Livv
Décisions

ADLC, 24 septembre 2024, n° 24-D-08

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par le groupe Loste

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Florence Bronner et Mme Carlotta Frascoli, rapporteures, et l’intervention de Mme Gwenaëlle Nouët, rapporteure générale adjointe, par Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente, présidente de séance, Mme Gaëlle Dumortier et M. Alexandre Menais, membres.

ADLC n° 24-D-08

23 septembre 2024

L’Autorité de la concurrence (section II),

Vu le dossier enregistré sous le numéro 24/0001 F relatif à une procédure d’obstruction ouverte à l'encontre du groupe Loste dans le cadre d’une enquête concernant le secteur de la charcuterie salaisonnerie enregistrée sous le numéro 21/0006 E ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment ses articles 101 et 102 ;

Vu le livre IV du code de commerce, et notamment ses articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 464-2 V, alinéa 2 ;

Vu les observations présentées par les sociétés Loste, CA Conseils et services et CA Animation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteures, la rapporteure générale adjointe, les représentants des sociétés Loste, CA Conseils et services et CA Animation entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 4 juillet 2024, le commissaire du Gouvernement ayant été régulièrement convoqué ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») inflige une sanction de 900 000 euros aux sociétés Loste et CA Conseils et services (ci-après « le groupe Loste ») en tant qu’auteures, et à leur société mère, la société CA Animation (dénommées ensemble « les mises en cause ») sur le fondement des dispositions de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce, pour avoir fait obstruction aux opérations de visites et saisies (ci-après « OVS ») diligentées dans le cadre de l’enquête ouverte en 2021 dans le secteur de la charcuterie salaisonnerie.

Au cours des OVS qui ont débuté le 16 novembre 2023 dans les locaux parisiens du groupe Loste et de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (ci-après « FICT »), des rapporteurs de l’Autorité ont constaté que :

− la directrice juridique du groupe CA Conseils et services, désignée occupante des lieux du groupe Loste, a donné des informations qu’elle savait inexactes aux rapporteurs présents sur place en indiquant que le dirigeant de l’entreprise n’était pas présent, alors qu’elle l’avait rencontré préalablement et lui avait fait part à cette occasion de la présence des rapporteurs de l’Autorité dans les locaux ;

− de même, le dirigeant de l’entreprise, également vice-président de la FICT, a donné des informations qu’il savait inexactes aux rapporteurs présents à la FICT en indiquant se trouver en déplacement au Royaume-Uni, alors qu’il était, à ce moment-là, présent dans les locaux du groupe Loste, à Paris.

Ces faits, qui sont de nature à entraîner un risque concret de déperdition ou d’altération de preuves et ont pu compromettre l’efficacité de l’action des services d’instruction, se sont déroulés durant la phase préliminaire des OVS. Or, l’Autorité rappelle que cette phase des investigations est particulièrement importante en ce qu’elle conditionne le bon déroulé des OVS et de la suite de l’instruction dans son ensemble. Elle nécessite de ce fait une coopération entière de l’entreprise faisant l’objet d’OVS.

Les dispositions relatives à l’obstruction revêtent une importance cruciale pour garantir l’effectivité des pouvoirs d’enquête et d’instruction de l’Autorité. Les entreprises faisant l’objet d’une mesure d’instruction doivent ainsi s’abstenir de fournir des informations incomplètes ou inexactes conformément aux dispositions de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce.

L’Autorité a défini le montant de la sanction en tenant compte de la gravité de l’infraction d’obstruction, qui fait obstacle à l’exercice de sa mission de répression des pratiques anticoncurrentielles. Elle a également pris en compte l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier le fait que l’obstruction résulte des comportements commis par le dirigeant de l’entreprise et sa directrice juridique en poste depuis de nombreuses années.

I. Constatations

A. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a ouvert, en 2021, une enquête, répertoriée sous le numéro 21/0006 E, concernant des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la charcuterie salaisonnerie.

2. Par ordonnance du 10 novembre 2023, le juge des libertés et de la détention (ci-après « JLD ») du tribunal judiciaire de Paris a autorisé le rapporteur général de l’Autorité à faire procéder à des opérations de visites et saisies (ci-après « OVS ») dans le secteur de la charcuterie salaisonnerie, en particulier dans les locaux du groupe Loste et de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (ci-après « FICT »)2.

3. Lors de ces opérations qui se sont déroulées les 16 et 17 novembre 20233, les rapporteurs présents sur les lieux ont constaté que la directrice juridique de la société CA Conseils et services et le dirigeant du groupe Loste leur avaient fourni des renseignements incomplets ou inexacts.

4. Le 24 novembre 2023, le groupe Loste a formé des recours à l’encontre de l’ordonnance du JLD et du déroulement des opérations sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce. Ces contentieux sont pendants à la date de publication de la présente décision.

5. Un rapport relatif aux faits constitutifs d’obstruction a été adressé par les services d’instruction aux sociétés mises en cause le 7 mars 2024.

B. LES ENTREPRISES CONCERNEES

6. La société Loste, anciennement CA Traiteur et salaisons, fait partie du groupe Loste dont l’activité principale est la production et distribution de produits frais, charcutiers et traiteurs (jambons, saucissons, plats cuisinés, etc.4). Les produits Loste sont distribués par les grandes et moyennes surfaces (GMS) et en restauration hors domicile (RHD). Ils sont également présents à l’export.

7. Au 31 mars 2023, le chiffre d’affaires de la société Loste, entièrement réalisé en France, était de 2 344 592 d’euros5.

8. Le groupe Loste est contrôlé à 100 % par la société CA Animation, domiciliée au Luxembourg6.

9. Au sein du groupe Loste, M.X est le représentant légal de la société Loste. En effet, il représente la société […], gérante de la société CA Animation, qui occupe elle-même la fonction de Président de la société Loste7.

10. M. X et […]8 détiennent, par le biais des sociétés […], l’intégralité du capital de la société CA Animation, société mère de la société Loste et société mère ultime du groupe Loste9.

11. M. X détient le pouvoir de décision sur la société CA Animation dans la mesure où […]10. Le conseil de surveillance de la société CA Animation est en outre composé de […]11.

12. La société CA Animation contrôle également, indirectement, la société CA Conseils et services, située à la même adresse que la société Loste (49 avenue d’Iéna, 75116 Paris)12 et dont l’activité principale consiste à offrir des « prestations de services […] »13. Au 31 mars 2023, le chiffre d’affaires de la société CA Conseils et services, essentiellement réalisé en France, était de 1 915 684 euros14.

13. En particulier, la société CA Conseils et services est détenue par les entités suivantes15 :

− à 34 % par la société CA Holding qui est à son tour détenue […] par la société […]16 ;

− à 33 % par la société Loste Conseils (ex LTF Conseils)17 qui est à son tour détenue […] par la société […] ;

− à 33 % par la société par la société Aristid Hub (RCS n° 451 120 810 – ex CA Multi Services)18 qui est à son tour détenue, à travers […]19, à […] par la société […].

14. La société CA Conseils et services est dirigée par Mme. Z ([…]), celle-ci étant également (i) gérante de la société Loste Conseils, (ii) […] et (iii) […]20.

15. Enfin, les comptes des sociétés Loste et CA Conseils et services sont consolidés au niveau de […]21.

16. Au 31 mars 2023, le chiffre d’affaires mondial consolidé de la société […], société mère ultime consolidante, était de […] millions d’euros22.

C. LES PRATIQUES CONSTATEES

17. Les 16 et 17 novembre 2023, l’Autorité a procédé à des OVS, notamment à Paris dans les locaux du groupe Loste et dans ceux de la FICT.

18. Dans les locaux du groupe Loste, Mme. Y, directrice juridique de la société CA Conseils et services, appartenant au groupe Loste, a été désignée occupante des lieux.

19. Elle s’est ainsi vu notifier l’ordonnance du JLD à 9h38. Les rapporteurs et les enquêteurs autorisés à procéder aux OVS (ci-après « les rapporteurs ») ont justifié auprès d’elle de leur qualité et indiqué l’objet de leur enquête23. Les rapporteurs lui ont également rappelé les dispositions de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce relatives à l’obstruction en lui en faisant lecture24.

20. Le procès-verbal des OVS dressé par les rapporteurs en application de l’article L. 450-4 du code de commerce, décrit le déroulé des faits suivants :

« après nous avoir informés, au moment de la notification de l’ordonnance, que M. X disposait d’un bureau dans les locaux, Mme. Y [directrice juridique], occupante des lieux, a affirmé à 10h45 à M. A, rapporteur, que M. X ne se trouvait pas sur place ce jour et qu’elle ne l’avait pas vu de la matinée. Après des indications contraires de Mme. B assistante de direction de M. X, représentante de l’occupante des lieux, Mme. Y a d’abord indiqué à 11h00 à M. .A, rapporteur, avoir aperçu M. X dans les locaux de l’entreprise après la notification de l’ordonnance précitée, avant de reconnaître, à 11h15, lui avoir parlé dans son bureau pour lui faire part de la présence de l’Autorité de la concurrence dans les locaux de l’entreprise.

Sans que les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence, ni M. C, officier de police judiciaire, n’aient été prévenus de sa présence dans les locaux, M. X a reconnu avoir quitté les locaux de l’entreprise vers 10h30 en laissant dans son bureau son ordinateur portable de marque Apple. Après avoir été appelé par Mme .B, échange téléphonique au cours duquel il lui a communiqué les codes d’accès à son ordinateur, et avoir échangé par téléphone avec les avocats de l’entreprise présents sur le site, M. X est revenu sur site à 12h00 pour déposer dans la salle de réunion « grande salle IENA » son téléphone portable de marque Apple et une tablette Ipad de la même marque pour analyse ultérieure »25.

21. Ce procès-verbal a été signé, sans réserves et en présence des avocats du groupe Loste, par l’occupante des lieux, Mme. Y, et par l'officier de police judiciaire26.

22. Il ressort de ce procès-verbal qu’à la suite de la notification de l’ordonnance du JLD, interrogée par les rapporteurs, Mme. Y a indiqué que M. X, président du groupe Loste, disposait d’un bureau dans les locaux.

23. À 10h45, lors de la mise sous scellés des bureaux, dont celui de M. X, Mme. Y a précisé que M. X n’était pas présent ce jour dans les locaux et qu’elle ne l’avait pas vu de la matinée.

24. Cependant, en parallèle, l’assistante de M. X, Mme. B, représentante de l’occupante des lieux, a indiqué que M. X était bien présent le matin des opérations et qu’il avait quitté les locaux au cours de la matinée.

25. Les rapporteurs ont donc interrogé à nouveau Mme. Y à ce sujet :

− à 11h : elle a d’abord reconnu avoir « aperçu » M. X ;

− à 11h15 : elle a reconnu, non seulement avoir parlé avec M. X, mais également lui avoir fait part de la présence des rapporteurs de l’Autorité dans les locaux.

26. M. X est finalement revenu dans les locaux à 12h. Il a alors remis aux rapporteurs son téléphone portable et sa tablette27.

27. Interrogé après son retour dans les locaux, M. X a reconnu avoir quitté les locaux du groupe Loste à 10h30, avec son téléphone portable et sa tablette, sans se présenter aux rapporteurs, avant que son bureau soit mis sous scellé28.

28. En parallèle, dans les locaux de la FICT, les rapporteurs présents sur le site ont demandé à M. .D, délégué général de la FICT désigné comme occupant des lieux, de contacter par téléphone plusieurs responsables, dont M. X, vice-président de la FICT, pour leur demander de se présenter dans les locaux de la FICT29.

29. Le procès-verbal des OVS dressé par les rapporteurs en application de l’article L. 450-4 du code de commerce indique les faits suivants :

« En salle de réunion dédiée aux fouilles informatiques :

L’équipe composée de Mme. E, M. F, M. G, M. H, Mme. I, Mme. J Mme. K, M. L, Mme. M, Mme. N, Mme. O, M. P, M. Q, rapporteurs, M. R, enquêteur, et M. S, rapporteur général, se sont installés dans la salle de réunion J.A Brillat-Savarin.

Avons demandé à M. D d’appeler M.T, conseiller spécial de la présidente, Mme. U, responsable de la relation adhérents, M. V, directeur des affaires scientifiques et techniques, M. W, responsable de la communication, et M.X, vice-président, afin qu’ils apportent dans les locaux de la fédération leurs ordinateurs portables.

A 10hl5, joint téléphoniquement, M. X a indiqué à M. D qu’il se trouvait en déplacement au Royaume-Uni et qu’il ne pouvait donc pas venir dans les locaux de la fédération française des industriels charcutiers traiteurs transformateurs de viande »30.

30. Ce procès-verbal a été signé, sans réserves et en présence des avocats de la FICT, par l’occupant des lieux, M.D, et par l’officier de police judiciaire31.

31. Il ressort de la conversation téléphonique précitée, ayant eu lieu à 10h15, que M. X a indiqué ne pas pouvoir se rendre à la FICT car il était actuellement en déplacement au Royaume-Uni32, alors pourtant qu’il se trouvait encore, selon ses propres déclarations ultérieures retranscrites dans le procès-verbal des OVS ayant eu lieu dans les locaux du groupe Loste mentionné ci-dessus, dans les locaux de son groupe à Paris33.

32. Le tableau ci-dessous résume la chronologie des faits constatés au sein des locaux du groupe Loste et de la FICT, tels que relatés dans les procès-verbaux précités et dans les observations présentées par les mises en cause.

Capture d'écran 2024-10-11 174937.png

Capture d'écran 2024-10-11 175142.png

Capture d'écran 2024-10-11 175258.png

D. LE RAPPORT

33. Le 7 mars 2024, les services d’instruction ont adressé un rapport aux sociétés Loste et CA Conseils et services leur reprochant d’avoir fourni des renseignements incomplets ou inexacts de nature à faire obstacle aux OVS, pratique prohibée au titre de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce. Ce rapport a également été notifié à la société CA Animation, en tant que société mère des sociétés Loste et CA Conseils et services55.

II. Discussion

34. Il sera répondu tout d’abord aux moyens soulevés par le groupe Loste relatifs à la régularité de la procédure d’obstruction (A). La qualification de l’infraction d’obstruction (B), l’imputabilité de l’infraction (C) et la détermination de la sanction (D) seront ensuite discutées.

A. SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE D’INSTRUCTION

35. Le groupe Loste invoque l’irrégularité de la procédure d’instruction compte tenu de la violation du principe de loyauté dans la collecte des preuves (1) et de l’atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif (2).

1. SUR LE PRINCIPE DE LOYAUTE DANS LA RECHERCHE DES PREUVES

a) Arguments du groupe Loste

36. Le groupe Loste soutient que les conditions dans lesquelles ont été collectées les preuves utilisées par les rapporteurs à l’appui de la présente procédure seraient contraires au principe de loyauté et auraient porté atteinte de manière irrémédiable à ses droits de la défense.

37. S’agissant des déclarations de M. X recueillies dans le procès-verbal des OVS réalisées au sein de la FICT, le groupe Loste soutient que la retranscription de l’appel téléphonique entre ce dernier et M. D serait partielle et donc irrégulière dès lors qu’aucun élément n’attesterait que cet appel aurait été passé en présence des rapporteurs et pourrait donc être considéré comme « privé ». Il est en outre reproché aux services d’instruction de ne pas avoir informé M. X du fait que l’appel en cause était réalisé à la demande et sous le contrôle des rapporteurs de l’Autorité. Le groupe Loste soutient par ailleurs que M. D aurait mal compris les propos de M. X, ce dernier ayant effectivement prévu, comme le montre la copie d’une réservation à son nom d’un billet d’avion pour Bristol56, un déplacement au Royaume-Uni le lendemain des OVS57. Par ailleurs, le fait que cet appel ait été effectué hors la présence des conseils de M. X et M. .D démontrerait la déloyauté manifeste des rapporteurs et la violation du droit à l’assistance effective d’un avocat58.

38. Le groupe Loste fait également valoir que l’article L. 450-4 du code de commerce n’habiliterait pas les rapporteurs à interroger M. X par l’intermédiaire de M. .D. Les rapporteurs ne pourraient en effet, selon lui, interroger que l’occupant des lieux et ses représentants, M. X n’ayant aucune de ces qualités59.

39. Enfin, le fait que seuls les propos de M. X aient été retranscrits dans le procès-verbal des OVS réalisées au sein de la FICT, alors que M. D a appelé quatre autres salariés de la FICT, constituerait une preuve du caractère déloyal de la procédure.60

40. S’agissant des déclarations de Mme. Y, il est reproché aux rapporteurs de n’avoir consigné dans le procès-verbal des OVS réalisées dans les locaux du groupe Loste ni les questions posées ni les conditions dans lesquelles ces questions, qui relèveraient d’une « audition » au sens de l’article L. 450-4, alinéa 8 du code de commerce, auraient été posées, notamment hors de la présence des avocats du groupe61. De même, en procédant à une telle audition, les rapporteurs n’auraient pas respecté le droit de Mme. Y à ne pas s’auto-incriminer, garanti par l’article 61-1 du code pénal auquel l’article L. 450-4 alinéa 8 renvoie expressément62.

41. En outre, les rapporteurs auraient poussé Mme. Y à commettre un acte d’obstruction, car ils avaient déjà connaissance, quand ils l’ont interrogée à partir de 10h45, du fait que M. X s’était présenté dans les locaux du groupe Loste lors des OVS, ainsi que de l’appel entre ce dernier et M.D. Le groupe Loste s’interroge d’ailleurs sur l’ajout qui serait « purement opportun »63 des propos de M. X consignés dans le procès-verbal des OVS réalisées au sein de la FICT, daté du 21 novembre 2023, soit quatre jours après la fin des OVS dans les locaux du groupe Loste.

b) Réponse de l’Autorité

42. À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article L. 450-4 du code de commerce, les OVS sont autorisées par un JLD. Durant les OVS, les rapporteurs sont accompagnés par un officier de police judiciaire, garant de leur bon déroulé.

43. Lors de l’arrivée des rapporteurs dans les locaux de l’entreprise, l’ordonnance est notifiée à l’occupant des lieux. Des représentants de l’occupant des lieux sont ensuite désignés si nécessaire.

44. Dès la notification de l’ordonnance, les dispositions de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce relatives à l’obstruction sont rappelées à l’occupant des lieux, en présence de l’officier de police judiciaire, ainsi qu’en atteste en l’espèce le procès-verbal des opérations64. L’occupant des lieux est également informé qu’il peut appeler le conseil de son choix pour se faire assister lors du déroulement des OVS, sans toutefois que l’exercice de cette faculté entraîne la suspension des opérations, conformément au 5ème alinéa de l’article L. 450-4 du code de commerce.

45. Après que la notification de l’ordonnance a été effectuée, les rapporteurs interrogent l’occupant des lieux afin notamment de comprendre l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise. Ils identifient ainsi les personnes dont les bureaux seront scellés et le matériel informatique récupéré pour investigation. Si les rapporteurs disposent eux-mêmes, en règle générale, d’une liste de personnes dites « cibles » préparée en amont des OVS, il est essentiel de déterminer avec l’occupant des lieux si elles sont toujours en fonction et présentes dans les locaux le jour des OVS. Si ces personnes sont bien présentes, les rapporteurs peuvent récupérer leur matériel informatique pour analyse ultérieure puis sceller leur bureau afin de sécuriser et préserver l’intégrité des éléments de preuve susceptibles de s’y trouver. Dans le cas contraire, elles peuvent être appelées afin, notamment, de se rendre dans les locaux pour y déposer leur matériel informatique pour investigation.

46. Cette phase initiale des OVS vise ainsi principalement, tout en garantissant les droits de la défense de l’entreprise visitée, à poser des questions pratiques à l’occupant des lieux concernant, par exemple, la configuration des locaux ou les personnes présentes le jour des OVS afin d’organiser la suite des opérations.

47. Les informations communiquées à ce stade des OVS par l’occupant des lieux sont donc particulièrement importantes et conditionnent à la fois le bon déroulé des opérations et la suite de l’instruction.

48. Ces précisions étant apportées, il sera répondu aux moyens soulevés par le groupe Loste au sujet (i) des déclarations de M. X recueillies dans le procès-verbal des OVS réalisées au sein de la FICT et (ii) des déclarations de Mme. Y telles que consignées dans le procès-verbal des OVS réalisées dans les locaux du groupe Loste.

(i) Les déclarations de M. X dans le cadre des OVS réalisées dans les locaux de la FICT

49. En premier lieu, il convient de relever que M. X était identifié comme personne « cible » de l’opération, en sa qualité non seulement de représentant légal du groupe Loste mais également de vice-président de la FICT. Il était ainsi expressément mentionné dans l’ordonnance autorisant les OVS65. Ce dernier n’étant pas présent dans les locaux de la FICT, les rapporteurs ont donc sollicité M. D, désigné comme occupant des lieux, pour qu’il l’appelle afin qu’il puisse venir déposer son matériel informatique, ce qui ressort clairement du procès-verbal des OVS66 retranscrit au paragraphe 29 de la présente décision.

50. Par conséquent, et contrairement à ce que soutient le groupe Loste, il ne s’agissait en rien d’un appel « privé » entre M. D et M. X, mais d’un appel téléphonique passé par l’occupant des lieux, après la notification de l’ordonnance du JLD dans les deux sites faisant l’objet des OVS, en présence des rapporteurs, tous étant installés « dans la salle de réunion J.A. Brillat-Savarin »67.

51. En deuxième lieu, dans la mesure où les rapporteurs ne sont pas tenus, conformément aux dispositions de l’article L. 450-4 du code de commerce, de suspendre les opérations dans l’attente de l’arrivée des avocats, il est indifférent que cet appel, passé à 10h15, l’ait été hors la présence des avocats de la FICT. M. D, occupant des lieux, les a en effet contactés à 9h50 et ils ont assisté aux opérations à compter de 10h25 et 10h4068.

52. De même, il ne saurait être tiré aucun argument du fait que M. X n’était pas assisté d’un avocat lors de cet appel. Il y a lieu à cet égard de relever d’une part, que les conseils du groupe Loste ont été régulièrement contactés à 9h51 par l’occupante des lieux69 et, d’autre part, que M. X s’est délibérément isolé dans son bureau, dès son arrivée dans les locaux, sans en informer les rapporteurs.

53. Aucune violation du droit à l’assistance effective d’un avocat ne saurait donc en résulter.

54. En troisième lieu, il est également indifférent que les rapporteurs n’aient pas informé M. X du contexte dans lequel cet appel était passé. Il ressort en effet du procès-verbal des OVS que les rapporteurs ont régulièrement notifié l’ordonnance du JLD à l’occupant des lieux, M. .D. Ils étaient donc en mesure de poursuivre leurs investigations sans avoir à informer à nouveau chaque personne du contexte dans lequel ils intervenaient. Aucun manquement au principe de loyauté dans la recherche des preuves ne saurait en résulter.

55. En tout état de cause, le groupe Loste ne saurait soutenir que M. X ignorait que cet appel était passé dans le cadre des OVS dès lors qu’il avait été informé par son assistante, dès 9h3970, de la présence des rapporteurs dans les locaux du groupe Loste.

56. Au surplus, il sera observé que c’est en raison de son propre comportement que le groupe Loste se trouve dans la situation qu’il prétend aujourd’hui être préjudiciable à ses droits de la défense, M. X ayant sciemment décidé de ne pas se présenter aux rapporteurs présents dans les locaux de l’entreprise.

57. En quatrième lieu, le groupe Loste ne saurait davantage soutenir que M. .D a pu se méprendre sur les propos tenus par M. X au sujet de sa présence au Royaume-Uni. En effet, c’est en réponse à la demande de M. D à M. X de se rendre le jour même dans les locaux de la FICT pour y déposer son matériel informatique que M. X lui a indiqué que c’était impossible dès lors qu’il était au Royaume-Uni71 (alors qu’il était en réalité dans son bureau à Paris).

58. Le procès-verbal, qui fait foi jusqu’à preuve contraire, a en outre été signé sans réserve sur ce point par M. .D, en présence de ses avocats qui ont pu lui prodiguer tout conseil utile.

59. En dernier lieu, en application des dispositions de l'article R. 450-2 du code de commerce, qui mentionne que les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 « relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées », il ne saurait être exigé des rapporteurs qu’ils consignent dans le procès-verbal l’intégralité des faits survenus au cours des OVS. Contrairement à ce qu’affirme le groupe Loste, les rapporteurs n’étaient donc pas tenus de mentionner l’ensemble des conditions dans lesquelles l’appel téléphonique entre M. D et M. X s’est déroulé, en particulier si le téléphone était ou non placé sur haut-parleur. Au demeurant, il sera relevé que le procès-verbal en question indique que l’appel a été passé « dans la salle de réunion J.A. Brillat-Savarin » en présence des rapporteurs qui s’y étaient installés avec l’occupant des lieux, comme en atteste la formulation « Avons demandé à M. D d’appeler (…) X (…) » (soulignement ajouté). Il est en outre précisé que M. D a « joint téléphoniquement » M. X à 10h15.

60. De même, rien n’exigeait de consigner l’ensemble des déclarations des personnes appelées par M. D dès lors qu’il est relaté par ailleurs que ces personnes se sont rendues dans les locaux de la FICT dans la matinée – ce qui, au demeurant, atteste de ce qu’il ne pouvait y avoir aucune méprise quant à la date à laquelle les OVS avaient lieu, contrairement à ce qu’affirme le groupe Loste – y déposer leur matériel informatique72.

61. Le procès-verbal en question, qui fait foi jusqu’à preuve contraire, consigne donc les constatations effectuées conformément aux dispositions de l’article R. 450-2 du code de commerce. Aucun manquement au principe de loyauté dans la recherche des preuves ne saurait en découler.

(ii) Les déclarations de Mme. Y dans le cadre des OVS réalisées dans les locaux du groupe Loste

62. En premier lieu et contrairement à ce que soutient le groupe Loste, il n’y avait pas lieu d’ajouter les questions posées à Mme. Y ou Mme. B dans le procès-verbal des OVS réalisées dans les locaux du groupe Loste. Ce procès-verbal n’est pas un procès-verbal d’interrogatoire ou d’audition au sens de l’article 429 du code de procédure pénale, qui prévoit que tout procès-verbal d’audition doit comporter les questions posées aux personnes entendues. En effet, les rapporteurs agissent dans le cadre de leurs pouvoirs propres fixés par le code de commerce et, comme le confirment une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes73, aucune disposition spécifique du code de commerce ne leur impose la transcription des questions posées à l’occasion d’un recueil des déclarations.

63. En tout état de cause, il apparaît clairement que les rapporteurs ont demandé à l’occupante des lieux si elle avait vu M. X dans les locaux, question à laquelle elle a d’abord répondu par la négative avant de modifier ses déclarations en reconnaissant qu’elle l’avait aperçu, puis finalement qu’elle s’était entretenue avec lui en lui faisant part de la présence des rapporteurs dans les locaux74.

64. En deuxième lieu, les arguments du groupe Loste selon lesquels les rapporteurs auraient ajouté de manière « purement opportune », dans le procès-verbal des OVS réalisés dans les locaux de la FICT, les propos tenus par M. X dans le cadre de sa conversation téléphonique avec M. D doivent être écartés, s’agissant de simples allégations qui ne sont étayées par aucun élément du dossier. En tout état de cause, et comme indiqué précédemment, ce procès-verbal, qui fait foi jusqu’à preuve contraire, a été signé par M. D qui n’a pas contesté le déroulé de cet appel téléphonique.

65. En troisième lieu, les allégations du groupe Loste tendant à démontrer que les rapporteurs auraient « poussé » Mme. Y à commettre un acte d’obstruction doivent être écartées. Comme indiqué précédemment, il ressort en effet du dossier que le rapporteur l’ayant interrogée lui a posé une question sur la présence de M. X. Compte tenu des déclarations de Mme. B indiquant avoir vu M. X dans son bureau en début de matinée, le rapporteur a de nouveau interrogé Mme. Y à 10h45 afin de préciser la situation. Aucun soupçon d’infraction n’existait donc à son égard, Mme. B ayant pu voir M. X sans pour autant que tel ait été le cas de Mme. Y. En outre, contrairement à ce qui est indiqué dans le rapport, et comme l’ont précisé les services d’instruction en séance75, aucune communication entre les équipes de rapporteurs présents à la FICT et dans les locaux de Loste n’a eu lieu et n’est d’ailleurs relatée dans les procès-verbaux. Le rapporteur ayant interrogé Mme .Y n’était donc pas informée des propos tenus par M. X dans le cadre de sa conversation téléphonique avec M. D intervenue à 10h15. Enfin, quand bien même une telle communication serait intervenue entre les rapporteurs des différents sites faisant l’objet d’OVS, quod non, la connaissance des propos tenus par M. X par les rapporteurs présents dans les locaux de Loste serait sans incidence. En présence d’informations contradictoires, les rapporteurs ne pouvaient en effet que chercher à déterminer où se trouvait M. X, ce dernier étant, pour rappel, une des personnes « cible ».

66. En dernier lieu, s’agissant de l’application de l’article L. 450-4 alinéa 8 du code de commerce et, par conséquent, de l’article 61-1 du code pénal invoquée par le groupe Loste, ces dispositions ne sont pas applicables en l’espèce dès lors qu’il n’a pas été procédé à une audition d’une personne à l’égard de laquelle il existait des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Les questions posées à Mme .Y visaient simplement à comprendre où se trouvait l’une des principales cibles des opérations et ne sauraient donc être considérées comme auto-incriminantes, contrairement à ce que soutient le groupe Loste. Il en découle en outre que la notification du droit de garder le silence prévue par ces dispositions n'avait pas à être effectuée76.

67. En outre, il sera rappelé que les avocats du groupe Loste, qui ont pu prodiguer à Mme .Y tout conseil utile, étaient présents sur place au moment où elle a été interrogée77 et lors de la signature du procès-verbal, ce qui n’est pas contesté par les mises en cause.

68. Aucun manquement au principe de loyauté dans la recherche de la preuve ne saurait donc être caractérisé.

2. LE DROIT A UN CONTROLE JURIDICTIONNEL EFFECTIF CONTRE LES OVS ET LEUR DEROULEMENT

a) Arguments du groupe Loste

69. Selon le groupe Loste, la présente procédure d’obstruction devrait être annulée pour violation du droit à un procès équitable en ce qu’elle serait de nature à le priver de son droit à un recours effectif contre les OVS.

70. Le groupe Loste considère à ce titre que « la présente procédure d’obstruction est uniquement fondée sur des évènements ayant eu lieu dans le cadre des OVS dont la validité est actuellement remise en cause et soumise au contrôle juridictionnel du juge compétent »78. Une éventuelle décision d’infraction du Collège pourrait ainsi être fondée sur des éléments dont la légalité et la régularité sont encore débattues devant le juge compétent, privant ainsi le groupe Loste du droit à un procès équitable.

b) Réponse de l’Autorité

Rappel des principes

71. L’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après la « CESDH ») relatif au procès équitable est applicable aux procédures devant l’Autorité79. Il dispose que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

72. Le droit au procès équitable se traduit en particulier par l’exigence du droit à un recours juridictionnel effectif.

73. S’agissant des procédures menées par les autorités de concurrence pouvant aboutir à une sanction, la Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après la « CEDH ») a considéré que « le respect de l’article 6 de la Convention n’exclut donc pas que dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6 § 1 subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction » et précisé que « [p]armi les caractéristiques d’un organe judiciaire de pleine juridiction figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l’organe inférieur. Il doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi » (soulignement ajouté)80.

74. En droit interne, la cour d’appel de Paris a rappelé que « [l]e recours juridictionnel effectif, garanti par l’article 6 de la Convention EDH ainsi que par l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exige la mise en oeuvre d’un contrôle juridictionnel effectif des décisions par lesquelles l’Autorité inflige des sanctions en cas d’infractions aux règles de concurrence. Ce contrôle juridictionnel est mis en oeuvre en droit interne par l’ouverture au profit des entreprises sanctionnées d’un recours devant la présente cour d’appel, laquelle exerce un contrôle de légalité de la décision adoptée par l’Autorité et a également, en cas d’annulation de celle-ci, l’obligation de statuer tant en droit qu’en fait sur les pratiques reprochées et sur leur sanction » 81.

75. L’article 13 de la CESDH dispose que « [t]oute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».

76. La CEDH a précisé que « l’article 13 n’a pas d’existence indépendante ; il ne fait que compléter les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles […]. Il ne peut être appliqué que combiné avec ou au regard d’un ou plusieurs articles de la Convention ou de ses Protocoles dont la violation a été invoquée. Pour avoir recours à l’article 13, le requérant doit aussi avoir un grief défendable tiré d’une autre disposition de la Convention »82.

77. Enfin, l’article L. 450-4 du code de commerce prévoit que les entreprises faisant l’objet d’OVS peuvent former un recours relatif à l’autorisation des opérations par le JLD et à leur déroulement. Ce recours ne présente pas de caractère suspensif.

Application au cas d’espèce

78. Il convient, en premier lieu, de préciser que le groupe Loste a, en l’occurrence, contesté à la fois l’ordonnance du JLD autorisant les OVS dans ses locaux, le procès-verbal de visite et saisie du 17 novembre 2023 et le procès-verbal d’ouverture des scellés fermés provisoires du 15 janvier 202483. Ce contentieux est toujours pendant à la date de la présente décision.

79. La procédure d’obstruction, qui vise à assurer l’efficacité des enquêtes conduites par l’Autorité pour garantir le respect des règles de concurrence, d’une part, et les recours formés contre les OVS, d’autre part, constituent deux procédures autonomes et indépendantes84.

80. Il est donc indifférent, à ce stade, contrairement à ce que soutient le groupe Loste, que la présente décision se fonde sur des éléments qui pourraient ultérieurement être contestés dans le cadre d’un contentieux qui lui est extérieur. La célérité avec laquelle les services d’instruction ont agi dans le cadre de la présente procédure d’obstruction ne saurait davantage être critiquée de ce chef.

81. En second lieu, il sera relevé que les conséquences d’une éventuelle annulation des OVS pourront être tirées par la cour d’appel de Paris, statuant sur le recours qui sera, le cas échéant, formé contre la présente décision sur le fondement de l’article L. 464-8 du code de commerce.

82. La procédure en l’espèce est donc conforme aux exigences dégagées par la jurisprudence européenne et nationale sur le fondement de l’article 6 de la CESDH.

83. Les moyens relatifs à la violation du droit à un recours juridictionnel effectif seront écartés.

B. SUR LA QUALIFICATION DE L’OBSTRUCTION

1. ARGUMENTS DU GROUPE LOSTE

84. Le groupe Loste soutient qu’aucun acte d’obstruction ne saurait être établi dans la mesure où les mises en cause (i) n’ont réalisé aucun acte consistant à entraver le bon déroulement des investigations et (ii) n’ont pas manqué à leur obligation de collaboration active et loyale au cours des OVS.

85. S’agissant de l’absence d’entrave, il soutient en particulier qu’une obstruction ne peut consister qu’en un « acte positif », ce qui ne serait pas le cas des actes en cause en l’espèce85, ce d’autant plus qu’ils ont eu lieu au cours de la phase initiale des investigations86.

86. Il ajoute, à propos du comportement de M. X qui s’est absenté des locaux pendant les OVS, que les rapporteurs ne seraient pas habilités à empêcher les personnes physiques de quitter les lieux, sous peine de violer le droit à la liberté et à la sûreté, ainsi que la liberté d’aller et venir garantis par la Constitution et la CSEDH87. M. X aurait en outre coopéré avec les rapporteurs en donnant le code d’accès de son ordinateur et en remettant volontairement son téléphone portable et sa tablette, permettant ainsi aux enquêteurs de procéder aux fouilles88.

87. En ce qui concerne par ailleurs les déclarations de M. X, le groupe Loste soutient que ses propos auraient été mal interprétés par M. D89 et qu’elles n’ont en tout état de cause pas entravé le déroulement des OVS, les rapporteurs ayant pu poursuivre leurs investigations et saisir un nombre considérable de documents90.

88. Le groupe Loste fait également valoir que M. X ne se trouvait effectivement pas dans les locaux de l’entreprise lorsque Mme. Y a été interrogée la première fois sur ce point, dans des conditions qualifiées de « particulièrement intimidantes »91. Le groupe Loste ajoute que les déclarations de Mme. Y n’auraient pas eu d’incidence sur les investigations menées par les rapporteurs92. Enfin, le rapporteur l’ayant interrogée l’aurait assurée de ce qu’aucun acte d’obstruction ne serait reproché au groupe Loste.

89. S’agissant de l’absence de manquement à son obligation de coopération active et loyale durant les OVS, le groupe Loste indique par ailleurs que l’accès aux locaux a été accordé aux rapporteurs, qu’une salle leur a été mise à disposition et qu’ils ont pu procéder à la mise sous scellé des bureaux. Les rapporteurs ont également pu prélever et transporter dans la salle dédiée les matériels informatiques pour analyse et procéder à la visite des bureaux, de la salle des archives et avoir accès aux messageries des personnes représentant un intérêt pour les besoins de l’enquête. Une occupante des lieux et plusieurs représentants ont également été désignés et il a été répondu à l’ensemble des questions posées.

2. REPONSE DE L’AUTORITE

a) Rappel des principes

90. Conformément à l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce, « lorsqu’une entreprise ou une association d’entreprises a fait obstruction à l’investigation ou à l’instruction, notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts, ou en communiquant des pièces incomplètes ou dénaturées, l’Autorité peut, à la demande du rapporteur général, et après avoir entendu l’entreprise en cause et le commissaire du Gouvernement, décider de lui infliger une sanction pécuniaire. Le montant maximum de cette dernière ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre ».

91. Le deuxième alinéa du V de l’article L. 464-2 précité dispose que l’obstruction peut notamment résulter de la fourniture par l’entreprise de renseignements incomplets ou inexacts, ou de la communication de pièces incomplètes ou dénaturées. La pratique décisionnelle de l’Autorité a relevé que l’énumération des formes d’obstruction dans cette disposition n’est pas limitative, mais que l’obstruction au sens de ce texte recouvre plus largement tout comportement de l’entreprise tendant, de propos délibéré ou par négligence, à faire obstacle, par quelque moyen que ce soit, au déroulement de l’enquête ou de l’instruction, ou à les retarder93.

92. Le Conseil constitutionnel a confirmé cette interprétation, considérant que « l’obstruction aux mesures d’investigation ou d’instruction s’entend de toute entrave au déroulement de ces mesures, imputable à l’entreprise, qu’elle soit intentionnelle ou résulte d’une négligence »94.

93. Il en est de même en droit de l’Union qui, conformément au I de l’article 23 du règlement n° 1/200395, sanctionne les infractions d’obstruction commises délibérément ou par négligence. L’analyse de la jurisprudence de l’Union permet de conclure que ce n’est pas seulement « la volonté d’induire en erreur les enquêteurs » qui est sanctionnée au titre de l’obstruction dans les espèces citées. La négligence de l’entreprise, ou sa passivité, qui est de nature à compromettre l’efficacité de l’action des enquêteurs, peut à elle seule constituer une infraction. Ainsi, le Tribunal de l’Union a jugé, dès 1994, « [qu’e]n raison de l’obligation de collaboration active imposée aux particuliers concernés au cours de la procédure d’enquête préalable, une réaction passive peut justifier, à elle seule, l’adoption d’une décision formelle au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17 [abrogé par le règlement n° 1/2003] »96.

b) Application au cas d’espèce

94. En premier lieu, et comme indiqué aux paragraphes 42 à 47 de la présente décision, la phase initiale des OVS revêt une importance particulière, en ce qu’elle conditionne le bon déroulé de la suite de l’opération et, in fine, de l’instruction dans son ensemble. Les rapporteurs ne connaissant ni les locaux ni l’organisation de l’entreprise visitée, le comportement et les renseignements apportés par l’occupant des lieux à ce stade des investigations sont donc déterminants pour identifier les personnes présentes dans les locaux et sceller leurs bureaux lorsque cela s’avère nécessaire. C’est en outre au cours de cette phase préliminaire de l’opération que le risque de déperdition d’éléments de preuves est le plus élevé.

95. L’argument du groupe Loste selon lequel les actes de M. X et de Mme. Y n’ont pas pu entraver les OVS dans la mesure où ils ont été accomplis durant cette phase préliminaire doit donc être écarté.

96. En deuxième lieu, il ne saurait être considéré que seuls des « actes positifs » peuvent être qualifiés d’obstruction. Il découle en effet de la pratique décisionnelle de l’Autorité et de la jurisprudence que des refus de communiquer les renseignements ou les documents demandés dans le délai prescrit, de même que l’omission de rectifier une réponse incorrecte ou incomplète, peuvent constituer une obstruction, au sens de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce, dès lors qu’ils font obstacle aux pouvoirs d’enquête dévolus aux agents de l’Autorité97.

97. En tout état de cause, les comportements en cause en l’espèce qui ont consisté, comme l’ont relevé les services d’instruction, à fournir des renseignements inexacts sur la présence du dirigeant du groupe Loste dans les locaux de l’entreprise et sur la possibilité qu’il se rende dans les locaux de la FICT, relèvent précisément des actes visés par les dispositions de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce aux termes duquel il y a obstruction « notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts ».

98. En troisième lieu, s’agissant du comportement de M. X, ce n’est pas le fait qu’il se soit rendu à un rendez-vous professionnel extérieur le jour des OVS qui caractérise en l’espèce l’obstruction mais bien, comme indiqué dans le rapport, « le fait qu’il a donné des informations qu’il savait inexactes aux rapporteurs présents à la FICT en indiquant se trouver en déplacement au Royaume-Uni, alors qu’il était, à ce moment-là, présent dans les locaux du groupe Loste, à Paris »98. Les arguments du groupe Loste relatifs à une violation tant du droit à la liberté et à la sûreté qu’à la liberté d’aller et venir sont donc inopérants.

99. En outre, il sera relevé que M. X a agi de manière délibérée. Ayant été informé dès 9h39 par son assistante que des OVS étaient en cours99, il ne s’est pas présenté aux rapporteurs avant de se rendre dans son bureau qui n’avait pas encore été scellé. Entre son arrivée dans son bureau, peu après 9h39, et son départ à 10h30, il s’est en outre entretenu avec Mme. Y, qui lui a également fait part de la présence des rapporteurs, ainsi qu’avec M. D qui l’a joint téléphoniquement à 10h15 pour lui demander de se rendre dans les locaux de la FICT.

100. S’agissant des propos qu’il a tenus lors de cet appel téléphonique, il sera rappelé que le procès-verbal des OVS réalisé au sein de la FICT n’a pas fait l’objet de réserves sur ce point et qu’il n’est pas contestable, compte tenu des circonstances précédemment rappelées au paragraphe 57, que M. X a indiqué ne pas pouvoir se rendre dans les locaux de la FICT car il se trouvait en déplacement le jour des OVS au Royaume-Uni.

101. En ce qui concerne, en quatrième lieu, les déclarations de Mme. Y, il ressort des constatations opérées aux paragraphes 20 à 26 qu’entre 10h45 et 11h15, ce qui n’est pas contesté par les mises en cause, elle a indiqué tout d’abord qu’elle n’avait pas vu M. X de la matinée, avant de reconnaître qu’elle l’avait aperçu « après la notification de l’ordonnance »100 du JLD, et enfin qu’elle lui avait parlé dans son bureau pour lui faire part de la présence de l’Autorité dans les locaux. L’argument selon lequel M. X n’était effectivement pas présent dans les locaux lorsque Mme. Y a été interrogée sur sa présence pour la première fois à 9h38, au moment de la notification de l’ordonnance, doit donc être écarté comme inopérant. En effet, comme constaté au paragraphe 32, ce ne sont pas les déclarations de 9h38 – qui, aux termes du procès-verbal, se limitaient à indiquer que M. X disposait d’un bureau dans les locaux visités101 – qui sont en cause, mais celles de 10h45 et 11h sur l’absence de M. X qui sont constitutives de l’obstruction, Mme. Y ayant expressément reconnu, à 11h15, le contraire de ce qu’elle avait déclaré à 10h45 et 11h. Ses déclarations sur ce point étaient dès lors incomplètes et inexactes.

102. Il ressort de ce qui précède que Mme. Y et M. X ont fourni aux rapporteurs des renseignements incomplets ou inexacts de nature à entraver le bon déroulement des OVS et à faire obstacle aux actes d’investigation ou d’instruction, avec un risque concret de déperdition ou d’altération des preuves.

103. Cette conclusion n’est pas remise en cause par les prétendues conditions « intimidantes » dans lesquelles les déclarations de Mme. Y ont été recueillies, lesquelles ne sont étayées par aucun élément du dossier.

104. S’il n’est pas contestable que, par principe, des OVS peuvent susciter un certain stress, cet élément ne saurait suffire à justifier le comportement de Mme. Y qui a sciemment communiqué à plusieurs reprises une information erronée au rapporteur l’ayant interrogée. Ce comportement est d’autant moins justifié de la part d’une directrice juridique en poste depuis près de 26 ans dans le même groupe102, dont il peut légitimement être attendu qu’elle maitrise la procédure à suivre lors d’OVS et les risques encourus en cas d’obstruction qui lui avaient, en outre, été rappelés dès le début des opérations.

105. Il n’est en outre pas contesté que Mme .Y a pu bénéficier des conseils de ses avocats présents sur place au moment où elle a été interrogée et lors de la signature du procès-verbal de fin des OVS sur lequel aucune réserve n’a été ajoutée.

106. S’agissant, en cinquième lieu, de la prétendue assurance apportée par un rapporteur qu’aucune procédure d’obstruction ne serait diligentée à l’encontre du groupe Loste, cet argument, qui a été évoqué pour la première fois en séance, n’est étayé par aucun élément du dossier et n’est pas mentionné dans le procès-verbal de déroulement des OVS. Il y a lieu en conséquence de l’écarter.

107. En sixième lieu, la qualification d’obstruction n’est pas davantage remise en cause par la collaboration active alléguée de M. X, de l’occupante des lieux ou de leurs représentants. S’il ressort en effet du dossier que M. X a communiqué les codes d’accès de son ordinateur et remis sa tablette et son téléphone portable aux rapporteurs, ou que l’occupante des lieux et ses représentants ont permis aux rapporteurs d’accéder à différents moyens matériels dont ils disposaient (salle de réunion, d’archives, etc.), ces comportements relèvent de l’obligation de collaboration active et loyale de l’entreprise à l’enquête et constituent des diligences normales qui ne sauraient excuser la fourniture d’informations inexactes103.

108. Au demeurant, il sera rappelé que M. X a décidé de ne pas se présenter aux rapporteurs, alors qu’en tant que dirigeant de l’entreprise présent dans les locaux, il pouvait légitimement être attendu qu’il assiste aux opérations aux côtés de l’occupante des lieux et de ses représentants. Si ce comportement ne saurait caractériser, en lui-même, une obstruction, et pourrait relever de la désinvolture, comme l’ont fait valoir en séance les mises en cause, il n’a néanmoins pas contribué à la collaboration active alléguée.

109. En ce qui concerne, en dernier lieu, l’absence supposée d’incidence des déclarations de Mme .Y sur les investigations, ou le fait qu’un nombre considérable de documents ont été saisis dans le bureau de M. X, un tel argument doit être écarté. Il n’est en effet nullement requis, au stade de la qualification d’une infraction d’obstruction, de faire la démonstration, par définition impossible, d’une suppression ou d’une manipulation de preuves104. À titre subsidiaire, il sera relevé que M. X étant resté dans son bureau entre 9h40 et 10h30, avant qu’il soit placé sous scellé, il ne peut être exclu que des preuves aient été dissimulées ou détruites.

3. CONCLUSION

110. Il ressort de ce qui précède que, par leurs comportements, le dirigeant du groupe Loste et sa directrice juridique ont fait obstacle au bon déroulement de l’enquête menée par les services d’instruction de l’Autorité.

111. Ces faits sont constitutifs d’une infraction d’obstruction visée à l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce.

C. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

112. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités105.

113. Lorsqu’une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve qui démontrent que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère solidairement responsable du paiement de la sanction infligée à sa filiale106.

114. En outre, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 18 octobre 2017, le fait qu’une entreprise soit une holding non opérationnelle assurant une direction financière, en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe, ne suffit pas à exclure l’exercice d’une influence déterminante sur ses filiales et la non-immixtion de la holding dans les activités de la filiale ne suffit pas à renverser cette présomption107.

115. De plus, la jurisprudence européenne et nationale rappellent que, pour renverser la présomption d’imputabilité, la société mère ne peut se contenter de démontrer son absence d’implication dans les infractions mises en oeuvre par sa filiale « mais il lui appartient de démontrer, indépendamment des comportements reprochés, qu’elle n’exerçait pas une influence déterminante sur sa filiale et ce, en justifiant d’un ensemble d’éléments – relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques l’ayant uni à sa filiale - de nature à démontrer que ces deux personnes morales ne constituaient pas une entité unique »108.

116. Si en revanche une société mère ne détient pas, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il est nécessaire de vérifier que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et, en particulier, un pouvoir de direction sur celle-ci109. Dans un tel cas, il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents propres aux circonstances de l’espèce, relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère, afin d’établir si une filiale détermine de façon autonome ou non son comportement sur le marché. Peuvent notamment être pris en compte les liens capitalistiques, l’identité des dirigeants, l’existence d’un pouvoir de décision de la société mère sur sa filiale, les instructions, directives ou sujétions imposées à la filiale, ou encore la définition de la stratégie commerciale par la société mère110.

117. Ces principes s’imposent à l’Autorité lorsqu’elle fait parallèlement application des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce : « la notion d’entreprise et les règles d’imputabilité relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l’Union. L’interprétation qu’en donnent les juridictions de l’Union s’impose donc à l’autorité nationale de concurrence lorsqu’elle applique ce droit »111. Dans un arrêt du 19 mai 2016, la cour d’appel de Paris a énoncé que cette présomption d’imputabilité est applicable par l’Autorité « même lorsqu’elle applique exclusivement le droit national de la concurrence, pour des raisons de cohérence juridique »112.

118. Par ailleurs, comme l’a indiqué la Commission dans une décision du 24 mai 2011 devenue définitive113, les règles régissant l’imputabilité des infractions aux règles de fond et aux règles de procédure sont identiques. Les infractions aux règles de procédure relatives aux pouvoirs d’instruction de la Commission ayant pour effet d’empêcher ou de rendre plus difficile la détection d’infractions aux règles de fond, elles ne sauraient être régies par des principes différents s’agissant de leur imputabilité.

119. La Cour de cassation a, quant à elle, conclu que les mêmes règles d’imputabilité doivent s’appliquer aux infractions aux règles de fond et aux comportements d’obstruction, approuvant sur ce point l’analyse de la cour d’appel de Paris : « Après avoir exactement énoncé que l’article L. 464-2, paragraphe V, alinéa 2, du code de commerce s’applique à tous les comportements de l’entreprise qui tendent, de propos délibéré ou par négligence, à faire obstacle aux actes d’investigation ou d’instruction, l’arrêt relève qu’à l'instar de l’article L. 464-2, I, du code de commerce, qui dote l’Autorité du pouvoir d’infliger une sanction pécuniaire à l’entreprise qui s’est livrée à des pratiques anticoncurrentielles, ce même article, en son V, alinéa 2, dote l’Autorité du pouvoir d’infliger une sanction pécuniaire à l’entreprise qui a fait obstruction à l’investigation ou à l’instruction qui la concerne. Il observe que ces dispositions se réfèrent, l’une et l’autre, à la notion d’« entreprise », laquelle doit être comprise au sens du droit de la concurrence, et retient qu’il y a donc lieu, pour des raisons de cohérence, d’interpréter cette notion de la même manière, qu’il s'agisse de sanctionner une infraction aux règles de fond ou de réprimer une obstruction à une enquête destinée à rechercher une telle infraction, et d’appliquer, en conséquence, les mêmes règles d’imputabilité à ces deux types d’infraction »114 .

120. Enfin, dans sa décision Akka technologies et autres, le Conseil constitutionnel a indiqué qu’« en faisant référence à la notion d’entreprise, qui désigne les entités constituées sous l’un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d’un but lucratif, et à celle de chiffre d’affaires mondial, le législateur s’est référé à des catégories juridiques précises permettant de déterminer avec une certitude suffisante les personnes responsables et la peine encourue ». Le Conseil constitutionnel a considéré que le fait d’imputer à une société mère une obstruction commise par l’une de ses filiales était conforme à la Constitution et a écarté le grief tiré d’une méconnaissance du principe de personnalité des peines et de la présomption d’innocence115.

121. Par conséquent, les règles d’imputabilité des infractions édictées par la jurisprudence de l’Union et adoptées en droit national, en particulier la présomption d’imputabilité à la société mère des agissements de sa filiale, sont applicables aux infractions d’obstruction visées par le V de l’article L. 464-2 du code de commerce116.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

122. Le groupe Loste soutient que le rapport ne démontre pas que les sociétés Loste et CA Conseils et services ont chacune commis, individuellement, une infraction d’obstruction conformément aux principes de personnalité des peines et de responsabilité personnelle. Il estime à ce titre que le principe de responsabilité personnelle prohibe toute imputation de l’infraction à une société soeur dont il n’est pas démontré qu’elle aurait déterminé ledit comportement117.

123. Il avance également que la société CA Animation ne pourrait être tenue solidairement responsable des pratiques des sociétés Loste et CA Conseils et services. D’une part, le rapport ne démontrerait pas de participation individuelle de la société CA Animation à l’infraction ni son implication dans le déroulement des OVS. D’autre part, il ne serait pas démontré que les sociétés CA Animation et CA Conseils et services feraient partie d’une même unité économique118.

124. Ces arguments ne sauraient prospérer.

125. S’agissant des sociétés auteures, comme indiqué aux paragraphes 94 à 109, les faits d’obstruction ont été commis par M. X, représentant légal de la société Loste et Mme .Y, directrice juridique de la société CA Conseils et services, également désignée occupante des lieux du groupe Loste.

126. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, qu’il s’agisse de sanctionner une infraction aux règles de fond ou de réprimer une obstruction à une enquête destinée à rechercher une telle infraction, les mêmes règles d’imputabilité sont applicables. Il en résulte que la responsabilité d’une entreprise à raison d’actes d’obstruction, commis par un ou plusieurs de ses salariés ou représentants légaux, est engagée dans les mêmes conditions que sa responsabilité à raison de pratiques anticoncurrentielles commises par ces mêmes personnes.

127. Au regard de ces éléments, il y a donc lieu de retenir en tant qu’auteures, et individuellement, la responsabilité des sociétés Loste, au titre des actes de M. X, et CA Conseils et services, au titre des actes de Mme .Y. Les arguments relatifs à une éventuelle imputabilité de l’infraction à une société soeur sont donc inapplicables à l’espèce et doivent être écartés.

128. S’agissant de la société mère, la société CA Animation, conformément à la jurisprudence et à la pratique décisionnelle rappelées ci-dessus, c’est sans méconnaitre le principe de personnalité des peines que des faits d’obstruction commis par une filiale sont imputables à une société mère. C’est par conséquent à tort que les mises en cause soutiennent que la société CA Animation ne pourrait être tenue responsable à défaut de démonstration de sa participation individuelle à l’infraction. En effet, l’absence d’implication de la société mère dans l’infraction ne saurait à elle seule renverser la présomption d’imputabilité, ainsi qu’il est rappelé au paragraphe 115.

129. Concernant les pratiques mises en oeuvre par la société Loste, comme détaillé précédemment aux paragraphes 6 à 16, celle-ci est détenue à 100 % par la société CA Animation, les mises en cause ne contestant pas ce point. En conséquence de la présomption d’imputabilité définie ci-avant, et en l’absence d’éléments susceptibles de renverser ladite présomption, il convient d’imputer à la société CA Animation la pratique d’obstruction mise en oeuvre par sa filiale Loste en raison de sa qualité de société mère.

130. Concernant les pratiques mises en oeuvre par la société CA Conseils et services, il ressort que, pendant la durée des pratiques, cette dernière était détenue indirectement par deux actionnaires, dont la société CA Animation à hauteur de [..]. Ainsi, dans la mesure où la société CA Animation ne détenait pas la totalité ou la quasi-totalité, de manière indirecte, de la société CA Conseils et services, la présomption d’imputabilité n’a pas lieu de s’appliquer et il convient d’examiner sur la base d’éléments d’ordre économique, organisationnel et juridique si la société CA Animation exerçait effectivement une influence déterminante sur la société CA Conseils et services.

131. En premier lieu, comme l’ont retenu les services d’instruction, la société CA Animation détient une participation majoritaire dans la société CA Conseils et services à hauteur de […], les […] restants étant détenus par la société […]. Comme rappelé ci-avant (voir paragraphe 13), cette dernière est détenue, […]119, […].

132. En deuxième lieu, la société CA Conseils et services est domiciliée au 49, avenue d’Iéna, 75116 Paris, à la même adresse que la société Loste

133. En troisième lieu, ses comptes sont consolidés au niveau de la société […], comme ceux de la société […].

134. En quatrième lieu, l’activité économique de la société CA Conseils et services est orientée exclusivement vers ses sociétés mères, à savoir la société CA Animation et les filiales de cette dernière. Ainsi, si elle intervient « en qualité de prestataire de services au bénéfice […] » (soulignement ajouté), elle réalise […]120 ([…]121), […] ([…]122) […] ([…]123).

135. En cinquième lieu, selon l’article 19 des statuts de la société CA Conseils et services (« Modalités » d’adoption des décisions collectives)124, les décisions collectives ordinaires, prises en assemblée générale, doivent être adoptées par un ou plusieurs associés (à savoir, […]) représentant plus de la moitié des parts sociales. Il s’ensuit que, pour ce qui relève des décisions ordinaires, la société CA Animation peut décider seule de la conduite de la société CA Conseils et services. Selon ce même article des statuts, les décisions dites extraordinaires (à savoir la seule modification des statuts) doivent être adoptées par des associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales. Il s’ensuit qu’[…] (détenue en tout état de cause à plus de […]) peut seulement s’opposer à la modification des statuts. Un tel pouvoir est indifférent pour les besoins de l’examen en ce que les statuts confèrent déjà le pouvoir de direction à la société CA Animation125.

136. En dernier lieu, la société CA Conseils et services a pour organe de contrôle un gérant126, ce dernier étant « investi des pouvoirs les plus étendus pour représenter la société et agir en son nom en toutes circonstances » (article 16 « Pouvoirs de la gérance » des statuts)127. De plus, la durée des fonctions du gérant est illimitée sauf révocation « par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales » (article 17 « Durée des fonctions de la gérance » des statuts)128. En conséquence, la société CA Animation peut décider seule de la révocation du gérant de la société CA Conseils et services. Au cas d’espèce, il s’agit de Mme .Z, […], qui est également (i) gérante de la société Loste Conseils, (ii) […] et (iii) […]129.

137. Au regard de l’ensemble de ces éléments et compte tenu des liens sociaux, financiers, économiques, structurels et familiaux particulièrement étroits entre les sociétés précitées, il y a lieu de considérer qu’elles font partie de la même unité économique au sens du droit de la concurrence. Par conséquent, il convient d’imputer à la société CA Animation la pratique d’obstruction mise en oeuvre par sa filiale CA Conseils et services, en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur son comportement.

D. SUR LA SANCTION

1. RAPPEL DES PRINCIPES

138. Les deuxième et troisième alinéas du V de l’article L. 464-2 du code de commerce disposent que :

« [l]orsqu’une entreprise ou une association d’entreprises a fait obstruction à l’investigation ou à l’instruction, […] l’Autorité peut […] décider de lui infliger une sanction pécuniaire. Le montant maximum de cette dernière ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre.

Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

139. L’Autorité n’a pas adopté de lignes directrices énonçant la méthode de calcul qui s’imposerait à elle pour la fixation des amendes en cas d’obstruction mais doit, en toute hypothèse, tenir compte des principes de proportionnalité et d’individualisation de la sanction. Elle doit à cet effet prendre en considération la gravité du comportement reproché aux sociétés mises en cause à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, des effets de ce comportement sur le déroulement de l’instruction, et plus généralement, de ses conséquences sur l’ordre public économique, que l’Autorité a pour mission de préserver.

140. À cet égard, il convient tout d’abord de relever que l’infraction d’obstruction, prévue à l’article L. 464-2 du code de commerce, est, en soi, une infraction particulièrement grave, dès lors que, par nature, elle met en péril, voire peut faire échec à la finalité de l’instruction des saisines contentieuses de l’Autorité, qui est de constater les infractions au droit de la concurrence, national et de l’Union, d’en établir la preuve et de les sanctionner, dans le but ultime de rétablir le bon fonctionnement concurrentiel du marché. Une telle infraction porte donc préjudice tant à l’ordre public économique qu’aux entreprises ou acteurs victimes des pratiques anticoncurrentielles.

141. Pour la détermination du montant de l’amende, l’Autorité est fondée à prendre en considération la nécessité de garantir à celle-ci un effet suffisamment dissuasif. En particulier, dans le cas d’infractions d’obstruction, les entreprises ne doivent pas pouvoir estimer qu’il serait avantageux pour elles de faire obstacle à une telle instruction, et de se prémunir ainsi, à bon compte, de toute possibilité de sanction.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

142. En l’espèce, en communiquant en toute connaissance de cause des renseignements inexacts aux rapporteurs de l’Autorité dans le cadre d’OVS, et ce dès la première phase des investigations nécessitant la coopération entière de l’entreprise, le groupe Loste a compromis l’efficacité de l’action des services d’instruction en les empêchant d’identifier précisément les personnes présentes dans les locaux le jour des OVS.

143. Le groupe Loste conteste le caractère délibéré des actes d’obstruction en cause en l’espèce. Il ressort toutefois des éléments du dossier rappelés aux paragraphes 99 à 104 que M. X, en sa qualité de dirigeant de l’entreprise et vice-président de la FICT et Mme .Y, directrice juridique, désignée occupante des lieux et justifiant de nombreuses années d’expérience professionnelle, ont agi en toute connaissance de cause.

144. Les actes en cause en l’espèce sont en outre particulièrement dommageables pour la poursuite de l’instruction, en ce qu’ils ont concerné la présence même du dirigeant de l’entreprise, vice-président de la FICT, lequel était précisément une des cibles des opérations. À cet égard, et contrairement à ce qui est soutenu, il n’était nullement besoin que les services d’instruction aient formulé une requête le visant explicitement.

145. Deux incidents ont par ailleurs été relevés au cours des OVS, le premier étant imputable à M. X et le second à Mme .Y. S’agissant de l’absence d’effet allégué de ces incidents, il sera rappelé que les comportements en cause ont nécessairement entraîné un risque de déperdition ou d’altération des preuves, par définition impossible à démontrer (voir, sur ce point, le paragraphe 109). L’argument du groupe Loste visant à minorer de ce fait la gravité de l’infraction sera donc écarté.

146. Enfin, en ce qui concerne l’absence de contours précis de l’obligation de collaboration active et loyale, cet argument doit également être écarté dès lors qu’il est manifeste, comme indiqué aux paragraphes 97 à 102, que les comportements en question relèvent précisément des dispositions de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce qui font référence, pour qualifier l’obstruction, au fait de fournir des renseignements incomplets ou inexacts. Contrairement à ce qui est soutenu, aucune incertitude juridique sur ce point n’est donc susceptible d’atténuer la gravité de l’infraction en l’espèce.

147. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’infraction en cause en l’espèce est particulièrement grave.

148. Eu égard à cette gravité, à la nécessité d’assurer un effet suffisamment dissuasif à la sanction et aux circonstances de l’espèce, il y a lieu d’infliger, solidairement, aux sociétés Loste et CA Conseils et services en tant que sociétés auteures, et à la société CA Animation en tant que société mère, une sanction de 900 000 euros.

149. Ce montant de sanction est inférieur au plafond légal applicable.

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que les sociétés Loste et CA Conseils et services en tant qu’auteures de l’infraction, et la société CA Animation, en sa qualité de société mère des sociétés Loste et CA Conseils et services, ont enfreint les dispositions de l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce, en faisant obstruction aux opérations de visite et saisie diligentées dans le cadre de l’enquête, répertoriée sous le numéro 21/0006 E, concernant des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la charcuterie salaisonnerie.

Article 2 : Il est infligé solidairement aux sociétés Loste et CA Conseils et services et à leur société mère, la société CA Animation, une sanction pécuniaire d’un montant de 900 000 euros.

 

NOTES :

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Cotes 12 à 25.

3 Un retour dans les locaux de la FICT pour mise à disposition de messageries non disponibles le jour des opérations a eu lieu le 21 novembre 2023.

4 https://www.groupe-loste.fr/qui-sommes-nous/nos-produits-services/.

5 Cote 328.

6 Décision n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphes 99 et suivants.

7 Cote 210.

8 Cotes 284 à 285.

9 Cote 217.

10 Cote 327.

11 La société […] est elle-même détenue par […].

12 Cote 178.

13 Cote 210.

14 Cote 328.

15 Cote 176.

16 Cote 202.

17 Cote 204.

18 Cote 174.

19 Cote 280.

20 Cote 212.

21 Cote 212.

22 Cote 236.

23 Cotes 77 à 78.

24 Cote 79.

25 Cote 80.

26 Cote 111.

27 Cote 80.

28 Cote 80.

29 Procès-verbal de séance n° 2024/25, page 3 : « La rapporteure générale adjointe indique qu’en réalité l’équipe [des rapporteurs présents dans les locaux du groupe] Loste n’a jamais communiqué avec l’équipe [des rapporteurs présents dans les locaux de la] FICT et que la mention portée au paragraphe 39 [du rapport] est, par conséquent, erronée ».

30 Cote 31.

31 Cote 38.

32 Cote 31.

33 Cote 80.

34 Cote 78.

35 Cote 27.

36 Cote 77.

37 Cotes 501, 506 et 453.

38 Cote 28.

39 Cote 79.

40 Cote 31.

41 Cote 28.

42 Cote 79.

43 Cotes 512-515.

44 Cote 80.

45 Cote 80.

46 Cotes 80 et 501.

47 Cote 80.

48 Cote 80.

49 Cote 80.

50 Cote 79.

51 Cote 35.

52 Cotes 111 et 112.

53 Cote 37.

54 Cote 38.

55 Cotes 364 à 371 et 377 à 386.

56 Cotes 480 à 485.

57 Cotes 430 à 431 et cotes 480 à 486.

58 Cote 433.

59 Cotes 432 à 433.

60 Cote 433.

61 Cote 434.

62 Cotes 436 à 438.

63 Cote 435.

64 Cote 79.

65 Cote 23.

66 Cote 31.

67 Cote 31.

68 Cote 28.

69 Cote 79.

70 Cotes 500 à 508.

71 Cote 31.

72 Cotes 28, 29 et 31.

73 Cass. crim., 14 novembre 2000 n° 00-81.084, D ; cour d’appel de Paris, 16 décembre 1994, Ste Kangourou déménagements ; cour d’appel de Paris, 23 mai 2000, EDF c/Climespace ; cour d’appel de Paris, 25 novembre 2003, SAS Prefall e.a. ; cour d’appel de Paris, 19 juin 2007, Produits électroniques grand public ; décisions n° 01-D-41 du 11 juillet 2001 relative à des pratiques mises en oeuvre sur les marchés des titres restaurant et de titres emploi-service ; n° 02-D-57 du 19 septembre 2002 relative aux pratiques dans le secteur des roulements à billes et assimilés ; n° 03-D-36 du 29 juillet 2003 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché des fraises produites dans le Sud-Ouest ; n° 06-D-03 du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation ; n° 06-D-13 du 6 juin 2006 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le cadre d’un marché public de travaux pour la reconstruction du stade Armand Cesari à Furiani ; n° 10-D-28 du 20 septembre 2010 relative aux tarifs et aux conditions liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d’encaissement.

74 Cote 80.

75 Procès-verbal de séance n° 2024/25, page 3 : « La rapporteure générale adjointe indique qu’en réalité l’équipe [des rapporteurs présents dans les locaux du groupe] Loste n’a jamais communiqué avec l’équipe [des rapporteurs présents dans les locaux de la] FICT et que la mention portée au paragraphe 39 [du rapport] est, par conséquent, erronée ».

76 CA Paris, 28 juin 2017, Charles Faraud, n° 15/21316 : « la notification du droit de garder le silence n’avait pas à être effectuée. Au stade de l’enquête préparatoire, où aucune accusation n’est formulée, il est constant que les personnes librement auditionnées avaient tout à fait le choix de ne pas répondre ou de le faire de façon évasive ou bien d’indiquer, comme elles l’ont fait, qu’elles n’avaient aucune connaissance de faits décrits ».

77 Cote 79.

78 Cote 421.

79 Voir, en particulier, Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), 3 déc. 2002, Lilly c. France, requête n° 53892/00.

80 CEDH, 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics c/Italie, requête n° 43509/08, point 59.

81 Cour d’appel de Paris, 3 décembre 2020, RG n° 13/13058, paragraphe 80.

82 Guide sur l’article 13 de la Convention – Droit à un recours effectif, Cour européenne des droits de l’homme 9/89 Mise à jour : 31.08.2022.

83 Cote 439.

84 Cour de cassation, 14 juin 2022, Akka, n° P 21-84.460 F-D, paragraphes 10 et 11.

85 Cote 446.

86 Cote 444.

87 Cotes 450 à 452.

88 Cote 422.

89 Cotes 457 à 458.

90 Cote 458.

91 Cote 460.

92 Cote 421.

93 Décision n° 17-D-27 du 21 décembre 2017 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par Brenntag, paragraphe 187 et décision n° 19-D-09 du 22 mai 2019 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par le groupe Akka, paragraphe 34.

94 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021, société Akka technologies et autres, paragraphe 15.

95 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.

96 Arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football Association/Commission, T-46/92, point 31.

97 Décisions n° 17-D-27 du 21 décembre 2017 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par Brenntag ; n° 21-D-16 du 9 juillet 2021 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par Nixon ; n° 21-D-28 du 9 décembre 2021 relative à la mise en oeuvre du V de l’article L. 464-2 du code de commerce concernant l’obstruction par la société Mayotte Channel Gateway SAS à l’investigation des services de l’Autorité ; n° 21-D-10 du 3 mai 2021 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par le groupe Fleury Michon ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2023 n° 22/00474, p. 13.

98 Rapport, paragraphe 57.

99 Voir, notamment, cotes 453 et 455, ainsi que les cotes 504 à 508.

100 Cote 80.

101 Cote 80.

102 https://www.linkedin.com/in/Mme.Y-83896325/?originalSubdomain=fr.

103 CA Paris, 26 mai 2020, Akka, RG n° 19/11880, p. 13-14.

104 Voir, par analogie, s’agissant d’un bris de scellé, l’arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, aff. T-141/08, E.ON/Commission, point 85, confirmé par la CJUE, 22 novembre 2012, aff. C-89/11 P, paragraphe 128. Voir également, CA Paris, 26 mai 2020, Akka, RG n° 19/11880, p. 13-14.

105 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 57 et du 20 janvier 2011, General Química SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 37 ; et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, n° 2011/01228, Lacroix Signalisation e.a., pages 18 et 19.

106 Arrêts Akzo Nobel NV e.a./Commission précité, points 60 et 61, General Quimica SA e.a./Commission précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 19 et 20.

107 Arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017, n° 16-19120. Voir également en ce sens : arrêts du Tribunal du 15 juillet 2015, HIT Groep BV/Commission, T- 436/10, points 140 et suivants ; du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69/04, point 63 ; du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T-38/07, point 70 et jurisprudence citée ; et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T-360/09, point 283.

108 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 juillet 2013, RG n° 2012/05160, p. 30 ; arrêt de la Cour de justice du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group, C-595/18 P, point 32.

109 Arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, T-141/07, General Technic-Otis Sàrl, point 58 et jurisprudence citée.

110 Arrêts de la Cour de justice du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine, C-521/09 P, point 58 et du 18 juillet 2013, Schindler, C-501/11 P, point 112 et arrêt du Tribunal du 27 octobre 2011, Alliance One International Inc. e.a./Commission, T-24/05, points 126 et 132.

111 Décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des lessives, paragraphe 541.

112 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 mai 2016, Mobilitas SA, n° 2014/25803, page 6.

113 Décision de la Commission européenne du 24 mai 2011, COMP/39.796, Suez Environnement, points 88 et suivants.

114 Cour de cassation, 1er décembre 2021, n° 20-16.849.

115 Décision du Conseil constitutionnel n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021 société Akka technologies et autres, paragraphes 9 et 18.

116 Décisions n° 21-D-28 du 9 décembre 2021 relative à la mise en oeuvre du V de l’article L. 464-2 du code de commerce concernant l’obstruction par la société Mayotte Channel Gateway SAS à l’investigation des services de l’Autorité, paragraphes 49 et suivants, n° 21-D-10 du 3 mai 2021 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par le groupe Fleury Michon, paragraphe 58 et suivants, n° 19-D-09 du 22 mai 2019 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par le groupe Akka, paragraphes 77 et suivants. Voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 mai 2020, Akka Technologies e.a., n° 19/11880, point 93 confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 1er décembre 2021 n° 20-16.849, précité.

117 Cotes 588 et 589.

118 Cotes 591 à 593.

119 Cote 470.

120 Cote 329.

121 Cote 204.

122 Cote 202.

123 Cotes 331 à 336.

124 Cote 228.

125 Voir en ce sens les paragraphes 6 et suivants de la présente décision.

126 Cote 212.

127 Cote 227.

128 Cote 227.

129 Cote 212.