CA Bordeaux, 1re ch. civ., 8 octobre 2024, n° 23/03173
BORDEAUX
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
AGRIVER (SAS)
Défendeur :
INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme POIREL
Conseillers :
Mme VALLEE, M. BREARD
Avocat :
Me TESTU
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La SAS Agriver a déposé le 9 octobre 2014 à l'INPI une demande d'enregistrement n°14/4124349, portant sur la dénomination BIOFLORE, destinée à distinguer les produits et services suivants - « Produits chimiques destinés à l'industrie, aux sciences, à la photographie, ainsi qu'à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; résines artificielles à l'état brut, matières plastiques à l'état brut ; engrais pour les terres ; compositions extinctrices ; préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; produits chimiques destinés à conserver les aliments ; matières tannantes ; adhésifs (matières collantes) destinés à l'industrie ; sel pour conserver, autres que pour les aliments ; réactifs chimiques autres qu'à usage médical ou vétérinaire ; décolorants à usage industriel », en classe 1 ;
- « Produits agricoles, horticoles et forestiers ni préparés, ni transformés ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ;
semences (graines), plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; crustacés vivants ;
appâts vivants pour la pêche ; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes ; plants ; arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages », en classe 31 ;
- « Services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ; services médicaux ; services vétérinaires ; soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains ou pour animaux ; assistance médicale ; chirurgie esthétique ; services hospitaliers ; maisons médicalisées ; maisons de convalescence ou de repos ; services d'opticiens ; services de médecine alternative ; salons de beauté ; salons de coiffure ; toilettage d'animaux; jardinage ; services de jardinier-paysagiste », en classe 44.
L'Institut a notifié au déposant le 6 janvier 2015 une objection provisoire à l'enregistrement l'avisant que l'objet de sa demande était susceptible de tomber partiellement sous le coup des dispositions des articles L.711-1, L.711-2 b) et L.711- 3 b) et c) du code de la propriété intellectuelle aux motifs que le signe déposé n'était pas de nature à distinguer les produits et services mentionnés de ceux d'une autre entreprise, qu'il pouvait servir à en désigner une caractéristique, qu'il était de nature à tromper le public et que son utilisation était légalement interdite.
Le 8 avril 2015, le déposant a présenté une demande de retrait concernant les produits et services suivants : « Résines artificielles à l'état brut ; produits chimiques destinés à l'industrie, aux sciences ; matières plastiques à l'état brut ; réactifs chimiques autres qu'à usage médical ou vétérinaire ; décolorants à usage industriel ; services médicaux ; soins d'hygiène et de beauté pour êtres humains ou pour animaux; chirurgie esthétique; services hospitaliers ; maisons de convalescence ou de repos ; services de médecine alternative ; salons de beauté ; salons de coiffure ; toilettage d'animaux ». Cette demande a été acceptée par l'INPI.
Le 2 juillet 2021, l'INPI a notifié à la société déposante un projet de décision maintenant son objection à la suite duquel la déposante a présenté des observations.
Par décision du 7 juin 2023, l'INPI a partiellement rejeté la demande d'enregistrement :
- (article 1) rejeté la demande pour les produits et services suivants : 'Produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; engrais pour les terres ; Produits agricoles, horticoles et forestiers ni préparés ni transformés ; fruits et légumes frais ; semences (graines), plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ;
gazon naturel ; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes; plants ; arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages ; Services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ; jardinage ; services de jardinier-paysagiste'.
-(article 2) enregistré la marque pour les produits modifiés suivants : 'animaux vivants, crustacés vivants, appâts vivants pour la pêche ; tous ces produits sont issus d'une production biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus', ainsi que pour le reste de la demande Par déclaration enregistrée au greffe le 4 juillet 2023, la SAS Agriver a formé un recours contre la décision rendue par l'INPI, contestant le rejet partiel d'enregistrement (article 1).
La Sas Agriver, par dernières conclusions déposées le 22 septembre 2023, la société requérante demande à la cour de :
- annuler la décision du Directeur général de l'INPI du 7 juin 2023 concernant la demande d'enregistrement de marque référencée 4124349 en ce qu'elle a décidé :
* « Article un : La demande d'enregistrement est rejetée pour les produits et services suivants : Produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; engrais pour les terres ; Produits agricoles, horticoles et forestiers ni préparés ni transformés ; fruits et légumes frais ; semences (graines), plantes et fleurs naturelles; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes ; plants ; arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages; Services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ; jardinage ; services de jardinier paysagiste »
- ordonner la notification du présent arrêt par le Greffe conformément aux dispositions de l'article R. 411-42 du Code de la propriété intellectuelle.
Le directeur général de l'INPI, par courrier transmis au greffe le 13 mai 2024, a présenté ses observations faisant valoir que les éléments BIO et FLORE du signe BIOFLORE apparaissent dénués de toute distinctivité au regard des produits en cause, l'élément FLORE étant susceptible de désigner la nature même de certains des produits visés ou leur objet et l'élément BIO suggérant que l'ensemble de ces produits et services sont issus ou respectueux d'une production biologique. L'INPI considère que le terme BIOFLORE conserve la signification première et usuelle qui découle de la somme des éléments qui le composent et rappelle que la requérante ne peut tirer argument de l'acceptation, par le passé, de marques prétendument comparables à la sienne. En outre, l'emploi du terme BIO contreviendrait à la législation en vigueur au jour du dépôt suggérant que les produits ou services ont été obtenus selon des règles de production biologique alors que ce n'est pas le cas, l'INPI observant que le libellé tel que visé au dépôt ne permet pas de garantir que la marque ne serait pas de nature à tromper le public sur la nature biologique des produits et services, alors qu'il appartenait à la déposante de mentionner dans son libellé que les produits sont issus d'une production biologique afin de respecter la réglementation.
Le 7 juin 2024, le ministère public a indiqué s'en rapporter.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 2 juillet 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Agriver conclut à la nullité de la décision entreprise pour être insuffisamment motivée en droit et en fait et conteste le bien-fondé de la décision du Directeur de l'INPI qui a refusé l'enregistrement de la marque BIOFLORE au motif d'une absence de distinctivité et du caractère descriptif du signe pour désigner les produits ou services suivants :
Produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; engrais pour les terres ; produits agricoles, Page 6 / 10 8 octobre 2024 horticoles et forestiers ni préparés ni transformés ; fruits et légumes frais ; semences (graines), plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes ; plants ;
arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages ; services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ;
jardinage ; services de jardinier-paysagiste ainsi qu'en raison du caractère trompeur du signe BIO.
Sur l'exigence de motivation de la décision du Directeur de l'INPI :
La société Agriver poursuit la nullité de la décision du directeur de l'INPI pour insuffisance de motivation en fait et en droit, valant absence de motivation.
Il résulte cependant de la décision entreprise que celle-ci vise expressément les articles du code de la propriété intellectuelle et notamment les articles L 711-1 à L 711-3.
La société Agriver reproche au directeur de l'INPI de n'avoir pas précisé quelle version des articles L 711-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle était applicable à l'espèce, à savoir celle antérieure à l'ordonnance du 13 novembre 2019 dès lors que si la décision est intervenue postérieurement à son entrée en vigueur, la demande d'enregistrement lui était antérieure, mais force est d'observer que la décision entreprise vise expressément la décision du directeur de l'INPI du 22 juin 2014, de même que la date du dépôt de la demande d'enregistrement le 9 octobre 2014 ainsi que la décision provisoire du 6 janvier 2015 dont elle constitue la suite et selon laquelle 'la demande d'enregistrement était susceptible de tomber sous les coup des articles L 711-1, L 711-2 b), et L 711-3 c du code de la propriété intellectuelle'.
Or, cette objection provisoire faisait nécessairement référence aux textes applicables au jour de sa notification en 2015, soit dans leur version résultant de la loi du 1er juillet 1992. En tout état de cause, la décision déférée, en son chapitre II 'Décision' (page 2), fait expressément référence au 'droit applicable en vigueur au jour du dépôt' et cite in extenso les articles L 711-1, L 711-2 b), et L 711-3 c dans leur version applicable à cette date.
La décision entreprise fait ainsi suffisamment référence au droit applicable à l'espèce, soit à la date du dépôt de la demande, ce dont il n'a pu résulter aucune méprise pour la société Agriver.
Il apparaît par ailleurs que la décision est motivée en fait en ce sens qu'elle détaille en quoi le signe en litige serait insuffisamment distinctif et trop descriptif pour désigner les produits et services visés par la décision de rejet et en quoi le signe BIO serait trompeur, l'appréciation de l'inefficacité de la motivation ou son caractère contradictoire ou insuffisant mis en avant par l'appelant relevant de l'examen du fond du droit.
Aucune nullité de la décision déférée n'est en conséquence encourue et il revient à la cour de se prononcer sur le bien-fondé de la décision déférée.
Sur le fond :
Selon l'article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version résultant de la loi 92 -597 du 1er juillet 1992, applicable au présent litige, est nul l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L711-1 à L 711-4.
L'article L 711-1 dans la même version applicable au litige, définit la marque de commerce, de fabrique ou de service comme un signe susceptible de représentation graphique qui sert à distinguer les produits ou services d'une personne morale ou physique et l'article L 711-2 prévoit que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie au regard des produits ou services désignés et que sont dépourvus d'un tel caractère les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou service concerné comme l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service.
Il est ainsi admis qu'un signe ne revêt un caractère distinctif que s'il présente un caractère suffisamment arbitraire au regard des produits ou services désignés, de sorte qu'il préserve la libre concurrence et interdit que des termes indispensables à l'activité d'un concurrent puissent être susceptibles d'appropriation et qu'il permette au consommateur de distinguer l'origine du produit ou service concerné de ceux provenant d'entreprises concurrentes.
Il s'ensuit qu'un signe purement descriptif au regard des qualités du produit ne saurait avoir valeur distinctive et être enregistré à titre de marque.
Le caractère descriptif comme l'absence de distinctivité sont appréciés au jour du dépôt, en regard des produits et services désignés et du public auquel ils sont destinés. Les produits et services visés par l'enregistrement étant en l'occurrence un public non spécialisé, la distinctivité du signe doit être ici appréciée aux yeux de consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs ou avisés.
Enfin, ces caractères sont appréciés au regard du signe pris dans son ensemble et à la fois dans les différentes composantes et lorsque l'association de composantes descriptives est susceptible de constituer un néologisme, il ne s'évince un caractère distinctif de l'ensemble que lorsque cette combinaison crée au regard du public pertinent une impression suffisamment éloignée de celle produite par la réunion des indications qui le composent.
Or, c'est de manière pertinente que la décision entreprise retient que le terme BIO, couramment utilisé pour désigner des produits utilisés ou issus d'une agriculture respectant des normes de productions biologiques et FLORE, pour désigner des espèces végétales, ne présentent aucune distinctivité étant purement descriptifs pour désigner les produits suivants : Produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; engrais pour les terres ; Produits agricoles, horticoles et forestiers ni préparés, ni transformés ; fruits et légumes frais ; semences (graines), plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes ;
plants ; arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages ; Services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ;
jardinage ; services de jardinier-paysagiste.
Il apparaît ainsi que le signe BIOFLORE pour désigner les dits produits et services ne fait qu'en décrire les caractéristiques soit la qualité (matière végétale), l'environnement et la destination (agriculture, sylviculture, horticulture) mais ne permet nullement au public pertinent de distinguer les produits de la société Agriver de ceux émanant de toute autre entreprise oeuvrant dans des produits ou services similaires.
Quant à l'association des deux composantes qui sont en elles-mêmes parfaitement descriptives et courantes en matière d'agriculture, horticulture, de sylviculture, d'alimentation ou de jardinage, elle n'ajoute aucun caractère nouveau ou aléatoire à la perception d'ensemble du signe par un public raisonnablement attentif pour désigner les dits produits, peu important le fait que des combinaisons comparables de composantes aient été le cas échéant acceptées par le passé comme marque, ce qui ne ferait au contraire que confirmer le peu de distinctivité du signe, alors qu'au demeurant, il n'est pas établi que ces signes aient été enregistrés pour désigner des produits et services similaires.
Le signe BIOFLORE, pour absence de distinctivité comme étant trop descriptif, ne saurait en conséquence être enregistré à titre de marque pour désigner les produits ou services litigieux.
Il convient en conséquence, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le caractère trompeur de l'emploi du signe BIO contesté par la société Agriver, de rejeter le recours formé contre la décision du directeur de l'Inpi du 7 juin 2023, en son article 1, en ce qu'elle a rejeté la demande d'enregistrement du signe BIOFLORE pour désigner les produits et services suivants :
- 'Produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; engrais pour les terres; Produits agricoles, horticoles et forestiers ni préparés ni transformés ; fruits et légumes frais ; semences (graines), plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes; plants ; arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages ; Services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ;
jardinage ; services de jardinier-paysagiste'.
Enfin, la cour statue en la matière sans dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rejette l'exception de nullité de la décision du directeur de l'INPI du 7 juin 2023;
Au fond:
Rejette le recours formé par la SAS Agriver contre la décision du directeur de l'INPI du 7 juin 2023, l'INPI, article 1, en ce qu'elle a rejeté la demande d'enregistrement du signe BIOFLORE pour désigner les produits et services suivants :
'Produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; engrais pour les terres ; Produits agricoles, horticoles et forestiers ni préparés ni transformés ; fruits et légumes frais ; semences (graines), plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes; plants ; arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages ; Services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ;
jardinage ; services de jardinier-paysagiste'.
Statue sans dépens.