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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 26 septembre 2024, n° 22/06162

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Menuiserie et Charpente du Leguer (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delapierregrosse

Conseillers :

Mme Malardel, M. Belloir

Avocats :

Me Lhermitte, Me Gergaud, Me Baron, Me Abadie

CA Rennes n° 22/06162

25 septembre 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [C] [U] a confié à la société Menuiserie et Charpente du Leguer (MCL) la rénovation de sa maison d'habitation à [Localité 4] (22) le 19 mai 2020. Les travaux ont consisté en la pose de menuiseries intérieures et extérieures, d'isolation et en la pose de cloisons sèches.

Un constat d'huissier contradictoire d'avancement des travaux a été réalisé le 29 mars 2021.

Par acte d'huissier du 23 avril 2021, la société MCL a fait assigner Mme [U] devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc en paiement du prix des travaux, ainsi qu'aux fins de condamnation à des dommages-intérêts.

Par un jugement du 13 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :

- ordonné la résiliation du contrat liant la société MCL et Mme [U] pour inexécution fautive par la société MCL de ses obligations contractuelles ;

- débouté la société MCL de sa demande de résiliation aux torts de Mme [U] ;

- débouté la société MCL de sa demande en paiement de la facture du 16 février 2021 pour la somme de 8 908 euros ;

- débouté la société MCL de sa demande pour la perte de marge, de ses demandes indemnitaires et pour les frais de recouvrement ;

- condamné la société MCL à payer à Mme [U] la somme de 4 833,59 euros au titre des comptes entre les parties ;

- ordonné que les télécommandes des fenêtres capucines soient remises à Mme [U] par la société MCL ;

- débouté Mme [U] de sa demande d'astreinte ;

- débouté Mme [U] de ses demandes indemnitaires ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné la société MCL à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la société MCL aux entiers dépens de la procédure ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

La société MCL a interjeté appel de ce jugement par déclaration remise au greffe de la cour le 21 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions en date du 17 avril 2024, la société MCL, au visa des articles 1103, 1217, 1219, 1220, 1224, 1229 et 1231-1 du code civil, L441-10 du code de commerce et 700 du code de procédure civile, demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement, excepté en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes indemnitaires au titre du retard, des malfaçons, de son préjudice financier et de son préjudice moral ;

Statuant à nouveau et y additant,

S'agissant de la résiliation du marché aux torts de Mme [U],

- prononcer la résiliation du marché de la société MCL aux torts exclusifs de Mme [U] à la date du 23 avril 2021 (date de l'assignation) en application de l'article

1229 du code civil ;

Pour les comptes entre les parties,

- condamner Mme [U] à payer à la société MCL la somme de 8 908 euros TTC ;

- condamner Mme [U] à payer à la société MCL la somme de 7 771,84 euros TTC ;

- décerner acte à la société MCL qu'il convient de déduire du solde de son marché les sommes de 2 959,12 euros TTC et 2 309,13 euros TTC ;

En conséquence,

- condamner Mme [U] à payer à la société MCL la somme de 11 411,59 euros TTC, augmentée des pénalités de retard dont le taux sera égal à trois fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 11 mars 2021 lequel sera majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, outre le paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros ;

Au titre des demandes de dommages et intérêts formulées par la société MCL,

- condamner Mme [U] à payer à la société MCL la somme de 1 526 euros au titre du préjudice financier lié au coût des volets roulants ;

- condamner Mme [U] à payer à la société MCL la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et perte de marge brute ;

S'agissant de l'appel incident formulé par Mme [U],

A titre principal,

- déclarer irrecevable Mme [U] en son appel incident ;

Subsidiairement,

- débouter Mme [U] de son appel incident ;

Au titre de l'article 700 et des dépens,

- condamner Mme [U] à payer à la société MCL la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions du 17 avril 2024, Mme [U] demande à la cour de :

- la recevoir en sa défense et en son appel incident ;

Y faisant droit,

- confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande de pénalités contractuelles dû à Mme [U] par la Société MCL pour la somme de 9 990,29 euros TTC ;

- limité à la somme de 4 833,59 euros le montant de la condamnation de la Société MCL au titre des comptes entre les parties, Mme [U] sollicitant une somme de 12 076,28 euros ;

- rejeté la demande d'astreinte formée au titre de la remise par la Société MCL à Mme [U] des télécommandes des fenêtres capucines ;

- rejeté la demande de condamnation de la Société MCL à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts au titre des malfaçons ;

- rejeté la demande de condamnation de la Société MCL à payer à Mme [U] la somme de 3 990 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier ;

- rejeté la demande de condamnation de la Société MCL à payer à Mme [U] la somme de 750 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

- l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société MCL de sa demande de paiement de la somme de 8.908 euros TTC au titre de la facture du 16 février 2021 ;

- fixer le montant des pénalités contractuelles dû à Mme [U] par la société MCL à la somme de 9 990,29 euros TTC ;

- fixer à la somme de 2 959,12 euros TTC le montant de la surfacturation des fenêtres capucines que doit rembourser la société MCL à Mme [U] ;

- condamner la société MCL, après imputation de la somme de 4 111,77 euros TTC payée par Mme [U] pour le jointoiement, après imputation de l'avance de paiement de 2 309,13 euros TTC dont elle disposait, après compensation avec les pénalités contractuelles pour 9 990,29 euros TTC et après imputation de la surfacturation des fenêtres capucines pour 2 959,12 euros TTC et du châssis coulissant pour 588,50 euros TTC, à payer à Mme [U] la somme de 10 050,81 euros au titre des comptes entre les parties, de la violation de l'article L441-10 du code de commerce et de la surfacturation, hors malfaçons et préjudices ;

- déclarer irrecevables les demandes de la société MCL concernant les coffres de volets roulants, les coins mouchoirs et les prestations de doublage du rez-de-chaussée ;

- débouter, en toute hypothèse, la société MCL de ses demandes concernant les coffres de volets roulants, les coins mouchoirs et les prestations de doublage du rez-de-chaussée ;

- débouter la société MCL de sa demande de paiement de la somme de 40 euros pour frais de recouvrement et de sa demande d'intérêts de l'article L441-10 du code de commerce ;

- rejeter l'exception d'inexécution invoquée par la société MCL ;

- prononcer la résiliation aux torts de la société MCL du contrat résultant des deux devis portant le même n°17787 du 19 mai 2020, avec effet au 29 mars 2021, date de l'état des lieux contradictoire effectué par huissier ;

- enjoindre à la société MCL, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de fournir à Mme [U] les télécommandes des volets des fenêtres capucines ;

- condamner la société MCL à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts au titre des malfaçons ;

- condamner la société MCL à payer à Mme [U] la somme de 3 990 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier ;

- condamner la société MCL à payer à Mme [U] la somme de 750 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

- débouter la société MCL de sa demande au titre d'un préjudice financier lié à la perte de marge alléguée ;

En tout état de cause,

- débouter la société MCL de sa demande au titre d'une prétendue résistance abusive ;

- débouter la société MCL de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société MCL à payer à Mme [U] la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissier en date du 29 mars 2021.

L'instruction a été clôturée le 7 mai 2024.

MOTIFS

1. Sur les devis applicables

La société MCL fait grief à Mme [U] d'avoir refusé de payer la facture émise le 16 février 2021 alors que les travaux d'isolation étaient achevés en intégralité. La société MCL fait valoir en substance que deux devis ont été établis : un premier le 19 mai 2020 relatif à la pose des menuiseries extérieures et un second pour la pose des cloisons sèches et des travaux d'isolation le 25 mai 2020. L'appelante soutient que Mme [U] a rajouté une mention manuscrite selon laquelle « sous réserve de finitions (...), travaux finis fin octobre 2020 », que la société n'a pas contresignée. La société MCL précise ne pas être liée par cette mention.

Mme [U] réplique que les devis applicables sont ceux du mois de mai 2020, le devis récapitulatif du 9 février 2021 constituant une nouvelle offre unilatérale de la société qu'elle n'a pas acceptée. Elle indique que la société MCL a adopté un comportement dépourvu d'équivoque en débutant le chantier, en ne formulant pas de protestation expresse et en émettant des factures, ce qui traduit qu'elle a accepté la stipulation manuscrite relative aux pénalités de retard.

Aux termes de l'article 1113 du code civil, « Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur ».

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que le 25 et 26 mai 2020, Mme [U] a signé deux devis portant le même n°17787, daté du 19 mai 2020, pour un montant total de 43 346,06 euros (23 09 l,33 + 20 254,73) pour la pose de cloisons sèches ainsi que des menuiseries extérieures. Il sera observé que la circonstance de savoir si la société MCL a ou non accepté la mention manuscrite rajoutée par Mme [U], relative à l'exigence de travaux soignés et d'une date de fin des travaux, n'emporte pas de conséquence sur la création du lien contractuel à la date de ces deux devis.

L'existence d'un nouveau devis du 9 février 2021 par la société MCL n'empêche pas que la formation du contrat ait eu lieu au mois de mai 2020. D'ailleurs, le devis du 9 février 2021 n'a pas fait l'objet d'un accord entre les parties, la société MCL refusant de valider la mention manuscrite apposée par Mme [U] indiquant expressément « paiement du solde de 15.561,34 € à la livraison du chantier ». Il résulte même de l'échange de courrier du mois de mars 2021, entre les conseils des parties, qu'aucune rencontre des consentements n'est intervenue à propos de ce devis.

Le devis du 9 février 2021 ne peut dès lors constituer le socle contractuel du présent litige, puisque l'offre de la société MCL a donné lieu à une offre nouvelle de Mme [U], refusée par la société.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la base contractuelle liant les parties était constituée par les devis en date du 19 mai 2020.

2. Sur la résiliation judiciaire du contrat de marché de travaux

Le tribunal a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de marché de travaux en raison de l'inexécution fautive de la société MCL.

Les parties invoquent l'inexécution contractuelle fautive au soutien de leurs demandes. Toutefois, elles souhaitent que la résolution prenne effet pour l'avenir et n'entraînent pas la restitution des prestations échangées, de sorte qu' elles demandent une résolution judiciaire qu'il convient de qualifier de résiliation.

La société MCL soulève l'exception d'inexécution indiquant que la facture est exigible et que les travaux ne présentent aucun désordre de nature à la rendre contestable. La société MCL explique que les DTU sont applicables uniquement s'ils sont visés au marché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle ajoute que le fait que les DTU soient visés dans le devis ne les inclut pas pour autant au marché. Enfin, elle précise que le jointement n'a pas été effectué suite au refus de Mme [U] de payer la facture.

Mme [U] réplique que c'est à tort que la société MCL se prévaut d'une exception d'inexécution le chantier n'ayant jamais été achevé. Elle précise que les DTU sont obligatoirement applicables dès lors que la société MCL est une entreprise certifiée qualibat RGE. Elle ajoute que le contrat vise expressément les DTU et le devis du 19 mai 2020 prévoit le prix du traitement des bandes. Elle explique qu'en vertu de ces DTU, l'achèvement de la pose de cloisons sèches implique la réalisation du jointement. Elle fait valoir que les travaux ne sont pas achevés, que la facture n'est pas exigible et qu'elle a été contrainte de faire appel à une autre entreprise pour réaliser ce jointement.

Aux termes des dispositions de l'article 1219 du code civil, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

En l'espèce, comme il a été vu précédemment, les parties ont signé deux devis en date du 19 mai 2020. Le devis portant sur les cloisons sèches mentionne expressément que « selon le DTU le ponçage des bandes et la couche de finition sont à la charge du peintre ».

Il n'est pas discuté que la société MCL est un entrepreneur bénéficiant de la certification qualibat- RGE et de ce seul fait soumis à l'applicabilité des normes DTU, étant rappelé que cette certification implique pour la société MCL qu'elle accepte un contrôle visant à vérifier la bonne exécution des travaux dans le respect des règles de l'art et des normes NF-DTU.

La certification Qualibat RGE était en outre un critère de conclusion du contrat pour Mme [U] comme en atteste l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce le 19 juillet 2021 par laquelle elle a obtenu la production de l'attestation ANAH, pour l'obtention de subventions.

Dans ces conditions, le document technique unifié était d'application contractuelle et constitue un critère d'appréciation pour déterminer l'achèvement des travaux de la société MCL.

Selon le guide NF DTU 25.41 applicable, et non discuté par les parties, s'agissant des plaques de plâtre, la pose de cloison comprend le jointement dans les travaux. Il s'agit donc d'une prestation attendue que devait fournir la société MCL pour que les travaux soient considérés comme achevés. Or, la pose des bandes et de leur traitement n'a pas été réalisée. A cet égard, le constat d'huissier du 19 juillet 2021 fait état de « finitions non réalisées et d'absence de jointage et de bandes de traitements des plaques de placoplatre ».

La société MCL ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne les a pas facturés le 16 février 2021 dès lors où les prix facturés sont identiques au devis qui mentionnait pour sa part « cloisons sèches y compris le traitement des bandes » ce qui inclut, en conséquence, la réalisation du jointement.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que le 16 février 2021, Mme [U] a déjà payé certains travaux pour la somme de 27 826,62 euros, démontrant ainsi qu'elle n'a pas au cours des travaux refusé de payer le travail effectué par la société MCL. La bonne foi de Mme [U] résulte également des échanges du 7 mars 2021 entre les parties où cette dernière a indiqué être prête à payer les sommes réclamées, à la condition que les travaux soient achevés.

Dans ces conditions, Mme [U] ne s'est pas rendue coupable d'une inexécution fautive suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat à ses torts exclusifs, la facture du 16 février 2021 n'étant pas exigible, vu l'inachèvement des travaux.

A l'inverse, la société MCL en refusant de terminer les travaux sous prétexte d'une facture non exigible a gravement failli à ses obligations contractuelles contraignant Mme [U] de recourir aux services d'un autre entrepreneur pour la pose des bandes, comme le montre le devis de la société RM Plaquiste du 15 mai 2021.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat en raison de l'inexécution fautive de la société MCL.

3. Sur les demandes en paiement de la société MCL

En cause d'appel, la société MCL sollicite la condamnation de Mme [U] à lui payer :

- la somme de 8 908 euros TTC au titre de la facture du 16 février 2021;

- la somme de 7 771,84 euros TTC au titre de la facture du 19 janvier 2023.

Sur la facture du 16 février 2021

La facture du 16 février 2021 portait sur :

- des travaux de doublage à l'étage facturés pour 6 659,08 euros HT,

- la mise en 'uvre d'isolation en laine de verre pour 1 155,75 euros HT,

- la fourniture et pose d'une menuiserie intérieure pour la somme de 535 euros HT,

soit un total de 8 908 euros TTC.

Au regard de ce qui précède, la facture du 16 février 2021 n'est pas exigible car les travaux sont inachevés.

Le jointoiement n'ayant pas été réalisé, alors qu'il est bien compris dans cette facture, il y a lieu d'en déduire le prix. Pour ce faire, le tribunal, à juste titre, s'est fondé sur le devis de la société RM Plaquiste fourni par Mme [U], comme base de calcul pour le montant de ces travaux, la société MCL ne produisant aucun devis à ce titre. Le montant de ces travaux de jointement s'élève à la somme de 4 111,77 euros TTC qui doit être ôté de cette facture de 8 908 euros.

Concernant les travaux confiés à d'autres entreprises, Mme [U] produit une facture de 2 048,44 euros correspondant à l'appentis, toutefois les devis de la société MCL ne concernent pas cette partie de la maison. Pour le reste, elle fournit le devis du menuisier [L] [P] pour un montant de 3 300 euros et produit la facture de ce dernier dont il ressort le versement d'un acompte de 1 650 euros. Elle n'apporte pas la preuve s'être acquittée du reste de la facture. Il convient donc de déduire la somme de 1 650 euros au titre des comptes entre les parties.

Il en résulte qu'il convient de déduire de cette facture du 16 février 2021 pour un prix de 8 908 euros les sommes de 4 111,17 euros et de 1 650 euros, Mme [U] restant débitrice de la somme de 3146,83 euros.

Sur la facture du 19 janvier 2023

Pour la première fois en cause d'appel, la société MCL demande le paiement de travaux qu'elle a réalisé mais qu'elle n'avait pas encore facturé au maître de l'ouvrage pour une somme de 7 771,84 euros TTC.

Mme [U] soulève l'irrecevabilité de cette demande nouvelle considérant qu'il s'agit d'une facturation nouvelle, postérieure à la première instance.

La société MCL réplique qu'il s'agit seulement d'une augmentation de sa demande.

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Néanmoins, selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, la société MCL qui a réclamé en première instance la somme de 8 908 euros au titre du paiement des travaux suite à la résiliation du marché, s'est bornée à augmenter le montant de sa demande en paiement formée contre Mme [U]. Sa demande, en ce qu'elle tend à la même fin de paiement du solde du marché de travaux, ne constitue pas une demande nouvelle.

La demande de la société MCL est donc recevable.

Au fond, cette facturation correspond à :

- des travaux de fermetures extérieures pour une somme de 1 062,30 euros HT

- la fourniture et la pose de coins mouchoirs en aluminium pour une somme de 800 euros HT

- la fourniture et pose de cloisons sèches au RDC pour une somme de 6 220 euros HT.

Il ressort des pièces communiquées que s'agissant des travaux de fermetures extérieures les coffres des volets roulants au RDC n'ont pas été terminés par la société MCL et qu'aucun isolant en Styrodur n'a été posé comme prévu par le devis. La somme de 1 062,30 euros HT n'est donc pas due.

La société MCL justifie, contrairement à ce qu'elle soutient, n'avoir pas procéder à la pose de coins mouchoirs en aluminium puis qu'il ressort de la facture n° 2453 en date du 18 novembre 2020 que la société MCL a déduit le montant de cette somme 800 euros HT en indiquant « pas posés ».

S'agissant des cloisons sèches, la société MCL a fourni et posé les cloisons de doublage au rez-de-chaussée ainsi que diverses autres prestations pour un montant de 6 220 euros HT. Mme [U] a reconnu, lors du constat d'huissier dressé le 29 mars 2021, que l'intégralité des doublages a été réalisé, y compris au rezde- chaussée. La somme est donc due.

Il en résulte qu'il convient de déduire de cette facture du 19 janvier 2023 pour un prix de 7 771,84 euros, dont il a été retranché par la société le coût du jointement non réalisé pour 896,37 euros, les sommes de 1 062,30 euros et de 800 euros, Mme [U] restant débitrice de la somme de 5 909,54 euros.

Sur les comptes entre les parties

Mme [U] a procédé aux paiements suivants :

- facture n° 2453 du 18 novembre 2020 pour un montant de 21 133,33 euros TTC,

- facture n° 2496 du 28 janvier 2021 pour un montant de 4 384,16 euros TTC,

- acompte remis en chèque à la signature des devis, débité le 29 mars 2021 seulement par la société MCL pour 2 309,13 euros.

Il est donc constant que Mme [U] a payé la somme de 27 826,62 euros.

A hauteur d'appel, la société MCL reconnaît que pour établir les comptes entre les parties, il y a lieu de déduire du solde sollicité par elle la somme de 2 309,13 euros correspondant à l'acompte remis par Mme [U] à la signature des devis. De même, la société MCL admet avoir commis une erreur en facturant à deux reprises la fourniture et la pose des fenêtres capucines et qu'il faut déduire la somme de 2 959,12 euros.

En conséquence, il ressort de ce qui précède que la créance de solde restant à devoir à la société MCL s'élève à :

+ 3 146,83euros TTC

+ 5 909,54 euros TTC

- 2 959,12 euros TTC

- 2 309,13 euros TTC

= 3 788 euros TTC.

Le jugement sera réformé à ce titre et Mme [U] condamnée à payer à la société MCL la somme de 3 788 euros, augmentée, en application de l'article L.441-10 du code de commerce, des pénalités de retard dont le taux sera égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 11 mars 2021, outre le paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

4. Sur les demandes indemnitaires de la société MCL

Sur la demande de la MCL au titre de son préjudice financier lié à la résiliation du marché

Le débiteur d'une obligation est condamné à des dommages et intérêts, s'il y a lieu, soit à raison de l'inexécution fautive de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La MCL sollicite une somme correspondant à l'achat de volet roulant qu'elle n'a pu poser et la perte de marge constatée du fait de l'absence d'achèvement des travaux.

La résiliation n'étant pas prononcée en raison d'une inexécution fautive de Mme [U] mais de la société MCL, cette dernière n'est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts subséquents à cette résiliation.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société MCL pour résistance abusive

En l'espèce, la société MCL échouant à démontrer que Mme [U] a refusé de payer la facture litigieuse de façon abusive et le contrat ayant été résolu du fait de l'inexécution fautive de la société MCL, elle sera déboutée de sa demande.

5. Sur la demande de remise des télécommandes des volets roulants

Il sera rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Si la société MCL développe dans les motifs de ses dernières conclusions du 17 avril 2024 une demande relative à voir le jugement réformé en ce qu'il l'a condamnée à remettre à Mme [U] les télécommandes des volets roulants, elle ne formule, dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, aucune demande relative à ce titre. Partant, la cour ne peut que confirmer le jugement à ce titre.

6. Sur l'appel incident de Mme [U]

Mme [U] sollicite, dans le cadre de son appel incident, la condamnation de la société MCL à lui payer les sommes de 9 990,29 euros TTC au titre de pénalités contractuelles de retard, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de malfaçons et 3 990 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice financier.

La société MCL soulève l'irrecevabilité de cet appel incident en ce que Mme [U] n'a pas demandé dans le dispositif de ses conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées le 17 avril 2023 ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement.

Mme [U] n'oppose, dans ses dernières écritures n°3 du 17 avril 2024, aucun moyen à ce titre.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

L'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, les conclusions de l'appelant, qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel.

En l'espèce, la cour constate que dans le dispositif de ses conclusions initiales du 17 avril 2023, Mme [U] ne sollicite ni l'infirmation des chefs de pénalités contractuelles de retard, de dommages et intérêts au titre de malfaçons et de dommages et intérêts au titre du préjudice financier, ni l'annulation du jugement querellé.

En conséquence, l'appel incident de Mme [U] est irrecevable et la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement entrepris quant au débouté des demandes relatives aux pénalités contractuelles de retard, aux dommages et intérêts au titre de malfaçons et aux dommages et intérêts au titre du préjudice financier.

Sur les frais et dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

La société MCL sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt rendu contradictoirement,

DÉCLARE irrecevable l'appel incident de Mme [C] [U] ;

INFIRME partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société MCL à payer à Mme [U] la somme de 4 833,59 euros au titre des comptes entre les parties ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

CONDAMNE Mme [C] [U] à payer à la société MCL la somme de 3 788 euros, augmentée des pénalités de retard dont le taux sera égal à trois fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 11 mars 2021 lequel sera majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, outre le paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de frais irrépétibles,

CONDAMNE la société MCL aux dépens d'appel.