CA Versailles, ch. com. 3-1, 3 octobre 2024, n° 22/04689
VERSAILLES
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Groupe Canal + (SA)
Défendeur :
Impact Medicom (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Dumeau, Me Negre
EXPOSE DES FAITS
Le 13 septembre 2021, la société Impact Medicom a déposé auprès de l'INPI la demande d'enregistrement n°4799283 portant sur le signe verbal « Canal Cordiam ».
Le 8 décembre 2021, la société Groupe Canal + a formé opposition à l'encontre de cette demande d'enregistrement sur la base des droits antérieurs dont elle est titulaire :
- sur le fondement d'un risque de confusion avec la marque complexe française « Canal + » déposée le 19 novembre 2009, enregistrée sous le numéro 09 3692355 et avec la marque complexe française « Canal » déposée le 12 septembre 2016 et enregistrée sous le numéro 16 4298639 ;
- sur le fondement d'une atteinte à la renommée de ces mêmes marques complexes françaises
« Canal + » et « Canal ».
La société Impact Medicom n'a déposé aucune observation.
Par décision du 14 juin 2022, le Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle (« l'INPI ») a rejeté l'opposition.
Par déclaration du 15 juillet 2022, la société Groupe Canal + a formé un recours en annulation contre la décision du Directeur de l'INPI.
Par dernières conclusions remises au greffe par RPVA le 5 juin 2024, la société Groupe Canal + demande à la cour de rejeter des débats l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2023 communiqué par l'INPI le 15 avril 2024, d'annuler la décision entreprise et, en tout état de cause, de condamner la société Impact Medicom à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par dernières observations reçues au greffe le 22 septembre 2023, le Directeur Général de l'INPI estime que sa décision du 14 juin 2022 est bien fondée en ce qu'elle retient l'absence de risque de confusion et l'absence d'atteinte à la renommée faute pour la société Groupe Canal + d'avoir démontré l'existence d'un lien entre les marques dans l'esprit du public.
Par avis remis au greffe et notifié par RPVA le 28 septembre 2023, le ministère public est d'avis que la cour rejette le recours au motif qu'en dépit du fait que certains des services portés par les trois marques sont identiques ou similaires, le risque de confusion n'est pas caractérisé dès lors que le terme « canal » pris comme désignant un domaine de fréquence occupé par un émetteur de radio ou de télévision, donc comme synonyme de « chaîne », ne présente pas de caractère distinctif pertinent et que, visuellement et phonétiquement, l'attention du consommateur se porte davantage sur l'élément verbal « Cordiam » qui diffère radicalement du signe arithmétique « + » tandis que les marques en présence sont inscrites selon des caractères d'imprimerie et couleurs distincts.
La déclaration de recours et les premières conclusions de la société Groupe Canal + ont été signifiées à la société Impact Medicom le 26 octobre 2022 par actes remis à la personne morale. La société Impact Medicom n'a pas constitué avocat.
L'INPI a communiqué le 15 avril 2024 un arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2023.
A l'issue des débats, la société Groupe Canal + a été autorisée à produire une note en délibéré en réponse à cette dernière communication de l'INPI.
Le 4 juillet 2024, la société Groupe Canal + a remis au greffe une note en délibéré sur ce point.
SUR CE,
Sur le rejet des débats de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2023
La société Groupe Canal + soutient que l'INPI ayant produit aux débats cette décision sans argumentation ni observations, le principe du contradictoire n'a pas été respecté.
L'INPI ayant précisé à l'audience des débats qu'elle estimait l'arrêt de la cour d'appel de Paris comme illustratif de son argumentation écrite et qu'elle n'entendait pas davantage la commenter et la société Groupe Canal + ayant pu faire part de ses propres observations sur cette décision en produisant une note en délibéré préalablement autorisée par la cour, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de rejet des débats de cette pièce.
Sur le fond
La demande d'enregistrement de la marque CANAL CORDIAM contestée porte sur les produits et services suivants :
« Classe 9 : Appareils et instruments scientifiques; appareils et instruments nautiques; appareils et instruments géodésiques; appareils et instruments photographiques; appareils cinématographiques; appareils et instruments optiques; appareils et instruments de pesage; instruments et appareils de mesure; appareils et instruments de signalisation; appareils et instruments de vérification (contrôle); appareils et instruments pour l'enseignement; appareils pour l'enregistrement du son; appareils pour la transmission du son; appareils pour la reproduction du son; appareils d'enregistrement d'images; appareils de transmission d'images; appareils de reproduction d'images; supports d'enregistrement numériques; mécanismes pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses; machines à calculer; porte-monnaie électroniques téléchargeables; équipements de traitement de données; ordinateurs; tablettes électroniques; ordiphones [smartphones]; liseuses électroniques; logiciels de jeux; logiciels (programmes enregistrés); périphériques d'ordinateurs; détecteurs; fils électriques; relais électriques; combinaisons de plongée; gants de plongée; masques de plongée; vêtements de protection contre les accidents, les radiations et le feu; dispositifs de protection personnelle contre les accidents; extincteurs; lunettes (optique); lunettes 3d; casques de réalité virtuelle; articles de lunetterie; étuis à lunettes; cartes à mémoire ou à microprocesseur; sacoches conçues pour ordinateurs portables; montres intelligentes; batteries électriques; batteries pour cigarettes électroniques; bornes de recharge pour véhicules électriques; appareils pour le diagnostic non à usage médical ;
Classe 16 : Produits de l'imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour artistes ; pinceaux; articles de bureau (à l'exception des meubles); matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); caractères d'imprimerie; papier; carton; boîtes en papier ou en carton; affiches; albums; cartes; livres; journaux; prospectus; brochures; calendriers; instruments d'écriture; objets d'art gravés; objets d'art lithographiés; tableaux (peintures) encadrés ou non; patrons pour la couture; dessins; instruments de dessin; mouchoirs de poche en papier; serviettes de toilette en papier; linge de table en papier; papier hygiénique; sacs (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l'emballage; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques ;
Classe 35 : Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons); services d'abonnement à des journaux (pour des tiers); services d'abonnement à des services de télécommunications pour des tiers; conseils en organisation et direction des affaires; comptabilité; services de photocopie; services de bureaux de placement; portage salarial; service de gestion informatisée de fichiers; optimisation du trafic pour des sites internet; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité; publicité en ligne sur un réseau informatique; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication; publication de textes publicitaires; location d'espaces publicitaires; diffusion d'annonces publicitaires; conseils en communication (publicité); relations publiques; conseils en communication (relations publiques); audits d'entreprises (analyses commerciales); services d'intermédiation commerciale ;
Classe 38 : Télécommunications; mise à disposition d'informations en matière de télécommunications; communications par terminaux d'ordinateurs; communications par réseaux de fibres optiques; communications radiophoniques; communications téléphoniques; radiotéléphonie mobile; fourniture d'accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux; mise à disposition de forums en ligne; fourniture d'accès à des bases de données; services d'affichage électronique (télécommunications); raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; agences de presse; agences d'informations (nouvelles); location d'appareils de télécommunication; radiodiffusion; télédiffusion; services de téléconférences; services de visioconférence; services de messagerie électronique; location de temps d'accès à des réseaux informatiques mondiaux ;
Classe 41 : Éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles; mise à disposition d'informations en matière de divertissement; mise à disposition d'informations en matière d'éducation; recyclage professionnel; mise à disposition d'installations de loisirs; publication de livres; prêt de livres; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande; production de films cinématographiques; location de décors de spectacles; services de photographie; organisation de concours (éducation ou divertissement); organisation et conduite de colloques; organisation et conduite de conférences; organisation et conduite de congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; réservation de places de spectacles; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique; services de jeux d'argent; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ;
Classe 42 : Évaluations techniques concernant la conception (travaux d'ingénieurs); recherches scientifiques; recherches techniques; conception d'ordinateurs pour des tiers; développement d'ordinateurs; conception de logiciels; développement de logiciels; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers; conduite d'études de projets techniques; architecture; décoration intérieure; élaboration (conception) de logiciels; installation de logiciels; maintenance de logiciels; mise à jour de logiciels; location de logiciels; programmation pour ordinateurs; analyse de systèmes informatiques; conception de systèmes informatiques; services de conseillers en matière de conception et de développement de matériel informatique; numérisation de documents; logiciels en tant que services (SaaS); informatique en nuage; conseils en technologie de l'information; hébergement de serveurs; contrôle technique de véhicules automobiles; services de conception d'art graphique; stylisme (esthétique industrielle); authentification d''uvres d'art; audits en matière d'énergie; stockage électronique de données.
Sur le risque de confusion
L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « ne peut être valablement enregistrée ['] une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment : 1° Une marque antérieure : ['] ; b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ».
Sur le risque de confusion avec la marque CANAL +
Sur la comparaison des produits et services
L'INPI a considéré que les produits et services visés par la demande d'enregistrement de la marque CANAL CORDIAM apparaissaient identiques pour les uns et similaires pour les autres aux produits et services invoqués de la marque antérieure CANAL+, ce fait n'étant pas contesté, mais que « les supports d'enregistrement numériques ; porte-monnaies électroniques téléchargeables ; services d'intermédiation commerciale ; architecture ; décoration intérieure ; services de conception d'art graphique ; stylisme (esthétique industrielle) » ne présentaient manifestement pas les mêmes nature, fonction/objet et destination que les produits et services invoqués de la marque antérieure CANAL+ avec lesquels la société Groupe Canal+ les a comparés ni ne leur étaient complémentaires, que la société opposante, en n'établissant aucun lien précis entre les « instruments et appareils de mesure » de la demande d'enregistrement contestée et les produits et services qu'elle invoque qui ne comprennent pas
un produit ou service identiques, ne lui permettait pas de procéder à la comparaison, qu'en conséquence les produits et services de la demande d'enregistrement contestée apparaissaient pour partie identiques ou similaires aux produits et services invoqués de la marque CANAL+.
La société Groupe Canal+ critique cette appréciation et soutient que « les supports d'enregistrement numériques ; porte-monnaies électroniques téléchargeables ; services d'intermédiation commerciale ; architecture ; décoration intérieure ; services de conception d'art graphique ; stylisme (esthétique industrielle) » sont également similaires aux produits et services désignés par la marque CANAL+.
Sur la recevabilité de certaines comparaisons de produits et services :
L'INPI relève, le recours étant un recours en annulation dépourvu d'effet dévolutif, que la société Groupe Canal+ n'est pas recevable à invoquer, pour établir leur similarité, de nouveaux liens entre (i) les « portemonnaies électroniques téléchargeables » avec les « cartes magnétiques : cartes à puce, cartes électroniques ; circuits intégrés et micro-circuits » de la marque CANAL+, (ii) les services « architecture » avec les services « travaux de bureau » de la marque CANAL+, (iii) les services « décoration intérieure ; services de conception d'art graphique ; stylisme (esthétique industrielle) » avec les services « objets d'art lithographiés » de la marque CANAL+, (iv) les services « intermédiation commerciale » avec les services « publicité ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'opérations promotionnelles et publicitaires en vue de fidéliser la clientèle ; rédaction de courriers publicitaires ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospects, imprimés, échantillons) » de la marque CANAL+ et (v) les « instruments et appareils de mesure » avec les « appareils électriques de mesure et de contrôle (inspection) électronique » de la marque CANAL+.
La société Groupe Canal+ conteste avoir invoqué de nouveaux produits et services ou de nouveaux liens au stade du recours.
Dans son opposition, la société Groupe CANAL+ a comparé :
les « portemonnaies électroniques téléchargeables » avec « les supports d'enregistrements magnétiques » et les « supports numériques d'enregistrement pour le stockage et la reproduction du son ou des images ; supports de données optiques ou magnétiques » de la marque antérieure et non avec les « cartes magnétiques : cartes à puce, cartes électroniques ; circuits intégrés et micro-circuits »
les services « architecture ; décoration intérieure ; stylisme (esthétique industrielle) ; services de conception d'art graphique » avec les « évaluations techniques concernant la conception (travaux d'ingénieurs) ; recherches techniques ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers » de la marque antérieure et non avec les services « travaux de bureau » pour les services « architecture » ni avec les services « objets d'art lithographiés » pour les services « décoration intérieure ; stylisme (esthétique industrielle) ; services de conception d'art graphique »
les services « intermédiation commerciale (conciergerie) » avec les « services d'abonnement à des programmes audiovisuels, à des programmes audio, radio ; service d'abonnement à une chaîne de télévision ; abonnements à des chaînes de télévision et à des bouquets de chaînes de télévision via des réseaux de télécommunication, à savoir des réseaux de téléphonie mobile ou internet ; services d'abonnement à des services de transmission de contenus audio, vidéo ou multimédia en flux continu ; services d'abonnement à des services de vidéo en direct ou à la demande sur tout support de communication ; services d'abonnement aux services de télédiffusion ; abonnements à des services de télécommunications ; abonnement à une offre de connexion à internet » de la marque antérieure et non avec les services « publicité ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'opérations promotionnelles et publicitaires en vue de fidéliser la clientèle ; rédaction de courriers publicitaires ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospects, imprimés, échantillons) ».
En outre, dans son opposition, la société Groupe Canal+ n'a mentionné aucun lien entre « instruments et appareils de mesure » de la marque contestée avec des produits ou services de la marque antérieure tandis que dans son recours elle compare ces produits avec les « appareils électriques de mesure et de contrôle (inspection) électronique ».
C'est donc à juste titre que l'INPI a relevé, dans le recours, des comparaisons nouvelles entre ces cinq séries de produits et services de la marque contestée avec ceux de la marque antérieure CANAL+ pour en soutenir la similarité.
Le recours contre une décision statuant sur une opposition étant un recours en annulation excluant d'invoquer des faits et moyens qui n'ont pas été soumis à l'appréciation de l'INPI, ces liens de comparaison allégués pour la première fois devant la cour d'appel ne sont pas recevables et doivent donc être écartés de son appréciation.
Sur les produits et services considérés comme ni identiques ni similaires par l'INPI :
La société Groupe Canal+ soutient, contrairement à ce qu'a retenu l'INPI, que les « supports d'enregistrement magnétiques » désignés par la marque CANAL+ sont similaires aux « supports d'enregistrement numériques » de la marque contestée en ce qu'ils présentent les mêmes nature, fonction et destination.
Ces deux types de supports d'enregistrement sont en effet similaires en ce qu'ils ont pour fonction et destination le stockage de données de même nature.
La société Groupe Canal+ soutient en outre que les « supports d'enregistrement magnétiques ; cartes magnétiques ; cartes à puce, cartes électroniques ; circuits intégrés et micro-circuits » désignés par la marque CANAL+ sont similaires aux « porte-monnaies électroniques téléchargeables » de la marque contestée.
Mais la comparaison de ces derniers avec les « cartes magnétiques ; cartes à puce, cartes électroniques ; circuits intégrés et micro-circuits » désignés par la marque CANAL+ n'est pas recevable, comme il a été dit précédemment, et l'INPI a retenu à juste titre que les « supports d'enregistrement magnétiques » n'étaient pas similaires aux « porte-monnaies électroniques téléchargeables » en ce que ce moyen de paiement numérique n'a ni la même fonction ni la même destination qu'un simple support, de nature magnétique et non numérique, de stockage de données.
Les autres liens de comparaison invoqués par la société Groupe Canal+ pour dire que les services « architecture », « décoration intérieure ; services de conception d'art graphique ; stylisme (esthétique industrielle) », « services d'intermédiation commerciale (conciergerie) » et les « instruments et appareils de mesure », visés par la demande d'enregistrement contestée, sont similaires à ceux visés par la marque antérieure CANAL+ ont été précédemment écartés comme étant irrecevables devant la cour.
Il s'ensuit que l'INPI a justement retenu que les produits et services de la demande d'enregistrement contestée, objets de l'opposition, sont pour partie identiques ou similaires aux produits et services de la marque antérieure CANAL+.
2.1.1.2. Sur la comparaison des signes et le risque de confusion
La similitude des signes nécessite la démonstration d'un risque de confusion, lequel doit être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.
L'INPI n'a pas raisonné en l'espèce à l'inverse d'un prétendu ordre ou syllogisme juridique qu'il serait tenu de respecter dans le cadre de cette appréciation mais a porté une appréciation globale du risque de confusion en s'appuyant sur l'impression d'ensemble produite par les signes en cause.
Si le signe verbal CANAL CORDIAM et la marque antérieure CANAL+ ont en commun le terme « canal » et une présentation sous forme de lettres majuscules d'imprimerie droites et noires, ils se distinguent nettement, visuellement et phonétiquement, par l'ajout pour le premier du terme
« CORDIAM » et pour la seconde d'un signe arithmétique. Le signe contesté est ainsi plus long visuellement et du point de vue du rythme (deux mots et quatre temps) que la marque antérieure (un mot et un signe arithmétique et trois temps) et les sonorités finales n'ont aucun point commun. En outre, aucun élément n'existe tendant à laisser penser que dans le signe « CANAL CORDIAM » le premier mot serait dominant, du seul fait de sa position première, tandis que le deuxième terme, présentant pourtant un caractère parfaitement arbitraire, ne le serait pas.
Conceptuellement, alors que le terme « canal » est d'usage courant et peu distinctif, les éléments ajoutés « CORDIAM » et « + » introduisent une différence au sein du signe contesté et de la marque antérieure qui leur confère une signification propre : le terme « CORDIAM » est parfaitement arbitraire quand le second, « + », décrit une qualité ou une quantité supérieure.
Dès lors en l'état des différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en cause qui excluent une impression d'ensemble similaire, le consommateur moyennement attentif ne sera pas amené à confondre les marques ou à penser que le signe contesté est la déclinaison de la marque antérieure.
La société Groupe Canal+ invoque toutefois la notoriété et le caractère distinctif accru de la marque CANAL+ en raison de sa connaissance sur le marché dans le domaine des médias, de la télévision, de l'audiovisuel, du cinéma, du numérique et du divertissement en général.
Dans sa décision, l'INPI n'a pas contesté la grande connaissance de la marque antérieure dans le domaine des médias, plus particulièrement dans l'univers télévisuel, lui conférant ainsi un caractère distinctif accru pour désigner une chaîne de télévision et les services qui lui sont directement liés, mais a exclu que le caractère distinctif accru s'applique au seul élément « canal ».
C'est pourtant bien au regard de la notoriété de la marque CANAL+ dans sa complétude, et non dans une acceptation tronquée, que son caractère distinctif accru doit être apprécié.
Cela dit, la notoriété, incontestée, de la marque CANAL+ et son caractère distinctif accru qui en découle dans les domaines des médias, de la télévision, de l'audiovisuel et du cinéma ne viennent pas remettre en cause l'appréciation précédente selon laquelle les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en cause pris dans leur ensemble sont telles que le consommateur moyennement attentif ne sera pas amené à confondre les marques ou à penser que le signe contesté est la déclinaison de la marque antérieure et ce, quand bien même les deux signes portent sur des services et produits en partie identiques ou similaires.
L'opposition doit donc être rejetée en ce qu'elle est fondée sur le risque de confusion avec la marque CANAL+.
2.1.2. Sur le risque de confusion avec la marque CANAL
2.1.2.1. Sur la comparaison des produits et services
Sur la recevabilité de certaines comparaisons de produits et services :
L'INPI relève, le recours étant un recours en annulation dépourvu d'effet dévolutif, que la société Groupe Canal+ n'est pas recevable à invoquer, pour établir leur similarité, de nouveaux liens entre (i) les « portemonnaies électroniques téléchargeables » avec les « cartes magnétiques : cartes à puce, cartes à puce électroniques ; cartes magnétiques d'identification » de la marque CANAL, (ii) les services « décoration intérieure ; architecture ; services de conception d'art graphique ; stylisme (esthétique industrielle) » avec les services « objets d'art lithographiés » de la marque CANAL, (iii) les services « intermédiation commerciale » avec les services « publicité ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'opérations promotionnelles et publicitaires en vue de fidéliser la clientèle ; rédaction de courriers publicitaires ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospects, imprimés, échantillons) » de la marque CANAL et (iv) les « instruments et appareils de mesure » avec les « appareils et instruments d'enseignement ; appareils et instruments pour l'enseignement, la transmission, la reproduction, la diffusion, la lecture, la distribution, le stockage, le cryptage, la transformation, le traitement du son, d'images ou de données : contenu enregistré ; appareils de communications et de télécommunications » de la marque CANAL.
La société Groupe Canal+ conteste avoir invoqué de nouveaux produits et services ou de nouveaux liens au stade du recours.
Dans son opposition, la société Groupe Canal+ a comparé :
les services « intermédiation commerciale » visés par la demande d'enregistrement de la marque CANAL CORDIAM avec les « services d'abonnement à des programmes audiovisuels, à des programmes audio, radio ; service d'abonnement à une chaîne de télévision ; abonnements à des chaînes de télévision et à des bouquets de chaînes de télévision via des réseaux de télécommunication, à savoir des réseaux de téléphonie mobile ou internet ; services d'abonnement à des services de transmission de contenus audio, vidéo ou multimédia en flux continu ; services d'abonnement à des services de vidéo en direct ou à la demande sur tout support de communication ; services d'abonnement aux services de télédiffusion ; abonnements à des services de télécommunications ; abonnement à une offre de connexion à internet » et non avec les services « publicité ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'opérations promotionnelles et publicitaires en vue de fidéliser la clientèle ; rédaction de courriers publicitaires ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospects, imprimés, échantillons) » de la marque CANAL,
les « supports d'enregistrement numériques ; porte-monnaies électroniques téléchargeables » avec les « supports d'enregistrements magnétiques » et les « supports numériques d'enregistrement pour le stockage et la reproduction du son ou des images ; supports de données optiques ou magnétiques » et non avec les « cartes magnétiques : cartes à puce, cartes à puce électroniques ; cartes magnétiques d'identification » de la marque CANAL.
Elle n'a en outre pas établi de lien de comparaison entre les services « décoration intérieure ; architecture ; services de conception d'art graphique ; stylisme (esthétique industrielle) » et les « instruments et appareils de mesure » visés par la demande d'enregistrement de la marque CANAL CORDIAM et des services ou produits visés par la marque CANAL.
C'est donc à juste titre que l'INPI a relevé, dans le recours, des comparaisons nouvelles entre ces quatre séries de produits et services de la marque contestée avec ceux de la marque antérieure CANAL+ pour en soutenir la similarité.
Le recours contre une décision statuant sur une opposition étant un recours en annulation excluant d'invoquer des faits et moyens qui n'ont pas été soumis à l'appréciation de l'INPI, ces liens de comparaison allégués pour la première fois devant la cour d'appel ne sont pas recevables et doivent donc être écartés de son appréciation.
La société Groupe Canal + ne conteste pas l'appréciation de l'INPI, qui relève que les produits et services de la demande d'enregistrement contestée apparaissent pour partie identiques ou similaires aux produits et services invoqués de la marque CANAL, autrement qu'en invoquant ces seuls liens de comparaison allégués pour la première fois devant la cour d'appel et, dès lors, irrecevables.
Il s'ensuit que l'INPI a justement retenu que les produits et services de la demande d'enregistrement contestée, objets de l'opposition, sont pour partie identiques ou similaires aux produits et services de la marque antérieure CANAL.
2.1.2.2. Sur la comparaison des signes et le risque de confusion
La similitude des signes nécessite la démonstration d'un risque de confusion, lequel doit être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.
Le Directeur de l'INPI n'a pas non plus, s'agissant de la marque CANAL, raisonné à l'inverse d'un prétendu ordre ou syllogisme juridique qu'il serait tenu de respecter dans le cadre de cette appréciation mais a porté une appréciation globale du risque de confusion en s'appuyant sur l'impression d'ensemble produite par les signes en cause.
Si le signe verbal CANAL CORDIAM et la marque antérieure CANAL ont en commun le terme « canal », ils se distinguent très nettement visuellement par :
l'ajout pour le premier du terme « CORDIAM »,
une présentation différente, le premier étant écrit simplement sous forme de lettres majuscules d'imprimerie droites et noires alors que la seconde se présente sous une forme de lettres majuscules d'imprimerie blanches, penchées pour les trois premières et droites pour les deux dernières, enserrées dans un cartouche noir.
Le signe contesté est ainsi plus long visuellement (deux mots) que la marque antérieure (un seul mot), présente une terminaison distincte (« cordiam » / « canal ») et est dépourvu de toute composition particulière alors que la marque antérieure est composée de lettres blanches, écrites avec deux polices d'écriture, contrastant avec un fond noir rectangulaire.
Du point de vue phonétique, le rythme est également différent (quatre temps pour le signe contesté, moitié moins pour la marque antérieure) et les sonorités finales n'ont aucun point commun. En outre, aucun élément n'existe tendant à laisser penser que dans le signe « CANAL CORDIAM » le premier mot serait dominant, du seul fait de sa position première, tandis que le deuxième terme, présentant pourtant un caractère parfaitement arbitraire, ne le serait pas.
Conceptuellement, alors que le terme « canal » est d'usage courant et peu distinctif, l'élément ajouté « CORDIAM », parfaitement arbitraire, introduit une différence au sein du signe contesté qui lui confère une signification propre.
Dès lors en l'état des différences prépondérantes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entre les signes en cause qui excluent une impression d'ensemble similaire, le consommateur moyennement attentif ne sera pas amené à confondre les marques ou à penser que le signe contesté est la déclinaison de la marque antérieure.
La société Groupe Canal+ invoque toutefois la notoriété et le caractère distinctif accru de la marque CANAL en raison d'une connaissance/réputation certaine auprès du public pertinent, en particulier dans le domaine de l'audiovisuel, de la télévision, des nouvelles technologies et du divertissement.
Dans sa décision, l'INPI n'a pas contesté la grande connaissance de la marque antérieure dans le domaine de médias et plus particulièrement dans l'univers télévisuel lui conférant ainsi un caractère distinctif accru pour désigner une chaîne de télévision et les services qui lui sont directement liés, mais a exclu que le caractère distinctif accru s'applique au seul élément « canal » qui présente, selon lui, un caractère distinctif intrinsèque très faible, voire inexistant.
Mais la notoriété de la marque CANAL, constatée par l'INPI et qui ressort des pièces aux débats, ne peut être écartée de l'appréciation du risque de confusion au seul motif que la marque est constituée d'un seul mot dont l'usage est par ailleurs courant.
Cela dit, la notoriété, incontestée, de la marque CANAL et son caractère distinctif accru qui en découle dans le domaine de l'audiovisuel ne vient pas remettre en cause l'appréciation précédente selon laquelle les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en cause pris dans leur ensemble sont telles que le consommateur moyennement attentif ne sera pas amené à confondre les marques ou à penser que le signe contesté est la déclinaison de la marque antérieure et ce, quand bien même les deux signes portent sur des services et produits en partie identiques ou similaires.
L'opposition doit donc être rejetée en ce qu'elle est fondée sur le risque de confusion avec la marque CANAL.
2.2. Sur l'atteinte à la renommée des marques CANAL+ et CANAL
Selon le I du l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, « ne peut être valablement enregistrée ['] une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment: ['] une marque antérieure enregistrée ou une demande de marque sous réserve de son enregistrement ultérieur, jouissant d'une renommée en France ['] lorsque la marque postérieure est identique ou similaire à la marque antérieure, que les produits ou les services qu'elle désigne soient ou non identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ou demandée et lorsque l'usage de cette marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou qu'il leur porterait préjudice. ».
Aux termes de l'article L. 713-3 du même code, est interdit : « Sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. »
L'INPI n'a pas contesté la renommée des marques CANAL+ et CANAL en France mais a écarté la similitude de ces signes avec le signe CANAL CORDIAM.
Cependant le caractère similaire entre le signe CANAL CORDIAM et les marques CANAL+ d'une part et CANAL d'autre part ne peut être écarté en raison de la seule absence de tout risque de confusion entre les signes dans la mesure où le terme « canal » apparaît pour chacun des trois et qu'il est prépondérant dans les marques antérieures. Compte tenu des différences importantes précédemment énoncées pour écarter le risque de confusion, la similitude entre le signe verbal CANAL CORDIAM et les deux marques antérieures est néanmoins faible.
En outre ces mêmes différences significatives écartent la possibilité que le consommateur établisse un lien entre CANAL CORDIAM ' dont l'INPI relève à juste titre que le consommateur retiendra le premier terme dans son sens descriptif tandis que le second terme présente un caractère arbitraire ' et CANAL d'une part et CANAL+ d'autre part, en supposant notamment que CANAL CORDIAM est une déclinaison des deux marques antérieures.
Enfin, il n'est pas démontré que le déposant de la marque contestée CANAL CORDIAM soit susceptible de tirer indûment profit de la forte renommée des marques antérieures CANAL+ et CANAL et encore moins que l'usage de ce signe leur porte préjudice.
L'atteinte à la renommée des marques antérieures doit dès lors être également écartée.
Il résulte de tout ce qui précède que le recours formé par la société Groupe Canal + à l'encontre de la décision ayant rejeté son opposition sera rejeté.
3. Sur les demandes accessoires
La société Groupe Canal + succombant en son recours sera condamnée aux dépens et, de ce fait, ne peut prétendre à une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt réputé contradictoire,
Déboute la société Groupe Canal + de sa demande de rejet des débats de l'arrêt de la cour d'appel de Paris produit par le Directeur général de l'INPI le 15 avril 2024 ;
Rejette le recours formé par la société Groupe Canal + à l'encontre de la décision du Directeur général de l'INPI du 14 juin 2022 ayant rejeté son opposition à la demande d'enregistrement n° 21 4799283 portant sur le signe verbal CANAL CORDIAM déposée par la société Impact medicom sarl ;
Déboute la société Groupe Canal+ de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Groupe Canal+ aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.