CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 3 octobre 2024, n° 21/00793
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Strategem (SAS)
Défendeur :
SARL
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Lebée
Avocats :
Me Bellichach, Me Berrebi, Me Schwab, Me Attal
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 30 novembre 2006, la société [Adresse 1], venant aux droits de la société Paref, a donné à bail à la société Strategem des locaux commerciaux à usage exclusif de bureaux situés [Adresse 2] à [Localité 5] pour une durée de neuf années à compter du 1er décembre 2006 et moyennant un loyer annuel de 38.700 euros hors taxes et hors charges.
Par acte extrajudiciaire du 29 mai 2015, la société [Adresse 1] a signifié à la société Strategem un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction pour le 30 novembre 2015.
Mme [X] [H], expert judiciaire, désignée par ordonnance du 17 mars 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, a déposé son rapport le 27 mars 2019, concluant à une indemnité d'éviction d'un montant de 36.800 euros et une indemnité d'occupation d'un montant de 44.730 euros.
Par acte d'huissier du 1er août 2016, la société [Adresse 1] a assigné la société Strategem devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de valider le congé signifié et de fixer l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de 65.000 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er décembre 2015.
Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
- dit que par le refus de renouvellement signifié le 29 mai 2015, le bail a pris fin le 30 novembre 2015 à minuit ;
- fixé à la somme de 36.800 euros le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due par la société [Adresse 1], outre les frais de licenciements ;
- dit n'y avoir lieu à fixer d'ores et déjà une indemnité provisionnelle au titre des frais des licenciements ;
- dit que les indemnités de licenciements seront payées sur justificatifs ;
- dit que la société Strategem est redevable à l'égard de la société [Adresse 1] d'une indemnité d'occupation à compter du 1er décembre 2015 jusqu'à la libération effective des locaux ;
- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 44.730 euros, outre les taxes et charges ;
- rejeté les demandes de paiement d'intérêts au taux légal et de capitalisation ;
- ordonné la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation ;
- condamné la société [Adresse 1] à payer à la société Strategem la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- condamné la société [Adresse 1] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 7 janvier 2021, la société Strategem a interjeté appel total du jugement.
Par conclusions déposées le 5 juillet 2021, la société [Adresse 1] a interjeté appel incident partiel du jugement.
Par conclusions déposées le 24 avril 2023, la société Strategem a saisi le conseiller de la mise en état aux fins d'ordonner l'exécution provisoire du jugement rendu le 15 décembre 2020.
Par ordonnance du 19 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a débouté la société Strategem de cette demande.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 avril 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 29 janvier 2024, la société Strategem, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixe' a' 36.800 € le montant de l'indemnite' d'e'viction toutes causes confondues due par la socie'te' [Adresse 1], outre les frais de licenciement ;
Statuant a' nouveau,
- fixer a' la somme de 155.908 HT le montant de l'indemnite' d'e'viction due par la socie'te' [Adresse 1], outre les frais de licenciement, et condamner celle-ci a' payer cette somme a' la socie'te' Strategem, outre les frais de licenciements ;
- le cas e'che'ant, avant dire droit, nommer tel expert qu'il plaira a' la Cour avec pour mission de re'unir les e'le'ments ne'cessaires pour e'tablir la liste des marques dont la socie'te' Strategem est titulaire et a' l'appre'ciation du cou't des formalite's de mise a' jour des marques et noms de domaine et de chiffrer lesdits cou'ts ;
- dire dans ce cas que l'expert pourra s'adjoindre au besoin un sapiteur, notamment pour traduire les certificats de de'po't de marques re'dige's dans une langue e'trange're ;
- condamner la socie'te' [Adresse 1] a' consigner les frais ne'cessaires a' ladite expertise ;
En tout e'tat de cause,
- de'clarer irrecevable l'appel incident formule' par la socie'te' [Adresse 1] aux fins d'infirmation du jugement du 15 de'cembre 2020 du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a fixe' l'indemnite' d'occupation a' la somme de 44.730,00 euros ;
- de'bouter la socie'te' [Adresse 1] de son appel incident, et plus ge'ne'ralement de toutes ses demandes ;
- condamner la socie'te' [Adresse 1] a' payer a' la socie'te' Strategem la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la socie'te' [Adresse 1] aux entiers de'pens.
Au soutien de ses prétentions, la société Strategem fait valoir ;
- sur l'indemnité d'éviction,
sur l'indemnité principale, qu'elle ne conteste pas l'analyse retenue par l'expert et le tribunal ; que les locaux ont une situation privilégiée compte tenu de l'histoire prestigieuse de la Maison des parfums Lubin, cette situation ne faisant pas obstacle au transfert de l'activité ;
sur les indemnités accessoires, que les de'penses lie'es au changement de l'adresse du sie'ge social de la socie'te' Strategem et donc de l'adresse a' laquelle sont enregistre'es les marques et noms de domaine dont elle est proprie'taire constituent un pre'judice re'sultant de l'e'viction qui doit e'tre re'pare' inte'gralement, en application des dispositions de l'article L. 145-14 du code de commerce ; que le coût du changement de l'adresse du siège social est de 91.810 euros HT, selon devis de son conseil en propriété industrielle Ardan Law, ce montant étant justifié par des coûts variant selon les pays ; que la difficulte' de chiffrer un pre'judice ne constitue pas un motif de rejet de la demande d'indemnisation ; que l'adresse de la socie'te' Strategem, figurant sur tous les certificats (pie'ce 4) est l'adresse a' laquelle elle sera avise'e en cas de contestation de ses droits, ès qualite's de titulaire de la marque ; que conforme'ment aux dispositions de l'article L. 714-7 du code la proprie'te' intellectuelle, les formulaires de droits franc'ais imposent la mention de l'adresse du « de'posant », titulaire de la marque (arrête' du 31 janvier 1992), et non de son repre'sentant ; que les frais de remploi, chiffre's par l'expert au montant de 12.500 € HT, n'e'taient pas discute's par la socie'te' Strategem ni en premie're instance ni devant la Cour ; qu'elle a subi un trouble commercial dès lors qu'elle doit déménager conformément à la réglementation qui impose la conservation de dossiers volumineux, ce qui va monopoliser l'activité des salariés, l'indemnisation s'élevant à la somme de 25.180 euros ; qu'au titre de la mise en 'uvre du déménagement, le tribunal n'a pas tenu compte du volume des éléments à transporter, comme des dossiers et archives volumineuses et lourds catalogues ; que le coût s'élève à la somme de 13.688 euros HT , auquel il convient d'ajouter le cou't du de'me'nagement du mate'riel informatique pour un montant de 4.800 euros HT, qui est un chiffrage propose' a' partir des devis de deux entreprises et le transfert de l'installation te'le'phonique pour un montant de 650 euros HT), soit au total : 19.138 euros HT ; qu'un double loyer doit être retenu dès lors que le déménagement aurait une durée minimum d'un mois ; que les frais de tenue d'assemblée générale et de modification des statuts, chiffrés par l'expert au montant de 2.500 euros HT, ont été retenus par le tribunal, ce qui n'est pas discuté par la concluante.
- À titre subsidiaire, sur la désignation d'un expert, qu'elle a communiqué les éléments dont elle était en sa possession pour justifier ses demandes, de sorte que l'expertise éventuelle aurait pour objet de compléter l'information de la Cour ;
- Sur l'appel incident de la société [Adresse 1], sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile que la socie'te' [Adresse 1] a de'pose' des conclusions d'intime'e le 5 juillet 2021, dans le de'lai de trois mois qui lui e'tait imparti, pour demander uniquement la confirmation du montant de l'indemnite' d'e'viction, sans former appel incident, ni sur ce point, ni sur aucun autre ; que l'appel incident réalisé par le dépôt des conclusions le 14 novembre 2023 est tardif et irrecevable ; qu'il est infondé dès lors que la clause d'indexation pre'vue par le bail pour le loyer n'a pas vocation a' s'appliquer à l'indemnite' d'occupation qui doit e'tre de'termine'e inde'pendamment des clauses et conditions de bail, en fonction de la valeur locative et, compte tenu de tous les e'le'ments d'appre'ciation conforme'ment aux termes de l'article L. 145-28 du code de commerce ; que la dure'e de la proce'dure ne change en rien le caracte're pre'caire de l'occupation et l'incertitude dans laquelle s'est trouve'e et se trouve toujours la socie'te' Strategem, du fait du conge' avec refus de renouvellement et pendant toute la dure'e de la proce'dure, sur la pe'rennite' de son droit au maintien dans les lieux, qui de'pend de facteurs qui e'chappent a' son contrôle.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 29 mars 2024, la société [Adresse 1], intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- dire la socie'te' Strategem irrecevable et mal fonde'e dans toutes ses demandes ;
- dire la société [Adresse 1] bien fonde'e dans toutes ses demandes.
En conséquence,
- confirmer le jugement du 15 de'cembre 2020 du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :
- fixe' la somme de 36.800,00 euros pour le montant de l'indemnite' d'e'viction globale a' laquelle peut pre'tendre la socie'te' Strategem ;
- dit n'y avoir lieu a' fixer d'ores et de'ja' une indemnite' provisionnelle au titre des frais des licenciements ;
- dit que la socie'te' Strategem est redevable a' l'e'gard de la socie'te' [Adresse 1] d'une indemnite' d'occupation a' compter du 1er de'cembre 2015 jusqu'a' la libe'ration effective des locaux ;
- infirmer le jugement du 15 de'cembre 2020 du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :
- fixé l'indemnite' d'occupation a' la somme de 44.730,00 euros en retenant un abattement de pre'carite' de 10 %, abattement qui n'est plus re'ellement applicable compte tenu de la tre's longue proce'dure ayant permis a' la socie'te' Strategem de be'ne'ficier au contraire d'une pe'rennite' dans le maintien des lieux depuis le conge' notifie' le 29 mai 2015 a' la socie'te' Strategem et donc fixer l'indemnite' d'occupation a' la somme annuelle de 47.199,28 euros correspondant au dernier loyer HT et HC applique' entre les parties, somme soumise a' la clause d'indexation du bail ;
- condamne' la socie'te' [Adresse 1] a' payer a' la socie'te' Strategem la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile ;
- débouter la socie'te' Strategem de toutes ses demandes, notamment de sa demande de de'signation d'un nouvel expert judiciaire et de'bouter la socie'te' Strategem de cette demande ;
- condamner la socie'te' Strategem a' payer a' la société [Adresse 1] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile ainsi qu'aux entiers de'pens dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2h Avocats, en la personne de Maître Audrey Schwab, en application des dispositions de l'article 699 du code de proce'dure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société [Adresse 1] oppose :
- Sur l'indemnité d'éviction,
sur la destination du bail, que le bail a été consenti pour une activité exclusive de bureau ;
sur l'indemnité principale, que l'indemnité est nulle dès lors que dans son jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a retenu, comme l'expert judiciaire, qu'il n'y avait pas de valeur de droit au bail pour les locaux loués qui sont à usage exclusif de bureaux ;
sur l'indemnité de remploi, que l'indemnite' de remploi doit permettre de recouvrer les frais concernant la ne'gociation d'un nouvel acte locatif, a' savoir les honoraires de commercialisation, qui sont en principe compris entre 10 et 20 % du loyer annuel en principal, étant précisé que le tribunal a retenu 20 % du loyer, auquel il doit être ajouté un forfait de 2.500 euros au titre des frais juridiques, à la somme de 12.500 euros ;
sur le trouble commercial, que la socie'te' Strategem ne de'montre pas la re'alite' d'un quelconque trouble commercial puisqu'elle se contente d'affirmer que celui-ci correspond a' un mois de masse salariale et a' un mois de perte de chiffre d'affaires ; que la somme de 4.000 euros doit être retenue ;
sur les frais de déménagement, que les devis communique's par la socie'te' Strategem ont e'te' justement conside're's tant par l'expert que par le premier juge comme particulie'rement e'leve's au regard de l'absence de complexite' du de'me'nagement ; que la somme de 5.300 euros doit être retenue ;
sur les frais administratifs et commerciaux, que le montant réclamé n'est pas justifié ;
sur les coûts des formalités de changement d'adresse, que la socie'te' titulaire de la marque peut exercer pleinement ses droits de's lors qu'elle dispose d'une adresse, quelle qu'elle soit ; que la concluante accepte la somme retenue par l'expert, à savoir 13.000 euros ; que l'article 19 du re'glement applicable a' l'e'tiquetage des produits cosme'tiques, et notamment les parfums, vise « l'adresse de la personne responsable », e'tant pre'cise' qu'il ressort des termes de l'article 4 du re'glement susvise' que la « personne responsable » est, en principe, la personne qui fabrique et commercialise le produit et pas ne'cessairement la personne titulaire de la marque sous laquelle le produit est commercialise' ;
sur les frais de double loyer, que le montant sollicité est exagéré par rapport à la « simplicité » du déménagement ;
- Sur la demande d'expertise complémentaire, sur le fondement de l'article 146 du code de procédure civile que la demande adverse est mal fondée puisqu'il appartient a' la socie'te' Strategem de faire la preuve du coût des formalite's qu'elle pre'tend devoir supporter, ce qui n'est pas le cas en l'espe'ce puisque le seul document communique' aux de'bats est une lettre du 13 avril 2016 qui n'est pas probante ; qu'elle a produit des devis « suréalistes » ;
- Sur l'indemnité d'occupation, sur le fondement de l'article L. 145-28 du code de commerce que la « pre'carite' » retenue par l'expert n'est plus d'actualite' puisqu'au contraire les proce'dures et contestations infonde'es de la socie'te' Strategem lui ont confe're' une pe'rennite' certaine ; que la somme de 47.199,28 euros doit être retenue.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
SUR CE,
Sur l'indemnité d'éviction
Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction destinée à permettre à ce locataire de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement du bail. L'indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Les conséquences de l'éviction s'apprécient in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.
Au cas d'espèce, le bail litigieux a, par l'effet du congé délivré le 29 mai 2015 par la société [Adresse 1] à la société Strategem, pris fin le 30 novembre 2015 et ouvert droit au preneur de percevoir une indemnité d'éviction et au bailleur de percevoir une indemnité d'occupation.
Sur l'indemnité principale
C'est par motifs détaillés auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a décrit les caractéristiques des locaux et de l'environnement géographique dans lequel ils sont implantés au regard des éléments constatés par l'expert.
En cause d'appel, les parties ne contestent pas que, les locaux étant à usage exclusifs de bureaux, le transfert de l'activité de la société Strategem dans un local équivalent situé à proximité est possible, nonobstant le caractère stratégique de l'emplacement dans sa dimension relative à l'histoire de la Maison Lubin, et qu'en absence de caractère exceptionnel des locaux, la valeur du droit au bail est nulle, les loyers de renouvellement correspondant aux loyers de marché.
Aussi, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'indemnité principale est nulle et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les indemnités accessoires
Frais de remploi ou d'agence :
Ces frais comprennent les frais et droits de mutation que doit supporter le locataire évincé pour se réinstaller.
Au cas d'espèce, la valeur retenue par le tribunal et fixée par l'expert n'est discutée par aucune des parties de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Trouble commercial :
Ce préjudice résulte de la gestion de son expulsion par le locataire et, notamment, du temps passé pour le transfert.
Il est d'usage que le trouble commercial soit évalué à 2 ou 3 mois de l'excédent brut d'exploitation retraité correspondant aux préjudices divers subis par le locataire pendant la période de déménagement et de réinstallation, dont une perte temporaire de recette et le temps perdu à la recherche de nouveaux locaux.
C'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, en absence de moyen nouveau et de pièces nouvelles du preneur, que le premier juge a, sur la base de l'avis de l'expert, relevé l'absence de complexité de l'opération de déménagement, qui concerne uniquement quatre postes de travail, et donc d'impact réel sur l'organisation du travail des salariés, de sorte que la perte de temps générée par l'éviction, proportionnelle à la complexité du transfert et à la surface des locaux, évaluée à hauteur d'un mois par l'appelante n'apparaît pas justifiée et a été justement fixée à quinze jours.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'évaluation forfaitaire proposée par l'expert à hauteur de 1.000 euros par bureau soit la somme totale de 4.000 euros.
Frais de déménagement :
La société Strategem fait grief au premier juge d'avoir retenu l'évaluation proposée par l'expert qui ne tiendrait pas compte de la difficulté du déménagement en ce que les locaux sont situés en deuxième étage sans ascenseur, avec un escalier étroit, nécessitant un monte-meuble et une prestation particulière au regard des flacons et échantillons fragiles. Elle verse devant la cour un devis actualisé d'un montant de 16.425,60 euros cohérent selon elle avec le devis de la société Marne-Transdemn établi en 2016 et d'un montant de 11.083 euros, outre le déménagement du matériel informatique.
Cependant, le devis actualisé de la société Jumeau, prévoit une « Voyage spécial » et une « Prestation Cat. 1 Luxe », faisant notamment référence à la présence de « meubles spécifiques et volumineux » et à des « archives verre et flacons historiques » dont la présence sur site n'est pas corroborée par les photographie jointes au rapport de l'expert judiciaire, ni aucune autre pièce. Au demeurant le devis moins-disant de la société Blondeau inclut les machines de bureau et matériel informatique, de sorte que les devis distincts sur ces équipements n'apparaissent pas justifiés.
Aussi, c'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a retenu la proposition de l'expert, qui tient compte d'une prestation à effectuer en étage sans ascenseur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité à ce titre à la somme de 5.300 euros.
Frais administratifs
Ces frais correspondent essentiellement aux formalités accomplies en raison du changement d'adresse auprès du registre du commerce et/ou autres autorités d'enregistrement et autres frais accessoires.
En cause d'appel, la société Strategem ne conteste pas l'analyse faite par le tribunal concernant l'application des dispositions des articles 4 et 19 du Règlement cosmétique européen n° 1223/2009. En revanche, elle sollicite l'indemnisation, au titre de l'article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle des frais liés au changement d'adresse pour les marques lui appartenant en propre, qui sont au nombre de 49 marques françaises, 45 marques internationales, 23 marques communautaires et 92 marques étrangères.
L'article L. 714-7 du code de propriété intellectuelle dispose, en son premier alinéa, que toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques. L'article R. 714-2 du même code prévoit que figure, pour chaque marque, dans les mentions portées sur le Registre national des marques, notamment, l'identification du demandeur et les références du dépôt, les actes modifiant la propriété de la marque ou la jouissance des droits qui lui sont attachés et les changements de nom, de forme juridique ou d'adresse ainsi que les rectifications d'erreurs matérielles affectant les inscriptions.
Cependant, contrairement à ce que soutient la société Strategem, la jurisprudence rappelle que, le changement d'adresse de la société titulaire du signe distinctif, même en l'absence de mention au Registre national des marques de ces changements d'adresse et de dénomination, n'affecte pas les droits attachés à la marque, ni la possibilité de les défendre dans le cadre d'une action en ce que l'adresse ne constitue pas un attribut de la marque, de sorte que, comme relevé par le bailleur, la rectification de cette mention peut se faire, sans porter préjudice au titulaire de la marque dans l'opposabilité de ses droits aux tiers, lors du renouvellement du dépôt (Com. 11 mars 2003, no 02-13.680). Au demeurant, si les frais d'inscription initiaux d'une marque et de nouvellement sont payants, la société Strategem ne justifie pas que les demandes de rectification d'une inscription déjà portée sur les registres soient payantes.
Le jugement sera confirmé sur l'évaluation de ce chef de demande, sans qu'il n'y ait lieu à répondre sur la demande d'expertise judiciaire.
Double loyer
C'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a retenu la proposition faite par l'expert d'indemnisation à hauteur de 2.000 euros du chef de ce préjudice, la société Strategem ne présentant en cause d'appel aucun moyen nouveau de nature à corroborer son affirmation selon laquelle le déménagement durerait un mois, comme précédemment observé.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'indemnité d'éviction totale due à la société Strategem s'élève, comme évaluée par le premier juge, à la somme de :
- indemnité principale : 0 €
- indemnité de remploi : 12.500 €
- trouble commercial : 4.000 €
- frais de déménagement : 5.300 €
- frais administratifs et commerciaux : 13.000 €
- frais de double loyer : 2.000 €
Total 36.800 euros
outre les frais de licenciement sur justificatif.
Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle relative à l'indemnité d'occupation
L'article 122 du code de procédure civile énonce que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. »
Au cas d'espèce, tel que relevé par la société Strategem, la société [Adresse 1] n'a pas formé appel incident aux termes de ses premières conclusions au fond, ni formé de demande reconventionnelle au titre du montant de l'indemnité d'occupation fixé par le tribunal, de sorte que la prétention de ce chef dans ses dernières conclusions devant la cour est irrecevable.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Strategem succombant en ses prétentions sera condamnée à payer à la société [Adresse 1] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau ;
Déclare irrecevable la demande de la société [Adresse 1] au titre de l'indemnité d'occupation ;
Y ajoutant,
Condamne la société Strategem à payer à la société [Adresse 1] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Strategem à supporter la charge des dépens d'appel.