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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 20 novembre 2023, n° 21/05751

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Mas Service (SARL)

Défendeur :

RMC Concept (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me Girerd, Me Cazabonne, Me Ducos-Ader

T. com. Bordeaux, du 14 sept. 2021, n° 2…

14 septembre 2021

EXPOSE DU LITIGE :

La société RMC Concept, entreprise générale, a confié à la société MAS Service des travaux d'électricité en sous-traitance concernant plusieurs chantiers :

- à [Localité 9], deux chantiers ayant pour maître de l'ouvrage la SCI Garden Party, l'un au [Adresse 7], par contrat du 3 novembre 2017 et l'autre, au [Adresse 4] par contrat du 10 septembre 2018 ,

- à [Localité 10], un chantier ayant pour maître de l'ouvrage la SCEA Forcade, sans qu'aucun contrat de sous-traitance ne soit formalisé.

En cours de réalisation des chantiers, la société sous-traitante a adressé à l'entreprise principale un certain nombre d'avenants portant sur des travaux qu'elle considérait comme supplémentaires, et donc en supplément du marché principal. Les parties ne sont pas parvenus à un accord sur ces avenants.

Par courrier recommandé du 19 juillet 2019 intitulé 'mise en demeure pour abandon de chantier', l'entreprise principale a notifié à sa sous-traitante qu'elle entendait faire intervenir une entreprise tierce à sa place sur les chantiers de [Localité 9] et de [Localité 10] compte tenu du retard pris par celle-ci dans l'exécution des chantiers qui lui avaient été confiés et de l'absence de réponse à ses tentatives de prise de contact.

Par courrier du même jour, la société sous-traitante a contesté avoir abandonné les chantiers. Elle exposait que seuls les travaux dont les avenants n'avaient pas été validés n'avaient pas été réalisés dans l'attente de la signature des devis les concernant. Elle faisait valoir par ailleurs que certaines factures n'avaient pas été réglées.

Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 10 décembre 2019, le conseil de la sous-traitante a contesté la résiliation des marchés de travaux, sans mise en demeure préalable, et sans fondement selon lui. Il a sollicité le paiement de la somme de 13 160,56 euros au titre du chantier du [Adresse 4] à [Localité 9] et que lui soit justifié la preuve d'une délégation de paiement ou d'une caution pour ce contrat de sous-traitance. Il a enfin sollicité le paiement de la somme de 38 879 euros au titre du manque à gagner sur le chantier de [Localité 10].

Par acte d'huissier de justice du 26 mai 2020, la société MAS Service a assigné la société RMC Concept devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins:

- concernant le chantier du [Adresse 4] à [Localité 9] de voir prononcer la nullité du sous-traité et d'obtenir le paiement de la somme de 13160,56 euros, et à défaut de voir ordonner une expertise portant sur le juste prix,

- concernant le chantier de [Localité 10], d'obtenir le paiement de la somme de 22 954,73 euros en indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation abusive du marché.

Par jugement contradictoire du 14 septembre 2021, le tribunal a statué comme suit :

- prononce la nullité du contrat de sous-traitance conclu le 10 septembre 2018 entre la société MAS Service et la société RMC Concept au titre des travaux d'électricité du chantier situé [Adresse 4],

- condamne la société RMC Concept à verser à la société MAS Service la somme de 9 224,05 euros au titre des travaux d'électricité réalisés et non réglés sur le chantier situé [Adresse 4] à [Localité 9], avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019,

- déboute la société RMC Concept, de sa demande visant à désigner un expert afin de déterminer le « juste prix » de la totalité des prestations d'électricité effectivement réalisées par la société MAS Service à l'adresse [Adresse 4],

- déboute la société MAS Service de sa demande visant à obtenir le règlement de la somme de 22 1954,73 euros au titre du manque à gagner qui aurait résulté de l'arrêt du contrat de sous-traitance relatif au chantier de [Localité 10], intervenu à l'initiative de la société RMC Concept,

- condamne la société RMC Concept à payer à la société MAS Service la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société RMC Concept aux entiers dépens.

En substance, le tribunal a prononcé la nullité du contrat conclu le 10 septembre 2018 en raison du défaut de cautionnement ou de délégation de paiement en application de la loi du 31 décembre 1975. Il a jugé que la somme restant due à la société MAS Service au titre du chantier de [Localité 9] s'élevait à celle de 9 224,05 euros et que la société MAS Service n'avait pas rapporté la preuve du préjudice qu'elle affirmait avoir subi du fait de la résiliation du contrat relatif au chantier à [Localité 10].

Par déclaration du 20 octobre 2021, la société MAS Service a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société RMC Concept.

Par ordonnance du 28 janvier 2022, le conseiller de la mise en état de la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a ordonné une mesure de médiation judiciaire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2023 et le dossier a été fixé à l'audience du 02 octobre 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 18 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société MAS Service, demande à la cour de :

- vu les dispositions des articles 1217, 1231, 1231-2, 1266, 1353 du code civil,

- vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,

- vu la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l'article 1779-3° du code civil,

- vu les dispositions de l'article 9 du code de procédure civile,

- juger recevable et bien fondé l'appel diligenté par elle à l'encontre du jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de sous-traitance conclu le 10 septembre 2018,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société RMC Concept à lui verser la somme de 9 224,05 euros au titre des travaux d'électricité réalisés et non réglés par la société RMC Concept sur le chantier sis [Adresse 4] à [Localité 9], avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2019,

- condamner la société RMC Concept à lui verser la somme totale de 13 160,56 euros TTC au titre des travaux d'électricité réalisés et non réglés dans le cadre du chantier situé [Adresse 4] à [Localité 9], avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2019 avec capitalisation des intérêts,

- à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société RMC Concept à lui verser la somme de 9 224,05 euros au titre des travaux d'lectricité réalisés et non réglés par la société RMC Concept sur le chantier sis [Adresse 4] à [Localité 9], avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2019,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande visant à condamner la société RMC Concept à lui verser la somme de 22 954,73 euros

TTC au titre du manque gagner résultant de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance relatif au chantier de [Localité 10] intervenue à l'initiative de la société RMC Concept,

- condamner la société RMC Concept à lui verser la somme de 22 954,73 euros TTC au titre du manque gagner résultant de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance relatif au chantier de [Localité 10] intervenue à l'initiative de la société RMC Concept, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2019 et capitalisation des intérêts,

- débouter la société RMC Concept de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société RMC Concept à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens en sus des sommes allouées en première instance au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 19 avril 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société RMC Concept, demande à la cour de :

- vu les articles 1103, 1193, 1104, 1217 et s., 1353 du code civil,

- vu l'article 9 du code de procédure civile,

- vu la jurisprudence citée et les pièces versées aux débats,

- débouter la société MAS Service de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société MAS Service de sa demande visant à obtenir le règlement de la somme de 22 954,73 euros au titre du manque à gagner qui aurait résulté de l'arrêt du contrat de sous-traitance relatif au chantier de [Localité 10],

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de sous-traitance conclu le 10 septembre 2018 entre la société MAS Service et elle au titre des travaux d'électricité du chantier situé [Adresse 4] à [Localité 9],

- l'a condamné à verser à la société MAS Service la somme de 9 224,05 euros au titre des travaux d'électricité réalisés et non réglés sur le chantier situé [Adresse 4] à [Localité 9], avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019,

- l'a condamné à payer à la société MAS Service la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens,

- statuant à nouveau sur ces chefs,

- débouter la société MAS Service de sa demande de condamnation de la société RMC Concept à lui verser la somme totale de 13 160,56 euros TTC en ce que les travaux effectivement réalisés ont été intégralement réglés,

- constater la créance de 3 300 euros qu'elle détient à l'encontre de la société MAS Service au titre de l'intervention de l'entreprise Odabas Turgut,

- ordonner la compensation de la créance de 3 300 euros pour la somme de 959 euros au titre du solde du marché suivant bon de commande n°2018-009 du 10.09.2018 d'un montant de 14 556 euros et condamner la société MAS Service au paiement pour le surplus,

- condamner la société MAS Service à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au titre de la première instance,

- condamner la société MAS Service à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au titre de l'instance en appel.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives du chantier du [Adresse 4] à [Localité 9] :

* sur l'annulation du contrat de sous-traitance :

1- L'entreprise principale, intimée, a formé un appel incident de ce chef de décision du jugement ayant annulé le contrat de sous-traitance rappelant que la nullité prévue par le texte n'est qu'une nullité relative et qu'elle ne pouvait être invoquée par un sous-traitant lorsque celui-ci avait volontairement exécuté le contrat (Cass, com, 9 septembre 2020). Elle soutient qu'au cas présent, la sous-traitante a tacitement renoncé à se prévaloir de la nullité tirée du défaut de caution et de délégation de paiement.

2- L'entreprise sous-traitante fait valoir que l'exécution des travaux par le sous-traitant ne vaut pas confirmation du contrat, ni renonciation de sa part à se prévaloir de la nullité, même après avoir reçu paiement des travaux ( Civ, 3ème, 18 juillet 2001). Elle explique qu'il convient de rechercher si le sous-traitant a exécuté les travaux en connaissance du vice, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'elle ignorait que l'entreprise principale n'avait pas souscrit de caution.

Sur ce :

4- Aux termes de l'article 14 al 1 de la loi du 31 décembre 1975, à peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

5- La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1975, qui ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, est sanctionnée par une nullité relative, à laquelle ce dernier peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, en connaissance du vice l'affectant (Cass, com, 9 septembre 2020).

6- En l'espèce, il n'est pas contesté que les paiements dus au sous-traitant n'ont pas été garantis par un cautionnement. Aucune délégation de paiement n'est intervenue.

7- L'entreprise principale ne démontre pas que le sous-traitant a exécuté le contrat en connaissance de ce vice.

8- Les juges de première instance ont pu, à bon droit, prononcer la nullité du contrat. La décision sera confirmée de ce chef.

* sur les conséquences de l'annulation du contrat de sous-traitance :

9- La société sous-traitance soutient que le tribunal a sous-évalué les sommes devant lui revenir en indemnisation des travaux qu'elle a réalisés, suite à l'annulation du contrat de sous-traitance. Elle rappelle que les juridictions ne peuvent se référer au contrat de sous-traitance annulé pour évaluer le coût réel des travaux. Elle sollicite le paiement de la somme de 13 160,56 euros correspondant au solde du marché initial augmenté du coût des travaux supplémentaires figurant dans les avenants exposant qu'elle n'a effectué aucun travaux sans l'accord de l'entreprise principale.

10- L'entreprise principale soutient que l'entreprise sous-traitante ne justifie pas de la réalisation des travaux supplémentaires au titre desquels elle a émis des devis qu'elle n'a en tout état de cause jamais acceptés. Elle rappelle que le marché était forfaitaire et que des travaux supplémentaires ne pouvaient être facturés sans son aval. Elle affirme enfin qu'elle a dû faire intervenir une entreprise tierce pour terminer le chantier à qui elle a réglé la somme de 3000 euros, somme dont elle demande la compensation avec la somme de 959 euros restant dû au titre du marché.

Sur ce :

11- Lorsqu'un contrat est annulé, les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant l'exécution du contrat.

12- Si le sous-traité annulé a été exécuté, la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l'exclusion de ceux qu'il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l'auteur (Civ. 3e, 8 juin 2023, FS-B, n° 22-13.330).

13- Les juges sont souverains pour apprécier ce juste prix des prestations effectuées par le sous-traitant et fondés à ordonner à cet effet une mesure d'expertise (Civ. 3e, 18 juill. 2001, no 00-16.380 ). Ils doivent tenir compte du coût de la prestation réalisée et des sommes réellement déboursées par le sous-traitant, mais pas du prix convenu au contrat ni de la valeur réelle de l'ouvrage (Civ. 3e, 13 sept. 2006, no 05-11.533).Le montant des restitutions à verser à un sous-traitant, à la suite de l' annulation du contrat, peut ainsi se fonder sur le rapport d'expertise prenant en compte les travaux réellement exécutés et le prix habituel de ces travaux (Civ. 3e, 30 nov. 2011, FS-P+B, n° 10-27.021)

14- Au cas présent, les deux parties se réfèrent au contrat qui a été annulé et aux avenants dont la régularité est contestée alors que la restitution en valeur qui doit résulter de l'annulation du contrat ne peut résulter du prix convenu entre les parties.

15- Le contrat ayant été annulé, l'entreprise principale ne peut plus arguer du caractère forfaitaire du marché. La société sous-traitante ne peut pas plus se prévaloir de l'acceptation tacite de ses avenants par l'intimée.

16- Les pièces produites par les parties ne permettent pas à la cour de déterminer le 'juste prix' des travaux réalisés par l'entreprise sous-traitante, eu égard au coût habituel de ce type de travaux et aux sommes réellement déboursées par le sous-traitant pour la réalisation des travaux.

17- Même si l'appelant n'a pas formé appel du chef du jugement l'ayant débouté de sa demande d'expertise judiciaire, cette cour conserve la faculté d'ordonner d'office une telle expertise afin de l'éclairer sur la nature et l'étendue des travaux réalisés par la société sous-traitante, les parties étant en désaccord sur ce point, et sur le coût réel de ces travaux indépendamment du contrat initialement conclu entre les parties et aujourd'hui annulé.

18- La provision à valoir sur les frais d'expertise sera mise à la charge de la société Mas Service.

19- Il sera prononcé un sursis à statuer sur la demande d'indemnisation formée de ce ce chef par l'appelante ainsi que sur la demande de compensation formée par l'intimée.

Sur les demandes relatives au chantier du [Adresse 8] à [Localité 10]

20- La société sous-traitante affirme que l'entreprise principale a abusivement résilié ce marché, sans la mettre en demeure de s'exécuter, et alors qu'aucun délai d'intervention n'avait été convenu entre les parties. Elle ajoute qu'elle était tributaire de l'intervention des autres corps de métier et qu'elle n'a jamais abandonné le chantier mais simplement usé de son droit de suspendre l'exécution de sa prestation n'étant pas réglé de ses factures. Elle soutient que cette résiliation abusive lui a causé un préjudice constitué par son manque à gagner qu'elle évalue à la somme de 22 954,73 euros.

21- L'entreprise principale soutient qu'il n'est pas démontré qu'elle a abusivement rompu le contrat et qu'en tout état de seul le préjudice résultant de la brutalité de la rupture peut être réparée ( cass, com, 10 février 2015). Elle explique qu'aucun contrat n'a été formalisé entre les parties et que seul le devis du 18 avril 2018 ramené à la somme de 33800 euros par mention manuscrite a été accepté. Sur ce devis, la somme de 28140 euros a été versée à la société Mas Service, le surplus des prestations du devis ayant été confié et réglé à une entreprise tierce compte tenu du refus de la société Mas Service d'achever le chantier.

Sur ce :

22- Aux termes de l'article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

21- L'entreprise principale n'a pas mis en demeure sa cocontractante d'achever le chantier. Elle ne justifie pas s'être trouvée dans une situation d'urgence justifiant cette absence de mise en demeure. En toute hypothèse, l'abandon de chantier allégué n'est pas démontré et ne peut justifier une résiliation, même judiciaire, du contrat. Le caractère abusif de la résiliation est ainsi établi.

22- Contrairement à ce que l'intimée plaide, l'entier préjudice doit être réparé et non le seul préjudice résultant de la brutalité de la rupture, la jurisprudence citée, sans aucun lien avec le présent litige, portant sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie.

23- Il appartient à l'appelant d'apporter la preuve de l'existence et de l'ampleur du préjudice qu'elle allègue.

24- Celle-ci argue d'un préjudice qui serait constitué par l'impossibilité de mener à terme son marché et d'obtenir ainsi le règlement de l'intégralité de celui-ci. Or, la société sous-traitante prend en compte dans le calcul de son préjudice trois devis complémentaires des 26 février 2019, 19 mars 2019 et 8 juillet 2019. Ses devis n'ont pas été acceptés par l'entreprise principale.

25- En toute hypothèse, son manque à gagner ne peut pas être constitué par le montant total du marché puisqu'elle n'a par hypothèse fourni ni le travail ni le matériel. Tout au plus pourrait-elle arguer de la perte d'un bénéfice escompté ou d'une perte de la possibilité de trouver à bref délai un autre marché, à charge pour elle d'en apporter la preuve, ce qu'elle ne fait pas.

26- La société sous-traitante qui a déjà perçu la somme de 28 140 euros sur un montant de travaux accepté de 34 406,96 euros, soit la plus grande partie du marché, ne justifie ainsi pas du préjudice qu'elle allègue, ni dans son principe, ni dans son ampleur.

27- La décision de première instance sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes :

28- Il sera prononcé sur la demande d'indemnité de procédure et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour

statuant publiquement, par décision contradictoire et mixte,

Confirme la décision rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux le 14 septembre 2021 en ce qu'elle a :

- prononcé la nullité du contrat de sous-traitance conclu le 10 septembre 2018 entre la société MAS Service et la société RMC Concept au titre des travaux d'électricité du chantier situé [Adresse 4] à [Localité 9],

- débouté la société MAS Service de sa demande visant à obtenir le règlement de la somme de 22 1954,73 euros au titre du manque à gagner qui aurait résulté de l'arrêt du contrat de sous-traitance relatif au chantier de [Localité 10], intervenu à l'initiative de la société RMC Concept,

Infirme la décision en ce qu'elle a :

- condamné la société RMC Concept à verser à la société MAS Service la somme de 9 224,05 euros au titre des travaux d'électricité réalisés et non réglés sur le chantier situé [Adresse 4] à [Localité 9], avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019,

et statuant à nouveau,

Avant dire droit,

Ordonne une expertise afin de déterminer le juste prix des travaux d'électricité du chantier situé [Adresse 4] à [Localité 9],

Commet pour y procéder [W] [O]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Tél : [XXXXXXXX01]

Mèl : [Courriel 11]

expert auprès de la cour d'appel de Bordeaux, avec pour mission :

- de se faire communiquer tous documents et pièces utiles à sa mission,

- de se rendre sur les lieux s'il l'estime utile,

- de décrire les travaux réalisés par l'entreprise sous-traitante et de faire toutes observations utiles à ce sujet,

- de donner à la cour tout élément susceptible de lui permettre de chiffrer le 'juste prix' des travaux réalisés par l'entreprise sous-traitante, eu égard au coût habituel de ce type de travaux et aux sommes réellement déboursées par le sous-traitant pour la réalisation des travaux,

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et notamment qu'il entendra les parties, s'expliquera sur leurs dires et observations et sur toutes difficultés auxquelles ses opérations et constatations pourraient donner lieu, s'entourera de tous renseignements utiles et consultera tous documents produits pouvant l'éclairer s'il y a lieu;

Dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au magistrat chargé du contrôle des expertises :

' la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;

' son avis sur l'opportunité d'appeler un tiers aux opérations d'expertise ;

Rappelle que conformément aux dispositions des articles 278 et 278-1 du code civil l'expert peut se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité, et peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

Dit que, sauf accord contraire des parties, l'expert commis devra adresser aux parties un pré-rapport de ses observations et constatations afin de leur permettre de lui adresser un Dire récapitulant leurs arguments sous un délai de un mois ;

Dit que le magistrat de la chambre en charge du contrôle des expertises suivra les opérations d'expertise et statuera sur les éventuels incidents,

Dit que l'expert déposera son rapport dans un délai de HUIT mois après réception de l'avis de consignation,

Fixe à 5000 euros le montant de la provision que la société Mas Service devra consigner auprès du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Bordeaux, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, à peine de caducité de celle-ci,

Surseoit à statuer sur le surplus des demandes,

Renvoie l'affaire à la mise en état,

Réserve les dépens.