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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 8 octobre 2024, n° 23/00631

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Exco Languedoc (SAS)

Défendeur :

Athena Conseils (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

M. Graffin, M. Vetu

Avocats :

Me Laporte, Me Garrigue, Me Leplaideur, Me Bez

T. com. Montpellier, du 16 janv. 2023, n…

16 janvier 2023

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Exco Languedoc est une société d'expertise comptable, d'audit et de conseil, disposant de plusieurs agences situées dans l'Hérault et l'Aude, et dont le siège est sis à [Localité 3].

Le 3 novembre 2014, Mme [W] [M] a été embauchée en contrat de travail à durée indéterminée par la société Exco Languedoc en qualité de chef de mission et collaboratrice comptable, puis d'expert-comptable salariée, après avoir obtenu son diplôme d'expert-comptable et son inscription à l'Ordre le 8 octobre 2019.

Le 6 juin 2011, Mme [D] [V] a été embauchée par la société Exco Languedoc en qualité de chargée de clientèle ; elle a ensuite assuré la direction des agences de [Localité 5] et de [Localité 7].

Par lettre du 10 octobre 2020, Mme [W] [M] a informé la société Exco Languedoc de sa démission avec départ effectif au 9 janvier 2021.

Par lettre du 12 octobre 2020, Mme [D] [V] a également informé la société Exco Languedoc de sa démission avec un départ effectif au 11 janvier 2021.

Par courriel du 21 octobre 2020, la société Exco Languedoc a été informée de la résiliation de contrat d'un de ses clients qui indiquait vouloir « suivre » Mme [W] [M].

En décembre 2020, la société Exco Languedoc a constaté que de nombreux clients, soit 38 clients au total, clients des agences Exco de [Localité 6] et de [Localité 7], avaient résilié leurs contrats pour rejoindre Mme [D] [V] et Mme [W] [M] au sein de la SAS Athéna Conseils dont le siège social est sis à [Localité 2], société d'expertise comptable dont le capital est réparti entre Mme [W] [M] pour 1 part, la SASU Ange Expertise pour 500 parts, Mme [D] [V] pour 499 parts.

Les statuts des sociétés Ange Expertise et Athéna Conseils s'avéraient avoir été signés dès le 7 novembre 2020 par les associées, Mme [D] [V] et Mme [W] [M], cette dernière occupant les fonctions de présidente desdites sociétés.

La société Athena Conseils a été inscrite comme société d'expertise comptable à l'Ordre des experts-comptables le 7 novembre 2020 avec effet au 15 janvier 2021 ; et le capital de la société Ange Expertise est intégralement détenu par sa présidente, Mme [W] [M].

En janvier 2021, des échanges ont eu lieu entre les parties en vue de la signature d'un accord transactionnel prévoyant l'indemnisation de la société Exco Languedoc, sans succès, celle-ci ayant émis vainement une proposition à 113'045 €, alors que la société Athéna Conseils proposait environ trois mois d'indemnité.

Le 19 mars 2021, la société Exco Languedoc a déposé plainte devant la chambre régionale de discipline de l'ordre des experts comptables Occitanie contre Mme [W] [M] et la société Athéna Conseils pour détournement de clientèle.

Par ailleurs, le 2 avril 2021, la société Exco Languedoc, soutenant que de nombreux clients avaient résilié leurs contrats pour rejoindre la société Athéna Conseils et que la tentative d'indemnisation n'a pas pu aboutir, a obtenu sur requête par ordonnance du 26 avril 2021 du président du tribunal de commerce de Montpellier la désignation d'un huissier.

Le 25 juin 2021, Mme [W] [M] et la société Athéna Conseils ont à leur tour saisi la chambre régionale de discipline de l'ordre des experts comptables Occitanie d'une plainte contre la société Exco Languedoc pour violation manifeste et réitérée au devoir de confraternité.

Par décision du 2 février 2024, la chambre régionale de discipline a dit que les manquements déontologiques poursuivis sont établis à l'encontre d' [W] [M] et prononcé un blâme à titre de sanction disciplinaire ; de même s'agissant des manquements déontologiques de dénigrement auprès de clients pratiqués par M. [U] et M. [L] qui ont donné lieu à un avertissement en application de l'article 53 de l'ordonnance n° 45-21 38 du 19 septembre 1945.

En parallèle, par exploit du 1er mars 2022, la société Exco Languedoc avait assigné la société Athéna Conseils en paiement de dommages-intérêts pour détournement de sa clientèle.

Par jugement contradictoire en date du 16 janvier 2023 (le jugement déféré), le tribunal de commerce de Montpellier a':

- débouté la société Exco Languedoc de sa demande de condamnation de la société Athéna Conseils à lui régler la somme de 164'261,20 euros au titre de perte de clientèle ;

- rejeté la demande de la société Athéna Conseils de condamnation de la société Exco Languedoc à lui payer les sommes de 20'000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice d'image lié au dénigrement subi, et de 5'000 euros pour procédure abusive ;

- et condamné la société Exco Languedoc à payer à la société Athéna Conseils la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 6 février 2023, la SAS Exco Languedoc a relevé appel limité de ce jugement.

Par conclusions du 19 juillet 2024, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Athéna Conseils à lui régler la somme de 164251,20 euros au titre de la perte de clientèle'et l'a condamnée à payer à la société Athéna Conseils la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

statuant à nouveau

à titre principal

- de juger que Mme [M], en qualité de gérante de la société Athéna Conseils, a commis une faute en détournant sa clientèle';

- de condamner la société Athéna Conseils à lui régler la somme de 164'251,20 euros au titre de la perte de clientèle';

- de confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;

- de débouter la société Athéna Conseils de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire

- de condamner la société Athéna Conseils à lui régler une somme qui ne pourrait être inférieure à 154'396,13'euros au titre de l'indemnisation du cabinet prédécesseur';

et en tout état de cause

- de condamner la société Athéna Conseils à lui régler la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 19 avril 2024, formant appel incident, la société Athéna Conseils demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil :

- de confirmer le jugement entrepris sauf le rejet de ses demandes ;

statuant à nouveau

- de condamner la société Exco Languedoc à lui payer la somme de 20 000 euros en indemnisation de son préjudice d'image lié au dénigrement subi, la somme de 5'000 euros pour procédure abusive, et celle de 11'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 13 août 2024.

MOTIFS

Sur l'appel principal

Attendu que la SAS Exco Languedoc fait valoir les moyens suivants au soutien de son appel :

' la société a appris que Mme [V] et Mme [M] avaient pris l'initiative, sans en informer leur employeur, de contacter un certain nombre des clients d' Exco Languedoc alors qu'elles étaient encore salariées du cabinet pour leur indiquer qu'elles le quittaient pour exercer à leur compte une activité identique ;

' elle a fait constater ce détournement de sa clientèle par huissier ;

' par décision du 2 février 2024, la chambre régionale de discipline de l'Ordre des experts comptables a jugé que Mme [M] avait manqué à ses obligations déontologiques et prononcé à son encontre un blâme à titre de sanction disciplinaire ;

' celle-ci a commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil, dans la mesure où s'il est de jurisprudence constante que le démarchage de la clientèle d'un concurrent n'est pas en lui-même fautif, il en va différemment s'il s'accompagne de procédés déloyaux, ce qui a déjà été jugé s'agissant du démarchage de clients par un salarié pendant l'exercice de ses fonctions, lié à une société par une clause de non-concurrence ou par un ancien collaborateur qui fait usage par des procédés déloyaux des informations relatives à la clientèle dans le but d'attirer une partie de cette clientèle vers une société concurrente qu'il a créée ;

' s'agissant plus particulièrement des experts-comptables, la faute du salarié s'apprécie également au regard de ses obligations déontologiques, notamment l'article 21 du code de déontologie des experts-comptables qui dispose, même si le principe de base demeure celui de la liberté de choix de la clientèle, que ces derniers doivent selon les dispositions de l'article 161 du décret du 30 mars 2012 « s'abstenir de toute démarche ou man'uvre susceptible de nuire à la situation de leurs confrères » ; les circulaires de l'ordre des experts-comptables du 12 juin 2015 et 2022 ajoutent que : « La reprise groupée quasi simultanée de clients à la suite du départ d'un collaborateur et/ou d'un confrère sans accord indemnitaire avec le prédécesseur réglant la problématique du transfert de dossiers, est considéré comme une attitude contraire à l'éthique professionnelle et à la déontologie » ;

' c'est ainsi que dans sa décision du 2 février 2024 la chambre régionale de discipline a dit que « l'entrée en fonction [de Mme [M]], malgré le désaccord de son confrère précédent expert-comptable des clients transférés, en l'absence de tout accord sur l'indemnisation qui lui était due s'analyse nécessairement comme un manquement aux dispositions de l'article 161 du décret » ;

' il n'est pas nécessaire de démontrer une man'uvre déloyale, la seule reprise groupée et quasi simultanée de clients à la suite du départ d'un collaborateur étant constitutive de concurrence déloyale et devant conduire à une juste indemnisation du cabinet prédécesseur, comme jugé par la Cour de cassation;

' les gérants de sociétés, notamment de Biocoop Marianne, ont précisé que Mme [M] leur avait proposé en octobre et novembre 2020 (soit en temps utile avant la fin de l'exercice comptable au 31 décembre 2020) de les suivre lorsqu'elle s'installerait à son propre compte, alors qu'elle était encore salariée d' Exco Languedoc, et qu'ils avaient bien fait la connaissance de celle-ci par l'entremise de cette société ;

' plusieurs sociétés (SCI Roma, Aux petites folies, Chloé, Coralie Belmont, Mode Liberty, l'Institut sublim'elle) ont même adressé une lettre-type de résiliation à Exco Languedoc dès le 30 septembre 2020 afin de faire courir leur préavis de trois mois, précisément jusqu'au 31 décembre 2020 ;

' Mme [M] a donc abusé de la confiance de la société Exco Languedoc en utilisant des informations détenues en qualité de salariée pour les exploiter dans une activité concurrente en s'assurant dès le démarrage de sa propre société d'expertise comptable, une clientèle avec des clients qui ne lui appartenaient pas ;

Attendu que la société Athéna conseils répond que :

' la chambre régionale de discipline a aussi considéré que les lettres adressées par Exco Languedoc aux clients de l'intimée constituent des manquements à la confraternité, et par leur caractère répété, montrent une intention de nuire et a été sanctionnée par un avertissement, c'est-à-dire une sanction plus forte que celle reçue par Mme [M] ;

' en l'absence de clause de non-concurrence s'imposant au salarié à l'issue du contrat de travail, le principe est celui de la libre concurrence et de la liberté d'entreprendre ; l'action en concurrence déloyale basée sur l'article 1240 du code civil est une exception à ce principe qui est strictement encadrée ; le démarchage de la clientèle d'un concurrent n'est fautif que s'il s'accompagne de procédés déloyaux ; or il y a un fort intuitu personae dans les relations d'un client avec son expert-comptable ; l'attraction simultanée de salariés et de clients ne constitue pas un faisceau d'indices démontrant une déloyauté ; que l'acte de concurrence déloyale ne peut se déduire d'un simple manquement à des règles déontologiques, s'il n'est pas constaté que ce manquement déontologique est directement à l'origine du transfert de clientèle litigieux ;

' la circonstance que l'ordre des experts-comptables ait considéré comme un manquement déontologique la reprise de clients sans indemnisation est sans effet sur la notion civile ou commerciale de concurrence déloyale ;

' il a été proposé à l'appelante spontanément de l'indemniser à hauteur de 30'000 € pour certains clients, en nombre restreint, qui allaient probablement vouloir spontanément suivre Mme [M] ;

' que les associées qui composent la société Athéna conseils n'ont pas commencé leur nouvelle activité sur leur temps de travail ; elles ont encore apporté de nombreux clients à la société Exco Languedoc durant leur préavis;

' aucun acte de concurrence déloyale ou man'uvre positive ne peut leur être reproché ;

' sur les quatre sommations interpellatives seulement deux sont invoquées par la partie adverse ; celle de la société OULIVIE ne décrit aucun acte de démarchage de la part de Mme [M] : il se borne à reconnaître avoir été informé que celle-ci quittait Exco Languedoc, sans proposition commerciale ; il est légitime que le client soit informé de son départ et de la reprise de son dossier par un nouvel expert-comptable au sein de la société Exco Languedoc ;

- en ce qui concerne la société BIOCOOP Marianne, celle-ci est restée cliente de la société Exco Languedoc et son directeur n'est pas le témoin direct de ce dont il atteste ;

' les 2 autres témoins indiquent avoir rejoint en janvier 2021 la société Athéna conseils, après avoir contacté celle-ci spontanément ;

' en ce qui concerne les clients qui ont prétendument résilié la mission le 30 septembre, en réalité c'est le 18 décembre et le 21 octobre 2020 (DESTACAMP, DELMONTESCI Roma, MOD'S Liberty) ;

' et les sociétés Aux petites folies, BERSEK média Group, Les petits pois, Pro énergies nouvelles Menuiserie POUZOULET, NAVDANIA et M. [B] et Sublim' ont toutes montré leur attachement à l'une ou l'autre des associés et souhaité la suivre sans incitation ;

Mais attendu que société Exco Languedoc soutient exactement que la faute du salarié s'apprécie au regard de ses obligations déontologiques de la profession d'expert-comptable et que le non-respect de ces règles déontologiques suffit à l'établir ;

Attendu qu'en effet la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de juger que le transfert des dossiers de clients s'effectuant en méconnaissance des règles déontologiques de la profession d'expert-comptable, suffit à établir que ces agissements sont constitutifs de concurrence déloyale (Cass. Com 12 juillet 2011, n° 10-25.386) ;

Attendu que l'appelante est fondée à invoquer les circulaires de l'Ordre des Experts Comptables aux termes desquelles la reprise groupée et quasi simultanée de clients à la suite du départ d'un collaborateur et/ou confrère sans accord indemnitaire avec le prédécesseur réglant la problématique du transfert du dossiers, est considérée par l'Ordre comme une attitude contraire à l'éthique professionnelle et à la déontologie ;

Attendu que la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables Occitanie dans sa décision disciplinaire du 2 février 2024 énonce que :

' Mme [W] [M] et Mme [V], également salariée d'Exco ayant démissionné en octobre 2020, ont constitué leur société d'expertise comptable pendant l'exécution de leur préavis contractuel ; après une phase de négociation entre les mois de décembre 2020 et fin janvier 2021 pour un protocole de cession de clientèle, un projet de protocole a été transmis le 25 janvier 2021 qui n'a pas abouti, faute d'accord sur le prix ;

' la reprise groupée et simultanée de clients à la suite du départ d'un ancien collaborateur suppose l'information et l'accord du prédécesseur, portant notamment sur les modalités du transfert et sur le montant de l'indemnité qui lui est due ; le principe même du transfert de clientèle à la société Athéna conseils n'est pas contesté : 36 dossiers, selon la société Exco Languedoc ou 34 dossiers représentant 29 clients, selon Mme [W] [M] ; avant d'accepter d'ouvrir les dossiers des clients Exco, Mme [M] devait s'assurer de ce que l'indemnisation qu'elle offrait à ses confrères était acceptée par eux, alors qu'elle a été destinataire le 25 janvier 2021 d'un projet d'acte de cession pour un montant de 130'055 €, Mme [M] par lettre du 26 janvier 2021 a proposé un prix de cession dérisoire de 30'000 € ; le 10 mars 2021, en l'absence de tout accord de son ancien employeur, elle a informé néanmoins le conseil de l'ordre de ce qu'elle entendait « entrer en fonction sur une liste de clients joints » ; cette entrée en fonction, tout en confirmant n'avoir versé à son ex-employeur aucune indemnité, et en dépit du désaccord du précédent expert-comptable des clients transférés, est un manquement aux dispositions de l'article 161 du décret susvisé aux termes duquel les experts-comptables « se doivent assistance et courtoisie réciproques et doivent s'abstenir de toute parole blessante, de toute attitude malveillante, de tout écrits publics ou privés, de toute démarche ou man'uvre susceptible de nuire à la situation de leurs confrères. » ;

Attendu que la transgression d'une règle déontologique est établie ; qu'elle est un acte de concurrence déloyale et un détournement de clientèle, à l'origine du transfert des dossiers des clients qui s'est ainsi effectué en méconnaissance des règles déontologiques de la profession d'expert-comptable ;

Attendu que les lettres produites par la société Athéna conseils notamment celle de la société domaine de l'Oulivie ou l'attestation de Mme [G] [J] pour Biocoop Marianne et la sommation interprétative de la fédération IGP 34 selon lesquelles leur départ de la société Exco Languedoc résultent d'un choix de leur part, sont inopérantes à cet égard ;

Que d'une part ils ont partie liée avec la société intimée qu'ils projetaient de rejoindre, alors que ses associés étaient salariées de la société Exco Languedoc, et que d'autre part la liberté de choix des clients ne dispense pas ces associées de s'abstenir de nuire aux intérêts de leur futur ex-employeur, en profitant de liens noués avec des clients rencontrés à l'occasion de l'exécution de leur contrat de travail ;

Attendu que par lettre recommandée en date du 20 janvier 2021, Mme [M] écrivait pour la société Athéna conseils :

«Vous nous avez exprimé la possibilité que nous entrions en fonction sur ses clients là ; et pour trois d'entre eux par le biais d'un accord de sous-traitance, que nous puissions finaliser les comptes annuels 2020.

Vous trouverez ci-dessous la liste des clients concernés,

Conformément à l'article 163 du décret du 30 mars 2012, nous vous prions de bien vouloir me faire savoir si rien ne s'oppose à notre entrée en fonction sur ces dossiers dans un délai compatible avec le bon exercice de notre mission. En cas de non réponse sous un délai de 10 jours, nous en déduirions que rien ne s'oppose à notre entrée en fonction dès janvier 2021.

Nous attendons de votre part une proposition d'indemnisation » ;

Attendu qu'il convient de relever en premier lieu que la correspondance de l'appelante, et de plus fort un courriel du 1er février 2021, montrent qu'elle connaissait les règles de la profession ;

Attendu qu'il est annexé à cette lettre une liste des 36 sociétés clientes de [Localité 6] et [Localité 7] concernées par le transfert, de sorte que ce chiffre n'est pas utilement contesté ;

Attendu que la faute délictuelle étant établie, la société Exco Languedoc est fondée à solliciter la réparation du transfert non autorisé de ces 36 clients ; qu'elle estime la perte correspondante d'honoraires annuels au montant hors-taxes de 136'876 € hors-taxes, soit 164'271,20 € TTC ;

Attendu que si l'intimée ne discute pas dans ses écritures les modalités du calcul de sa perte effectuée par la société Exco Languedoc, la réparation d'un dommage doit cependant se faire sans perte et profit ; que le montant de la TVA à reverser par la société Exco Languedoc n'étant pas un préjudice indemnisable, la société Athéna conseils sera condamnée à lui payer le montant de 136'876 € à titre de dommages-intérêts ;

Sur l'appel incident

Attendu que les lettres adressées par les dirigeants de la société Exco Languedoc aux sociétés en cours de captation, notamment à la société Petit pois le 30 avril 2021, et à la fédération héraultaise IGP 34 le 25 mai 2021 et le 25 août 2021 faisant état avec acrimonie du détournement de clientèle commis par Mme [W] [M], manifeste une volonté de nuire à cette dernière, et de faire pression dans le cadre des négociations en cours ; qu'il sont constitutifs d'un manquement à la confraternité entre experts-comptable ;

Attendu que ces agissements, que les errements adverses ne sauraient excuser, ont causé un préjudice d'image à la société Athéna conseils qui sera entièrement réparé par l'octroi de la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Attendu en définitive que le jugement sera entièrement réformé ; qu'aucun abus du droit d'ester en justice n'est dès lors à déplorer ;

Attendu que la société Athéna conseils succombant plus large part devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité la somme de 5000 € à la société Exco Languedoc au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même prétendre au bénéfice de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la SAS Athéna conseils à payer à la SAS Exco Languedoc la somme de 136'876 € à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la SAS Exco Languedoc à payer à la SAS Athéna conseils la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne compensation entre ces créances réciproques ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SAS Athéna conseils ;

Condamne la SAS Athéna conseils à payer à la SAS Exco Languedoc la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.