870,00 euros.
Il est tenu seul pour les désordres D2 et D4, représentant ensemble la somme de 500,00 euros TTC.
Compte tenu de la nécessité d'envisager une nouvelle maîtrise d'oeuvre pour ces reprises, il convient de fixer celle-ci à la somme de 2.000,00 euros.
Mais la cour observe qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de la SARL SCGPF ni de son liquidateur aux fins de fixation d'une créance au passif de cette société.
Le jugement sera donc réformé sur les sommes allouées à la SCI IMOFHA comme suit :
Condamne Monsieur [I] à payer à la SCI IMHOFA la somme de 18.870,00 euros ainsi que la somme de 2.000,00 euros pour les frais de nouvelle maîtrise d'oeuvre, au titre des désordres D1, D3, D5, D7, D12 et D14 ;
Condamne Monsieur [I] à payer à la SCI IMHOFA la somme de 200,00 euros au titre de la reprise du désordre D4.
Sur le préjudice de jouissance de la SCI IMHOFA :
Le jugement dont appela alloué à la SCI IMHOFA la somme de 20.000 euros au titre de son préjudice de jouissance à la charge de Monsieur [I] et de son assureur.
Elle sollicite en appel la somme de 149.466,46 € de dommages et intérêts à ce titre. Selon l'appelante, si les travaux avaient été conduits correctement et exécutés dans les délais, la SCI IMHOFA n'aurait pas retardé la location des biens immobiliers. En effet, pendant plusieurs mois, le local commercial et les deux appartements n'ont pas pu être loués entrainant une perte pour la SCI IMHOFA, laquelle a été contrainte de renégocier son prêt.
La SCI IMHOFA plaide qu'elle a subi un préjudice locatif à hauteur de 100.300,00 € détaillé comme suit :
. Loyer commerce (1200 €/mois) soit 40.800,00 € ;
. Loyer appartement 1 (850 €/mois) soit 28.900,00 € ;
. Loyer appartement 2 (900 €/mois) soit 30.600,00 €.
La SCI IMHOFA soutient que, si ce préjudice locatif devait s'analyser comme une perte de chance de louer le bien immobilier, aucun aléa n'existait, l'immeuble bénéficiant d'une localisation très privilégiée, en centre-ville de Saint-Pierre. L'attestation de Monsieur [Y] [R], Expert-comptable évalue la perte locative à la somme de 100.650 euros.
A cela s'ajoute un préjudice bancaire de 49.166,46 € correspondant d'une part, aux nombres d'échéances à supporter sans encaissement de loyers entre la date de livraison initialement prévue et la livraison effective, et d'autre part, aux frais financiers divers liés aux échéances à payer face à l'absence de recettes soit 2.391,57 €. La SCI IMHOFA produit une attestation de Monsieur [Y] [R] duquel il ressort que la SCI IMHOFA a payé des frais bancaires supplémentaires (intérêts, commissions et échéances) d'un montant de 55.425,54 € en raison du retard de la livraison de l'immeuble.
Monsieur [I] et la MAF répliquent que la condamnation prononcée par le tribunal est infondée alors qu'une infime partie des désordres allégués a été mise à la charge du maître d'oeuvre, ce qui implique qu'il ne pouvait être désigné comme responsable de l'entier préjudice de jouissance invoqué.
Les intimés soulignent l'absence de production de contrats de bail permettant de déterminer la date des premiers versements de loyers ni le montant des loyers effectivement pratiqués auprès des occupants de l'immeuble. En dépit des attestations produites, dont certaines émanent d'ailleurs de la SAS AUDITEURS ASSOCIÉS au sein de laquelle exerce Monsieur [N] [O], associé de la SCI IMHOFA, cette dernière ne rapporte pas la preuve d'une perte de loyers de 100 300 €.
Selon les intimés, la réparation susceptible d'être accordée aux appelants ne pourrait tout au plus s'analyser qu'au titre de la perte d'une chance d'avoir pu louer le bien et ne peut en aucun cas être égale à l'avantage qu'aurait procuré -cette chance si elle s'était réalisée, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
En tout état de cause, le préjudice invoqué demeure dépourvu de tout lien de causalité avec une faute commise par Monsieur [Z] [I], tant il a été démontré que le retard dans la livraison de l'ouvrage a été causé par l'abandon de chantier de la société SCGPF.
Pour contester le préjudice bancaire allégué par la SCI IMHOFA, Monsieur [I] et la MAF prétendent que l'attestation de la SAS AUDITEURS ASSOCIÉS, au sein de laquelle exerce Monsieur [N] [O] par ailleurs associé de la SCI IMHOFA, a été établie sur la seule base d'un document dressé par la SCI IMHOFA elle-même, se constituant ainsi à elle-même un document dénué de force probante. D'autre part, il est de principe dans le cadre d'un investissement locatif que le montant des loyers couvre celui des échéances de prêt bancaire.
Dès lors, la SCI IMHOFA ne peut demander à ce que soit mis à la charge des constructeurs le remboursement de son emprunt tout en sollicitant une indemnisation au titre d'une perte de loyers.
Ceci étant exposé,
L'Expert judiciaire avait relevé le cumul inopérant des pertes de loyers et des échéances de prêt (Page 31 du rapport).
Il est aussi établi que le préjudice locatif invoqué par la SCI IMHOFA ne peut être constitué que d'une perte de chance de ne pas avoir pu mettre ses biens en location par l'effet du retard de livraison de l'ouvrage.
Les intimés soutiennent donc justement que le préjudice allégué constitué par le paiement des échéances du prêt bancaire est consubstantiel au préjudice locatif puisque si les loyers avaient été payés à la SCI IMHOFA, elle aurait pu rembourser son prêt grâce à ses créances locatives.
Le premier juge, bien que retenant la garantie décennale du maître d'oeuvre comme fondement de l'obligation de réparation, a justement relevé que l'ouvrage a été livré avec plus de trente mois de retard.
Ainsi, la SCI IMHOFA a subi un préjudice certain, consécutif au retard de livraison et aux malfaçons relevées par l'expert et retenues plus haut.
Monsieur [I] et la MAF ne peuvent opposer à la SCI IMHOFA la faute de l'entreprise SCGPF pour les désordres dont l'architecte est aussi responsable, étant rappelé qu'il avait une mission complète comprenant la surveillance et la direction des travaux, un éventuel partage de responsabilités entre les intervenants d'un chantier restant inopposable au maître d'ouvrage dès lors qu'ils ont contribué ensemble à la survenance des dommages.
Mais il résulte aussi des pièces produites que le gérant de la SCI IMHOFA a maintenu sa confiance à la société SCGPF alors que Monsieur [I] avait tenté de résilier le marché en avisant vainement la SCI IMHOFA à partir du 19 juin 2015.
A cette date, la livraison de l'ouvrage présentait un retard de plus de deux ans par rapport à la date initialement convenue du 15 mai 2013 alors que la SCI IMHOFA avait attendu le 8 juillet 2014 pour faire constater par procès-verbal d'huissier de justice que les travaux n'étaient pas achevés.
Nonobstant les justificatifs produits par la SIC IMHOFA, celle-ci ne verse aux débats aucun document permettant d'établir qu'elle a donné à bail les locaux litigieux malgré la durée de l'instance et alors qu'elle a pris livraison des logements en 2016.
Ainsi, elle échoue à démontrer que sa perte locative totale s'élèverait à la somme de 100.300,00 euros comme elle l'a prétendu devant l'expert en 2017, soit il y a plus de cinq ans.
En conséquence, la somme de 20.000,00 euros retenue par le premier juge correspond à une perte de chance de 20 % du montant locatif perdu allégué par la SCI IMHOFA, coefficient adapté à la situation des parties et à la patience incontestable du maître d'ouvrage à l'égard du constructeur, ayant contribué partiellement au retard constaté.
Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.
Sur le préjudice financier :
Le premier juge a rejeté la demande de la SCIIMHOFA en réparation de son préjudice financier.
L'appelante soutient qu'elle a subi un préjudice financier estimé à la somme de 100.427,33 euros, résultant de la perte du bénéfice du dispositif de défiscalisation en raison du retard de livraison. Elle sollicite une indemnisation de 72.000,00 euros à ce titre.
Les intimés concluent à la confirmation du rejet de cette prétention en exposant que la SCI IMHOFA ne rapporte pas la preuve du refus de l'administration fiscale de lui accorder le bénéfice du dispositif de défiscalisation. En outre, ils ajoutent que plusieurs conditions doivent être remplies pour accéder à la défiscalisation, dont un engagement de location de cinq ans à un locataire qui en fait sa résidence principale, dans les six mois de la date d'achèvement. Or, rien ne permet d'affirmer que ces conditions auraient été nécessairement remplies à temps par la SCI IMHOFA.
Sur ce,
L'expert judiciaire avait déjà mentionné dans son rapport que la perte de la défiscalisation devait être justifiée par le refus des services fiscaux en conclusion de son rapport.
La SCI IMHOFA verse aux débats (Pièces N° 21 et N° 22) deux attestations de son expert-comptable, le Cabinet BDO REUNION, datées du 22 et du 26 février 2021, confirmant la cohérence des informations produites par la SCI pour évaluer sa perte fiscale.
Cependant, ces attestations sont été réalisées au vu des informations délivrées par la SCI IMHOFA laquelle ne produit aucune pièce émanant des services fiscaux ni de pièces comptables permettant de vérifier qu'elle n'a pas obtenu les avantages de la défiscalisation.
Ainsi, la cour jugera insuffisantes les preuves apportées par la SCI IMHOFA pour démontrer la réalité de son préjudice de défiscalisation.
Sa demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le préjudice moral :
Le premier juge a rejeté la demande de la SCI IMHOFA en réparation de son préjudice financier.
La SCI IMHOFA sollicite en appel la somme de 20.000,00 euros à ce titre en considérant en substance que les désagréments subis dans l'avancement puis dans l'arrêt d'un chantier du fait des manquements contractuels de l'entreprise et de l'architecte ont été générateurs de tracas et de soucis constitutifs d'un préjudice moral.
Les intimés s'opposent à cette prétention en soulignant qu'elle n'est étayée par aucune pièce ni précision sur son mode de calcul.
Sur ce,
Il est admis qu'une personne morale telles qu'une société puisse obtenir réparation du préjudice moral qu'elle subit.
Mais le préjudice allégué doit être démontré et il doit être causé directement par la faute reprochée au responsable.
En l'espèce, la SCI IMHOFA n'expose pas en quoi le retard de livraison et les fautes du constructeur et de l'architecte ont provoqué un dommage extrapatrimonial alors que l'objet même de la SCI portait sur la réalisation d'un programme immobilier, comprenant les aléas inhérents aux délais d'exécution, à la qualité des intervenants, mais ne créant pas d'atteinte grave à la société elle-même en dehors des préjudices matériels évoqués plus haut.
En conséquence, le premier juge a justement débouté la SCI IMHOFA de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral.
Sur l'obligation de garantie de la MAF :
La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ne conteste pas son obligation d'assurance à l'égard de Monsieur [I].
Elle sera donc condamnée in solidum avec son assuré en vertu de son obligation d'assurance.
Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.
Sur l'action récursoire de la MAF et de Monsieur [I] à l'encontre de la société SCGPF :
Monsieur [I] et la MAF demandent à la cour de condamner la SELARL FRANKLIN BACH es-qualité de mandataire liquidateur de la Société SCGPFF et son assureur la SMABTP à les garantir et relever indemnes de toutes condamnations qui seraient prononcées contre eux.
D'une part, il est d'abord jugé que la SMBTP est hors de cause.
De seconde part, la lecture du jugement querellé établit que le premier juge n'a pas tranché cette demande, se limitant à la mise hors de cause de la SMABTP mais ne statuant pas sur l'action récursoire contre la société SCGPF qui était pourtant sollicitée dans les dernières écritures des intimés.
Mais, outre le fait que la société SCGPF n'a pas été appelée en cause en vertu de son droit propre à discuter de l'étendue de son passif, même en présence de son liquidateur judiciaire, il convient de remarquer que la MAF et
Monsieur [I] réclame la garantie de la société liquidée pour la totalité des sommes dues à la SCI IMHOFA.
Or, cette demande constitue en réalité une prétention relative au partage de responsabilité pour une société liquidée dont il est certain qu'elle ne disposera pas d'actifs suffisants pour garantir les intimés, d'autant moins que son assureur allégué est hors de cause.
Néanmoins, afin de répondre à la prétention susvisée, la cour observe que les fautes commises par la société SCGPF l'ont été essentiellement sous le contrôle et la surveillance du maître d'oeuvre.
Ainsi, un partage de responsabilité à égalité est équitable au regard de tous les éléments rassemblés au cours de l'expertise judiciaire et de la chronologie des opérations de construction.
L'action récursoire de la MAF et de Monsieur [I] sera donc accueillie à hauteur de 50 % des préjudices subis par la SCI IMHOFA par la faute de l'entreprise de construction et de l'architecte.
Cette disposition sera ajoutée au jugement querellé.
Mais Monsieur la cour observe aussi que Monsieur [I] et la MAF ne sollicitent pas la fixation de créances au passif de la société SCGPF, prétentions qui auraient été irrecevables en l'absence de déclaration de créance.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles doivent être confirmées.
En cause d'appel, il est équitable de laisser les parties supporter leurs propres dépens et leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
. Déclaré opposable le rapport d'expertise judiciaire à la SMABTP ;
. Condamné solidairement Monsieur [Z] [I] et la MAF à payer à la SCI IMHOFA la somme de 11.600 euros au titre du préjudice matériel,
LE CONFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
DIT N'Y AVOIR LIEU à statuer sur l'opposabilité du rapport d'expertise judiciaire à la SMABTP compte tenu de sa mise hors de cause ;
CONDAMNE Monsieur [I] à payer à la SCI IMHOFA la somme de 18.870,00 euros ainsi que la somme de 2.000,00 euros pour les frais de nouvelle maîtrise d'oeuvre, au titre des désordres listés dans le rapport d'expertise, D1, D3, D5, D7, D12 et D14, outre celle de 200,00 euros au titre de la reprise du désordre D4 ;
Y AJOUTANT,
FIXE le partage de responsabilité entre la société SCGPF, représentée par son liquidateur, et Monsieur [I] à 50 % chacun ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les parties supporter leurs propres dépens de l'appel.