CA Nîmes, 1re ch. civ., 10 octobre 2024, n° 22/03444
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
V V Groupe Immobilier du Sud (SARL), Safer Occitanie (SA), Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Defarge
Conseillers :
Mme Gentilini, Mme Grosclaude
Avocats :
Me Floutier, Me Bigonnet, Me Menard-Chaze, Me Divisia, Me Gauthier, Me Jonquet, Me Piton, Me Gouin
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte authentique reçu le 8 octobre 2016 par Me [F], notaire, en présence de Me [E], notaire et en présence de la SAFER Occitanie , la Sci [I] [Localité 28] a acquis de M. [G] [W] après négociations par la Sarl VV Groupe Immobilier du Sud :
- un bâtiment avec trois logements, deux locaux non aménagés et diverses parcelles de terre à [Localité 27],
- une parcelle à [Localité 29],
- diverses parcelles à [Localité 33],
- une maison avec piscine, des bâtiments agricoles, un hangar agricole et diverses parcelles à [Localité 32], au prix de 863 345 euros, financé par un prêt professionnel souscrit auprès de la CRCAM du Languedoc.
Par acte authentique reçu le même jour dans les mêmes conditions, la Scea La Ferme de [Localité 28] a acquis de M. [W] sa 'clientèle agricole' au prix de 140 000 euros également financé par un prêt professionnel souscrit auprès de la même banque.
Enfin par acte authentique reçu le 27 octobre 2016 reçu dans les mêmes conditions, M. [D] [I] a après négociations par la société VV Groupe Immobilier du Sud, acquis de M. [W] une maison d'habitation avec terrain attenant à [Localité 32] au prix de 400 000 euros également financé en partie par un prêt consenti par la CRCAM du Languedoc.
Par actes d'huissier des 15 et 28 novembre 2019, la Sci [I] [Localité 28], la Scea La Ferme de [Localité 28] et M. [D] [I] ont fait assigner M. [W], la société VV Groupe Immobilier du Sud, Me [U] [F], Me [C] [E], la SAFER Occitanie et la CRCAM du Languedoc pour les voir condamner solidairement à leur payer les sommes de :
- 167 450 euros au titre des pertes locatives
- 110 000 euros au titre de la perte de valeur des gîtes
- 16 153,30 euros au titre des honoraires du notaire
- 82 000 euros au titre de la commission de l'agence immobilière
Exposé du litige
- 62 380 euros au titre de la prestation de la SAFER
- 500 euros au titre de la prestation [Z]
soit un total de 438 483,30 euros à la Sci [I] [Localité 28]
- 11 693,33 euros au titre du coût des licenciements
- 140 000 euros au titre du prix de cession de la clientèle
- 197 384,60 euros au titre du prix de cession du cheptel
- 40 000 euros au titre du tracteur et de la bétaillère
- 9 800 euros au titre des frais de notaire
soit un total de 398 878,04 euros à la Scea La Ferme de [Localité 28]
- 34 608 euros au titre de la prestation de la SAFER
- 6 661,28 euros au titre des honoraires du notaire
- 21 741,60 euros au titre des malfaçons de la piscine
- 20 000 euros au titre de son préjudice moral
- 31 242,85 euros au titre de la perte de valeur de la maison
soit un total de 114 253,73 euros à M. [D] [I].
devant le tribunal judiciaire d'Alès qui par jugement du 30 août 2022 :
- a rejeté leurs demandes,
- les a condamnés in solidum à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros à chacun des défendeurs,
- a rejeté leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- les a condamnés in solidum aux entiers dépens de l'instance
- a autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Michel Coulomb, avocat, à recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
M. [D] [I], la Sci [I] [Localité 28] et la SCEA La Ferme de [Localité 28] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 octobre 2022 et au terme de leurs conclusions régulièrement notifiées le 9 juin 2023 ils demandent à la cour :
- de recevoir leur appel,
- de réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- de condamner in solidum M. [G] [W], la Sarl VV Groupe (Immobilier Sud), M. [U] [F], Mme [C] [E], la Sa SAFER Occitanie, et la CRCAM du Languedoc à payer à titre de dommages-intérêts
- à la Sci [I] [Localité 28]
Pertes locatives : 251 450,00 euros
Pertes de valeur des gîtes 110 000,00 euros
Honoraires notaire : 16 153,30 euros
Commission agence: 90 000,00 euros
Prestation SAFER: 62 380,00 euros
Prestation [Z]: 500,00 euros
--------------------------------
TOTAL 530 483,30 euros
- à la Scea La Ferme de [Localité 28]
Coût des licenciements : 11 693,44 euros
Cession et perte de clientèle : 140 000,00 euros
Cession et perte du cheptel : 197 384,60 euros
Tracteur et bétaillère : 40 000,00 euros
Honoraires notaire : 9 800,00 euros
--------------------------------
TOTAL 398 878,04 euros
- à M. [D] [I]
Prestation SAFER : 34 608,00 euros
Honoraires notaire : 6 661,28 euros
Malfaçons piscine : 21 741,60 euros
Préjudice moral : 20 000,00 euros
Perte valeur maison : 31 242,85 euros
--------------------------------
TOTAL 114 253,73 euros
TOTAL GÉNÉRAL : 1 043 615,07 euros
- de condamner in solidum les intimés au paiement de la somme de 1 043 615,07 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- de les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- de les condamner in solidum au paiement de la somme de 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Au terme de ses conclusions régulièrement notifiées le 20 avril 2023 M. [G] [W] demande à la cour :
- de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
Sur le fond
- de confirmer purement et simplement le jugement querellé,
- de condamner les appelants à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme de ses conclusions régulièrement notifiées le 29 mars 2023 la société VV Groupe Immobilier du Sud demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant
- de débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- de les condamner solidairement au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens exposés en cause d'appel,
- de les condamner aux entiers dépens.
Au terme de ses conclusions régulièrement notifiées le 10 mars 2023 la CRCAM du Languedoc demande à la cour
- de juger que les appelants sont des emprunteurs avertis non éligibles au devoir de mise en garde a fortiori pour cause de prêts ne générant en eux-mêmes aucun risque anormal d'endettement, et ne rapportent pas la preuve d'un dol ni d'une faute quelconque de sa part, ni d'un préjudice indemnisable par la banque, c'est à dire une perte de chance de ne pas avoir emprunté, ni d'un lien de causalité
En conséquence
- de les débouter de tous leurs appels, demandes, fins et conclusions à son encontre,
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme de ses conclusions régulièrement notifiées le 21 avril 2023 la SAFER Occitanie demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter les appelants de leur appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
- de les condamner solidairement à lui payer les sommes de
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- 8 000 euros à titre d'amende civile,
- 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance
- de les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au terme de ses conclusions régulièrement notifiées le 20 octobre 2023 Me [C] [E] demande à la cour :
- de déclarer les appelants irrecevables en leurs appel et demandes nouvelles dirigées contre elle,
- de les déclarer infondés en leur appel,
- de confirmer en tous points le jugement,
- de les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- de juger qu'elle n'a commis aucune faute en lien de causalité avec un préjudice que l'un ou l'autre pourrait avoir subi,
Y ajoutant
- de condamner solidairement les appelants à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi lié à l'abus du droit d'ester en justice et d'interjeter appel,
- de les condamner solidairement à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Me Michel Coulomb, avocat aux offres de droits.
Au terme de ses conclusions régulièrement notifiées le 29 août 2023 Me [U] [F] demande à la cour :
- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Alès en date du 30 août 2022,
Subsidiairement,
- de débouter les sociétés Sci [I] [Localité 28], Scea La Ferme de [Localité 28] et M. [D] [I] de leur action infondée,
Très subsidiairement
- de les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre le notaire concluant en l'absence de cumul des 3 critères de responsabilité
En tout état de cause
- de les condamner solidairement à payer au concluant la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner solidairement aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcé le 11 mars 2024 à effet différé au 30 août 2024 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 3 septembre 2024.
Motivation
MOTIVATION
*sur le dol allégué
Pour débouter les demandeurs de leurs demandes à ce titre le tribunal a jugé qu'ils ne démontraient pas comment le vendeur aurait usé de manoeuvres frauduleuses pour les tromper sur la valeur des biens vendus, étant rappelé que vendre un bien immobilier au dessus de sa valeur, pour autant que la preuve en soit rapportée n'est pas en soi(t) une manoeuvre dolosive, tout un chacun étant en droit de vendre ses biens à la valeur qui lui convient dans la mesure où le prix en est accepté par un tiers ; que M. [I], professionnel averti était resté plusieurs mois à ses côtés au sein de l'exploitation, avait pris connaissance des trois derniers bilans comptables, été dûment averti par le notaire des difficultés administratives affectant la modification des constructions, lui donnant parfaite connaissance du bien vendu ; qu'enfin la problématique de la perception des loyers après transfert de propriété des gîtes ne démontrait pas davantage l'existence d'un dol.
Les appelants soutiennent que l'ensemble des acteurs aux ventes ont eu une attitude convergente, qu'ils qualifient de
'machination', pour les inciter à signer en omettant leurs obligations d'information de sincérité et de conseil à leur égard.
Ils excipent à l'égard du vendeur M. [W] d'un dol caractérisé
- par la production d'un compte d'exploitation prévisionnel établi par la CRCAM d'où s'évinçait un chiffre d'affaires annuel fantaisiste pour les années 2016 à 2018 et d'un bilan comptable 2015 contenant des anomalies relatives notamment à l'autorisation d'exercer l'activité d'élevage et d'abattage de poulets,
- par la dissimulation d'un refus de permis de construire de régularisation concernant la piscine de la maison de [Localité 32] et les cinq gîtes ruraux de [Localité 27],
- par la mention d'une superficie erronée pour la maison d'habitation (258,13 m² au lieu de 280m²),
- par la scission du fonds de commerce en trois,
- par la non délivrance du certificat d'immatriculation des véhicules cédés, et par les malfaçons affectant la piscine.
Le vendeur soutient que les appelants ne rapportent la preuve d'aucun dol qui lui soit imputable.
Aux termes de l'article 1137 du code civil dans sa version en vigueur du 01 octobre 2016 au 01 octobre 2018 ici applicable, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Il incombe à l'acquéreur qui excipe d'un dol de rapporter la preuve des manoeuvres, mensonges ou dissimulation intentionnelle d'une information imputables au vendeur et déterminants de son consentement.
**ventes [W]/Sci [I] [Localité 28] et [W]/Scea [I] [Localité 28]
Selon acte n°400 du 8 octobre 2016 reçu à Barjac (30) par Me [U] [F] avec la participation de Me [C] [E], assistant l'acquéreur, M. [G] [W] a vendu à la Sci [I] [Localité 28] :
- Immeuble article un : à [Localité 27] (30) un bâtiment avec trois logements actuellement loués pour partie à usage d'habitation et deux locaux non aménagés et diverses parcelles de terre,
- Immeuble article deux : à [Localité 29] ( 30) [Adresse 24] une parcelle,
-Immeuble article trois : à [Localité 33] (30) [Adresse 25], diverses parcelles,
- Immeuble article quatre : à [Localité 32] (30) : une maison avec piscine (AK346), des bâtiments agricoles et diverses parcelles,
- Immeuble article cinq : à [Localité 32] (30) [Adresse 3], un hangar agricole équipé de panneaux photovoltaïques et 5 lots en volume avec le droit d'y réaliser toute construction et aménagement comprenant la toiture, dalle, complexe étanche, revêtement supérieur et de manière générale tout ouvrage situé au-dessus des fermes, poutres, poutrelles et ossatures du toit, les lots volumes 3 et 5 étant grevés d'un bail emphytéotique au profit de la Snc Société d'exploitation photovoltaïque du Midi, biens sur certains desquels la SAFER Languedoc Roussillon, intervenante à l'acte, a indiqué renoncé à toute charge, inscription, pacte de préférence, délaissement ou cahier des charges, au prix de 863 345 euros réparti de la manière suivante :
- maison d'habitation à [Localité 32] sur la parcelle AK [Cadastre 7] : 75 000 euros
- bâtiment avec trois logements et deux locaux à [Localité 27] : 150 000 euros
- bâtiments agricoles à [Localité 32] : 94 345 euros
- l'ensemble des terres : 544 000 euros financé par un contrat de prêt non concerné par les dispositions de l'article L313-1 du code de la consommation d'un montant principal de 373 000 euros souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc, intervenante à l'acte.
Il est précisé à l'acte qu'en conformité avec les dispositions de l'article L141-1 du code rural et de l'article 1028 ter-II du CGI la SAFER s'est substituée l'acquéreur, qui accepte, pour l'acquisition du bien à [Localité 32] d'une superficie de 1ca53 ca au prix principal de 400 000 euros, moyennant une rémunération de cette prestation de 74 856 euros TTC et (p34) que sa participation dans cette opération engage sa responsabilité en qualité de vendeur professionnel, et que tant le vendeur que l'acquéreur interviennent en tant que professionnels de l'agriculture.
Il y est enfin précisé (p52) que ses termes, prix et conditions ont été négociés par VV Groupe titulaire d'un mandat, et qu'en conséquence l'acquéreur qui en a seul la charge doit à l'agence une rémunération de 90 000 euros TTC.
Selon acte n°300 intitulé (cession clientèle agricole) reçu également le 8 octobre 2016 dans les mêmes conditions M. [G] [W] a vendu à la Scea La Ferme de [Localité 28] 'la clientèle agricole qu'il exploite sur les communes de [Localité 32], [Localité 27], [Localité 33] et [Localité 29] (Gard), (...), la cession éventuelle de matériel ou de stock étant exclue du présent acte, tel que la clientèle se poursuite et comporte dans son état actuel avec toutes ses aisances et dépendances sans exception ni réserve' au prix de 140 000 euros payé comptant s'appliquant entièrement aux éléments incorporels.
Il est précisé à l'acte (p6) que le cessionnaire déclare s'être par ses investigations personnelles informé et rendu compte des potentialités du fonds vendu, et reconnaît avoir visé et paraphé les livres de comptabilité se référant aux trois derniers exercices et être en possession d'un exemplaire de l'inventaire de ces livres établi et signé par les parties, le cédant s'engageant de son côte à tenir à sa disposition ses livres de comptabilité pendant un délai de trois années à compter de son entrée en jouissance.
Il y est enfin précisé que la présence cession étant conclue concomitamment à la vente des biens immobiliers, la rémunération de VV Groupe Immobilier du Sud et de la SAFER est réglée dans l'acte de vente de ces biens.
La Sci [I] [Localité 28] qui admet que le dol ne peut porter sur la valeur de la prestation due, soutient qu'il peut conduire à l'annulation d'un contrat pour vice du consentement lorsque le cocontractant a été dupé sur les éléments participant de la détermination de cette valeur.
Elle soutient tout d'abord à cet égard que la base sur laquelle elle s'est appuyée pour financer ses acquisitions et se décider à acquérir est un compte d'exploitation prévisionnel établi par la CRCAM d'où résultait pour les années 2016, 2017 (et 2018) un chiffre d'affaires de respectivement 499 600, 531 300 et (5)40 982 euros générant un bénéfice de 61 027, 79 473 et 83 149 euros, et que 'ce compte, qui n'émane pas d'un professionnel tel un expert-comptable est hautement fantaisiste ainsi que la suite l'a prouvé'.
Toutefois le document produit, intitulé 'dossier prévisionnel Juillet 2016-Juin 2019 [I] [D] Earl édité le 13/05/2016' ne mentionne pas l'identité de son auteur, et quoi qu'il en soit pas celle de la CRCAM, qui prétend qu'il lui a été remis par l'appelant lui-même, et comporte les mentions suivantes :
'Autres informations : Le prévisionnel a été établi en fonction des éléments fournis par le client (...) Les simulations qui suivent reposent sur des hypothèses commerciales et de structure fournies par le porteur du projet. Toute projection reste, par nature, tributaire des aléas (sic) du marché et des facteurs économiques qui ne peuvent être modélisés dans le cadre des présentes. Les hypothèses et données financières contenues dans les comptes prévisionnels ci-après, nous ont été remises par (le) responsable de [I] [D] Earl'.
Ainsi, même si ce document a été réalisé par la CRCAM, ce qui n'est pas démontré, sa réalisation et sa remise ne peuvent constituer des manoeuvres ou mensonges susceptibles d'avoir déterminé la Sci [I] [Localité 28] à consentir à l'acte de vente du 8 octobre 2016.
L'appelante soutient ensuite que le vendeur ne lui a jamais fourni son dernier bilan comptable comme cela lui a été demandé à plusieurs reprises, et que le bilan 2015 contient des anomalies relatives à la déclaration par l'acquéreur de son activité d'élevage et d'abattage de poulets.
La première allégation est démentie par les mentions ci-dessus rappelées de l'acte authentique faisant foi jusqu'à inscription de faux.
Le bilan 2015 de l'exploitation de M. [G] [W] produit par les appelantes (pièce 15) comporte les éléments suivants relatifs à l'activité d'élevage et abattage d'animaux :
exercice N
31/12/2015
exercice N-1
31/12/2014
écart N/N-1
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euros
%
Détail Bilan Actif :
Matières premières approvisionnements
32100000 Animaux (cycle court)
80 751
79 318
1 433
1,81
Détail soldes intermédiaires de gestion ventes de marchandises + production
Production vendue
70210000 vente pdts origine animaux 5.5
235 348
% CA
89,91
244 002
% CA
91,14
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8655-
3,55-
Détail compte de résultat
Total des produits d'exploitation
Autre achats et charges externes
6010000 Achats d'animaux
63 262
43 697
19 565
44.78
L'appelante ne démontrent pas par la seule production d'un document intitulé 'bêtes abattues' ( pièce 16) comportant pour les années 2015 à 2017 et janvier 2018 des tableaux censés récapituler le nombre d'animaux (vache, veaux, cochons, agneaux, brebis et volailles) abattus par mois, ni d'une part que cette activité d'abattage n'a pas été déclarée, ni la prétendue fausseté du bilan produit y relatif.
Elle soutient que les travaux de modification et d'extension de l'immeuble d'habitation de 75m² édifié sur la parcelle cadastrée AK [Cadastre 7] et [Cadastre 8] ont été réalisés illégalement et la maison louée dans l'illégalité également.
Le vendeur soutient que l'acte mentionne au § Existence des travaux tous les travaux et permis obtenus avec leur conformité, et que les déclarations d'achèvement des travaux d'extension et de création d'un auvent avaient été déposées.
L'acte n° 400 comprend à cet égard les mentions suivantes :
- page 39
'4°) En ce qui concerne les immeubles situés à [Localité 32], la notaire soussigné a demandé des notes d'information relatives à l'urbanisme et à l'environnement à A.T.G.T.S.M. géomètre expert à [Localité 21] [Adresse 10], qui a répondu le 5 juillet 2016. L'intégralité de ces notes, qui sont demeurées ci-jointes et annexées après mention, a été portée à la connaissance des parties qui le reconnaissent.
L'acquéreur reconnaît avoir connaissance tant par la lecture qui lui en a été faite que les explications données. Il s'oblige à faire son exécution personnelle de l'exécution des charges et prescriptions, du respect des servitudes publiques et autres limitations administratives au droit de propriété mentionnées sur les documents sus-visés sans recours contre le vendeur qu'il décharge de toutes garanties à cet égard, même en ce qui concerne les modifications qui ont pu intervenir depuis la date de délivrance des documents', - p 40
'Dispositions relatives à la construction concernant l'ensemble des immeubles :
Existence de travaux
Le vendeur déclare que les travaux suivants ont été effectués :
- l'édification d'un bâtiment à usage agricole à [Localité 32] en 2005
- la construction d'un abri voiture en 2006
- l'extension d'un bâtiment agricole en 2007
- la construction d'un hangar agricole en 2007
- l'extension d'un bâtiment agricole en 2010
- la création d'un auvent en extension d'une bergerie en 2011
- la création d'un auvent et le prolongement d'un bâtiment agricole en 2013.(...)
Ces travaux ont fait l'objet des autorisations d'urbanisme suivantes :
- la construction du bâtiment agricole d'un permis de construire délivré le 13 octobre 2005 et certificat de conformité le 22 février 2006
- la construction de l'abri voiture d'une déclaration de travaux déposée le 17 juillet 2006
- l'extension du bâtiment agricole en 2007 d'un permis de construire délivré le 15 janvier 2007 et certificat de conformité du 21 avril 2011
- la construction d'un hangar en 2007 d'un permis de construire du 23 octobre 2007 et certificat de conformité du 21 avril 2011
- l'extension d'un bâtiment agricole en 2010 d'un permis de construire le 11 mars 2010 et déclaration d'achèvement et de conformité le 17 juin 2010, la mairie ayant confirmé sa non-opposition
- la création d'un auvent en 2011 d'un permis de construire le 7 avril 2011 et d'une déclaration d'achèvement et de conformité du 26 août 2016 (pour un achèvement en date du 25 mai 2011)
- la création d'un auvent et l'extension d'un bâtiment en 2013 d'un permis de construire le 12 avril 2013 et d'une déclaration d'achèvement et de conformité du 26 août 2016 ( pour un achèvement en date du 1er juin 2013).Pour les deux dernières opérations le vendeur déclare qu'il n'a pas reçu d'opposition de la part de la mairie mais que celle-ci n'a pas délivré de certificat de non opposition.
Le vendeur déclare qu'il n'a pas demandé de permis de construire, d'autorisation ou de changement de destination pour le bien situé à [Localité 27].
L'acquéreur déclare avoir été averti de cette situation et en faire son affaire personnelle ( suivent les signatures du vendeur et de l'acquéreur)
Absence de certification de la conformité
En ce qui concerne les deux dernières opérations, les travaux n'ont pas fait l'objet de la délivrance ni d'un certificat de conformité ni d'une attestation de la mairie certifiant que la conformité des travaux avec le permis n'a pas été contestée, ainsi que le propriétaire le déclare (....) Les parties sont averties des sanctions ci-après résultant de l'absence de certificat de conformité ou de la déclaration d'achèvement et de conformité, dans la mesure où les travaux effectués ne sont pas conformes aux prescriptions contenues dans le permis de construire : (...).'
Ainsi l'appelante ne démontrent pas que l'existence de travaux en cours de déclaration lui a été celée, et, à supposer que ce fait ait été déterminant de son consentement à l'acquisition de la maison de [Localité 28], a renoncé à l'acte à s'en prévaloir.
Elle prétend ensuite que constitue non seulement un dol, mais également une escroquerie, 'dont M. [I] ne manquera pas de se prévaloir', le fait que la réalisation de 5 gîtes ruraux sur un terrain de 620 m² à [Localité 27] a été réalisé en l'absence de permis de construire, les immeubles se situant en zone inondable et inconstructible, et que ces gîtes ont été loués illégalement.
Mais alors que son représentant a pris connaissance et signé les mentions ci-dessus reproduites, elle ne peut se prévaloir d'aucun dol s'agissant des conditions dans lesquelles les bâtiments abritant les gîtes ont été construits, et par conséquence d'aucune perte locative de la maison de [Localité 28] ni de perte de valeur ou perte locative concernant ces gîtes.
La Scea [I] [Localité 28] excipe ensuite de la scission du fonds de commerce de M. [W] en une cession de clientèle, une cession de cheptel et une cession de matériel agricole pour soutenir que son consentement a été vicié en l'absence de fourniture des trois derniers bilans et en l'absence de précision d'un quelconque chiffre d'affaires à l'acte de cession de clientèle du 8 octobre 2016.
Toutefois, a été rappelée ci-dessus la mention figurant à l'acte relative au fait que l'acheteur a attesté avoir pu prendre connaissance de ces trois derniers bilans comportant nécessairement mention des chiffres d'affaires des années concernées, à l'instar du chiffre d'affaires des années 2014 et 2015 figurant au bilan produit.
Elle soutient sans le démontrer avoir acquis séparément 'en septembre 2016' de M. [W] un tracteur New Holland T 5070 et une bétaillère dont elle ne serait pas en possession des certificats d'immatriculation, ainsi que, à une date non précisée, le cheptel qui aurait du être abattu sans pouvoir être renouvelé.
*vente [W]/[I]
M. [D] [I] soutient subir un préjudice du fait qu'alors que la maison d'habitation qu'il a acquise à titre personnel a été mentionnée au mandat de l'agence VV Groupe Immobilier du Sud à 280 m² elle n'a en réalité qu'une surface de 258,13 m².
Mais ce fait ne peut constituer la preuve d'un dol imputable au vendeur, alors que l'acte de vente n° 434 du 27 octobre 2016 désigne le bien vendu de la manière suivante : 'Une maison à [Localité 32] (Gard) [Localité 32] [Adresse 3] comprenant
- une maison à usage d'habitation avec terrain attenant et piscine figurant à la matrice cadastrale sous les relations suivantes :
Section AK n° [Cadastre 15] lieudit [Adresse 23] pour 00ha01a09ca
Section AK n° [Cadastre 16] [Adresse 3] pour 00ha19a44ca
total surface: 99ha19a53ca
Un extrait de plan cadastral du bien est annexé.
Tel que le bien existe, se poursuit et comporte, avec toutes ses aisances, dépendances et immeubles par destination, servitudes et mitoyennetés, tous droits et facultés quelconques y attachées, sans exception ni réserve, autres que celles pouvant être le cas échéant relatées aux présentes'.
D'où il résulte que la superficie de la maison vendue n'étant pas entrée dans le champ contractuel entre le vendeur et l'acquéreur ne peut fonder aucune demande de celui-ci à l'encontre de celui-là sur le fondement du dol.
Au total, les appelants échouent à rapporter la preuve qui leur incombe d'un dol imputable au vendeur et le jugement sera confirmé sur ce point.
*responsabilité de la Sarl VV Groupe Immobilier du Sud
Pour débouter les demandeurs sur ce fondement le tribunal a jugé que M. [I] ne démontrait pas que la superficie de la maison achetée constituait un élément essentiel, ni que la Sarl VV Groupe immobilier avait pu avoir une connaissance particulière de désordres affectant les biens vendus, ou avait commis une faute dans la réalisation de son mandat.
Les appelants prétendent que la responsabilité de l'agence immobilière est engagée pour manquement à son obligation contractuelle d'information et de conseil à leur égard, qui lui imposait en particulier de veiller à la correcte désignation des éléments susceptibles d'influer sur leur consentement ; ils soutiennent que l'agence n'a pas vérifié au préalable les informations données relatives à l'état des bâtiments, leur superficie réelle, l'absence de permis de construire pour certains et le caractère inondable d'autres.
La Sarl VV Groupe Immobilier du Sud soutient que le mesurage d'un bien n'est requis par la loi Carrez qu'en ce qui concerne les lots de copropriété et que ni le mandat de recherche ni l'acte de vente ne mentionne la superficie de la maison acquise ; que l'appelant ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait eu une quelconque connaissance des désordres et situations mentionnées (absence permis construire, caractère inondable, véracité informations comptables et risques surendettement) et alors que l'acte de vente contient toutes les énonciations à ces égards.
Selon contrat n°319 signé le 7 mars 2016 M. [D] [I] demeurant [Adresse 22] [Localité 11] a donné à la Sarl Agence VV Groupe à [Localité 26] (34) un mandat exclusif de recherche avec démarchage portant sur l'exploitation agricole avec hangars, magasins, matériels, 2 maisons d'habitation avec piscines, et la moitié d'un mas en partie sur un terrain de 892 271 m² à [Localité 32] [Adresse 3], au prix maximum de 2 000 000 euros, hors frais et rémunération du mandataire.
Aux termes de ce mandat le mandataire s'est engagé à entreprendre toutes les démarches nécessaires et à mettre en oeuvre tous les moyens qu'il jugera utiles en vue de la réalisation de la mission qui lui est confiée, à rendre compte de l'exécution de celle-ci et d'informer le mandant de son accomplissement dans les huit jours par LRAR ou par tout autre écrit.
L'acte de vente n° 400 du 8 octobre 2016 comporte la mention 'Négociation : les parties reconnaissent que les termes, prix et conditions de la présente vente on été négociés par VVV Groupe titulaire d'un mandat. En conséquence, l'acquéreur qui en seul la charge au termes du mandat doit à l'agence une rémunération de 90 000 euros taxe sur la valeur ajoutée incluse. Cette rémunération est réglée par la comptabilité de l'office notarial susnommé'.
L'acte de vente n°399 du même jour comporte la mention
'Négociation : les parties reconnaissent que les termes, prix et conditions de la présente cession ont été négociées par VV Groupe Immobilier du Sud et la SAFER Languedoc-Roussillon. La présente cession est conclue concomitamment à la vente des biens immobiliers, ainsi qu'il a été dit en exposé. Les parties déclarent que la rémunération de VV Groupe et de la SAFER est réglée dans l'acte de vente des biens immobiliers reçue ce jour par Me [U] [F], notaire à [Localité 20]'.
L'acte de vente n° 434 du 27 octobre 2016 comporte la mention 'Négociation : les parties reconnaissent que les termes, prix et conditions de la présente vente ont été négociées par VV Groupe Immobilier du Sud et la SAFER Languedoc-Roussillon. La présente vente est conclue postérieurement à la vente de la propriété agricole qu'il a été dit plus haut. Les parties déclarent que la rémunération de VV Groupe a été réglée dans l'acte de vente de la propriété agricole reçue par Me [U] [F], notaire à [Localité 20]'.
La responsabilité invoquée ici, fondée sur l'existence entre M. [I] et la Sarl VV Groupe Immobilier du Sud d'un mandat de recherche est de nature contractuelle et requiert l'administration par le mandant de la preuve d'une faute commise par le mandataire dans l'exécution de ce mandat.
Aux termes des articles 1991 et 1992 du code civil le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.
Il est tenu de même d'achever la chose commencée au décès du mandant, s'il y a péril en la demeure.
Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire.
Le dol ici évoqué concerne la conclusion du contrat de mandat, qui n'est pas invoqué par les appelants.
Le mandat de recherche désignant l'ensemble des immeubles ensuite acquis de manière globale et sans mention d'aucune autre superficie que celle des terrains, la superficie de la maison d'habitation de [Localité 32] en particulier n'était pas entrée dans le champ contractuel et aucune faute imputable à l'agence ne peut résulter du mesurage de sa superficie Loi Carrez par l'acquéreur postérieurement au contrat de vente, qui ne la précise pas comme indiqué cidessus.
De même, ce mandat n'articule à l'égard du mandataire aucune obligation particulière relative à la désignation des immeubles objets du mandat, l'état des bâtiments, leur superficie réelle ou leur constructibilité.
Le jugement sera donc encore confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes à l'encontre de la Sarl VV Groupe Immobilier du Sud.
*responsabilité de la CRCAM du Languedoc
Pour débouter les demandeurs à ce titre, le tribunal a considéré qu'ils avaient la qualité d'emprunteurs avertis de sorte que la banque, qu'il a qualifiée de 'non professionnelle dans cette branche d'activité', n'était tenue d'aucune obligation d'information à l'égard de M. [I] ; qu'ils ne rapportaient pas la preuve que la banque soit à l'origine du prévisionnel et ne produisaient aucune pièce comptable sur leur activité postérieure à la vente de nature à démontrer que la banque leur aurait accordé un crédit inconsidéré qu'ils n'auraient pas été en capacité de rembourser.
Les appelants prétendent que la responsabilité de la CRCAM du Languedoc est engagée pour manquement à son obligation contractuelle d'information et de conseil à leur égard.
Ils soutiennent que la banque a nécessairement eu connaissance d'informations financières relatives à l'exploitation agricole de M. [W], de sorte que 'l'on peine à comprendre pourquoi elle n'aurait pas élaboré de prévisionnel pour vérifier la conformité du prêt proposé aux capacités financières de l'emprunteur' ; que, 's'il est certain qu'un établissement de crédit n'est pas tenu ipso jure à un devoir de conseil à l'égard d'un emprunteur, ce n'est qu'à la condition qu'il n'ait pas reçu d'informations lui permettant d'évaluer l'opportunité du risque client' ; que la banque a sciemment rejeté le bilan de M. [W] et refusé de lui consentir un prêt sur cette base de sorte que le compte-d'exploitation prévisionnel au vu duquel le crédit a été accordé n'a pu être rédigé que par elle et qu'ils n'ont donc pas pu bénéficier d'un prévisionnel objectif.
Ce faisant, ils abandonnent le moyen soutenu en première instance tiré de la violation par la banque de son devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt, qui suppose que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt.
La CRCAM du Languedoc prétend justement que M. [I], dirigeant tant de la Sci [I]-[Localité 28] que de la Scea La Ferme de [Localité 28] est un emprunteur particulièrement averti jouissant d'une expérience très importante dans l'activité agricole dans laquelle il a décidé d'investir ; qu'il a lui-même remis le dossier prévisionnel d'activité dont elle produit la V3 de juillet 2016 à juin 2019 dont elle conteste avoir été l'autrice et qui révélait quoi qu'il en soit que les financements accordés étaient en adéquation avec l'activité projetée.
En l'espèce la CRCAM du Languedoc a consenti
- le 1er septembre 2016 à la Scea La Ferme de [Localité 28] un prêt d'un montant de 166 000 euros destiné à l'acquisition d'un tracteur d'occasion, au taux de 1,85% l'an remboursable en 120 échéances et
- le 27 octobre 2016 à M. [D] [I], agriculteur demeurant à [Localité 31] un prêt d'un montant de 300 000 euros au taux d'intérêt de 1,95% l'an remboursable en 20 années par 239 mensualités constantes de 1 510,56 euros chacune et 1 mensualité de 1 509,53 euros à compter du 10 décembre 2016 pour financer l'acquisition d'un logement résidence principale [Adresse 3] à [Localité 32].
Selon les énonciations de l'acte n°400 du 8 octobre 2016 elle a également consenti à la Sci [I]-[Localité 28] un contrat de prêt non concerné par les dispositions de l'article L313-1 du code de la consommation d'un montant de 873 000 euros au TEG de 2,42% l'an remboursable en 240 mensualités (6 mensualités de 1 702,35 euros, 233 échéances de 4 650,03 euros et 1 échéance de 6 649,01 euros à compter du 2 novembre 2016).
Le caractère averti de l'emprunteur personne morale, s'apprécie en la personne de son représentant.
M. [I], emprunteur à titre personnel et en qualité de dirigeant des Sci et Scea [I]-[Localité 28] et La Ferme de [Localité 28] exerçait déjà la profession d'agriculteur dans la Meuse, et d'ailleurs le prêt principal de 873 000 euros lui a été consenti à titre professionnel et expressément en dehors du champ d'application du droit de la consommation.
La banque n'était donc tenue ni à son égard ni à l'égard des deux personnes morales qu'il a créées d'aucun devoir de mise en garde.
L'obligation d'information et de conseil de la banque ne porte que sur les capacités de remboursement de l'emprunteur par rapport au montant du prêt et non sur l'opportunité ou sur les risques de l'opération financée.
En l'espèce ni la Sci [I]-[Localité 28] ni la CRCAM ne produisent le contrat de prêt de 873 000 euros destiné à l'acquisition de l'exploitation agricole principale.
La Sci [I]-[Localité 28] ne produit aucun document comptable relatif à son activité postérieure à l'acquisition, ni à sa situation financière, à l'exception d'un mandat de vente sans exclusivité en cas de démarchage qu'elle a, concomitamment à la Scea La Ferme de [Localité 28] et M. [D] [I], confié le 22 mars 2018 à l'agence VV Groupe, portant sur
- une exploitation agricole sur 84 hectares avec 3600m² de bâtiment agricole, maison d'habitation de 280m² (sic), maison de 90 m² et un ancien mas
- le matériel (liste en annexe), panneaux solaires et les installations dans les bâtiments agricoles (liste en annexe) à [Localité 32] [Adresse 3] au prix estimé de 2 120 000 euros y compris la rémunération du mandataire de 120 000 euros.
Il a déjà été jugé qu'elle ne rapporte pas la preuve que la banque a été la rédactrice du 'dossier prévisionnel Juillet 2016-Juin 2019 [I] [D] Earl édité le 13/05/2016' n'est pas rapportée par les appelants.
Le jugement sera en conséquence encore confirmé en ce qu'il a écarté toute responsabilité de la CRCAM Languedoc Roussillon pour manquement à son obligation d'information et de conseil.
*responsabilité des notaires
Pour débouter les demandeurs à ce titre le tribunal a relevé qu'ils étaient assistés à la rédaction des actes par leur propre notaire de sorte que Me [F] le notaire instrumentaire n'était pas tenu à leur égard d'un devoir de conseil ; qu'ils ne reprochaient à leur propre notaire qu'un défaut d'information sur les incidences fiscales de la vente, qu'ils ne démontraient pas, et non un manquement à un tel devoir de conseil
Les appelants prétendent que la responsabilité des notaires est engagée sur le fondement délictuel.
**responsabilité de Me [F], notaire instrumentaire
Les appelants prétendent qu'à leur égard le devoir d'information et de conseil du notaire instrumentaire est inhérent à son statut d'officier ministériel ; que s'il ne lui incombe pas d'effectuer des vérifications matérielles pour s'assurer de la véracité des informations fournies par le vendeur sur la nature et les caractéristiques des constructions édifiées sur les terrains à vendre, il devait réaliser 'un minimum de vérifications' sur ces informations ; qu'en l'espèce il a manqué à cette obligation à leur égard
- du fait de l'inexactitude de la surface 'des bâtiments agricoles' mentionnée sur l'acte,
- du fait de l'absence de contrôle concernant la construction, l'agrandissement ou la modification des bâtiments dont le permis de construire a été annulé, ces bâtiments se trouvant en zone inondable et inconstructible.
Me [F] soutient que les actes authentiques mentionnent tous les renseignements que les appelants prétendent ne pas leur avoir été donnés ; que s'agissant de la cession de parcelles agricoles il n'était tenu à aucune obligation de verser un quelconque compte d'exploitation.
Il a déjà été jugé au titre du dol que l'acte authentique n° 400 du 8 octobre 2016 comportait toutes mentions utiles relatives à l'application des règles d'urbanisme aux parcelles et bâtiments vendus ; quant à la superficie de la maison de [Localité 32] (et non 'des bâtiments agricoles' ) il a déjà été jugé qu'elle n'est pas entrée dans le champ contractuel et la cour remarque par ailleurs que les appelants ont reporté la superficie de 280 m² critiquée au mandat de vente qu'ils ont signé en mars 2018 avec l'agence VV Groupe Immobilier du Sud.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté toute responsabilité délictuelle de Me [F].
**responsabilité de Me [E]
***recevabilité des demandes à son égard
Me [E] prétend que les demandes formées à son égard sur le fondement du dol et de la perte de chance sont irrecevables comme nouvelles et qu'il n'avait jamais été évoqué d'erreur de sa part en matière d'impôts ou de taxes dans cette affaire.
Cependant, pour débouter les demandeurs à ce titre le tribunal a noté qu'ils ne démontraient pas l'existence du préjudice d'origine fiscale qu'ils imputaient à leur notaire, sur le fondement d'un manquement à son obligation de conseil et de information à leur égard, et ils n'articulent pas de demande à son égard au titre du dol, qui ne peut être imputé qu'au vendeur.
Ces demandes sont donc ici recevables.
Les appelants soutiennent que leur notaire assistant, choisie pour les conseiller utilement et faire contre-poids à leurs interlocuteurs, dont ils supposent qu'ils avaient tous intérêt commun à ce que la propriété soit vendue, a manqué à son obligation d'information et de conseil à leur égard, s'agissant des incidences fiscales de la vente en ne les conseillant pas utilement sur la portée et les effets de leurs engagements, ainsi, à l'instar de l'agent immobilier, qu'en ne vérifiant pas au préalable les informations transmises par le vendeur relative à l'état des bâtiments, leur superficie réelle, l'absence de permis de construire pour certains, leur caractère inondable, la véracité des informations comptables et financières du vendeur et leur risque de surendettement.
Me [E] soutient que sa faute ne peut pas être la même que celle imputée à l'agent immobilier ; que les demandeurs ne démontrent aucune perte de chance de ne pas contracter et que la cession de clientèle agricole a été rendue nécessaire du fait de la disparition du fonds de commerce, le cheptel et le matériel ayant été vendus.
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le notaire n'est pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher.
Il incombe aux appelants de démontrer la faute de leur notaire en lien de causalité direct avec leur préjudice allégué.
Le préjudice allégué s'analyse ici, au vu des écritures des appelants, en une perte de chance de ne pas acquérir ou d'acquérir à de meilleurs conditions.
Les appelants n'expliquent pas sur quel fondement leur notaire pourrait être rendu responsable de leur risque de surendettement.
Surtout, comme relevé ci-dessus, les actes n°399, 400 et 434 reprennent précisément et expressément les caractéristiques des biens vendus, qu'il s'agisse de leur désignation, leur constructibilité ou leur situation par rapport aux règles d'urbanisme en vigueur.
Enfin, les appelants ne démontrent pas davantage qu'en première instance le caractère préjudiciable à leur égard des incidences fiscales des cessions réalisées.
Dès lors aucun manquement de Me [E] en lien de causalité direct avec le préjudice allégué n'est démontré et le jugement doit encore être confirmé sur ce point.
*responsabilité de la SAFER Occitanie
Pour débouter les demandeurs à ce titre, le tribunal a relevé qu'ils ne précisaient pas le fondement juridique de leur demande et ne démontraient aucune faute commise par la SAFER.
Les appelants prétendent que la responsabilité de la SAFER est engagée sur le fondement délictuel dès lors que, s'étant ici substituée à eux pour l'acquisition des biens, qu'elle leur a 'rétrocédés' moyennant rémunération, elle était tenue à leur égard à une obligation d'information ; qu'en leur présentant l'exploitation agricole comme rentable, exempte de tout vice, nonobstant l'absence de permis de construire, les mentions erronées de la superficie et la surévaluation du prix, elle a commis une faute qui engage sa responsabilité.
La SAFER prétend que M. [I] est un agriculteur particulièrement aguerri et expérimenté qui, avant l'acquisition litigieuse, a exploité pendant de nombreuses années une exploitation agricole particulièrement importante dans la Meuse ; que dans le cadre de la reprise de l'exploitation de M. [W] il a passé plusieurs mois au sein de cette exploitation, ce qui lui a permis d'en appréhender tous les aspects et d'apprécier les risques et la viabilité de son projet ; qu'elle n'avait pas l'obligation de procéder à des investigations comptables et de faire établir un compte d'exploitation prévisionnel différent de celui déjà établi ; que, s'agissant de l'extension sans permis de l'immeuble d'habitation de [Localité 32], elle disposait comme les appelants seulement des informations figurant à l'acte notarié ; que s'agissant des gîtes l'absence de permis de construire figurait à l'acte ; qu'elle n'était pas tenue de vérifier la superficie de la maison d'habitation ; que s'agissant de sa rémunération les appelants ne démontrent pas qu'elle aurait été injustifiée, en quoi elle n'aurait pas correctement exécuté sa mission ou en quoi elle ne correspondrait pas à la prestation servie.
Il résulte des trois actes de vente que celles-ci sont intervenues dans le cadre de l'article L.141-1 du code rural, selon lequel, dans sa version en vigueur du 15 octobre 2014 au 25 décembre 2021 ici applicable,
I.-Des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent être constituées pour remplir les missions suivantes :
1° Elles oeuvrent prioritairement à la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers. Leurs interventions visent à favoriser l'installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ainsi que l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations. Ces interventions concourent à la diversité des systèmes de production, notamment ceux permettant de combiner les performances économique, sociale et environnementale et ceux relevant de l'agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 ;
2° Elles concourent à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique ;
3° Elles contribuent au développement durable des territoires ruraux, dans le cadre des objectifs définis à l'article L. 111-2 ;
4° Elles assurent la transparence du marché foncier rural.
II.- Pour la réalisation des missions définies au I, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent :
1° Acquérir, dans le but de les rétrocéder, des biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles ou forestières ;
2° Se substituer un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession de tout ou partie des droits conférés, soit par une promesse unilatérale de vente, soit par une promesse synallagmatique de vente, portant sur les biens visés au 1°, dès lors que la substitution intervient dans un délai maximal de six mois à compter du jour où ladite promesse a acquis date certaine et, au plus tard, au jour de l'acte authentique réalisant ou constatant la vente ;
III.-1° Le choix de l'attributaire se fait au regard des missions mentionnées au I. L'attributaire peut être tenu au respect d'un cahier des charges.
En cas de substitution, le cahier des charges mentionné à l'alinéa précédent comporte l'engagement du maintien pendant un délai minimal de dix ans de l'usage agricole ou forestier des biens attribués et soumet, pendant ce même délai, toute opération de cession à titre onéreux en propriété ou en jouissance du bien attribué à l'accord préalable de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural. En cas de non-respect de ces engagements pris dans le cadre d'un cahier des charges, l'attributaire est tenu de délaisser le bien, si la société d'aménagement foncier et d'établissement rural le demande, au prix fixé par le cahier des charges ou, à défaut, par le juge de l'expropriation (...).
La SAFER est en effet intervenue à ces actes en qualité de 'substituant', et les appelants qualifient les ventes de 'rétrocessions', étant toutefois précisé au § Nature de l'acte que la SAFER a renoncé à son droit de préemption et que l'acquéreur s'oblige au respect d'un cahier des charges détaillé page 34 et suivantes de l'acte n° 400.
La conséquence est que les acquéreurs ont bénéficié des avantages fiscaux prévus par l'article 1028 ter II du CGI visant les opérations immobilières pouvant être autorisées par les SAFER.
La substitution des appelants à la SAFER n'a donc pas eu pour conséquence de mettre d'autre obligation à sa charge que celles incombant au vendeur, dont le dol a été écarté.
Le jugement doit en conséquence encore être confirmé sur ce point.
*autres demandes
**demande de Me [E]
Me [C] [E] articule en cause d'appel une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive qu'elle ne motive pas par rapport aux éléments de l'espèce et dont elle sera en conséquence déboutée.
**demandes de la SAFER
La SAFER Occitanie articule en cause d'appel une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive qu'elle ne motive pas par rapport aux éléments de l'espèce et dont elle sera en conséquence déboutée.
Elle soutient être fondée à solliciter la condamnation des appelants au paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile aux termes duquel celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Toutefois son intérêt à agir en ce sens fait défaut et cette demande doit être déclarée irrecevable et en tout état de cause mal fondée faute de preuve ici d'un abus d'ester en justice.
*dépens et article 700
Selon l'article 696 al 1 du code de procédure civile la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Les appelants qui succombent devront supporter les dépens de l'instance d'appel en sus de ceux de la première instance.
Selon l'article 700 du même code le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'absence de tout élément objectif relatif à leur situation économique, les appelants doivent être déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et seront solidairement condamnés à payer à ce titre les sommes de :
- 6 000 euros à M. [G] [W]
- 6 000 euros à la Sarl VV Groupe Immobilier du Sud
- 6 000 euros à la CRCAM du Languedoc
- 3 600 euros à Me [U] [F]
- 6 000 euros à Me [C] [E]
- 6 000 euros à la SAFER Occitanie.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement n°22/0184 du tribunal judiciaire d'Alès en date du 30 août 2022 (n° RG 19/01337)
Y ajoutant
Déclare irrecevable la demande de la SAFER Occitanie sur le fondement de l'article 31-1 du code de procédure civile,
Déboute la SAFER Occitanie de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Dispositif
Condamne solidairement la Sci [I] [Localité 28], la Scea La Ferme de [Localité 28] et M. [D] [I] aux dépens de la présente instance et à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de :
- 6 000 euros à M. [G] [W]
- 6 000 euros à la Sarl VV Groupe Immobilier du Sud
- 6 000 euros à la CRCAM du Languedoc
- 3 600 euros à Me [U] [F]
- 6 000 euros à Me [C] [E] dont distraction au profit de Me Michel Coulomb, avocat aux offres de droits,
- 6 000 euros à la SAFER Occitanie.