CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 novembre 2022, n° 20/05883
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
PI-R-PHI (SAS)
Défendeur :
Aurion et Cie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mme Renard, Mme Soudry
Avocats :
Me Hardouin, Me Dubois, Me Touret, Me Guyonnet, Me Clenet
EXPOSE DU LITIGE
A l'occasion de travaux de rénovation sur un ensemble immobilier qui lui ont été confiés par l'Association Syndicale Libre du [Adresse 1], maître de l'ouvrage, la société Pi-R-Phi, entreprise générale, a, le 28 octobre 2014, sous-traité à la société Aurion le lot 'plomberie sanitaire et ventilation mécanique centralisée', pour un montant global et forfaitaire de 241 658,52 euros HT.
Par acte du 23 janvier 2018, la société Aurion a assigné la société Pi-R-Phi devant le tribunal de commerce de Paris en paiement.
Par jugement du 6 mars 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société Pi-R-Phi à payer à la société Aurion la somme de 74 150,67 euros, avec des intérêts moratoires calculés en application de l'article 20.8 de la norme Afnor et au taux légal majoré de sept points à compter de la date de mise en demeure du 27 octobre 2017,
- condamné la société Pi-R-Phi à payer à la société Aurion la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté les demandes des parties,
- condamné la société Pi-R-Phi aux dépens.
Par déclaration du 3 avril 2020, la société Pi-R-Phi a interjeté appel, en visant tous les chefs du jugement la condamnant au paiement de sommes et rejetant ses demandes.
Par ses dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2022, la société Pi-R-Phi demande de :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Aurion la somme de 74 150,67 euros avec intérêts moratoires et au taux légal majoré de 7 points à compter de la date de mise en demeure, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et rejeté les autres demandes des parties,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Aurion en nullité de son contrat de sous-traitance et en paiement des coûts résultant de ses travaux,
- débouter la société Aurion de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Selarl 2H Avocats prise en la personne de Maître Patricia Hardouin, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2022, la société Aurion demande de :
- débouter la société Pi-R-Phi de tous ses chefs de contestation,
- confirmer la condamnation de la société Pi-R-Phi au paiement de la somme de 74 150,67 euros, assortie des intérêts moratoires selon l'article 20.8 de la norme Afnor et fixés au taux légal majoré de 7 points à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2017,
- subsidiairement, prononcer la nullité du contrat de sous-traitance, condamner la société Pi-R-Phi à lui régler la somme de 74 150,67 euros avec intérêts moratoires au taux légal majoré de 7 points à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2017,
- en tout état de cause, condamner la société Pi-R-Phi à lui régler la somme de 5 000 euros hors taxe au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont le recouvrement pourra être effectué par le SCP AFG Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 septembre 2022.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
- Sur l'applicabilité au litige de la norme Afnor :
L'article 3 du contrat de sous-traitance conclu entre la société Pi-R-Phi et la société Aurion stipule que 'le montant global et forfaitaire de l'ensemble des travaux confiés au sous-traitant s'élève à 241'658,52 euros HT'.
Il est indiqué à l'article 2 'pièces à fournir', au paragraphe relatif aux 'documents généraux', que 'le cahier des clauses générales applicable au contrat est en vente dans le commerce mais n'est pas joint au présent contrat, il est censé être connu par le sous-traitant (cahier des clauses administratives générales, applicables aux travaux de bâtiment faisant l'objet d'un marché privé-norme AFNOR- N.F.P. 03001 édition décembre 2000).'
L'article 4 intitulé 'le règlement des situations' ne comporte aucune mention relative à la remise d'un mémoire définitif, sa vérification et l'établissement d'un décompte définitif selon le formalisme des articles 19.5 et suivants de la norme AFNOR.
Le cahier des clauses générales applicables au contrat n'est pas produit.
Il résulte des stipulations contractuelles que les parties n'ont pas convenu de se soumettre au formalisme des articles 19.5 et suivants de la norme AFNOR applicables aux relations entre maître de l'ouvrage, maître d'oeuvre et entreprise principale.
En conséquence, il ne sera pas retenu une acceptation tacite par la société Pi-R-Phi du décompte de la société Aurion pour un montant de 74 150,67 euros.
- Sur la nullité du contrat de sous-traitance :
L'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 prévoit, 'à peine de nullité du sous-traité', que les paiements des sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur, sauf délégation par celui-ci du maître d'ouvrage au sous-traitant.
L'absence de fourniture de la garantie lors de la conclusion du sous-traité est sanctionnée par la nullité du contrat, sans qu'il importe que le sous-traitant ait rempli sa mission.
En l'espèce, la société Pi-R-Phi ne justifie de la fourniture d'aucune garantie de paiement des sommes dues au sous-traitant par caution ou délégation de paiement.
Il y a dès lors lieu de déclarer nul le contrat de sous-traitance conclu entre la société Pi-R-Phi et la société Aurion.
Le contrat nul ayant été exécuté, le sous-traitant a le droit d'obtenir de l'entrepreneur principal la restitution des sommes réellement déboursées par lui pour l'exécution de son contrat.
Il convient dès lors de procéder à une estimation du juste coût de l'ensemble des travaux exécutés par le sous-traitant, sans égard pour les prix convenus par les parties.
Le contrat de sous-traitance étant annulé, la société Aurion n'est pas fondée à réclamer à la société Pi-R-Phi, au titre de sa responsabilité contractuelle, l'indemnisation de préjudices qui seraient causés par un retard et une désorganisation du chantier.
La société Aurion a fourni et posé des réseaux d'eau potable et d'eaux usées ainsi que de ventilation mécanique centralisée.
Au regard des pièces versées par les parties qui permettent de déterminer les travaux exécutés par la société Aurion, ceux-ci peuvent être estimés à un montant total de 243 825,69 euros.
La société Aurion a perçu des règlements pour un montant total de 241 081,82 euros.
En conséquence, la société Pi-R-Phi sera condamnée à payer à la société Aurion la somme de 2 743,87 euros (243 825,69 - 241 081,82).
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2020, date de prononcé du jugement attaqué, en vertu des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.
Le jugement sera infirmé.
- Sur les demandes accessoires :
Les parties succombant partiellement dans leurs prétentions, seront chacune tenue pour moitié aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- infirme le jugement du 6 mars 2020 du tribunal de commerce de Paris ;
- statuant à nouveau, et y ajoutant,
- prononce la nullité du contrat de sous-traitance du 28 octobre 2014 ;
- condamne la société Pi-R-Phi à payer à la société Aurion la somme de 2 743,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2020 ;
- rejette les demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société Pi-R-Phi et la société Aurion chacune pour moitié aux dépens de première instance et d'appel.