Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 4 octobre 2024, n° 23/07863
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 04 OCTOBRE 2024
N°2024/ 292
Rôle N° RG 23/07863 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOHF
[L] [B]
C/
S.C.E.A. CHÂTEAU DE LA MARTINETTE
Copie exécutoire délivrée
le :04/10/2024
à :
Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS
Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 16 Mai 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F21/00144.
APPELANT
Monsieur [L] [B], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.C.E.A. CHÂTEAU DE LA MARTINETTE, [Adresse 1]
représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller.
Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2024.
Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
1. Selon contrat à durée déterminée du 1er juillet 2013, M.[B] a été embauché en qualité d'ouvrier qualifié agricole par la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château de La Martinette (la SCEA La Martinette) ayant une activité de viticulture, de dégustation de vin et de visites touristiques du vignoble à [Localité 2] (83).
2. Le 31 décembre 2014, la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. A l'issue de la relation de travail, M.[B] exerçait les fonctions de responsable des projets agricoles statut cadre.
3. Le 5 février 2021, M.[B] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 février 2021.
4. Le 18 février 2021, M.[B] a accepté un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
5. Le 5 mars 2021, la SCEA Château de La Martinette a licencié M.[B] pour motif économique.
6. Le 5 octobre 2021, M.[B] a saisi le conseil de prud'hommes de Draguignan en contestation du bien-fondé de son licenciement et en vue d'obtenir diverses indemnités pour non-respect des critères d'ordre de licenciement, irrégularité de la procédure, violation de la priorité de réembauchage et dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
7. Par jugement du 16 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Draguignan a:
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 500 euros au titre de dommages-intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre;
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 7 500 euros au titre de dommages-intérêts pour le non-respect de la priorité de réembauche;
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté M.[B] de toutes ses autres demandes;
- débouté la SCEA Château de la Martinette de ses demandes reconventionnelles;
- laissé les dépens à la charge des parties.
8. Le 14 juin 2023, M.[B] a fait appel de ce jugement.
9. A l'issue de ses dernières conclusions du 4 juin 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M.[B] demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Draguignan le 16 mai 2023 en ce qu'il a:
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre.
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche.
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la SCEA Château de La Martinette de ses demandes reconventionnelles.
- dit qu'à défaut de règlement des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la SCEA Château de La Martinette.
- infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Draguignan du 16 mai 2023 des demandes et/ou sommes non obtenues et plus précisément, en ce qu'il a:
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,
- l'a débouté de toutes ses autres demandes,
- l'équité commande que chaque partie garde ses dépens.
- juger l'absence de mise en place du comité social économique (CSE),
- juger qu'en l'absence de représentant du personnel et du procès-verbal de carence, le licenciement doit être automatiquement requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- juger l'absence de toute cause réelle et sérieuse du motif économique du licenciement invoqué par la SCEA Château de La Martinette;
- juger de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- condamner la SCEA Château de La Martinette à lui payer les sommes suivantes:
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 36 000 euros nets
- indemnité compensatrice de préavis (4 mois ' la somme de 3 522,22 euros réglée par l'employeur): 14 562,62 euros
- indemnité de congés payés sur préavis: 1 456,26 euros
- reliquat de l'indemnité de licenciement: 75,23 euros
- dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement: 36 000 euros nets,
- dommages et intérêts pour irrégularité de la réponse à la demande des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements: 5 000 euros nets (somme totale)
- violation de la priorité de réembauche: 15 000 euros nets (somme totale)
- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, absence de mise en place d'un CSE et préjudice moral: 20 000 euros nets;
- article 700 du code de procédure civile: 3 500 euros;
- débouter la SCEA Château de La Martinette de l'ensemble de ses demandes.
10. Pour contester son licenciement pour motif économique, M.[B] expose que la SCEA La Martinette ne justifie pas du motif économique invoqué à l'appui de son licenciement et lui reproche notamment une production incomplète de ses pièces comptables.
11. En outre grief à la SCEA La Martinette d'avoir manqué à son obligation de reclassement en raison de l'absence de formation ou d'adaptation préalable à son client ainsi que de recherche effective et sérieuse de reclassement tant en interne qu'au sein du groupe auquel elle appartenait.
12. Il affirme en outre que la SCEA La Martinette a procédé à son licenciement sans établir préalablement des critères d'ordre des licenciements et que, compte tenu de son effectif, il appartenait à la SCEA La Martinette de mettre en place un comité social et économique, entraînant ainsi l'irrégularité de la procédure. Par ailleurs, qu'il appartenait à la SCEA La Martinette, s'agissant d'un licenciement collectif d'informer préalablement l'autorité administrative.
13. Enfin il indique qu'il avait demandé à solliciter de la priorité de réembauchage et que, faute pour la SCEA La Martinette de verser aux débats son registre du personnel à jour, il ne peut vérifier le respect par l'employeur de cette obligation, justifiant ainsi sa demande en dommages-intérêts.
14. A l'issue de ses dernières conclusions du 30 mai 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCEA Le Château de La Martinette demande à la cour de:
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de M.[B] repose sur une cause réelle et sérieuse et donc valide le licenciement pour motif économique;
- débouté M.[B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- débouté M.[B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents;
- débouté M.[B] de sa demande de reliquat d'indemnité de licenciement;
- débouté M. [L] [B] de sa demande d'indemnité pour non-respect des critères d'ordre de licenciement;
- débouté M. [L] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, absence de mise en place d'un CSE et préjudice moral;
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M.[B] la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre;
- ainsi qu'à payer à M.[B] la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts pour le non-respect de la priorité de réembauche;
- et à payer à M.[B] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Statuant à nouveau, infirmant le jugement contesté sur les chefs de jugement critiqués, de:
- juger que M. [L] [B] occupant un poste unique, il ne peut se voir appliquer de critères d'ordre de licenciement, et qu'en conséquence, elle ne peut se voir condamnée pour irrégularité de l'application de tels critères,
- débouter M. [L] [B] de sa demande de dommages et intérêts dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre,
- juger qu'elle respecté son obligation au titre de la priorité de réembauche,
- débouter M. [L] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,
- débouter M. [L] [B] de sa demande de remise du bulletin de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir,
- débouter M. [L] [B] de sa demande d'intérêt au taux légal au jour de la saisine, soit au 1er octobre 2021 sur l'intégralité des condamnations ainsi que la capitalisation,
- juger qu'il n'y a pas lieu à sa condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel,
- ainsi, à titre reconventionnel, condamner M. [L] [B] à hauteur de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M.[B] aux entiers dépens.
15. LA SCEA LA MARTINETTE fait valoir que le licenciement de M.[B] était uniquement justifié par la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
16. Elle soutient qu'elle s'est valablement acquittée de son obligation de reclassement envers M.[B] en interne qu'il n'existait aucun poste disponible susceptible de lui être proposé et que M.[B] ne rapporte pas la preuve du groupe.
17. Elle soutient que M.[B] ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle elle n'était pas tenue d'informer l'administration du travail de son licenciement.
18. Elle conteste avoir violé la priorité de réembauchage de M.[B] au motif qu'il a refusé le contrat à durée déterminée pour effectuer les vendanges qu'elle lui a proposé le 20 juillet 2021 et qu'elle n'a procédé à aucun recrutement après le 5 juillet 2021, date à laquelle il a demandé à solliciter d'une telle priorité.
19. Concernant les dommages-intérêts sollicités par M.[B] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et son préjudice moral, elle indique que son ex-salarié ne justifie pas du dommage qu'il y aurait lieu de réparer.
20. Enfin, s'agissant du respect des critères d'ordre, elle soutient que, en raison de la suppression de la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait, elle n'était pas tenue de mettre en place de tels critères.
21. La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 juin 2024. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
MOTIVATION
Sur le licenciement pour motif économique:
22. L'article L.1233-3 du code du travail dispose que:
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment:
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à:
Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés;
Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés;
Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;
Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus;
2° A des mutations technologiques;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
23. La note d'information remise par la SCEA La Martinette à M.[B] dans le cadre de son entretien préalable à licenciement est rédigée dans les termes suivants: « Nous envisageons de rompre votre contrat de travail pour motif économique. Ce projet de licenciement repose sur les graves difficultés économiques rencontrées par l'entreprise, principalement caractérisée par la crise sanitaire sans précédent provoquée par le coronavirus, à l'état d'urgence sanitaire décrété pour faire face à l'épidémie de COVID 19, et face à une catastrophe sanitaire qui continue à se dégrader. Consécutivement aux deux confinements successifs en 2020 et en 2021 et à la décision gouvernementale de fermer les restaurants, nous avons à ce jour accumulé et ce en dépit du dispositif d'activité partielle mis en place par le gouvernement auquel nous avons eu recours, d'importantes difficultés économiques, directement induites par la crise de Covid-19. Le Chiffre d'Affaires global sur la vente de vins du domaine (lequel représente plus de 90% des recettes) a ainsi baissé de 14% entre 2019 et 2020 alors qu'il était en croissance de +18% entre 2018 et 2019 et +23% entre 2017 et 2018. La part de Chiffre d'affaires perdu sur le secteur Café Hôtels Restaurants en 2020 est passée à -34%. Nous sommes donc contraints d'envisager une restructuration de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité de cette dernière. Cette réorganisation se manifesterait par la suppression de 2 services : le service sécurité et le service projets agricoles. En effet le service projet agricole dont le coeur des recettes est constitué de la vente des huiles d'olive a accusé une baisse de -30% de la production en 2020 par rapport à 2019. Ceci ajouté au fait que le Chiffre d'Affaires généré en 2020 par ce service représente 11,4% des dépenses. Le service sécurité quant à lui ne génère aucune recette. En 2020, la masse salariale des services sécurité et projets agricoles cumulés représentait 27% e la masse salariale totale de l'entreprise pour à peine 2% des recettes. En raison du motif énoncé ci-dessus, la Direction de la société a pris la décision de supprimer votre emploi. Nous avons procédé à une recherche active et individualisée de reclassement ».
24. Il ressort clairement des termes de cette note d'information et de l'argumentation développée par la SCEA La Martinette que le seul motif retenu par la SCEA La Martinette pour procéder à la suppression du poste de travail de M.[B] réside dans la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité.
25. La SCEA La Martinette verse aux débats ses comptes de résultats pour les exercices 2020, 2021 et 2022 qui se résument comme suit:
exercice 2020
exercice 2021
exercice 2022
chiffre d'affaires
986 050 €
879 139 €
1 127 913 €
produits d'exploitation
1 162 088 €
1 142 410 €
1 383 539 €
salaires et traitements
922 488 €
760 115 €
807 431 €
charges sociales
354 857 €
292 070 €
268 937 €
dotations aux amortissements
483 087 €
1 042 321 €
1 148 626 €
charges d'exploitation
3 047 220 €
3 019 033 €
3 219 551 €
résultat d'exploitation
- 1 885 132 €
- 1 876 623 €
- 1 836 011 €
résultat financier
- 191 353 €
- 157 615 €
- 10 795 €
résultat courant avant impôts
- 2 076 485 €
- 2 034 238 €
- 1 846 806 €
résultat exceptionnel
56 228 €
43 130 €
- 42 562 €
bénéfice ou perte
- 2 020 257 €
- 1 991 108 €
- 1 889 368 €
26. Elle produit en outre aux débats:
- Un tableau détaillant mois par mois, pour l'année 2020, le chiffre d'affaires réalisé au titre de la vente de vins,
- la balance du compte « vente huile d'olive domaine » pour l'année 2020 établissant un solde de 16 963,54 euros contre 9 756.18 euros pour l'exercice 2019,
- une attestation de son expert-comptable indiquant que, pour l'année 2019, son chiffre d'affaires relatif à la vente de vins, s'est élevé à 947 124 euros ht et à 778 613 euros ht pour l'année 2020.
27. Il convient de relever que la SCEA La Martinette, malgré l'argumentation expressément soulevée de ce chef par M.[B], n'a pas versé aux débats l'intégralité de ses liasses fiscales afférentes aux exercices précités, notamment son bilan et ses annexes, qu'il n'est pas possible de vérifier la consistance de certains postes du compte de résultat, notamment les dotations aux amortissements qui ont plus que doublé entre 2020 et les exercices 2021 et 2022, que les pièces versées à l'instance par la SCEA La Martinette ne permettent pas de se convaincre que ces dotations aux amortissements correspondent à des travaux rendus nécessaires afin de prévenir la dégradation de biens immobiliers, que la SCEA La Martinette ne produit pas son compte de résultat pour l'année 2019 et qu'il ne ressort ni de la lettre d'information précitée ni de l'argumentation développée par la SCEA La Martinette dans le cadre de la présente instance que le licenciement de M.[B] ainsi que des autres salariés était de nature à sauvegarder sa compétitivité. Ainsi, il n'est produit aucune démonstration comptable permettant de chiffrer les conséquences attendues sur la compétitivité de l'entreprise en raison de ces licenciements et de la réorganisation de la société. Il existe en conséquence un doute sur la réalité du motif économique invoqué par la SCEA La Martinette privant le licenciement de M.[B] de cause réelle et sérieuse.
28. Il est de principe que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue (Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2017, n°16-13.578).
29. L'article L.1235-3 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, calculé en fonction de l'ancienneté du salarié en année complète, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau qu'il prévoit.
30. Il est de principe que cette indemnité doit être calculée en fonction du salaire brut. Dès lors, M.[B] ne peut solliciter le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en net.
31. Compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération, soit 4 521,21 euros, le préjudice subi par M.[B] en raison de son licenciement sera indemnisé en lui allouant la somme de 27 127,26 euros bruts à titre de dommages-intérêts.
32. Il est de principe qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au salarié.
33. Il n'est pas contesté que la durée du préavis auquel M.[B] pouvait prétendre était de quatre mois. Ses documents de fin de contrat démontrent qu'il a perçu de la SCEA La Martinette la somme de 3 522,22 euros au titre du préavis. Il subsiste en conséquence un solde de 14 562.62 euros (4 521,21 euros x 4 ' 3 522.22 euros), outre les congés payés afférents.
34. En outre, après réintégration du préavis de M.[B] dans le calcul de son ancienneté, la SCEA La Martinette reste lui devoir la somme de 75,23 euros à titre de reliquat sur l'indemnité de licenciement.
35. Le licenciement de M.[B] ayant été reconnu dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est donc sans objet de se prononcer sur le respect par la SCEA La Martinette des critères d'ordre.
36. En outre, l'indemnité éventuellement due de ce chef ne peut se cumuler avec les dommage-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré, qui a alloué des dommages-intérêts de ce chef à M.[B] sera donc infirmé.
Sur l'information de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DREETS):
37. L'article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
38. En l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions, M.[B] ne formule aucune demande en dommages-intérêts tirée de la violation par la SCEA La Martinette de son obligation d'informer la DREETS préalablement à son licenciement. Il n'y a donc pas lieu à trancher sur le bien fondé des moyens soulevés de ce chef par ce salarié.
Sur le défaut de réponse à la demande d'information sur les critères d'ordre:
39. Il ressort de l'article L.1233-43 code du travail que, en cas de licenciement de dix salariés au plus dans une même période de trente jours, sur demande écrite du salarié, l'employeur indique par écrit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements.
40. L'article R.1233-1 du même code précise que le salarié qui souhaite connaître les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements adresse sa demande à l'employeur, en application des articles L. 1233-17 et L. 1233-43, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, avant l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi, que l'employeur fait connaître les critères qu'il a retenus pour fixer l'ordre des licenciements, en application de l'article L. 1233-5, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, dans les dix jours suivant la présentation ou de la remise de la lettre du salarié, que ces délais ne sont pas des délais francs et qu'ils expirent le dernier jour à vingt-quatre heures.
41. Le manquement de l'employeur à son obligation d'indiquer au salarié licencié pour motif économique, qui le demande, les critères d'ordre retenus pour procéder à son licenciement constitue une irrégularité que le juge doit réparer en fonction du préjudice subi par le salarié.
42. Il est de principe que l'employeur n'est pas tenu de mettre en 'uvre des critères d'ordre lorsque le salarié dont le poste est supprimé est le seul à relever d'une catégorie professionnelle.
43. Il ressort clairement des explications de la SCEA La Martinette et de ses registres du personnel qu'il n'existait pas d'autres salariés relevant de la catégorie professionnelle de M.[B]. Ce dernier ne peut donc prétendre à des dommages-intérêts au titre du manquement de la SCEA La Martinette à son obligation de l'informer des critères d'ordre.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail, l'absence de mise en place du comité social et économique (CSE) et le préjudice moral:
44. L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
45. Selon l'article L.1233-19 du même code, l'employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours informe l'autorité administrative du ou des licenciements prononcés.
46. L'article D. 1233-3 code du travail édicte que, en cas de licenciement pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur informe par écrit le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des licenciements prononcés dans les huit jours de l'envoi des lettres de licenciement aux salariés concernés.
47. L'article L.1235-15 du même code énonce qu'est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n'a pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi et que le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.
48. A l'exception du grief tiré de l'absence de mise en place d'un CSE, M.[B] n'invoque aucun grief précis à l'encontre de la SCEA La Martinette caractéristique d'un manquement de sa part à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.
49. La SCEA La Martinette reconnait que, compte tenu de ses effectifs, elle aurait dû, à compter de l'année 2020, organiser un scrutin en vue de l'élection des membres du CSE et ne justifie pas d'un procès-verbal de carence.
50. Il est de principe que l'employeur qui met en 'uvre une procédure de licenciement économique, alors qu'il n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel et sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Cour de cassation, chambre sociale, 17 octobre 2018, n°17-14.392).
51. Pour le surplus, M.[B] ne rapporte pas la preuve du préjudice, notamment moral, qu'il aurait subi à raison du défaut de mise en place du CSE et de l'exécution déloyale du contrat de travail qu'il reproche à la SCEA La Martinette .
52. Le préjudice subi par M.[B] en raison de l'absence de mise en 'uvre par la SCEA La Martinette des diligences nécessaires à la mise en place d'un comité social et économique sera indemnisé en lui allouant la somme de 4 521,21 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la priorité de réembauchage:
53. Il ressort de l'article L1233-45 du code du travail que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai et que, dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.
54. L'article L.1235-13 du même code dispose que, en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
55. En l'espèce, le 5 juillet 2021, M.[B] a informé la SCEA La Martinette qu'il entendait exercer sa priorité de réembauchage. Il n'a pas donné suite au poste de vendangeur qui lui avait été proposé par la SCEA La Martinette le 20 juillet 2021. En outre, il ressort clairement du registre du personnel versé aux débats par la SCEA La Martinette qu'il n'existait au profit de M.[B], dans l'année de son licenciement, aucun poste disponible et compatible avec sa qualification. La demande d'indemnité qu'il forme de ce chef s'avère donc infondée.
56. Il ressort clairement du registre du personnel versé aux débats par la SCEA La Martinette qu'il n'existait au profit de M.[B], dans l'année de son licenciement, aucun poste disponible et compatible avec sa qualification. La demande d'indemnité qu'il forme de ce chef s'avère donc infondée.
Sur le surplus des demandes:
57. Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes allouées à M.[B] à titre indemnitaire devront porter intérêts à compter du présent arrêt alors que les sommes allouées à M.[B] à titre salarial devront porter à compter de la mise en demeure, soit en l'espèce la convocation de la SCEA La Martinette devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, soit le 5 octobre 2021.
58. Enfin, la SCEA La Martinette, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, devra payer à M.[B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Draguignan du 4 juillet 2023 en ce qu'il a:
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 500 euros au titre de dommages-intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre,
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 7500 euros au titre de dommages-intérêts pour le non-respect de la priorité de réembauche,
- débouté M.[B] de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté M.[B] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et des congés payés afférents,
- débouté M.[B] de sa demande à titre de solde sur l'indemnité de licenciement,
- débouté M.[B] de sa demande en dommages-intérêts à raison de l'absence de mise en place d'un comité économique et social,
LE CONFIRME pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs d'infirmation,
DIT que le licenciement de M.[B] pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SCEA La Martinette à payer à M.[B] les sommes suivantes:
- 27 127,26 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 14 562,62 euros à titre de solde sur l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1 456,26 euros à titre des congés payés afférents,
- 75,23 euros à titre de solde sur l'indemnité de licenciement,
- 4 521,21 euros à titre de dommages-intérêts à raison de l'absence de mise en place d'un comité économique et social,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE la remise par la SCEA La Martinette à M.[B] d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes aux condamnations qui précèdent,
DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2021,
DIT que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la SCEA La Martinette aux dépens de la procédure d'appel.
Le Greffier Le Président
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 04 OCTOBRE 2024
N°2024/ 292
Rôle N° RG 23/07863 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOHF
[L] [B]
C/
S.C.E.A. CHÂTEAU DE LA MARTINETTE
Copie exécutoire délivrée
le :04/10/2024
à :
Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS
Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 16 Mai 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F21/00144.
APPELANT
Monsieur [L] [B], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.C.E.A. CHÂTEAU DE LA MARTINETTE, [Adresse 1]
représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller.
Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2024.
Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
1. Selon contrat à durée déterminée du 1er juillet 2013, M.[B] a été embauché en qualité d'ouvrier qualifié agricole par la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château de La Martinette (la SCEA La Martinette) ayant une activité de viticulture, de dégustation de vin et de visites touristiques du vignoble à [Localité 2] (83).
2. Le 31 décembre 2014, la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. A l'issue de la relation de travail, M.[B] exerçait les fonctions de responsable des projets agricoles statut cadre.
3. Le 5 février 2021, M.[B] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 février 2021.
4. Le 18 février 2021, M.[B] a accepté un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
5. Le 5 mars 2021, la SCEA Château de La Martinette a licencié M.[B] pour motif économique.
6. Le 5 octobre 2021, M.[B] a saisi le conseil de prud'hommes de Draguignan en contestation du bien-fondé de son licenciement et en vue d'obtenir diverses indemnités pour non-respect des critères d'ordre de licenciement, irrégularité de la procédure, violation de la priorité de réembauchage et dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
7. Par jugement du 16 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Draguignan a:
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 500 euros au titre de dommages-intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre;
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 7 500 euros au titre de dommages-intérêts pour le non-respect de la priorité de réembauche;
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté M.[B] de toutes ses autres demandes;
- débouté la SCEA Château de la Martinette de ses demandes reconventionnelles;
- laissé les dépens à la charge des parties.
8. Le 14 juin 2023, M.[B] a fait appel de ce jugement.
9. A l'issue de ses dernières conclusions du 4 juin 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M.[B] demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Draguignan le 16 mai 2023 en ce qu'il a:
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre.
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche.
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la SCEA Château de La Martinette de ses demandes reconventionnelles.
- dit qu'à défaut de règlement des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la SCEA Château de La Martinette.
- infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Draguignan du 16 mai 2023 des demandes et/ou sommes non obtenues et plus précisément, en ce qu'il a:
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre
- condamné la SCEA Château La Martinette à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,
- l'a débouté de toutes ses autres demandes,
- l'équité commande que chaque partie garde ses dépens.
- juger l'absence de mise en place du comité social économique (CSE),
- juger qu'en l'absence de représentant du personnel et du procès-verbal de carence, le licenciement doit être automatiquement requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- juger l'absence de toute cause réelle et sérieuse du motif économique du licenciement invoqué par la SCEA Château de La Martinette;
- juger de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- condamner la SCEA Château de La Martinette à lui payer les sommes suivantes:
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 36 000 euros nets
- indemnité compensatrice de préavis (4 mois ' la somme de 3 522,22 euros réglée par l'employeur): 14 562,62 euros
- indemnité de congés payés sur préavis: 1 456,26 euros
- reliquat de l'indemnité de licenciement: 75,23 euros
- dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement: 36 000 euros nets,
- dommages et intérêts pour irrégularité de la réponse à la demande des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements: 5 000 euros nets (somme totale)
- violation de la priorité de réembauche: 15 000 euros nets (somme totale)
- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, absence de mise en place d'un CSE et préjudice moral: 20 000 euros nets;
- article 700 du code de procédure civile: 3 500 euros;
- débouter la SCEA Château de La Martinette de l'ensemble de ses demandes.
10. Pour contester son licenciement pour motif économique, M.[B] expose que la SCEA La Martinette ne justifie pas du motif économique invoqué à l'appui de son licenciement et lui reproche notamment une production incomplète de ses pièces comptables.
11. En outre grief à la SCEA La Martinette d'avoir manqué à son obligation de reclassement en raison de l'absence de formation ou d'adaptation préalable à son client ainsi que de recherche effective et sérieuse de reclassement tant en interne qu'au sein du groupe auquel elle appartenait.
12. Il affirme en outre que la SCEA La Martinette a procédé à son licenciement sans établir préalablement des critères d'ordre des licenciements et que, compte tenu de son effectif, il appartenait à la SCEA La Martinette de mettre en place un comité social et économique, entraînant ainsi l'irrégularité de la procédure. Par ailleurs, qu'il appartenait à la SCEA La Martinette, s'agissant d'un licenciement collectif d'informer préalablement l'autorité administrative.
13. Enfin il indique qu'il avait demandé à solliciter de la priorité de réembauchage et que, faute pour la SCEA La Martinette de verser aux débats son registre du personnel à jour, il ne peut vérifier le respect par l'employeur de cette obligation, justifiant ainsi sa demande en dommages-intérêts.
14. A l'issue de ses dernières conclusions du 30 mai 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCEA Le Château de La Martinette demande à la cour de:
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de M.[B] repose sur une cause réelle et sérieuse et donc valide le licenciement pour motif économique;
- débouté M.[B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- débouté M.[B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents;
- débouté M.[B] de sa demande de reliquat d'indemnité de licenciement;
- débouté M. [L] [B] de sa demande d'indemnité pour non-respect des critères d'ordre de licenciement;
- débouté M. [L] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, absence de mise en place d'un CSE et préjudice moral;
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M.[B] la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre;
- ainsi qu'à payer à M.[B] la somme de 7 500 euros au titre de dommages et intérêts pour le non-respect de la priorité de réembauche;
- et à payer à M.[B] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Statuant à nouveau, infirmant le jugement contesté sur les chefs de jugement critiqués, de:
- juger que M. [L] [B] occupant un poste unique, il ne peut se voir appliquer de critères d'ordre de licenciement, et qu'en conséquence, elle ne peut se voir condamnée pour irrégularité de l'application de tels critères,
- débouter M. [L] [B] de sa demande de dommages et intérêts dommages et intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre,
- juger qu'elle respecté son obligation au titre de la priorité de réembauche,
- débouter M. [L] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,
- débouter M. [L] [B] de sa demande de remise du bulletin de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir,
- débouter M. [L] [B] de sa demande d'intérêt au taux légal au jour de la saisine, soit au 1er octobre 2021 sur l'intégralité des condamnations ainsi que la capitalisation,
- juger qu'il n'y a pas lieu à sa condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel,
- ainsi, à titre reconventionnel, condamner M. [L] [B] à hauteur de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M.[B] aux entiers dépens.
15. LA SCEA LA MARTINETTE fait valoir que le licenciement de M.[B] était uniquement justifié par la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
16. Elle soutient qu'elle s'est valablement acquittée de son obligation de reclassement envers M.[B] en interne qu'il n'existait aucun poste disponible susceptible de lui être proposé et que M.[B] ne rapporte pas la preuve du groupe.
17. Elle soutient que M.[B] ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle elle n'était pas tenue d'informer l'administration du travail de son licenciement.
18. Elle conteste avoir violé la priorité de réembauchage de M.[B] au motif qu'il a refusé le contrat à durée déterminée pour effectuer les vendanges qu'elle lui a proposé le 20 juillet 2021 et qu'elle n'a procédé à aucun recrutement après le 5 juillet 2021, date à laquelle il a demandé à solliciter d'une telle priorité.
19. Concernant les dommages-intérêts sollicités par M.[B] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et son préjudice moral, elle indique que son ex-salarié ne justifie pas du dommage qu'il y aurait lieu de réparer.
20. Enfin, s'agissant du respect des critères d'ordre, elle soutient que, en raison de la suppression de la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait, elle n'était pas tenue de mettre en place de tels critères.
21. La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 juin 2024. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
MOTIVATION
Sur le licenciement pour motif économique:
22. L'article L.1233-3 du code du travail dispose que:
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment:
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à:
Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés;
Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés;
Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;
Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus;
2° A des mutations technologiques;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
23. La note d'information remise par la SCEA La Martinette à M.[B] dans le cadre de son entretien préalable à licenciement est rédigée dans les termes suivants: « Nous envisageons de rompre votre contrat de travail pour motif économique. Ce projet de licenciement repose sur les graves difficultés économiques rencontrées par l'entreprise, principalement caractérisée par la crise sanitaire sans précédent provoquée par le coronavirus, à l'état d'urgence sanitaire décrété pour faire face à l'épidémie de COVID 19, et face à une catastrophe sanitaire qui continue à se dégrader. Consécutivement aux deux confinements successifs en 2020 et en 2021 et à la décision gouvernementale de fermer les restaurants, nous avons à ce jour accumulé et ce en dépit du dispositif d'activité partielle mis en place par le gouvernement auquel nous avons eu recours, d'importantes difficultés économiques, directement induites par la crise de Covid-19. Le Chiffre d'Affaires global sur la vente de vins du domaine (lequel représente plus de 90% des recettes) a ainsi baissé de 14% entre 2019 et 2020 alors qu'il était en croissance de +18% entre 2018 et 2019 et +23% entre 2017 et 2018. La part de Chiffre d'affaires perdu sur le secteur Café Hôtels Restaurants en 2020 est passée à -34%. Nous sommes donc contraints d'envisager une restructuration de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité de cette dernière. Cette réorganisation se manifesterait par la suppression de 2 services : le service sécurité et le service projets agricoles. En effet le service projet agricole dont le coeur des recettes est constitué de la vente des huiles d'olive a accusé une baisse de -30% de la production en 2020 par rapport à 2019. Ceci ajouté au fait que le Chiffre d'Affaires généré en 2020 par ce service représente 11,4% des dépenses. Le service sécurité quant à lui ne génère aucune recette. En 2020, la masse salariale des services sécurité et projets agricoles cumulés représentait 27% e la masse salariale totale de l'entreprise pour à peine 2% des recettes. En raison du motif énoncé ci-dessus, la Direction de la société a pris la décision de supprimer votre emploi. Nous avons procédé à une recherche active et individualisée de reclassement ».
24. Il ressort clairement des termes de cette note d'information et de l'argumentation développée par la SCEA La Martinette que le seul motif retenu par la SCEA La Martinette pour procéder à la suppression du poste de travail de M.[B] réside dans la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité.
25. La SCEA La Martinette verse aux débats ses comptes de résultats pour les exercices 2020, 2021 et 2022 qui se résument comme suit:
exercice 2020
exercice 2021
exercice 2022
chiffre d'affaires
986 050 €
879 139 €
1 127 913 €
produits d'exploitation
1 162 088 €
1 142 410 €
1 383 539 €
salaires et traitements
922 488 €
760 115 €
807 431 €
charges sociales
354 857 €
292 070 €
268 937 €
dotations aux amortissements
483 087 €
1 042 321 €
1 148 626 €
charges d'exploitation
3 047 220 €
3 019 033 €
3 219 551 €
résultat d'exploitation
- 1 885 132 €
- 1 876 623 €
- 1 836 011 €
résultat financier
- 191 353 €
- 157 615 €
- 10 795 €
résultat courant avant impôts
- 2 076 485 €
- 2 034 238 €
- 1 846 806 €
résultat exceptionnel
56 228 €
43 130 €
- 42 562 €
bénéfice ou perte
- 2 020 257 €
- 1 991 108 €
- 1 889 368 €
26. Elle produit en outre aux débats:
- Un tableau détaillant mois par mois, pour l'année 2020, le chiffre d'affaires réalisé au titre de la vente de vins,
- la balance du compte « vente huile d'olive domaine » pour l'année 2020 établissant un solde de 16 963,54 euros contre 9 756.18 euros pour l'exercice 2019,
- une attestation de son expert-comptable indiquant que, pour l'année 2019, son chiffre d'affaires relatif à la vente de vins, s'est élevé à 947 124 euros ht et à 778 613 euros ht pour l'année 2020.
27. Il convient de relever que la SCEA La Martinette, malgré l'argumentation expressément soulevée de ce chef par M.[B], n'a pas versé aux débats l'intégralité de ses liasses fiscales afférentes aux exercices précités, notamment son bilan et ses annexes, qu'il n'est pas possible de vérifier la consistance de certains postes du compte de résultat, notamment les dotations aux amortissements qui ont plus que doublé entre 2020 et les exercices 2021 et 2022, que les pièces versées à l'instance par la SCEA La Martinette ne permettent pas de se convaincre que ces dotations aux amortissements correspondent à des travaux rendus nécessaires afin de prévenir la dégradation de biens immobiliers, que la SCEA La Martinette ne produit pas son compte de résultat pour l'année 2019 et qu'il ne ressort ni de la lettre d'information précitée ni de l'argumentation développée par la SCEA La Martinette dans le cadre de la présente instance que le licenciement de M.[B] ainsi que des autres salariés était de nature à sauvegarder sa compétitivité. Ainsi, il n'est produit aucune démonstration comptable permettant de chiffrer les conséquences attendues sur la compétitivité de l'entreprise en raison de ces licenciements et de la réorganisation de la société. Il existe en conséquence un doute sur la réalité du motif économique invoqué par la SCEA La Martinette privant le licenciement de M.[B] de cause réelle et sérieuse.
28. Il est de principe que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue (Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2017, n°16-13.578).
29. L'article L.1235-3 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, calculé en fonction de l'ancienneté du salarié en année complète, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau qu'il prévoit.
30. Il est de principe que cette indemnité doit être calculée en fonction du salaire brut. Dès lors, M.[B] ne peut solliciter le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en net.
31. Compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération, soit 4 521,21 euros, le préjudice subi par M.[B] en raison de son licenciement sera indemnisé en lui allouant la somme de 27 127,26 euros bruts à titre de dommages-intérêts.
32. Il est de principe qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au salarié.
33. Il n'est pas contesté que la durée du préavis auquel M.[B] pouvait prétendre était de quatre mois. Ses documents de fin de contrat démontrent qu'il a perçu de la SCEA La Martinette la somme de 3 522,22 euros au titre du préavis. Il subsiste en conséquence un solde de 14 562.62 euros (4 521,21 euros x 4 ' 3 522.22 euros), outre les congés payés afférents.
34. En outre, après réintégration du préavis de M.[B] dans le calcul de son ancienneté, la SCEA La Martinette reste lui devoir la somme de 75,23 euros à titre de reliquat sur l'indemnité de licenciement.
35. Le licenciement de M.[B] ayant été reconnu dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est donc sans objet de se prononcer sur le respect par la SCEA La Martinette des critères d'ordre.
36. En outre, l'indemnité éventuellement due de ce chef ne peut se cumuler avec les dommage-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré, qui a alloué des dommages-intérêts de ce chef à M.[B] sera donc infirmé.
Sur l'information de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DREETS):
37. L'article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
38. En l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions, M.[B] ne formule aucune demande en dommages-intérêts tirée de la violation par la SCEA La Martinette de son obligation d'informer la DREETS préalablement à son licenciement. Il n'y a donc pas lieu à trancher sur le bien fondé des moyens soulevés de ce chef par ce salarié.
Sur le défaut de réponse à la demande d'information sur les critères d'ordre:
39. Il ressort de l'article L.1233-43 code du travail que, en cas de licenciement de dix salariés au plus dans une même période de trente jours, sur demande écrite du salarié, l'employeur indique par écrit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements.
40. L'article R.1233-1 du même code précise que le salarié qui souhaite connaître les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements adresse sa demande à l'employeur, en application des articles L. 1233-17 et L. 1233-43, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, avant l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi, que l'employeur fait connaître les critères qu'il a retenus pour fixer l'ordre des licenciements, en application de l'article L. 1233-5, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, dans les dix jours suivant la présentation ou de la remise de la lettre du salarié, que ces délais ne sont pas des délais francs et qu'ils expirent le dernier jour à vingt-quatre heures.
41. Le manquement de l'employeur à son obligation d'indiquer au salarié licencié pour motif économique, qui le demande, les critères d'ordre retenus pour procéder à son licenciement constitue une irrégularité que le juge doit réparer en fonction du préjudice subi par le salarié.
42. Il est de principe que l'employeur n'est pas tenu de mettre en 'uvre des critères d'ordre lorsque le salarié dont le poste est supprimé est le seul à relever d'une catégorie professionnelle.
43. Il ressort clairement des explications de la SCEA La Martinette et de ses registres du personnel qu'il n'existait pas d'autres salariés relevant de la catégorie professionnelle de M.[B]. Ce dernier ne peut donc prétendre à des dommages-intérêts au titre du manquement de la SCEA La Martinette à son obligation de l'informer des critères d'ordre.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail, l'absence de mise en place du comité social et économique (CSE) et le préjudice moral:
44. L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
45. Selon l'article L.1233-19 du même code, l'employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours informe l'autorité administrative du ou des licenciements prononcés.
46. L'article D. 1233-3 code du travail édicte que, en cas de licenciement pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur informe par écrit le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des licenciements prononcés dans les huit jours de l'envoi des lettres de licenciement aux salariés concernés.
47. L'article L.1235-15 du même code énonce qu'est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n'a pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi et que le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.
48. A l'exception du grief tiré de l'absence de mise en place d'un CSE, M.[B] n'invoque aucun grief précis à l'encontre de la SCEA La Martinette caractéristique d'un manquement de sa part à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.
49. La SCEA La Martinette reconnait que, compte tenu de ses effectifs, elle aurait dû, à compter de l'année 2020, organiser un scrutin en vue de l'élection des membres du CSE et ne justifie pas d'un procès-verbal de carence.
50. Il est de principe que l'employeur qui met en 'uvre une procédure de licenciement économique, alors qu'il n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel et sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Cour de cassation, chambre sociale, 17 octobre 2018, n°17-14.392).
51. Pour le surplus, M.[B] ne rapporte pas la preuve du préjudice, notamment moral, qu'il aurait subi à raison du défaut de mise en place du CSE et de l'exécution déloyale du contrat de travail qu'il reproche à la SCEA La Martinette .
52. Le préjudice subi par M.[B] en raison de l'absence de mise en 'uvre par la SCEA La Martinette des diligences nécessaires à la mise en place d'un comité social et économique sera indemnisé en lui allouant la somme de 4 521,21 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la priorité de réembauchage:
53. Il ressort de l'article L1233-45 du code du travail que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai et que, dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.
54. L'article L.1235-13 du même code dispose que, en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
55. En l'espèce, le 5 juillet 2021, M.[B] a informé la SCEA La Martinette qu'il entendait exercer sa priorité de réembauchage. Il n'a pas donné suite au poste de vendangeur qui lui avait été proposé par la SCEA La Martinette le 20 juillet 2021. En outre, il ressort clairement du registre du personnel versé aux débats par la SCEA La Martinette qu'il n'existait au profit de M.[B], dans l'année de son licenciement, aucun poste disponible et compatible avec sa qualification. La demande d'indemnité qu'il forme de ce chef s'avère donc infondée.
56. Il ressort clairement du registre du personnel versé aux débats par la SCEA La Martinette qu'il n'existait au profit de M.[B], dans l'année de son licenciement, aucun poste disponible et compatible avec sa qualification. La demande d'indemnité qu'il forme de ce chef s'avère donc infondée.
Sur le surplus des demandes:
57. Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes allouées à M.[B] à titre indemnitaire devront porter intérêts à compter du présent arrêt alors que les sommes allouées à M.[B] à titre salarial devront porter à compter de la mise en demeure, soit en l'espèce la convocation de la SCEA La Martinette devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, soit le 5 octobre 2021.
58. Enfin, la SCEA La Martinette, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, devra payer à M.[B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Draguignan du 4 juillet 2023 en ce qu'il a:
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 500 euros au titre de dommages-intérêts pour irrégularité dans les critères d'ordre,
- condamné la SCEA Château de La Martinette à payer à M.[B] la somme de 7500 euros au titre de dommages-intérêts pour le non-respect de la priorité de réembauche,
- débouté M.[B] de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté M.[B] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et des congés payés afférents,
- débouté M.[B] de sa demande à titre de solde sur l'indemnité de licenciement,
- débouté M.[B] de sa demande en dommages-intérêts à raison de l'absence de mise en place d'un comité économique et social,
LE CONFIRME pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs d'infirmation,
DIT que le licenciement de M.[B] pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SCEA La Martinette à payer à M.[B] les sommes suivantes:
- 27 127,26 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 14 562,62 euros à titre de solde sur l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1 456,26 euros à titre des congés payés afférents,
- 75,23 euros à titre de solde sur l'indemnité de licenciement,
- 4 521,21 euros à titre de dommages-intérêts à raison de l'absence de mise en place d'un comité économique et social,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE la remise par la SCEA La Martinette à M.[B] d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes aux condamnations qui précèdent,
DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2021,
DIT que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la SCEA La Martinette aux dépens de la procédure d'appel.
Le Greffier Le Président