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Décisions

CA Papeete, ch. com., 9 novembre 2023, n° 21/00178

PAPEETE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Tahiti Beachcomber (Sté)

Défendeur :

Ecowatt (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ripoll

Conseillers :

Mme Brengard, Mme Guengard

Avocats :

Me Dubois, Me Jacquet

T. com. mixte, Papeete, du 12 mars 2021,…

12 mars 2021

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La cour se réfère à la décision dont appel pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Il suffit de rappeler que :

La société ECOWATT a assigné en 2019 la société TAHITI BEACHCOMBER INTERCONTINENTAL en paiement du prix de prestations pour la réalisation d'un hôtel à [Localité 3] ouvert en 2014.

Au vu des pièces produites devant la cour, la chronologie des relations contractuelles est la suivante :

21/05/2007 :

Signature entre TBSA et l'EURL ECOWATT d'un contrat de mission de maîtrise d'oeuvre de construction de logements à

Bora Bora.

Juin 2007 :

Projet de marché d'études de lots techniques entre TBSA et ECOWATT pour la réalisation de l'hôtel Le Brando à

[Localité 3]. Les parties indiquent qu'il a été signé le 19 juin 2007.

Mai 2008 :

Signature d'un avenant nº 1 au contrat de maîtrise d'oeuvre.

29/11/2008 :

Signature d'un avenant nº 1 à la mission de maîtrise d'oeuvre d'ECOWATT.

7/12/2011 :

Signature d'un avenant nº 2 à la mission de maîtrise d'oeuvre d'ECOWATT.

5/02/2013 :

Signature d'un avenant nº 3 à la mission de maîtrise d'oeuvre d'ECOWATT.

01/11/2013 :

Procès-verbal de réception du lot 3001 (PHOTALIA champ photovoltaïque).

31/01/2014 :

Procès-verbaux de réception des lots du marché :

16 à 19, 25B : plomberie CFO CFA génie climatique traitement des eaux piscine.

30A-VRD.

30C réseaux courants.

30D réseaux plomberie.

30E réseaux eau glacée,

32C eau potable.

24/03/2014 :

Procès-verbaux de réception des lots du marché :

16 à 19, 25B : plomberie CFO CFA génie climatique traitement des eaux piscine.

7/04/2014 :

Procès-verbaux de réception des lots du marché :

16 à 19, 25B : plomberie CFO CFA génie climatique traitement des eaux piscines.

27/06/2014 :

Procès-verbaux de réception des lots du marché :

16 à 19 : plomberie CFO CFA génie climatique.

33A réseau fédérateur.

26/09/2014 :

Procès-verbaux de réception des lots du marché :

32A centrale électrique, 32G reprises sur capteurs solaires.

20/10/2014 :

Facture acquittée d'ECOWATT (étude des lots techniques).

21/11/2014 :

Devis accepté d'ECOWATT pour une mission de définition et de recherche de nouvelles batteries de stockage.

13/07/2015 :

Procès-verbal de réception du lot 1001 (PHOTALIA).

29/09/2015 :

Signature d'une convention d'études par ECOWATT d'une nouvelle solution d'alimentation électrique.

14/02/2019 :

Courrier d'ECOWATT à TBSA de transmission d'un avenant nº 4 à la convention d'étude des lots techniques, de 2 factures et d'un rapport de présentation du décomptage définitif ; «À noter qu'un avenant nº 5 régularisant les travaux étudiés mais non commandés suivants est à venir après discussion des modalités de celui-ci entre nous».

05/04/2019 :

Réponse de TBSA : «Nous vous signifions notre refus de régler les montants que vous appelez ou de signer quelque avenant supplémentaire à un marché terminé de longue date».

10/04/2019 :

Contestation du refus par ECOWATT.

20/08/2019 :

Saisine du TMC par ECOWATT.

Par jugement rendu le 12 mars 2021, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

Condamné la société TAHITI BEACHCOMBER SA à payer à la société ECOWATT les sommes suivantes :

106 114 234 Fr. CFP en exécution du marché et des avenants 2 et 3,

4 835 645 Fr. CFP pour les logements supplémentaires,

3 886 882 Fr. CFP pour le réseau d'eau non potable,

6 154 026 Fr. CFP pour les bâtiments techniques,

550 000 Fr. CFP au titre des frais irrépétibles;

Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire ;

Condamné la société TAHITI BEACHCOMBER SA aux dépens.

La société TAHITI BEACHCOMBER a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 29 mai 2021.

Il est demandé :

1º par la société TAHITI BEACHCOMBER SA (TBSA), dans ses conclusions récapitulatives visées le 23 mars 2023, de :

Vu le jugement entrepris nº2019 / 000920 du 12 mars 2021 rendu par le Tribunal mixte de Commerce, vu les dispositions de l'article 1134 du code civil, vu les stipulations contractuelles du marché signé le 19 juin 2007 entre les parties, vu la requête d'appel initiale, vu les présentes conclusions récapitulatives, ainsi que les pièces produites aux débats,

Avant dire droit :

enjoindre à la société EURL ECOWATT d'avoir à produire aux débats le document contractuel intitulé «Avant-projet définitif (APD)» ; document qu'elle est donc censée avoir établi, conformément aux stipulations contractuelles du marché (articles 2-A et 8), avec la liste précise des travaux validés et arrêtés qui seraient (selon ECOWATT) d'un montant convenu entre les parties de 2 949 844 908 cfp HT ;

En tout état de cause :

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 mars 2021 (Rôle nº 2019 / 000920 - Minute nº CG 2021/40), par lequel le Tribunal mixte de Commerce de Papeete a fait droit aux demandes de l'EURL ECOWATT ;

Statuant à nouveau sur l'ensemble des demandes :

À titre principal et in limine litis,

dire la requête irrecevable comme atteinte par la forclusion, telle que prévue à l'Article 20 du Marché signé le 19 juin 2007 ;

dire la requête irrecevable comme atteinte par la prescription d'un an, en application des dispositions prévues à l'Article L 110-4 - II 3º du Code de commerce ;

débouter en conséquence l'EURL ECOWATT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, comme étant manifestement irrecevables (forcloses et prescrites) ;

À titre subsidiaire, sur le fond,

débouter l'EURL ECOWATT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, celles-ci étant infondées et injustifiées ;

À titre reconventionnel, vu les articles 1147,1792 et suivants du code civil,

Compte tenu des dommages subis directement imputables aux erreurs et manquements contractuels du BET :

condamner la société ECOWATT à verser à la société TAHITI BEACHCOMBER SA (TBSA) la somme de 136 081 423

XPF à titre de dommages-intérêts ;

En tout état de cause,

condamner l'EURL ECOWATT à payer à la société TAHITI BEACHCOMBER SA (TBSA) une somme de 2 000 000 FCP au titre des frais irrépétibles en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

condamner l'EURL ECOWATT aux entiers dépens de l'instance, tant de 1ère instance que d'appel ;

2º par la société ECOWATT, dans ses conclusions récapitulatives visées le 27 avril 2023, de :

dire et juger irrecevable la contestation par TBSA du DGD de ECOWATT ;

la dire mal fondée ;

en conséquence :

Confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a alloué les sommes de :

5 649 647 F CFP HT pour les logements supplémentaires,

4 747137 F CFP HT pour le réseau d'eau non potable,

6 154 026 F CFP HT pour les bâtiments techniques,

800 000 F CFP au titre des fiais irrépétibles exposés ;

L'infirmer parte in qua, sur le montant de la rémunération due au titre du marché et de ses avenants pour la porter à la somme suivante, en application des taux du tableau de décomposition de la rémunération du §11.2 du contrat, tel que demandé par TBSA :

130 963 660 cfp HT en exécution du marché et des avenants 2 et 3 ;

À défaut :

Confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Dire et juger que les sommes dues porteront intérêt à compter de la transmission du DGD en février 2019 ;

Y ajoutant :

Condamner TBSA au paiement d'une somme de 2 000 000 xpf au titre des frais irrépétibles exposés en appel ; la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juillet 2023.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Sur les fins de non-recevoir :

Le jugement dont appel a retenu que :

-L'article 20 du marché, qui est la loi des parties, stipule : «Tout différend entre le BET et le maître d'ouvrage doit faire l'objet, de la part du BET, d'un mémoire de réclamation. Le maître d'ouvrage dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut acceptation de réclamation. Le BET dispose, sous peine de forclusion, d'un délai de trois mois à compter de la date de réception de la décision du maître d'ouvrage ou de la date du rejet implicite de sa demande pour faire connaître son acceptation ou son refus des propositions qui lui sont faites ou du rejet de sa réclamation par le maître de l'ouvrage. En cas de refus, il peut dans un délai maximum de trois mois à compter de la date à laquelle il a fait connaître son refus des propositions qui lui ont été faites ou du rejet implicite de sa demande, porter le différend devant la juridiction compétente. Passé ce délai, il est réputé forclos».

-En l'espèce, c'est à juste titre que la société ECOWATT affirme avoir saisi régulièrement ce tribunal selon le calendrier suivant :

14 février : la société ECOWATT adresse un mémoire pour règlement à la société TAHITI BEACHCOMBER.

5 avril : la société TAHITI BEACHCOMBER SA rejette ce mémoire, point de départ du différend entre les deux parties.

10 avril : la société ECOWATT adresse son mémoire en réclamation conformément à la première phrase de l'article 20 : «Tout différend entre le BET et le maître d'ouvrage doit faire l'objet, de la part du BET, d'un mémoire de réclamation».

10 juin : terme du délai prévu par la deuxième phrase de l'article 20 précité imparti à la société TAHITI BEACHCOMBER SA pour lui répondre («Le maître d'ouvrage dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision»).

11 juin : l'absence de réponse de la société TAHITI BEACHCOMBER SA vaut acceptation des prétentions de son adversaire ainsi qu'en dispose la troisième phrase de l'article 20 précité («L 'absence de décision dans ce délai vaut acceptation de réclamation»).

10 septembre : terme du délai ouvert au BET pour attaquer le refus du maître d'ouvrage ou son inexécution contractuelle.

-C'est à tort que la société TAHITI BEACHCOMBER SA soutient que la société ECOWATT disposait jusqu'au 10 juillet 2019 pour saisir la juridiction compétente, dès lors que la phase contentieuse n'a pas commencé le 14 février, mais le 5 avril. En effet, le courrier adressé le 14 février par la société ECOWATT n'est en rien le «mémoire de réclamation» prévu et exigé par l'article 20 pour engager la phase contentieuse et l'explication en est simple : pour qu'il y ait mémoire de réclamation, encore faut-il qu'il y ait un différend entre les deux parties. Or, au 14 février, s'il y a bien réclamation du BET, au sens le plus commun de ce terme, il n'y a pas de différend entre le BET et le maître d'ouvrage. La réclamation est un acte solitaire, le différend se pratique au moins à deux. C'est avec la lettre du 5 avril que se cristallise le différend entre TAHITI BEACHCOMBER SA et ECOWATT. C'est ce jour-là, très précisément, qui marque l'entrée dans le processus de règlement du différend entre les parties tel que l'article 20 du contrat en a fixé les règles.

-C'est également à tort que la société TAHITI BEACHCOMBER SA soutient que le marché signé entre les deux parties s'est achevé à la date de présentation de la dernière facture (facture du 20 octobre 2014) et date de réception des travaux. Il est attesté dans les débats, en effet, que les relations établies entre le maître d'ouvrage et la société ECOWATT se sont poursuivies après 2014, dans un double cadre : le cadre contractuel d'abord puisque la société ECOWATT a été missionnée pour des avenants notamment, certains régularisés et d'autres non, ce qui n'est pas dirimant puisque l'intention des parties était claire et que la loi n'exige pas un écrit pour la consacrer ; le cadre extracontractuel ensuite, puisque la société ECOWATT a aussi été missionnée pour des travaux sans lien avec le marché du 19 juin 2007.

-Il convient donc de juger recevable la demande de la société ECOWATT.

La société TBSA fait valoir que :

-Les relations contractuelles ont pris fin en 2014 avec la réception des travaux et l'envoi par ECOWATT de sa facture du 20/10/2014.

-ECOWATT n'a pas respecté l'article 20 du marché qui prévoit une forclusion de la réclamation passé trois mois. Ce délai expirait le 10 juillet 2019. La réclamation a été faite le 14 février 2019.

-La prescription d'un an après la réception des ouvrages prévue par l'article L110-4-II 3º du code de commerce est acquise.

L'EURL ECOWATT conclut que :

-Des réceptions ont été faites en 2015 après l'ouverture de l'hôtel. Aucun décompte général définitif n'a été établi.

La facture de 2014 n'en est pas un.

-Le jugement a exactement retenu que l'assignation n'a pas été tardive.

-La réponse de TBSA n'a pas été signée par son représentant légal, aucun délai n'a couru.

-La prescription en matière de construction n'est pas applicable puisque le litige concerne un marché de maîtrise d'oeuvre.

Sur quoi :

Les parties s'accordent pour que soient appliquées au litige les clauses du marché d'études de lots techniques qu'elles ont signé le 19 juin 2007. Ce contrat n'est produit que sous forme d'un document intitulé projet de marché.

La cour considère qu'il s'agit du texte du contrat qui a été conclu.

Le litige est né lorsqu'ECOWATT a adressé le 14 février 2019 à TBSA un avenant nº 4, 2 factures et un rapport de présentation du décompte général définitif et a demandé qu'un avenant nº 5 soit négocié.

Les documents joints à ce courrier ne sont pas produits (PJ F & 39).

Le contrat et ses avenants ont pour objet une mission de maîtrise d'oeuvre comprenant l'étude et le suivi de la réalisation des travaux concernant les bâtiments et les infrastructures du site de l'hôtel Le Brando.

Le montant forfaitaire de la rémunération du maître d'oeuvre devait être arrêté dès que le coût prévisionnel des travaux serait établi à l'issue de l'avant-projet définitif (art. 11-1). Le paiement devait être fait par acomptes mensuels sur mémoires (art. 12).

Il s'agit d'un contrat d'entreprise qui prend fin avec la réception de l'ouvrage.

L'action en paiement du maître d'oeuvre se prescrit par cinq ans en application de l'article 2277 du code civil en vigueur en Polynésie française.

La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves (C. civ., art. 1792-6). Il résulte des pièces produites que l'hôtel Le Brando a ouvert le 1er juillet 2014. La prescription a été interrompue par le courrier d'ECOWATT reçu par TBSA le 15 février 2019.

La demande en paiement d'ECOWATT est néanmoins soumise à une forclusion en application de l'article 20 du contrat relatif au règlement des litiges qui stipule que :

Tout différend entre le BET et le maître d'ouvrage doit faire l'objet, de la part du BET, d'un mémoire de réclamation.

Le maître d'ouvrage dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut acceptation de réclamation.

Le BET dispose, sous peine de forclusion, d'un délai de trois mois à compter :

de la date de réception de la décision du maître d'ouvrage ;

ou de la date du rejet implicite de sa demande, pour faire connaître son acceptation ou son refus des propositions qui lui sont faites ou du rejet de sa réclamation par le maître de l'ouvrage ;

En cas de refus il peut dans un délai maximum de trois mois à compter de la date à laquelle il a fait connaître son refus des propositions qui lui ont été faites ou du rejet implicite de sa demande, porter le différend devant la juridiction compétente. Passé ce délai, il est réputé forclos.

La cour tire toutes conséquences de la non-production des documents annoncés comme étant joints à la lettre d'ECOWATT reçue par TBSA le 15 février 2019. Mais il est constant que celle-ci, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, constitue un mémoire de réclamation au sens de l'article 20 du contrat.

En effet, elle contient une demande de paiement qui est justifiée par deux factures qui sont émises près de cinq ans après la réception de l'hôtel, et qui se réfère à des prestations qui seraient néanmoins toujours en cours (avenant nº 5 devant régulariser «les travaux étudiés mais non commandés » en supplément du «rapport de présentation du décompte général définitif»).

Or, ces prétentions constituent bien une réclamation lorsque l'on se réfère à l'article 6 du contrat, aux termes duquel : «L'achèvement de la mission du BET fera l'objet d'un procès-verbal établi par le maître d'ouvrage sur la demande du BET». Elles supposent en effet que la mission de maîtrise d'oeuvre se soit poursuivie après l'ouverture de l'hôtel, quoique les réceptions aient pris fin en 2015.

Et c'est parce qu'il existait un différend sur cette interprétation qu'ECOWATT a pris l'initiative de ce courrier, qui s'analyse en une pré mise en demeure. Cela est corroboré par les termes de la réponse de TBSA à ce qu'elle qualifie de mémoire : «Le montant de vos prétentions comme le timing de votre demande, présentée improprement comme le DGD de votre marché, n'a pas été sans nous surprendre (') La centrale énergie de l'hôtel est en fonctionnement depuis 5 ans si bien qu'il nous paraît pour le moins incongru que vous prétendiez ici soumettre une facture au titre de ce marché et encore plus que vous proposiez la signature d'un avenant !». Et cela est corroboré par les termes de la réplique d'ECOWATT : «L'achèvement de notre mission et donc la réception de nos prestations doit être constaté par un procès-verbal restant encore à émettre par vos soins (') La règle veut que le DGD soit émis dans les 60 jours suivant l'achèvement de la mission (') Vous nous avez demandé d'étudier un volume de travaux beaucoup plus conséquent que prévu à la signature, mais (') vous refusez d'en assumer le coût (après l'avoir accepté) alors que des milliers d'heures d'ingénierie supplémentaires y ont été consacrées.»

ECOWATT a contesté le refus de TBSA par ce courrier daté du 10 avril 2019. Elle a alors contractuellement disposé d'un délai de trois mois pour agir en justice. Elle est donc forclose en sa demande qui a été formée par requête enregistrée au greffe le 20 août 2019 et assignation signifiée le 9 août 2019.

En effet, la clause qui fixe un terme au droit d'agir du créancier institue un délai de forclusion et est licite (Cass. com., 26 janv. 2016, nº 14-23.285).

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Même en faisant abstraction de l'absence de précision de la part de la société TAHITI BEACHCOMBER SA du fondement de son action reconventionnelle, contractuel ou délictuel, et de l'absence de précision sur l'existence d'actions diligentées à l'égard des entreprises qui ont exécuté les travaux en cause, le tribunal doit constater que la société TAHITI BEACHCOMBER SA ne démontre ni l'existence d'une éventuelle faute à la charge de société ECOWATT, ni l'existence d'un préjudice qui se rattache à une faute susceptible d'être imputée à la société ECOWATT.

-Il convient de débouter la société TAHITI BEACHCOMBER SA de ce chef de demande.

La société TBSA fait valoir qu'elle est recevable à exercer contre ECOWATT une action en responsabilité, non prescrite, pour manquement à son obligation d'information et de conseil, et en raison d'erreurs de conception engageant la responsabilité décennale. ECOWATT le conteste et oppose une fin de non-recevoir.

Il s'agit également d'un différend au sens de l'article 20 du contrat. La lettre de TBSA du 5 avril 2019 justifie son refus notamment en invoquant le manquement d'ECOWATT à son obligation de rester dans l'enveloppe prévisionnelle et en mentionnant «l'hypertrophie de coût de réalisation des travaux». La réponse d'ECOWATT du 10 avril 2019 le conteste. TBSA a donc disposé du même délai de trois mois pour engager une action pour les fautes et désordres sur lesquels elle fonde ses demandes reconventionnelles. Mais, ayant formé celles-ci au-delà du délai contractuel, elle est à son tour forclose.

Le jugement sera donc infirmé et il sera fait droit aux fins de non-recevoir.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française. La solution du litige motive le partage des dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Déclare les demandes principales de l'EURL ECOWATT et reconventionnelles de la société TAHITI BEACHCOMBER SA irrecevables comme étant forcloses en application de l'article 20 du contrat de maîtrise d'ouvrage qui les lie ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal ni devant la cour ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.