CA Grenoble, ch. com., 10 octobre 2024, n° 24/01192
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Tec-Tec (SAS)
Défendeur :
K & Associés (SELARL), Am Invest (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
M. Bruno, Mme Faivre
Avocats :
Me Kais, Me Grimaud, Me Gauthier, Me Benhamou
EXPOSE DU LITIGE :
La SAS Tec-Tec, exploitant une activité de transport écologique, communication, loterie de marques, vêtements, programmation de voyages, cantine et évènementiel a pris à bail commercial un local situé à [Adresse 3], suivant acte sous seing privé du 9 mars 2022, appartenant à la société AM Invest.
Suivant exploit du 17 juin 2022, la société AM Invest a fait délivrer à la société Tec-Tec une sommation de payer les loyers pour un montant de 4.746.60 euros.
Puis, suivant exploit du 25 juillet 2022, la société Am Invest lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée au bail commercial pour la somme totale de 6.665.81 euros (en ce compris le coût du commandement de payer).
Le commandement est demeuré infructueux et suivant exploit du 5 novembre 2022, la société Am Invest a fait délivrer assignation à la société Tec-Tec devant le président du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire.
Suivant ordonnance du 16 mars 2023, rectifiée par ordonnance du 7 septembre 2023, le Président du tribunal judiciaire de Grenoble a:
- rejeté l'exception tirée de la nullité de l'assignation,
- déclaré la demande recevable en la forme,
- constaté la résiliation du bail liant les parties au 25 août 2022,
- ordonné l'expulsion de la société Tec-Tec et de toute personne de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si nécessaire,
- condamné la société Tec-Tec à verser à titre provisionnel à la SCI Am Invest la somme de 8.262,60 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation suivant compte arrêté au 25 août 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2022, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur,
- rejeté la demande d'astreinte,
- rejeté la demande de délai de paiement,
- rejeté la demande reconventionnelle de travaux à réaliser par le bailleur,
- rejeté la demande reconventionnelle de remboursement des frais engagés par la société Tec-Tec,
- condamné la société Tec-Tec au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par déclaration du 31 mars 2023, la société Tec-Tec a interjeté appel de cette ordonnance. L'affaire a été enrôlée sous le n°RG 23/1336.
Suivant jugement du 5 avril 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Tec-Tec et désigné la Selarl [K] & Associés, agissant par Maître [O] [K], en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 26 octobre 2023, la Présidente de la chambre commerciale de la cour d'appel de Grenoble a ordonné la radiation de l'affaire enregistrée sous le n°RG 23/1336, à défaut de mise en cause du liquidateur judiciaire de la société Tec-Tec.
Suivant jugement du 19 décembre 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la conversion du redressement judiciaire de la société Tec-Tec en liquidation judiciaire et à désigné [K] & Associés, agissant par Maître [O] [K] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte d'huissier du 20 février 2024, la SCI Am Invest a fait délivrer assignation en intervention forcée à la Selarl [K], ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Tec-Tec.
L'affaire a été réinscrite au rôle de la cour d'appel sous le n°RG 24/1192.
Par déclaration du 5 mars 2024 la société AM invest a interjeté appel de l'ordonnance du 16 mars 2023 en intimant la Selarl [K], ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Tec-Tec.
L'affaire a été enregistrée sous le n°RG 24/1019. La procédure n°RG 24/1019 a été jointe à la procédure RG n°24/1192 sous le numéro RG 24/1192 par ordonnance du 21 mars 2024.
L'affaire a été également enregistrée sous le n°RG 24/1021. La procédure n° RG 24/1021 a été jointe à la procédure n°RG 24/1019 sous le numéro n° RG 24/1019 par ordonnance du 21 mars 2024.
L'affaire a été également enregistrée sous le n°RG 24/1023. La procédure n° RG 24/1023 a été jointe à la procédure n°RG 24/1019 sous le numéro n° RG 24/1019 par ordonnance du 21 mars 2024.
L'affaire a été également enregistrée sous le n°RG 24/1024. La procédure n° RG 24/1024 a été jointe à la procédure n°RG 24/1019 sous le numéro n° RG 24/1019 par ordonnance du 21 mars 2024.
La procédure n° RG 24/11019 a été jointe à la procédure n°RG 24/1192 sous le numéro n°RG 24/1192 par ordonnance du 21 mars 2024.
Prétentions et moyens de la Selarl [K], agissant par Me [O] [K], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Tec-Tec :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 20 mai 2024, la Selarl [K], agissant par Me [O] [K], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Tec-Tec demande à la cour au visa des articles L.622-21, L.641-3, L.624-2, L.641-14, L.622-14, L. 631-14, L.641-12 et L.145-41 du code de commerce de:
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 16 mars 2023, rectifiée, en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'elle a :
* rejeté l'exception tirée de la nullité de l'assignation,
* déclaré la demande recevable en la forme,
* constaté la résiliation du bail liant les parties au 25 août 2022,
* ordonné l'expulsion de la société Tec-Tec et de toute personne de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si nécessaire,
* condamné la société Tec-Tec à verser à titre provisionnel à la SCI Am Invest la somme de 8.262,60 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation suivant compte arrêté au 25 août 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2022, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail (25 août 2022) jusqu'au départ effectif du preneur,
* rejeté la demande de délai de paiement,
* rejeté la demande reconventionnelle de travaux à réaliser par le bailleur,
* rejeté la demande reconventionnelle de remboursement des frais engagés par la société Tec-Tec,
* condamné la société Tec-Tec à verser à la SCI Am Invest la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, *condamné la société Tec-Tec aux entiers dépens comprenant le coût du commandement.
Et statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à référé,
- débouter la société Am Invest de l'intégralité de ses demandes, moyens, fins et prétentions,
- condamner la société Am Invest à lui verser, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Tec-Tec une somme de 5.000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Selarl LX Grenoble Chambéry, Avocat sur son affirmation de droit, du droit de recouvrer directement à l'encontre de la Société Am Invest, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Au soutien de sa demande de dire n'y avoir lieu à référé, elle expose que :
- selon la jurisprudence, pour que la résiliation du bail commercial fondée sur la clause résolutoire soit valablement acquise antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, il faut qu'elle soit constatée par une décision de justice passée en force de chose jugée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective (Cass. Com., 28 octobre 2008, n° 07-17.662; Cass. Civ 3 ème, 17 mai 2011, n°10-12.866; Cass. Civ. 3 ème, 26 mai 2016, n° 15-12.750; Cass. Com., 12 juillet 2017, n°16-10.167).
- l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail ne peut plus être poursuivie après l'ouverture de la procédure collective si « la décision se prononçant sur la demande du bailleur n'est pas encore passée en force de chose jugée » (Cass. Com., 12 juin 1990 n° 88-19.808),
- l'action introduite par le bailleur, avant la procédure collective du preneur aux fins de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers antérieures ne peut être poursuivie après l'ouverture de la procédure collective, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée (Cass. Com., 2 octobre 2012, n° 11-21.529),
- la cour de cassation a récemment rappelée, que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement (Cass. Civ. 3 ème, 13 avril 2022, n° 21-15.336),
- ainsi, si le preneur est placé en redressement judiciaire après avoir interjeté appel de l'ordonnance de référé ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire, le bailleur ne peut poursuivre son action en constatation de la résiliation du bail (Cass. Civ. 3 ème, 13 mai 1992, n° 90-18.399 ' Cass. Com., 6 mai 1997, n° 95-21.404; Cass. Com., 15 février 2011, n° 10-12.747),
- l'existence d'un appel sur l'ordonnance de référé en cours lors de l'ouverture de la procédure suffit pour juger que la clause résolutoire n'est pas définitivement acquise (Cass. Civ. 3 ème, 30 janvier 2007, n°05-19.045; Cass. Com., 3 juillet 2007, n°05-21.030 et n°05-20.519; Cass. Com.,9 janvier 2008, n° 06-21.499 ; Cass Civ. 3 ème, 17 mai 2011, n°10-15.957, 1015.959, 10-15.964, 10-15.972, 10-15.973, 10-15.974 et 10-30.675),
- cette solution s'applique également lorsque le prononcé du redressement judiciaire intervient au cours de l'instance d'appel (Cass. Com., 9 décembre 1997, n° 95-16.560; Cass. Civ. 3 ème, 27 juin 2006, n°05-14.329; Cass. Com., 3 juillet 2007, n° 05-20.519 et 05-21.030; Cass. Civ. 3 ème, 9 janvier 2008, n° 06-21.499),
- la cour d'appel est « tenue de relever, au besoin d'office, les effets attachés au principe de l'interdiction des poursuites individuelles » (Cass. Civ. 3 ème, 18 septembre 2012, n°11-19.571; Cass. Civ. 3 ème, 26 mai 2016, n°15-12.750), - lorsqu'un créancier a assigné en référé aux fins de condamnation provisionnelle à paiement son débiteur, ultérieurement placé en procédure collective, la juridiction saisie doit tirer les conséquences de l'ouverture de la procédure collective et dire n'y avoir lieu à référé (Cass. Com., 29 septembre 2015, n° 14-17.513),
- en l'espèce, et en conséquence de cette jurisprudence, la résiliation du bail commercial liant la société Tec-Tec à la société Am Invest ne peut être valablement poursuivie, faute de décision définitive passée en force de chose jugée, antérieure à l'ouverture de la procédure collective,
- en outre, en l'absence de résiliation du bail commercial antérieure à l'ouverture de la procédure collective, aucune demande tendant à l'expulsion du preneur (y compris sous astreinte), au caractère sans droit ni titre de l'occupation, au titre d'une indemnité d'occupation ou de la conservation du dépôt de garantie à titre d'indemnité ne saurait valablement prospérer,
- par ailleurs, aucune condamnation en paiement de loyers et charges et/ou d'indemnité d'occupation ne peut être confirmée par la cour d'appel, qui ne peut donc qu'infirmer l'ordonnance rendue et, statuant à nouveau, dire n'y avoir lieu à référé et débouter la société Am Invest de l'intégralité de ses demandes.
S'agissant de la fixation des créances au passif elle indique que :
- selon la jurisprudence, la cour d'appel statuant sur l'appel d'une ordonnance de référé ayant condamné un preneur au paiement des loyers, doit infirmer l'ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, et ne peut en aucun cas fixer la créance de loyers au passif (Cass. Com., 26 juin 2019, n°18-16.777),
- la cour d'appel saisie de l'appel d'une ordonnance de référé est ainsi privée du pouvoir de statuer sur la créance de loyers antérieure qui lui est soumise (Cass. Com., 11 décembre 2019, n°18-19.425),
- en l'espèce, la société Am Invest ne peut donc qu'être privée de sa demande de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Tec-Tec.
Pour s'opposer à la demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs, elle indique que cette demande est irrecevable et la société Am Invest devra en être déboutée dès lors que:
- par principe, l'ouverture de la procédure n'entraîne pas la résiliation des contrats en cours, dont le contrat de bail qui n'a pas été résilié préalablement en vertu d'une décision définitive ayant acquis force de chose jugée,
- le contrat est donc poursuivi de plein droit,
- en cas de défaut de paiement des loyers relatifs à une occupation du local postérieure à l'ouverture de la procédure collective, à l'issue d'un délai de 3 mois, le bailleur peut exercer une action aux fins de résiliation du bail, laquelle action suppose l'introduction d'une nouvelle instance, soit devant le juge-commissaire désigné à la procédure collective, soit sur le fondement de la clause résolutoire,
- cette instance ne peut consister en la poursuite d'une instance en référé introduite préalablement à l'ouverture de la procédure collective, dès lors que l'instance en référé ne constitue pas une instance en cours qui peut être reprise et poursuivie et que sa poursuite conduirait, de facto, à priver les parties d'un degré de juridiction, mais aussi à paralyser les effets de l'ouverture de la procédure collective, ce qui est contraire à l'esprit et à la lettre des règles d'ordre public applicables en pareille matière.
Prétentions et moyens de la société Am Invest :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 26 septembre 2023, la société Am Invest demande à la cour au visa des articles L.145-41, L.622-17, L.622-21 et L.622-22 du code de commerce et des articles 834 et 835 du code de procédure civile de :
- constater que l'ordonnance rendue le 16 mars 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble était parfaitement fondée en son principe à la date de son prononcé et en conséquence le confirmer en ce qu'il a :
* constaté la résiliation du bail liant les parties au 25 août 2022,
* ordonné l'expulsion de la société Tec-Tec et de toute personne de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si nécessaire,
* condamné la société Tec-Tec à lui verser à titre provisionnel la somme de 8.262,60 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation suivant compte arrêté au 25 août 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2022, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur, étant entendu que le dépôt de garantie compte tenu des dispositions contractuelles reste acquis au bailleur,
* condamné la société Tec-Tec au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Suite au placement de la société Tec-Tec en redressement judiciaire :
- fixer sa créance au passif de la société Tec-Tec à titre chirographaire à la somme de 20.568,60 euros au titre des dettes de loyers antérieures au jugement d'ouverture et la somme de 2.000 euros au titre des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile ordonnée par le juge des référés par ordonnance du 16 mars 2023,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail,
- ordonner l'expulsion des lieux loués de la société Tec-Tec ou de tous occupants de son chef, avec si besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier suite au non-paiement des loyers par la société Tec-Tec à compter du jugement d'ouverture relatif au redressement judiciaire,
- juger que le dépôt de garantie est définitivement acquis à la société Am Invest conformément aux stipulations contractuelles du bail commercial,
- débouter la société Tec-Tec de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la Selarl [K] ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Tec-Tec à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit concernant les dépens.
Au soutien de sa demande de confirmation de l'ordonnance déférée, elle expose que les conditions étaient réunies à la date du jugement de première instance pour que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire et donc la résiliation de plein droit du bail commercial à effet au 26 août 2022, pour que soit ordonnée l'expulsion des lieux loués de la société Tec-Tec et qu'elle soit condamnée au paiement des loyers et charges impayés arrêté au 26 août 2022, date d'acquisition de la clause résolutoire, outre la somme de 8.372 euros d'indemnité d'occupation.
Au soutien de sa demande de fixation de sa créance à la liquidation judiciaire de la société Tec-Tec, elle indique qu'elle a déjà introduit une action en vue du règlement de sa créance de loyers à l'encontre de son locataire et que des démarches sont par ailleurs en cours en vue de procéder à la déclaration de créances, de sorte que la cour d'appel reste compétente pour se prononcer sur le montant des créances dues par la société Tec-Tec antérieurement au jugement d'ouverture.
Au soutien de sa demande de résiliation du bail, elle expose que :
- en application de l'article L.622-17 du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance,
- tout loyer à cheval sur une période antérieure au jugement d'ouverture et postérieure audit jugement doit être fractionné en deux créances distinctes,
- la société Tec-Tec a été placée en redressement judiciaire à compter du 5 avril 2023 et elle est donc tenue du paiement des loyers à compter de cette date, ce qu'elle n'a pas fait à l'exception du mois de mai 2023, aucun loyer n'a été versé depuis le mois de juin 2023,
- un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement de redressement judiciaire avec rappel de la clause résolutoire lui a été adressé et dénoncé au mandataire judiciaire le 1er août 2023, qui est resté infructueux, de sorte qu'elle est donc en droit d'invoquer l'application de la clause résolutoire et de solliciter la résiliation du bail commercial dans le cadre de la présente instance, de sorte que la cour d'appel constatera l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail et ordonnera également l'expulsion de la société Tec-Tec.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2024, l'affaire a été appelée à l'audience du 20 juin 2024 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 10 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle que les « demandes » tendant à voir «constater», «'observer'», «'indiquer'», «'préciser'» ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
En conséquence, la cour n'est pas saisie de la demande de l'intimée de «'juger que le dépôt de garantie lui est définitivement acquis'», laquelle ne constitue pas une prétention.
Sur le constat de la résiliation du bail, sur l'expulsion de la société Tec-Tec et sur le paiement d'une provision
Aux termes de l'article L.622-21 I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent,
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Ce principe d'arrêt des poursuites tendant au paiement d'une somme d'argent ou en résolution d'un contrat pour non paiement de sommes d'argent est un principe d'ordre public, qui doit être relevé d'office par le juge.
Par ailleurs, s'agissant des instances en cours au jour de l'ouverture de la procédure, l'article L.622-22 du code de commerce dispose que sous réserve des dispositions de l'article L.625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Ces instances sont reprises dès que le créancier a produit à la juridiction saisie une copie de la déclaration de sa créance et qu'il a mis en cause le mandataire judiciaire et l'administrateur, lorsque ce dernier a pour mission d'assister le débiteur, mais elles tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Cette procédure ne doit être suivie que pour les instances au fond ; l'article L.622-22 ne s'applique pas aux instances en référé, y compris lorsque l'ouverture de la procédure est intervenue pendant la procédure d'appel (Cass.com.12 juil. 1994, n°91-20.843; Cass. com., 6 oct.2009, n°08-12.416.; Cass.com. 29 septembre 2015, n°14-17.513; Cass. com. 9 juillet.2002, n°99-12.803.; Cass. com.15 mars 2005, n°03-16.450).
En application de ces dispositions, l'instance en référé tendant notamment à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par un preneur à bail commercial contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 I susvisé du code de commerce(Cass.com; 19 septembre 2018, n°17-13.210).
De même, selon la cour de cassation, la clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges n'est définitivement acquise avant l'ouverture de la procédure collective du preneur que si cette acquisition est constatée par une décision de justice passée en force de chose jugée avant la date d'ouverture; en l'absence d'une telle décision, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail (3ème Civ. 26 mai 2016, n°15-12 750; Cass. com 12 juillet 2017 n°16.10-167).
En l'espèce, la société Tec-Tec et la SCI AM Invest ont respectivement interjeté appel le 31 mars 2023 et le 5 mars 2024 de l'ordonnance de référé du 16 mars 2023, constatant l'acquisition au 25 août 2022 de la clause résolutoire du bail régularisé entre elles, de sorte qu'à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Tec-tec le 5 avril 2023, convertie ensuite en liquidation judiciaire le 19 décembre 2023, l'acquisition de cette clause résolutoire qui n'était pas constatée dans une décision passée en force de chose jugée, n'était pas définitivement acquise. Il s'ensuit que la SCI AM Invest, bailleresse, ne peut plus poursuivre l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail et à l'expulsion de la société Tec-Tec.
En outre, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance déférée condamnant la société Tec-Tec à payer à la SCI Am Invest la somme provisionnelle de 8.262,60 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation suivant compte arrêté au 25 août 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2022, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail le 25 août 2022 jusqu'au départ effectif du preneur et de dire n'y avoir lieu à référé, alors que la demande en paiement de la SCI AM Invest est devenue irrecevable, en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 I susvisé par suite de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Etc-Tec, convertie en liquidation judiciaire.
Sur la demande de fixation de la créance de la SCI AM Invest au passif de la liquidation judiciaire de la société Tec-Tec
Il n'appartient pas à la cour d'appel qui statue dans les limites des pouvoirs du juge des référés de fixer la créance de loyer de la société AM Invest, bailleresse, à la liquidation judiciaire de la société Tec-Tec, alors qu'il revient au seul juge-commissaire de se prononcer sur la déclaration de créance. Il s'ensuit que la cour d'appel, qui n'est pas investie des pouvoirs du juge-commissaire, est privée du pouvoir de statuer sur la créance de 20.568 euros de la SCI AM Invest au titre des loyers impayés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, même pour se limiter à la fixer.
Il convient donc de déclarer irrecevable la demande de la SCI AM Invest en fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Tec-Tec à la somme de 20.568 euros au titre des loyers antérieurs au jugement d'ouverture et la somme de 2.000 euros au titre des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile ordonnées par le juge des référés par ordonnance du 16 mars 2023.
Sur la demande en résiliation du bail au titre des créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective et d'expulsion de la société Tec-Tec
Nonobstant l'existence d'un nouveau commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, délivré à la société Tec-Tec et dénoncé à la Selarl [K] ès-qualité de liquidateur judiciaire le 1er août 2023, l'intimée n'est pas fondée a obtenir le prononcé de la résiliation du bail litigieux sur ce fondement, alors que l'instance en référé qui n'est pas une instance en cours, n'est pas interrompue par l'ouverture de la procédure collective et que la cour n'est pas saisie de ce nouveau commandement de payer. Cette demande est donc également irrecevable.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
Il convient de laisser à chaque partie la charge de ses dépens. En outre, l'équité commande de rejeter la demande présentée par la SCI AM Invest et par la Selarl [K], représentée par Me [K], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Tec-Tec sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel. Il convient en outre d'infirmer l'ordonnance déférée sur ces points.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme l'ordonnance déférée,
Déclare irrecevable la demande de la SCI AM Invest de constat de la résiliation du bail liant les parties au 25 août 2022 et d'expulsion de la société Tec-Tec et de toute personne de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si nécessaire,
Déclare irrecevable la demande de la SCI AM Invest de condamnation de la société Tec-Tec à lui verser à titre provisionnel la somme de 8.262,60 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation suivant compte arrêté au 25 août 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2022, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur, étant entendu que le dépôt de garantie compte tenu des dispositions contractuelles reste acquis au bailleur,
Déclare irrecevable la demande de la SCI AM Invest en fixation de sa créance au passif de la société Tec-Tec à titre chirographaire à la somme de 20.568,60 euros au titre des loyers antérieurs au jugement d'ouverture et la somme de 2.000 euros au titre des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile ordonnées par le juge des référés par ordonnance du 16 mars 2023,
Déclare irrecevable la demande de la SCI AM Invest en constat de l'acquisition de la clause résolutoire, en résiliation du bail et en expulsion de la société Tec-Tec suite au non-paiement des loyers à compter du jugement d'ouverture relatif au redressement judiciaire,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Déboute la Selarl [K], représentée par Me [K], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Tec-Tec de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel,
Déboute la SCI AM Invest de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et en cause d'appel,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.