CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 juin 2013, n° 12/06817
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
PRESTATHERM (SAS)
Défendeur :
CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gimonet
Conseillers :
Mme Thevenot, Mme Beaussier
Avocats :
Me Cam, Me Berrah-Guyard
FAITS ET PROCÉDURE
La société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE, titulaire d'un marché public portant sur l'agrandissement d'une salle de sports à BONNEUIL-SUR-MARNE a confié à la société PRESTATHERM, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance du 19 mai 2009, les lots plomberie-chauffage-VMC. pour un montant de 266 708 euros TTC entièrement réglé ;
La société PRESTATHERM a également réalisé différents travaux supplémentaires, selon devis des 14 octobre et 16 novembre 2009 pour un montant TTC de 11.576,80 euros dont elle demande le paiement ;
Dans le cadre d'un chantier SNCF Nanterre, la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE a confié à la société PRESTATHERM les lots plomberie et VMC, selon contrat de sous-traitance du 19 mai 2009 ;
Le montant du marché s'élevait à 120.876,57 euros TTC. et la société PRESTATHERM dit avoir été réglée à hauteur de 95.492,48 euros TTC ;
Ce marché a fait l'objet de 8 avenants pour un montant total de 27.356,62 euros HT soit 32.718,51 euros TTC ;
Elle estime que lui reste due la somme de 31 978,66 € ;
Par jugement du 13 février 2012, le tribunal de commerce de MELUN a :
- reçu l'opposition formée par la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE contre l'ordonnance d'injonction de payer du 18 novembre 2010 et l'a déclarée bien fondée ;
- dit que le jugement se substituait à ladite ordonnance ;
- débouté la société PRESTATHERM de l'intégralité de ses demandes ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE en paiement de dommages-intérêts ;
- condamné la société PRESTATHERM à payer à la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE la somme de 2 000 € TTC sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- débouté les parties de toutes autres demandes ;
La société PRESTATHERM, aux droits de laquelle vient la société TEMPEOL, a interjeté appel de cette décision et, par conclusions signifiées le 4 mars 2013, a demandé à la cour :
- d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE de sa demande en paiement de dommages-intérêt s
- de condamner la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE à lui payer les sommes suivantes augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 novembre 2010 :
* 11.576,80 € au titre des travaux supplémentaires non compris dans le marché initial de BONNEUIL,
* 25.384,08 € TTC au titre du solde du marché SNCF NANTERRE,
* 6.594,58 € TTC au titre des travaux supplémentaires non compris dans le marché initial SNCF NANTERRE ;
- d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
- de condamner la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 4 000 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;
La société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE a demandé à la cour, par conclusions signifiées les 6 et 11 septembre 2012 :
- de débouter la société PRESTATHERM de toutes ses demandes,
- de condamner la société PRESTATHERM à lui payer la somme de 2.285.807,16 € à titre de dommages et intérêts ;
- de condamner la société PRESTATHERM à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE,
Considérant que la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE (la société CONSTRUCTION MODERNE) soutient que, les marchés passés par la ville de Bonneuil sur Marne et la SNCF étant des marchés publics, le paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage est obligatoire ;
Considérant que, dans les marchés publics, le paiement direct est réservé aux contrats de sous-traitance dont le montant est supérieur à 600 € aux termes de l' article 115 du code des marchés publics invoqué par la société Construction moderne ;
Que cependant s'il résulte de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que le sous-traitant direct du titulaire du marché public qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dispose d'un droit au paiement direct contre ce maître de l'ouvrage, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le paiement de ce sous-traitant soit directement effectué par le titulaire du marché, éteignant ainsi à due concurrence la créance du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage ;
Qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont débouté la société PRESTATHERM de ses demandes au seul motif qu'elle était mal fondée à former ses réclamations contre la société Construction moderne ;
1°) marché de Bonneuil sur Marne
Considérant que le contrat de sous-traitance énonce qu'il est conclu pour un prix global et forfaitaire, ferme et définitif, ni actualisable ni révisable ;
Que la société PRESTATHERM demande le paiement de travaux supplémentaires mentionnés dans trois devis des 14 octobre et 16 novembre 2009 en faisant valoir que la réalité de l'exécution de ces travaux n'avait jamais été contestée ;
Mais considérant que les devis de la société PRESTATHERM ne portent aucune acceptation par signature de la société CONSTRUCTION MODERNE ; que la société PRESTATHERM ne verse aux débats aucune commande ou acceptation expresse des travaux par la société CONSTRUCTION MODERNE ni même par le maître de l'ouvrage;
Qu'aucun accord pour la réalisation de ces travaux par la société PRESTATHERM n'étant jamais intervenu, cette dernière doit être déboutée de sa demande en paiement à ce titre ;
2°) marché SNCF à Nanterre (extension du bâtiment Artois)
Considérant que la société CONSTRUCTION MODERNE a confié à la société PRESTATHERM les lots plomberie et VMC, selon contrat de sous-traitance du 19 mai 2009 d'un montant de 120 876,57 € TTC ;
Que la société PRESTATHERM reconnaît avoir été réglée à hauteur de 95.492,48 euros TTC, de sorte que lui resterait due la somme de 25 384,08 € TTC ;
Que le marché a fait l'objet de 8 avenants pour un montant total de 27.356,62 euros HT soit 32.718,51 euros TTC ;
Qu'après règlement de la somme de 26 123,93 € le 10 septembre 2010, elle estime que lui reste due la somme de 31 978,66 € ;
Considérant que la société CONSTRUCTION MODERNE s'oppose au paiement en faisant valoir que le maître de l'ouvrage a refusé de régler la dernière situation de la société PRESTATHERM en raison de la non-levée de multiples réserves portées dans l'acte de réception des travaux du 15 février 2010 pour les lots plomberie et VMC et de la survenance de problèmes postérieurement à ladite réception ;
Qu'elle verse aux débats en cours de délibéré l'annexe du procès-verbal de réception -demandée par la cour lors de l'audience des plaidoiries- contenant 8 réserves (tuyaux à nettoyer, matériel à évacuer, adoucisseur à poser, étiquette à reprendre, désinfection à faire ,essais à faire) et avait versé aux débats un rapport du bureau d'études DALKIA constatant des anomalies telles que absence de documents, finitions absentes ou mal faites, dysfonctionnements ;
Mais considérant que la société CONSTRUCTION MODERNE ne tire pas de conséquence juridique particulière à son égard de ces éléments de fait ; qu'elle se limite à indiquer que le maître de l'ouvrage se refuse à solder le montant du marché et que la société PRESTATHERM fait fi de la procédure de paiement direct alors qu'elle-même n'est pas redevable du solde du marché ;
Qu'il n'est pas justifié d'une opposition à paiement par le maître de l'ouvrage à l'expiration d'un an à compter de la réception telle que prévue par l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971 ;
Que'aucune contestation ne porte sur la commande des travaux et sur la réalisation effective de ceux-ci, si ce n'est sur leur bonne exécution ;
Que, dès lors, il convient de condamner la société CONSTRUCTION MODERNE à payer à la société PRESTATHERM la somme de 31 978,66 € ;
3°) préjudice invoqué par la société CONSTRUCTION MODERNE
Considérant que la société CONSTRUCTION MODERNE reproche à la société PRESTATHERM de s'être rapprochée du maître de l'ouvrage pour la levée des réserves, sans pour autant s'exécuter ;
Qu'elle expose que le comportement de la société PRESTATHERM lui a causé un lourd préjudice d'image de marque à l'égard de la SNCF, lui faisant perdre toute chance d'être à nouveau appelée pour des travaux ultérieurs ;
Qu'en réparation de son préjudice, elle expose que le chantier a été réceptionné par le maître de l'ouvrage le 15 février 2010 et que les réserves à la charge de PRESTATHERM n'ont toujours pas été levées, alors que l'article 10 du contrat de sous-traitance prévoit une indemnité égale à un millième du montant toutes taxes comprises des travaux convenus au contrat par jour calendaire de retard ;
Que le montant toutes taxes comprises du contrat s'élevant à la somme de 2.386.020 €, un millième de ce montant représente une somme de 2.386,02 € ; qu'elle réclame donc pour la période du 15 février 2010 au 30 septembre 2012, soit 958 jours calendaires, la somme de 2 285 807,16 € à titre de dommages-intérêts ;
Mais considérant que la société CONSTRUCTION MODERNE ne verse aux débats aucun élément permettant de déterminer si elle avait déjà contracté dans le passé avec la SNCF et si, depuis la réception du 15 février 2010, elle a ou non obtenu des marchés de la SNCF ; qu'elle ne produit d'ailleurs pas même le contrat qu'elle a passé avec la SNCF pour l'extension du bâtiment Artois à Nanterre ; qu'elle ne rapporte donc aucune preuve du préjudice qu'elle allègue ;
Qu'il y a lieu d'observer par ailleurs que les pénalités de retard, indépendamment de la question de savoir si elles peuvent être dues postérieurement à la réception, sont parfaitement étrangères à l'indemnisation de la perte alléguée de marchés, ainsi que le relève la société PRESTATHERM dans sa note en délibéré du 3 juin 2013 ;
Que la société CONSTRUCTION MODERNE doit être déboutée de sa demande;
4°) dommages-intérêts pour résistance abusive
Considérant que la société PRESTATHERM n'établit pas que l'absence de paiement de certaines factures par la société CONSTRUCTION MODERNE soient caractéristiques d'un abus ouvrant droit à une indemnisation d'un préjudice d'ailleurs non déterminé par l'appelante ; que celle-ci doit être déboutée de sa demande ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau :
- Déboute la société TEMPEOL, venant aux droits de la société PRESTATHERM, de sa demande au titre des travaux supplémentaires dans le cadre du marché de Bonneuil sur Marne ;
- Condamne la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE à payer à la société TEMPEOL, venant aux droits de la société PRESTATHERM, les sommes suivantes augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 novembre 2010 :
* 25.384,08 € TTC au titre du solde du marché SNCF NANTERRE,
* 6.594,58 € TTC au titre des travaux supplémentaires non compris dans le marché initial SNCF NANTERRE ;
- Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l' article 1154 du code civil ;
- Déboute la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
- Déboute la société TEMPEOL, venant aux droits de la société PRESTATHERM, de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société CONSTRUCTION MODERNE ILE DE FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.