Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-5, 10 octobre 2024, n° 24/00522
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 36Z
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 OCTOBRE 2024
N° RG 24/00522 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WJ2V
AFFAIRE :
[D] [W]
...
C/
[Z] [G]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Décembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° RG : 2023R01000
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 10.10.2024
à :
Me Hélène LADIRE, avocat au barreau de VERSAILLES,
Me Caroline GUERARD-OBERTI, avocat au barreau de VAL D'OISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [D] [W]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 21]
Monsieur [I] [N]
né le [Date naissance 14] 1963 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 24]
Monsieur [K] [E]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 23]
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 4] 1964 à Portugal
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 22]
Monsieur [M] [O]
né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 31] (Cameroun)
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 19]
Madame [C] [U]
née le [Date naissance 13] 1965 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 18]
Monsieur [A] [J]
né le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 25]
[Localité 17]
S.A. PHILEOG
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 443 69 1 7 04
[Adresse 10]
[Localité 22]
Représentant : Me Hélène LADIRE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 378
Ayant pour avocat plaidant Me Alain LAWLESS, du barreau de Bordeaux
APPELANTS
****************
Madame [Z] [G]
née le [Date naissance 12] 1964 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 20]
Représentant : Me Caroline GUERARD-OBERTI de la SCP BACHELET - GUERARD- OBERTI, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 133 - N° du dossier 23/00080
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Septembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Président,
Madame Fabienne PAGES, Président de chambre faisant fonction de conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La SA. Phileog, créée en 2002, est une société qui intervient dans le domine de l'événementiel dont le capital social d'un montant de 54 377,40 euros est divisé en 3 531 actions.
Depuis l'origine, son président est M. [D] [W].
Tous les actionnaires sont, ou étaient, salariés effectifs de la société (statut de salarié cadre, « directeur conseil » ).
Depuis 2003, les actionnaires sont liés par un pacte d'actionnaire, reconduit en dernier lieu le 23 juin 2016.
Mme [Z] [G], actionnaire et directrice conseil, a été licenciée pour motif économique en date du 15 février 2020 et son contrat a pris fin le 18 février 2020
Au cours d'une assemblée générale extraordinaire du 13 mars 2020, les actionnaires de la société ont décidé de notifier à Mme [G] leur intention d'acquérir, selon les termes du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, les titres qu'elle détenait au sein de la société.
Le 9 mars 2020, 4 jours avant la tenue de cette assemblée, Mme [G] avait fait savoir au président de la société Phileog qu'elle considérait que « la rupture de son contrat de travail ne rentre pas dans les conditions prévues dans le pacte d'actionnaires ».
À la date du 13 mars 2020, le capital de la société Phileog était réparti comme suit :
- M. [A] [J] détenait 291 actions,
- M. [K] [E] détenait 291 actions,
- Mme [Z] [G] détenait 291 actions,
- M. [I] [N] détenait 291 actions,
- M. [T] [F] détenait 291 actions,
- Mme [C] [U] détenait 205 actions,
- M. [M] [O] détenait 131 actions,
- M. [Y] [P] détenait 933 actions,
- la société Phileog détenait 807 actions.
Le 20 mai 2020, le président du conseil d'administration de la société a adressé à Mme [G] les ordres de mouvement de ses actions et les chèques correspondant à cette cession, à hauteur de la somme totale de 52 110 euros. Mme [G] a retourné les documents et les chèques, contestant cette cession d'actions.
Une assemblée générale statuant sur l'exercice 2019 s'est tenue le 30 septembre 2020, pour laquelle Mme [G] n'a pas reçu de convocation. Y a été votée la distribution de dividendes d'un montant total de 474 120 euros. Mme [G] n'a rien perçu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 septembre 2021, Mme [G] a mis en demeure la société Phileog de lui régler sa part dans les sommes mises en distribution aux actionnaires, en vain.
Par acte du 25 novembre 2021, Mme [G] a saisi le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement rendu le 19 janvier 2023, considérant que les modalités mises en 'uvre par la société Phileog pour acquérir les titres de Mme [G] sont nulles et de nul effet, et que cette dernière est toujours actionnaire, détenant 291 titres sur les 3 531 (y compris 807 actions d'autocontrôle) composant le capital social et comme telle, justifiée à participer aux assemblées d'actionnaires et à recevoir les dividendes attachés à ses actions, a, en substance :
- condamné la société Phileog à verser à Mme [G] la somme brute de 50 648,55 euros au titre des dividendes dont la distribution a été décidée en 2020 au titre de l'exercice 2019,
- ordonné à la société Phileog de remettre à Mme [G] :
* copies des procès-verbaux des assemblées réunies depuis le 13 mars 2020 et des feuilles de présence signées,
* les rapports du commissaire aux comptes sur les comptes des exercices clos à compter du 31 décembre 2020,
* les comptes sociaux de la société Phileog au 30 septembre 2021.
Le 29 mars 2023, la société a interjeté appel de ce jugement et a assigné Mme [G] devant le président de la cour d'appel de Versailles aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire et, à titre subsidiaire, ordonner la consignation de la somme de 55 390,10 euros. La société Phileog a été déboutée de ses deux demandes.
La société n'a pas exécuté le jugement du 19 janvier 2023 et Mme [G] a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente. Il a été procédé à une saisie attribution d'un montant total de 55 927,49 euros le 5 mai 2023.
Le 10 juillet 2023 une sommation de remettre les copies des procès-verbaux des assemblées réunies depuis le 13 mars 2020 et des feuilles de présence signées a été délivrée à la société. Les documents ont été communiqués à Mme [G] jusqu'à la date du 14 avril 2022.
Mme [G] a constaté qu'une distribution de dividendes avait été votée lors de l'assemblée du 14 avril 2022 et qu'elle n'avait rien perçu.
Par courrier du 18 juillet 2023, elle a vainement mis en demeure la société Phileog de lui remettre la part de dividendes qui lui revient.
Par acte de commissaire de justice délivré les 5, 6 et 8 septembre 2023, Mme [G] a fait assigner en référé M. [F], la société Phileog, M. [W], M. [N], M. [E], M. [O], M. [J] et Mme [U] aux fins d'obtenir principalement :
- leur condamnation in solidum avec la société Phileog, et avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022, au paiement des sommes suivantes :
- M. [J] la somme de 35 000 euros,
- M. [E] la somme de 35 000 euros,
- M. [N] la somme de 35 000 euros,
- M. [F] la somme de 35 000 euros,
- Mme [V] la somme de 25 000 euros,
- M. [O] la somme de 16 000 euros,
- M. [W] la somme de 110 000 euros,
- de voir ordonner à la société Phileog de lui remettre, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées réunies postérieurement au 14 avril 2022.
Par ordonnance contradictoire rendue le 22 décembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné à payer à titre provisionnel à Mme [G], in solidum la société Phileog et :
M. [J] la somme de 35 000 euros,
M. [E] la somme de 35 000 euros,
M. [N] la somme de 35 000 euros,
M. [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [V] la somme de 25 000 euros,
M. [O] la somme de 16 000 euros,
M. [W] la somme de 110 000 euros,
avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022,
- ordonné à la société Phileog de remettre à Mme [G], les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées réunies postérieurement au 14 avril 2022, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, cette astreinte commençant à courir dès le 15ème jour après la signification de l'ordonnance, astreinte qui courra pendant trois mois, le juge des référés près ce tribunal de commerce se réservant sa liquidation,
- condamné in solidum la société Phileog, Mme [V], M. [O], M. [J], M. [E], M. [N], M. [W] et M. [F] à payer à Mme [G], à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Phileog aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 159,60 euros, dont TVA 26,60 euros.
Par déclaration reçue au greffe le 22 janvier 2024, M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [T] [F], Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [D] [W] et la société Phileog ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a liquidé les dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 août 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Phileog demande à la cour, au visa des articles 873 et 873-1 du code de procédure civile, de :
'- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société Phileog.
y faisant droit
- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 22 décembre 2023 en ce qu'elle :
- « condamnons à payer à titre provisionnel à Mme [Z] [G] in solidum la société Phileog SA et :
M. [A] [J] la somme 35 000 euros
M. [K] [E] la somme de 35 000 euros,
M. [I] [N] la somme de 35 000 euros
M. [T] [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [C] [U] la somme de 25 000 euros
M. [M] [O] la somme de 16 000 euros
M. [D] [W] la somme de 110 000 euros
avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022,
- ordonnons à la société Phileog SA de remettre à Mme [Z] [G] les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées générales réunies postérieurement au 14 avril 2022, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, cette astreinte commençant à courir dès le quinzième jour après la signification de la présente ordonnance, cette astreinte courra pendant trois mois, le juge des référés près ce tribunal de commerce se réservant sa liquidation ;
- condamnons in solidum la société Phileog SA, Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] à payer à Mme [Z] [G], à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnons la société Phileog SA aux dépens,
- disons que l'exécution provisoire est de droit »
et, statuant à nouveau
à titre principal
- juger que l'existence de l'obligation de la société Phileog à verser la somme totale de 291 000 euros est sérieusement contestable ;
- juger que l'existence de l'obligation de la société Phileog de remettre les documents sociaux à Mme [G] est sérieusement contestable ;
en conséquence,
- dire n'y avoir lieu à référé en application de l'article 873 alinéa 2nd du code de procédure civile,
- réformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 22 décembre 2023, en ce qu'elle a condamné solidairement la société Phileog avec ses actionnaires,
à titre subsidiaire,
- dire que la société Phileog a d'ores et déjà réglé la « flat tax » attachée aux dividendes versés au titre de l'assemblée générale exceptionnelle en date du 14 avril 2022 ;
en conséquence,
- réduire le montant de la condamnation in solidum à la somme de 203 700 euros ;
à titre infiniment subsidiaire,
- désigner un séquestre avec pour mission de conserver la somme versée par la société Phileog en exécution de l'ordonnance de référé du 22 décembre 2023 ;
- ordonner à Mme [G], ou à son conseil, de verser la somme de 329 908,29 euros sur le compte du séquestre désigné par la cour jusqu'à ce que la cour d'appel de Versailles ait statué sur le fond de l'affaire ;
en tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la Mme [Z] [G].
- condamner Mme [Z] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'
Dans leurs dernières conclusions déposées le 1er juillet 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F], au visa de l'article 873-2 du code de procédure civile, demandent à la cour, de :
'- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] .
y faisant droit
- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 22 décembre 2023 en ce qu'elle :
- « condamnons à payer à titre provisionnel à Mme [Z] [G] in solidum la société Phileog SA et :
M. [A] [J] la somme 35 000 euros
M. [K] [E] la somme de 35 000 euros,
M. [I] [N] la somme de 35 000 euros
M. [T] [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [C] [U] la somme de 25 000 euros
M. [M] [O] la somme de 16 000 euros
M. [D] [W] la somme de 110 000 euros
avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022,
- ordonnons à la société Phileog SA de remettre à Mme [Z] [G] les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées générales réunies postérieurement au 14 avril 2022, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, cette astreinte commençant à courir dès le quinzième jour après la signification de la présente ordonnance, cette astreinte courra pendant trois mois, le juge des référés près ce tribunal de commerce se réservant sa liquidation ;
- condamnons in solidum la société Phileog SA, Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] à payer à Mme [Z] [G], à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnons la société Phileog SA aux dépens,
- disons que l'exécution provisoire est de droit »
et, statuant à nouveau
à titre principal
- juger que la créance revendiquée était contestable tant dans son principe que dans son quantum,
- dire n'y avoir lieu à référé,
à titre subsidiaire,
- dire que les concluants n'ont pas commis de faute détachable de leur qualité d'associé,
à titre infiniment subsidiaire
infirmer la décision en ce qu'elle condamne chaque actionnaire à payer la somme de :
M. [A] [J] la somme 35 000 euros
M. [K] [E] la somme de 35 000 euros,
M. [I] [N] la somme de 35 000 euros
M. [T] [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [C] [U] la somme de 25 000 euros
M. [M] [O] la somme de 16 000 euros
M. [D] [W] la somme de 110 000 euros
- condamner chaque actionnaire solidairement avec la société PHILEOG, à payer la somme de :
Monsieur [A] [J] la somme 24 500 euros
Monsieur [K] [E] la somme de 24 500 euros,
Monsieur [I] [N] la somme de 24 500 euros
Monsieur [T] [F] la somme de 24 500 euros,
Madame [C] [U] la somme de 17 500 euros
Monsieur [M] [O] la somme de 11 200 euros
Monsieur [D] [W] la somme de 77 000 euros
En tout état de cause
- débouter Madame [Z] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- statuer ce que de droit sur les dépens ».
Dans ses dernières conclusions déposées le 12 juillet 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [G] demande à la cour, au visa de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, de
'- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre du 22 décembre 2023 ;
y ajoutant :
- condamner à payer à titre provisionnel à Mme [Z] [G], in solidum la société Phileog SA et :
M. [K] [E] la somme de 10 704,16 euros
M. [I] [N] la somme de 10 704,16 euros
M. [T] [F] la somme de 10 704,16 euros
M. [M] [O] la somme de 7 731,67 euros
M. [D] [W] la somme de 40 276,82 euros ;
avec intérêts au taux légal depuis le 30 mars 2023 ;
à titre subsidiaire :
- désigner un séquestre avec mission de conserver les dividendes attachés aux 291 actions de la société Phileog au profit de qui il sera par justice décidé au fond.
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W], la société anonyme Phileog SA et M. [T] [F] à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W], la société anonyme Phileog SA et M. [T] [F] aux entiers dépens.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société Phileog sollicite l'infirmation de l'ordonnance querellée, faisant valoir qu'en présence d'une obligation sérieusement contestable, il n'y avait pas lieu à référé.
A titre préliminaire, elle fait des développements sur son intérêt à agir en réponse au moyen d'irrecevabilité de son appel soulevé par Mme [G].
A titre principal, elle entend démontrer que les demandes de l'intimée sont sérieusement contestables du fait de :
- de leur contradiction avec le dispositif du jugement de première instance ;
- de l'appel interjeté devant la Cour d'appel de Versailles ;
- de l'opposabilité des dispositions du pacte d'actionnaires à Mme [G].
Ainsi, la société Phileog expose en premier lieu que l'intimée fonde ses demandes sur le caractère exécutoire du jugement rendu au fond le 19 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre en méconnaissant le dispositif dudit jugement et l'autorité de la chose jugée qui y est attachée puisque le tribunal l'a seulement condamnée au paiement de la somme de 50 648, 55 euros au titre des dividendes versés pour l'exercice 2019, tandis qu'il ne se prononce pas sur d'éventuels dividendes postérieurs et ne tranche pas la question de la perte ou non de la qualité d'actionnaire de Mme [G].
Elle fait valoir que dans l'éventualité où la cour viendrait à faire droit aux demandes de Mme [G], l'arrêt présenterait de très grands risques pour elle, alors que la cour d'appel de Versailles ne s'est pas prononcée sur le fond de l'affaire, de sorte que si celle-ci infirmait la décision du 19 janvier 2023 et considérait que Mme [G] n'est plus actionnaire depuis le 9 avril 2020, il est probable qu'elle ne puisse pas récupérer la provision versée.
Elle ajoute qu'un risque pèserait également concernant les documents sociaux. Ainsi, elle souligne que Mme [G] a créé sa propre société, dénommée Little Big Woman le 7 juillet 2020, laquelle exerce la même activité qu'elle, à savoir la communication événementielle, et offre des prestations à des clients identiques, comme La Poste, de sorte qu'il y aurait un danger pour elle en termes de concurrence déloyale et de violation du secret des affaires
En deuxième lieu, la société Phileog soutient que le juge des référés dans son ordonnance du 22 décembre 2023 a fait une interprétation erronée du jugement du 19 janvier 2023, ainsi que du pacte d'actionnaires, en contradiction avec la volonté clairement exprimée de la majorité des actionnaires.
Elle entend démontrer que le tribunal de commerce de Nanterre, dans son jugement du 19 janvier 2023, a fait une interprétation doublement erronée de l'économie du pacte d'actionnaires en retenant que la cause de la rupture du contrat de travail de Mme [G], à savoir le licenciement économique, n'était pas une cause limitative de rupture du contrat au sens du pacte d'actionnaires, ne permettant donc pas l'application de la promesse unilatérale de cession de ses titres prévue au pacte.
Elle indique d'une part, que la décision de licenciement a été prise conformément au code du travail et aux statuts de la société, par son employeur, la société Phileog, représentée par M. [W], mandataire social agissant en qualité de président directeur général et d'autre part, qu'il résulte de l'application des articles 2 et 1er du pacte, que le vote des 2/3 des actionnaires en faveur de la rupture du contrat de travail dans le cas d'une rupture telle qu'en l'espèce, à savoir résultant d'un licenciement pour motif économique, n'est pas un préalable à la rupture elle-même.
Elle précise que c'est ainsi qu'en date du 13 mars 2020, les actionnaires se sont réunis en assemblée générale extraordinaire et ont acté à cette occasion, par un vote aux 2/3, leur volonté de rompre le contrat de travail de Mme [G] ; que par l'effet de cette résolution, la promesse unilatérale de cession des titres de Mme [G] au profit des actionnaires restant s'est appliquée et que c'est en ce sens que dans la 3ème résolution de cette assemblée, ils ont notifié à Mme [G] « leur intention d'acquérir selon les termes du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, les titres qu'elle détient au sein de la société ».
Elle avance que conformément au paragraphe 3 « Modalités d'exercice de la promesse » de l'article 2 du pacte, prévoyant que la promesse doit être notifiée dans un délai de 30 jours à compter de la « Rupture », les actionnaires ont notifié le 9 avril 2020 conjointement à Mme [G] leur intention d'acquérir ses titres, au prix déterminé au paragraphe 5.2 de l'article 2 du pacte, soit la somme de 52 110 euros, actuellement séquestrée sur un compte CARPA ouvert à cet effet.
Soutenant que depuis le 9 avril 2020 la cession est devenue parfaite, la société Phileog considère qu'il existe des moyens sérieux pour que la cour d'appel statuant au fond infirme le jugement rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre.
En troisième lieu, la société conclut à l'opposabilité des dispositions du pacte d'actionnaires à Mme [G].
Elle expose que Mme [G], soutenant que pour que le pacte d'actionnaires lui soit opposable, « il fallait que les 2/3 des actionnaires votent en faveur de la rupture de son contrat de travail », ajoute délibérément une condition non prévue au pacte, à savoir que la décision des actionnaires devait être préalable à la rupture du contrat de travail, ce qu'a retenu à tort le tribunal de commerce dans son jugement du 19 janvier 2023.
Elle entend démontrer qu'au contraire, cette décision des 2/3 des actionnaires est par essence postérieure à la décision de la société Phileog de rompre le contrat de travail, les actionnaires étant appelés à voter en faveur de la rupture du contrat de travail pour déclencher ou non la promesse de cession des titres à leur profit.
Elle ajoute encore que Mme [G] fait également une lecture erronée du pacte qui prévoit que « la présente option est consentie pour une durée de trente (30) jours calendaires qui prendra cours au jour de la notification de la Rupture », cette rupture avec un R majuscule s'entendant aux termes du pacte comme la date à laquelle la décision des 2/3 des actionnaires a été prise (en l'espèce le 13 mars 2020) ; qu'en lui notifiant leur volonté d'acquérir ses titres le 9 avril 2020, moins d'un mois après l'assemblée générale du 13 mars 2020, les actionnaires ont bien respecté le délai de 30 jours.
Dans l'éventualité où la cour suivrait l'argumentation de l'intimée, la société Phileog fait valoir que le délai a été respecté puisque la décision du 13 mars 2020 est intervenue dans le mois ayant suivi la rupture du contrat du 15 février 2020.
A titre subsidiaire, la société Phileog sollicite que le montant de la condamnation soit réduit à la somme de 203 700 euros, faisant valoir qu'elle a dû régler la « flat tax » auprès de l'administration fiscale (prélèvement forfaitaire unique de 30 %).
Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] concluent dans le même sens que la société Phileog, sollicitant l'infirmation de l'ordonnance attaquée.
Ils rappellent que l'idée majeure du pacte d'actionnaires est que l'entreprise ne réunira que des actionnaires actifs, salariés de l'entreprise et contributifs de son résultat et de son développement, de sorte que lorsqu'un actionnaire quitte l'entreprise, il s'engage à vendre ses actions selon les modalités définies dans ce pacte.
Ils exposent que la motivation de l'ordonnance dont appel est totalement imbriquée avec le jugement du 19 janvier 2023 qui fait l'objet d'un appel pendant ; que pourtant, ce jugement fait une mauvaise interprétation du pacte d'actionnaires, n'ayant pas tranché la question de la validité de la cession de titres intervenue par suite de la levée d'option consentie par Mme [G] au titre du pacte d'actionnaires.
Ainsi, sur l'interprétation du pacte, ils avancent qu'il a pour objet de définir les relations entre les différents associés et qu'en revanche, aux termes des statuts de la société Phileog, le directeur général de la société a le pouvoir d'embaucher et de licencier le personnel ; que la société Phileog n'intervenant pas au pacte, il ne peut lui être imposée une procédure qu'il prévoit ; que les statuts primant le pacte d'actionnaires, le PDG ne peut être privé des pouvoirs conférés par ces statuts et le licenciement n'a pas à être autorisé préalablement.
Ils entendent démontrer qu'il découle des stipulations du pacte si dans le cadre des 4 premières causes limitatives de « rupture », la levée d'option de cession consentie par le signataire partant est automatique, dans le 5e cas, qui concerne la révocation du mandat social ou le licenciement pour faute simple ou pour cause économique, les actionnaires doivent se prononcer sur la levée d'option. Ils soutiennent qu'il s'agit-là de l'exercice d'un contre-pouvoir de la part des actionnaires pour éventuellement atténuer les sanctions prises à l'encontre de leur coassocié, soit par le président, pour l'aspect salarial, soit par le conseil d'administration en cas de révocation d'un mandat social.
Ils font ensuite valoir que le 5e cas, qui vise la « décision des 2/3 des actionnaires en voix votant pour la rupture du contrat de travail ou/et la révocation du mandat social d'un associé (décision prise sous toutes ses formes) » ne peut être interprété que comme devant intervenir postérieurement à la rupture par l'autorité compétente, et qu'il s'agit d'un contre-pouvoir susceptible d'atténuer les effets d'une décision.
Ils prétendent également qu'en application des dispositions de l'article 1189 du code civil, qui obligent le juge à interpréter les clauses d'un contrat les unes par rapport aux autres, il découle de l'article 2 du pacte que le terme « rupture » englobe tous les cas d'absence de relation contractuelle de travail ou de mandat social, y compris le licenciement pour motif économique ou pour faute, faisant par ailleurs observer que ces différents points devront être tranchés par le juge du fond.
Ils font encore valoir que le jugement du 19 janvier 2023 n'ayant pas tranché la question de la propriété des titres, le juge des référés ne pouvait retenir qu'il induirait une créance certaine, liquide, exigible et non contestable sur des distributions de dividendes.
A titre subsidiaire, ils soutiennent qu'aucune faute détachable de leur position d'actionnaires n'étant démontrée, ils ne sauraient être condamnés solidairement avec la société Phileog.
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent que leurs condamnations soient ramenées à hauteur de 70 % des sommes réclamées par Mme [G] en raison du paiement opéré par l'intermédiaire de la société de la « flat tax ».
L'intimée, Mme [G], sollicite la confirmation de l'ordonnance attaquée, soutenant que le pacte n'a pas besoin d'être interprété au vu de la clarté de ses stipulations.
Elle relate que si le pacte d'actionnaire organise la cession des actions de l'actionnaire dont le contrat de travail ou le mandat social est rompu, dans le cadre du licenciement pour motif économique dont elle a fait l'objet, c'est le point 5 de l'article relatif à la définition de la « rupture » qui s'applique, de sorte que pour se prévaloir d'une promesse de vente à leur bénéfice, les actionnaires devaient, par décision des 2/3, voter pour ce licenciement et ce, préalablement à sa mise en 'uvre par le président de la société, comme l'a justement retenu le premier juge.
Elle prétend qu'en l'espèce les actionnaires n'ont pas voté « pour la rupture du contrat de travail », mais ont seulement constaté cette décision prise par le président et agréé la rupture.
Elle conteste toute méconnaissance par le tribunal de commerce de la commune intention des parties liées par le pacte, notamment en ce qu'il a retenu que « ce principe de cession étant pénalisant, des conditions strictes d'application ont été définies », de sorte qu'à supposer qu'une interprétation soit nécessaire, elle devrait être faite en sa faveur.
Elle expose que si la commune intention des parties est que la perte de la qualité de salarié ou de mandataire social entraîne la perte de la qualité d'actionnaire à des conditions financières pénalisantes, ce n'est pas dans toutes les hypothèses mais dans certains cas limitativement énumérés.
Sur l'argumentation adverse, elle rétorque qu'elle ne disconvient pas que la société n'étant pas partie au pacte, il ne peut lui être imposé une procédure prévue par ce dernier ; que le président de la société Phileog n'est pas privé de son pouvoir de licencier.
Elle indique cependant qu'en dehors des cas de rupture limitativement énumérés, si le président licencie un salarié actionnaire ou si le conseil d'administration révoque un mandataire social, celui-ci ne pourra pas être contraint de céder ses actions à des conditions extrêmement désavantageuses.
Elle entend démontrer que dans les 4 premiers cas de rupture prévus à l'article 2 du pacte, la levée d'option d'achat n'est pas automatique ni obligatoire et qu'en dehors des 4 premiers cas de rupture, ce sont les 2/3 des actionnaires qui doivent voter la rupture pour se prévaloir de la promesse de vente.
Elle soutient que la commune intention des actionnaires est d'empêcher le président, sans l'accord préalable de la majorité des 2/3 des actionnaires, de décider d'une rupture du contrat de travail qui entraînerait obligation pour l'actionnaire de céder ses actions à des conditions désavantageuses pour lui.
N'étant pas en l'espèce en présence d'un des cas de rupture prévu par le pacte, l'intimée soutient qu'il ne peut lui être opposé pour la contraindre à céder ses actions.
En tout état de cause, elle ajoute que la durée de l'option était expirée quand elle a été exercée ; que la rupture lui a été notifiée par l'envoi de la lettre de licenciement le 15 février 2020, tandis que la notification de la rupture ne lui a été envoyée que le 9 avril 2020, soit 53 jours après la notification, et non dans les 30 jours calendaires prévus à l'article 2 du pacte.
Elle prétend également que la notification n'a pas été faite valablement puisqu'elle a été effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception alors que l'article 16 du pacte prévoit qu'elle doit être faite selon d'autres formes précises.
Toujours en réponse aux conclusions adverses, elle soutient que le tribunal dans sa décision du 19 janvier 2023 ne pouvait pas condamner la société Phileog au paiement de dividendes sans avoir constaté sa qualité d'actionnaire, constat qui n'a pas à figurer au dispositif de la décision.
Elle considère donc qu'en vertu de ce jugement exécutoire de plein droit, elle n'a jamais perdu sa qualité d'actionnaire.
Elle demande à la cour d'apprécier si sa demande de condamnation in solidum est justifiée ou non, relevant que sa demande à l'encontre des actionnaires est une demande de remboursement de dividendes perçus par eux à tort.
Sur le prétendu paiement de la « flat tax » de 30 % à son nom, elle indique qu'il n'est pas démontré.
Sur la demande de communication des documents sociaux, elle relève qu'il s'agit de ceux devant être publiés au greffe, de sorte qu'il n'y a aucun secret des affaires à protéger ; qu'elle veut seulement connaître les résultats de la société Phileog, et savoir si des dividendes ont de nouveau été distribués.
Elle ajoute que la société Phileog s'étant exécutée, cela lui a permis de découvrir qu'au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2022, une somme de 3 474 000 euros a été distribuée, de sorte qu'étant toujours détentrice de 291 actions, il lui est dû en plus la somme de 80 121 euros.
A titre subsidiaire, si la cour infirmait l'ordonnance dont appel, elle demande sur le fondement de l'article 1961 du code civil que soit désigné un séquestre avec mission de conserver les dividendes attachés aux 291 actions au profit de qui il sera décidé au fond.
Sur ce,
A titre liminaire il convient d'observer qu'il n'y a pas lieu de répondre à la société Phileog sur son intérêt à agir, Mme [G] ne soulevant pas dans ses dernières conclusions l'irrecevabilité de son appel.
Sur les demandes principales de Mme [G] :
Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Il y a contestation sérieuse et, donc, absence de pouvoir du juge des référés dès lors que celui-ci est contraint de trancher une question de fond pour justifier la mesure sollicitée. En application de ce principe, le juge des référés ne peut se prononcer sur l'interprétation d'un acte juridique.
Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. En l'espèce, la charge de la preuve de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable incombe donc à Mme [G] qui réclame le versement de sommes correspondant à des dividendes dus en vertu de sa qualité d'associée de la société Phileog.
Il lui revient donc de prouver, avec l'évidence requise en référé, que le licenciement économique dont elle a fait l'objet le 15 février 2020 n'a pas valablement entraîné l'application des stipulations prévues à la section II du pacte d'actionnaires en date du 23 juin 2016, intitulée « Principe de cession en cas de départ », et qu'elle est demeurée actionnaire de la société Phileog postérieurement à son licenciement, lui donnant droit de percevoir les dividendes au titre des distributions décidées les 14 avril 2022 et 30 mars 2023.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge dans l'ordonnance critiquée, il n'infère pas nécessairement du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 19 janvier 2023, qui a condamné la société Phileog à verser à Mme [G] la somme due au titre des dividendes de l'exercice 2019, ni de l'ordonnance du premier président délégué statuant en référé du 6 juillet 2023 ayant indiqué « (') que la somme en cause correspond, pour le tribunal de commerce, à des dividendes dus pour l'exercice 2019, de sorte qu'il n'y a pas non plus lieu de continuer à priver Mme [G] du bénéfice de cette somme », que la question de la qualité d'actionnaire de Mme [G] serait définitivement tranchée, un appel étant notamment pendant devant une autre chambre de cette cour à l'encontre du jugement rendu au fond le 19 janvier 2023.
Il revient en effet à la cour de déterminer si Mme [G] était, avec la certitude requise en matière de référé, toujours actionnaire de la société Phileog lors des distributions de dividendes décidées en 2022 et 2023 et pour ce faire, de déterminer si, à l'évidence, l'article 2 du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, intitulé « Rupture du contrat de travail et/ou du mandat social d'un signataire ' promesse unilatérale de vente par le signataire partant » n'a pas trouvé à s'appliquer lors de son licenciement du 15 février 2020, ou si le cas échéant les modalités prévues pour l'exercice de la promesse de cession auraient été respectées de manière opérante comme le prétendent les appelants.
Ledit article 2 du pacte contient un paragraphe préliminaire ainsi rédigé :
« Chacun des signataires accepte le principe de cession de ses titres dans les conditions définies ci-après en cas de notification de Rupture telle que défini par le présent acte de son contrat de travail et/ou de son mandat social au sein de la société Phileog ou en cas d'absence de relation contractuelle de travail et/ou de mandat social entre le propriétaire des titres et la société ».
Le même article prévoit ensuite dans un paragraphe 1, que « en cas de rupture conformément aux termes du présent pacte, tout signataire partant concède irrévocablement aux actionnaires restants la faculté d'acquérir la pleine propriété portant sur 100 % de ses titres à la date de notification de la Rupture », dans un paragraphe 2 que « la présente option est consentie pour une durée de trente (30) jours calendaires qui prendra cours au jour de la notification de la Rupture. Passé ce délai sans que le signataire partant ait reçu de la part des actionnaires restants la notification commune de la part des actionnaires restants (sic) d'acquérir les titres désignés, la présente promesse de vente sera considérée comme caduque, sans indemnité de part ni d'autre » et dans un paragraphe 3, que « l'exercice de la présente promesse devra être notifié par écrit au signataire partant avant le terme indiqué ce-dessus ».
Par ailleurs, figurent à la section I du pacte, certaines définitions des termes qui y sont employés.
S'agissant du mot Rupture, il est stipulé que :
« Le terme Rupture désigne la cessation (i) du contrat de travail et/ou (ii) du mandat social d'un Signataire (ci-après défini par le Signataire Partant) pour les causes limitatives suivantes :
- rupture de la période d'essai à l'initiative du Signataire Partant ou de la société Phileog SA,
- absence de conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée avec le Signataire Partant dans un délai de deux mois à compter de la souscription de ses titres de la société Phileog SA par le Signataire Partant,
- démission de ses fonctions de salarié et/ou de son mandat social par le Signataire Partant,
- absences répétées perturbant le fonctionnement de la société Phileog SA ou faute grave ou lourde du Signataire Partant,
- décision des 2/3 des actionnaires en voix votant pour la rupture du contrat de travail ou/et la révocation du mandat social d'un associé (décision prise sous toutes formes). »
Au cas présent, Mme [G] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 février 2020.
Lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société Phileog du 13 mars 2020, ont été adoptées les résolutions suivantes :
- deuxième résolution en ces termes : « L'assemblée Générale après avoir pris connaissance du Rapport du Conseil d'Administration constate la décision prise de procéder au licenciement pour motif économique de Madame [Z] [G].
En conséquence, les Actionnaires représentés par l'Assemblée Générale, après avoir pris connaissance du Rapport du Conseil d'Administration, confirme la décision et agrée la rupture du contrat de travail de Madame [Z] [G] notifiée le 17 février 2020. » ;
- troisième résolution : « Suite à ce départ de Madame [Z] [G], et en conséquence du pacte d'actionnaires la liant à l'ensemble des actionnaires de la société Phileog, les actionnaires représentés par l'Assemblée Générale, après avoir pris connaissance du Rapport du Conseil d'Administration, notifient à Madame [Z] [G] leur intention d'acquérir selon les termes du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, les titres qu'elle détient au sein de la société. » ;
- quatrième résolution : « En conséquence, tous pouvoirs sont donnés au Président afin d'engager les procédures de notification de levée d'option et réalisation des opérations d'acquisition. »
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 avril 2020, la société Phileog, en la personne de M. [W], président directeur général, a notifié à Mme [G], « dans le cadre du mandat » « donné par l'ensemble des actionnaires », leur « volonté commune de lever l'option de rachat de [ses] titres tels qu'inscrits au pacte d'actionnaires, 291 actions [détenues] au sein de la société Phileog au prix de 52 110,60 euros ».
Or, afin de déterminer si la rupture du contrat de travail de Mme [G] est intervenue dans des conditions permettant la mise en 'uvre du processus de cession prévu au pacte d'actionnaires comme le prétendent les appelants, soit sur « décision des 2/3 des actionnaires en voix votant pour la rupture du contrat de travail (...) » lors de l'assemblée générale extraordinaire du 13 mars 2020, ou pas comme le prétend Mme [G], considérant que la prise de cette décision des 2/3 des actionnaires aurait dû être antérieure à la notification du licenciement pour motif économique par l'employeur, analyse qui ne saurait s'imposer avec l'évidence requise en référé puisque cette clause est imprécise, il convient de procéder à une interprétation de cet écrit, notamment en application des dispositions des articles 1188 à 1192 du code civil, qui prévoient notamment que le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes ou encore que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.
De cette analyse dépendra en outre, le cas échéant, celle qui permettra de déterminer si les modalités d'exécution de la cession ont été respectées, ainsi qu'au besoin, la sanction d'un éventuel irrespect de celles-ci.
De la détermination de la qualité d'actionnaire ou pas de Mme [G] dépendra également celle de son droit ou pas à obtenir communication des documents sociaux de la société Phileog.
Le juge de l'évidence qu'est le juge des référés ne pouvant procéder aux interprétations qui s'imposent en l'espèce et qui excèdent ses pouvoirs juridictionnels, par voie d'infirmation de l'ordonnance querellée, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [G].
Sur la demande subsidiaire de séquestre :
En vertu de l'article 1961 du code civil , le juge peut ordonner le séquestre :
1/ des meubles saisis sur un débiteur,
2/ d'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes,
3/ des choses qu'un débiteur offre pour sa libération.
Il est admis que le juge ne peut ordonner un séquestre ou un dépôt judiciaire qu'en cas de litige existant, imminent ou menaçant, qui porterait atteinte au recouvrement de la créance.
Au cas présent, Mme [G] n'allègue ni ne démontre l'existence d'un risque quant au recouvrement des créances alléguées s'il devait être fait droit à ses demandes au fond.
Aucun risque sérieux portant atteinte au recouvrement des créances invoquées n'étant établi, Mme [G] sera déboutée de sa demande de mise sous séquestre des sommes réclamées.
Sur les demandes accessoires :
Les appelants étant accueillis en leur recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, Mme [G] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande en revanche de débouter l'ensemble des parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance du 22 décembre 2023,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [Z] [G],
Déboute Mme [Z] [G] de sa demande subsidiaire de mise sous séquestre,
Dit que Mme [Z] [G] supportera les dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
DE
VERSAILLES
Code nac : 36Z
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 OCTOBRE 2024
N° RG 24/00522 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WJ2V
AFFAIRE :
[D] [W]
...
C/
[Z] [G]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Décembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° RG : 2023R01000
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 10.10.2024
à :
Me Hélène LADIRE, avocat au barreau de VERSAILLES,
Me Caroline GUERARD-OBERTI, avocat au barreau de VAL D'OISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [D] [W]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 21]
Monsieur [I] [N]
né le [Date naissance 14] 1963 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 24]
Monsieur [K] [E]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 23]
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 4] 1964 à Portugal
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 22]
Monsieur [M] [O]
né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 31] (Cameroun)
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 19]
Madame [C] [U]
née le [Date naissance 13] 1965 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 18]
Monsieur [A] [J]
né le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 25]
[Localité 17]
S.A. PHILEOG
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 443 69 1 7 04
[Adresse 10]
[Localité 22]
Représentant : Me Hélène LADIRE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 378
Ayant pour avocat plaidant Me Alain LAWLESS, du barreau de Bordeaux
APPELANTS
****************
Madame [Z] [G]
née le [Date naissance 12] 1964 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 20]
Représentant : Me Caroline GUERARD-OBERTI de la SCP BACHELET - GUERARD- OBERTI, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 133 - N° du dossier 23/00080
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Septembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Président,
Madame Fabienne PAGES, Président de chambre faisant fonction de conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La SA. Phileog, créée en 2002, est une société qui intervient dans le domine de l'événementiel dont le capital social d'un montant de 54 377,40 euros est divisé en 3 531 actions.
Depuis l'origine, son président est M. [D] [W].
Tous les actionnaires sont, ou étaient, salariés effectifs de la société (statut de salarié cadre, « directeur conseil » ).
Depuis 2003, les actionnaires sont liés par un pacte d'actionnaire, reconduit en dernier lieu le 23 juin 2016.
Mme [Z] [G], actionnaire et directrice conseil, a été licenciée pour motif économique en date du 15 février 2020 et son contrat a pris fin le 18 février 2020
Au cours d'une assemblée générale extraordinaire du 13 mars 2020, les actionnaires de la société ont décidé de notifier à Mme [G] leur intention d'acquérir, selon les termes du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, les titres qu'elle détenait au sein de la société.
Le 9 mars 2020, 4 jours avant la tenue de cette assemblée, Mme [G] avait fait savoir au président de la société Phileog qu'elle considérait que « la rupture de son contrat de travail ne rentre pas dans les conditions prévues dans le pacte d'actionnaires ».
À la date du 13 mars 2020, le capital de la société Phileog était réparti comme suit :
- M. [A] [J] détenait 291 actions,
- M. [K] [E] détenait 291 actions,
- Mme [Z] [G] détenait 291 actions,
- M. [I] [N] détenait 291 actions,
- M. [T] [F] détenait 291 actions,
- Mme [C] [U] détenait 205 actions,
- M. [M] [O] détenait 131 actions,
- M. [Y] [P] détenait 933 actions,
- la société Phileog détenait 807 actions.
Le 20 mai 2020, le président du conseil d'administration de la société a adressé à Mme [G] les ordres de mouvement de ses actions et les chèques correspondant à cette cession, à hauteur de la somme totale de 52 110 euros. Mme [G] a retourné les documents et les chèques, contestant cette cession d'actions.
Une assemblée générale statuant sur l'exercice 2019 s'est tenue le 30 septembre 2020, pour laquelle Mme [G] n'a pas reçu de convocation. Y a été votée la distribution de dividendes d'un montant total de 474 120 euros. Mme [G] n'a rien perçu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 septembre 2021, Mme [G] a mis en demeure la société Phileog de lui régler sa part dans les sommes mises en distribution aux actionnaires, en vain.
Par acte du 25 novembre 2021, Mme [G] a saisi le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement rendu le 19 janvier 2023, considérant que les modalités mises en 'uvre par la société Phileog pour acquérir les titres de Mme [G] sont nulles et de nul effet, et que cette dernière est toujours actionnaire, détenant 291 titres sur les 3 531 (y compris 807 actions d'autocontrôle) composant le capital social et comme telle, justifiée à participer aux assemblées d'actionnaires et à recevoir les dividendes attachés à ses actions, a, en substance :
- condamné la société Phileog à verser à Mme [G] la somme brute de 50 648,55 euros au titre des dividendes dont la distribution a été décidée en 2020 au titre de l'exercice 2019,
- ordonné à la société Phileog de remettre à Mme [G] :
* copies des procès-verbaux des assemblées réunies depuis le 13 mars 2020 et des feuilles de présence signées,
* les rapports du commissaire aux comptes sur les comptes des exercices clos à compter du 31 décembre 2020,
* les comptes sociaux de la société Phileog au 30 septembre 2021.
Le 29 mars 2023, la société a interjeté appel de ce jugement et a assigné Mme [G] devant le président de la cour d'appel de Versailles aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire et, à titre subsidiaire, ordonner la consignation de la somme de 55 390,10 euros. La société Phileog a été déboutée de ses deux demandes.
La société n'a pas exécuté le jugement du 19 janvier 2023 et Mme [G] a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente. Il a été procédé à une saisie attribution d'un montant total de 55 927,49 euros le 5 mai 2023.
Le 10 juillet 2023 une sommation de remettre les copies des procès-verbaux des assemblées réunies depuis le 13 mars 2020 et des feuilles de présence signées a été délivrée à la société. Les documents ont été communiqués à Mme [G] jusqu'à la date du 14 avril 2022.
Mme [G] a constaté qu'une distribution de dividendes avait été votée lors de l'assemblée du 14 avril 2022 et qu'elle n'avait rien perçu.
Par courrier du 18 juillet 2023, elle a vainement mis en demeure la société Phileog de lui remettre la part de dividendes qui lui revient.
Par acte de commissaire de justice délivré les 5, 6 et 8 septembre 2023, Mme [G] a fait assigner en référé M. [F], la société Phileog, M. [W], M. [N], M. [E], M. [O], M. [J] et Mme [U] aux fins d'obtenir principalement :
- leur condamnation in solidum avec la société Phileog, et avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022, au paiement des sommes suivantes :
- M. [J] la somme de 35 000 euros,
- M. [E] la somme de 35 000 euros,
- M. [N] la somme de 35 000 euros,
- M. [F] la somme de 35 000 euros,
- Mme [V] la somme de 25 000 euros,
- M. [O] la somme de 16 000 euros,
- M. [W] la somme de 110 000 euros,
- de voir ordonner à la société Phileog de lui remettre, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées réunies postérieurement au 14 avril 2022.
Par ordonnance contradictoire rendue le 22 décembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné à payer à titre provisionnel à Mme [G], in solidum la société Phileog et :
M. [J] la somme de 35 000 euros,
M. [E] la somme de 35 000 euros,
M. [N] la somme de 35 000 euros,
M. [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [V] la somme de 25 000 euros,
M. [O] la somme de 16 000 euros,
M. [W] la somme de 110 000 euros,
avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022,
- ordonné à la société Phileog de remettre à Mme [G], les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées réunies postérieurement au 14 avril 2022, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, cette astreinte commençant à courir dès le 15ème jour après la signification de l'ordonnance, astreinte qui courra pendant trois mois, le juge des référés près ce tribunal de commerce se réservant sa liquidation,
- condamné in solidum la société Phileog, Mme [V], M. [O], M. [J], M. [E], M. [N], M. [W] et M. [F] à payer à Mme [G], à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Phileog aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 159,60 euros, dont TVA 26,60 euros.
Par déclaration reçue au greffe le 22 janvier 2024, M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [T] [F], Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [D] [W] et la société Phileog ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a liquidé les dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 août 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Phileog demande à la cour, au visa des articles 873 et 873-1 du code de procédure civile, de :
'- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société Phileog.
y faisant droit
- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 22 décembre 2023 en ce qu'elle :
- « condamnons à payer à titre provisionnel à Mme [Z] [G] in solidum la société Phileog SA et :
M. [A] [J] la somme 35 000 euros
M. [K] [E] la somme de 35 000 euros,
M. [I] [N] la somme de 35 000 euros
M. [T] [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [C] [U] la somme de 25 000 euros
M. [M] [O] la somme de 16 000 euros
M. [D] [W] la somme de 110 000 euros
avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022,
- ordonnons à la société Phileog SA de remettre à Mme [Z] [G] les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées générales réunies postérieurement au 14 avril 2022, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, cette astreinte commençant à courir dès le quinzième jour après la signification de la présente ordonnance, cette astreinte courra pendant trois mois, le juge des référés près ce tribunal de commerce se réservant sa liquidation ;
- condamnons in solidum la société Phileog SA, Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] à payer à Mme [Z] [G], à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnons la société Phileog SA aux dépens,
- disons que l'exécution provisoire est de droit »
et, statuant à nouveau
à titre principal
- juger que l'existence de l'obligation de la société Phileog à verser la somme totale de 291 000 euros est sérieusement contestable ;
- juger que l'existence de l'obligation de la société Phileog de remettre les documents sociaux à Mme [G] est sérieusement contestable ;
en conséquence,
- dire n'y avoir lieu à référé en application de l'article 873 alinéa 2nd du code de procédure civile,
- réformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 22 décembre 2023, en ce qu'elle a condamné solidairement la société Phileog avec ses actionnaires,
à titre subsidiaire,
- dire que la société Phileog a d'ores et déjà réglé la « flat tax » attachée aux dividendes versés au titre de l'assemblée générale exceptionnelle en date du 14 avril 2022 ;
en conséquence,
- réduire le montant de la condamnation in solidum à la somme de 203 700 euros ;
à titre infiniment subsidiaire,
- désigner un séquestre avec pour mission de conserver la somme versée par la société Phileog en exécution de l'ordonnance de référé du 22 décembre 2023 ;
- ordonner à Mme [G], ou à son conseil, de verser la somme de 329 908,29 euros sur le compte du séquestre désigné par la cour jusqu'à ce que la cour d'appel de Versailles ait statué sur le fond de l'affaire ;
en tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la Mme [Z] [G].
- condamner Mme [Z] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'
Dans leurs dernières conclusions déposées le 1er juillet 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F], au visa de l'article 873-2 du code de procédure civile, demandent à la cour, de :
'- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] .
y faisant droit
- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 22 décembre 2023 en ce qu'elle :
- « condamnons à payer à titre provisionnel à Mme [Z] [G] in solidum la société Phileog SA et :
M. [A] [J] la somme 35 000 euros
M. [K] [E] la somme de 35 000 euros,
M. [I] [N] la somme de 35 000 euros
M. [T] [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [C] [U] la somme de 25 000 euros
M. [M] [O] la somme de 16 000 euros
M. [D] [W] la somme de 110 000 euros
avec intérêts au taux légal depuis le 14 avril 2022,
- ordonnons à la société Phileog SA de remettre à Mme [Z] [G] les comptes sociaux postérieurs au 30 septembre 2021, les rapports du commissaire aux comptes, les feuilles de présences et les procès-verbaux des assemblées générales réunies postérieurement au 14 avril 2022, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, cette astreinte commençant à courir dès le quinzième jour après la signification de la présente ordonnance, cette astreinte courra pendant trois mois, le juge des référés près ce tribunal de commerce se réservant sa liquidation ;
- condamnons in solidum la société Phileog SA, Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] à payer à Mme [Z] [G], à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnons la société Phileog SA aux dépens,
- disons que l'exécution provisoire est de droit »
et, statuant à nouveau
à titre principal
- juger que la créance revendiquée était contestable tant dans son principe que dans son quantum,
- dire n'y avoir lieu à référé,
à titre subsidiaire,
- dire que les concluants n'ont pas commis de faute détachable de leur qualité d'associé,
à titre infiniment subsidiaire
infirmer la décision en ce qu'elle condamne chaque actionnaire à payer la somme de :
M. [A] [J] la somme 35 000 euros
M. [K] [E] la somme de 35 000 euros,
M. [I] [N] la somme de 35 000 euros
M. [T] [F] la somme de 35 000 euros,
Mme [C] [U] la somme de 25 000 euros
M. [M] [O] la somme de 16 000 euros
M. [D] [W] la somme de 110 000 euros
- condamner chaque actionnaire solidairement avec la société PHILEOG, à payer la somme de :
Monsieur [A] [J] la somme 24 500 euros
Monsieur [K] [E] la somme de 24 500 euros,
Monsieur [I] [N] la somme de 24 500 euros
Monsieur [T] [F] la somme de 24 500 euros,
Madame [C] [U] la somme de 17 500 euros
Monsieur [M] [O] la somme de 11 200 euros
Monsieur [D] [W] la somme de 77 000 euros
En tout état de cause
- débouter Madame [Z] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- statuer ce que de droit sur les dépens ».
Dans ses dernières conclusions déposées le 12 juillet 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [G] demande à la cour, au visa de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, de
'- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre du 22 décembre 2023 ;
y ajoutant :
- condamner à payer à titre provisionnel à Mme [Z] [G], in solidum la société Phileog SA et :
M. [K] [E] la somme de 10 704,16 euros
M. [I] [N] la somme de 10 704,16 euros
M. [T] [F] la somme de 10 704,16 euros
M. [M] [O] la somme de 7 731,67 euros
M. [D] [W] la somme de 40 276,82 euros ;
avec intérêts au taux légal depuis le 30 mars 2023 ;
à titre subsidiaire :
- désigner un séquestre avec mission de conserver les dividendes attachés aux 291 actions de la société Phileog au profit de qui il sera par justice décidé au fond.
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W], la société anonyme Phileog SA et M. [T] [F] à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W], la société anonyme Phileog SA et M. [T] [F] aux entiers dépens.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société Phileog sollicite l'infirmation de l'ordonnance querellée, faisant valoir qu'en présence d'une obligation sérieusement contestable, il n'y avait pas lieu à référé.
A titre préliminaire, elle fait des développements sur son intérêt à agir en réponse au moyen d'irrecevabilité de son appel soulevé par Mme [G].
A titre principal, elle entend démontrer que les demandes de l'intimée sont sérieusement contestables du fait de :
- de leur contradiction avec le dispositif du jugement de première instance ;
- de l'appel interjeté devant la Cour d'appel de Versailles ;
- de l'opposabilité des dispositions du pacte d'actionnaires à Mme [G].
Ainsi, la société Phileog expose en premier lieu que l'intimée fonde ses demandes sur le caractère exécutoire du jugement rendu au fond le 19 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre en méconnaissant le dispositif dudit jugement et l'autorité de la chose jugée qui y est attachée puisque le tribunal l'a seulement condamnée au paiement de la somme de 50 648, 55 euros au titre des dividendes versés pour l'exercice 2019, tandis qu'il ne se prononce pas sur d'éventuels dividendes postérieurs et ne tranche pas la question de la perte ou non de la qualité d'actionnaire de Mme [G].
Elle fait valoir que dans l'éventualité où la cour viendrait à faire droit aux demandes de Mme [G], l'arrêt présenterait de très grands risques pour elle, alors que la cour d'appel de Versailles ne s'est pas prononcée sur le fond de l'affaire, de sorte que si celle-ci infirmait la décision du 19 janvier 2023 et considérait que Mme [G] n'est plus actionnaire depuis le 9 avril 2020, il est probable qu'elle ne puisse pas récupérer la provision versée.
Elle ajoute qu'un risque pèserait également concernant les documents sociaux. Ainsi, elle souligne que Mme [G] a créé sa propre société, dénommée Little Big Woman le 7 juillet 2020, laquelle exerce la même activité qu'elle, à savoir la communication événementielle, et offre des prestations à des clients identiques, comme La Poste, de sorte qu'il y aurait un danger pour elle en termes de concurrence déloyale et de violation du secret des affaires
En deuxième lieu, la société Phileog soutient que le juge des référés dans son ordonnance du 22 décembre 2023 a fait une interprétation erronée du jugement du 19 janvier 2023, ainsi que du pacte d'actionnaires, en contradiction avec la volonté clairement exprimée de la majorité des actionnaires.
Elle entend démontrer que le tribunal de commerce de Nanterre, dans son jugement du 19 janvier 2023, a fait une interprétation doublement erronée de l'économie du pacte d'actionnaires en retenant que la cause de la rupture du contrat de travail de Mme [G], à savoir le licenciement économique, n'était pas une cause limitative de rupture du contrat au sens du pacte d'actionnaires, ne permettant donc pas l'application de la promesse unilatérale de cession de ses titres prévue au pacte.
Elle indique d'une part, que la décision de licenciement a été prise conformément au code du travail et aux statuts de la société, par son employeur, la société Phileog, représentée par M. [W], mandataire social agissant en qualité de président directeur général et d'autre part, qu'il résulte de l'application des articles 2 et 1er du pacte, que le vote des 2/3 des actionnaires en faveur de la rupture du contrat de travail dans le cas d'une rupture telle qu'en l'espèce, à savoir résultant d'un licenciement pour motif économique, n'est pas un préalable à la rupture elle-même.
Elle précise que c'est ainsi qu'en date du 13 mars 2020, les actionnaires se sont réunis en assemblée générale extraordinaire et ont acté à cette occasion, par un vote aux 2/3, leur volonté de rompre le contrat de travail de Mme [G] ; que par l'effet de cette résolution, la promesse unilatérale de cession des titres de Mme [G] au profit des actionnaires restant s'est appliquée et que c'est en ce sens que dans la 3ème résolution de cette assemblée, ils ont notifié à Mme [G] « leur intention d'acquérir selon les termes du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, les titres qu'elle détient au sein de la société ».
Elle avance que conformément au paragraphe 3 « Modalités d'exercice de la promesse » de l'article 2 du pacte, prévoyant que la promesse doit être notifiée dans un délai de 30 jours à compter de la « Rupture », les actionnaires ont notifié le 9 avril 2020 conjointement à Mme [G] leur intention d'acquérir ses titres, au prix déterminé au paragraphe 5.2 de l'article 2 du pacte, soit la somme de 52 110 euros, actuellement séquestrée sur un compte CARPA ouvert à cet effet.
Soutenant que depuis le 9 avril 2020 la cession est devenue parfaite, la société Phileog considère qu'il existe des moyens sérieux pour que la cour d'appel statuant au fond infirme le jugement rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre.
En troisième lieu, la société conclut à l'opposabilité des dispositions du pacte d'actionnaires à Mme [G].
Elle expose que Mme [G], soutenant que pour que le pacte d'actionnaires lui soit opposable, « il fallait que les 2/3 des actionnaires votent en faveur de la rupture de son contrat de travail », ajoute délibérément une condition non prévue au pacte, à savoir que la décision des actionnaires devait être préalable à la rupture du contrat de travail, ce qu'a retenu à tort le tribunal de commerce dans son jugement du 19 janvier 2023.
Elle entend démontrer qu'au contraire, cette décision des 2/3 des actionnaires est par essence postérieure à la décision de la société Phileog de rompre le contrat de travail, les actionnaires étant appelés à voter en faveur de la rupture du contrat de travail pour déclencher ou non la promesse de cession des titres à leur profit.
Elle ajoute encore que Mme [G] fait également une lecture erronée du pacte qui prévoit que « la présente option est consentie pour une durée de trente (30) jours calendaires qui prendra cours au jour de la notification de la Rupture », cette rupture avec un R majuscule s'entendant aux termes du pacte comme la date à laquelle la décision des 2/3 des actionnaires a été prise (en l'espèce le 13 mars 2020) ; qu'en lui notifiant leur volonté d'acquérir ses titres le 9 avril 2020, moins d'un mois après l'assemblée générale du 13 mars 2020, les actionnaires ont bien respecté le délai de 30 jours.
Dans l'éventualité où la cour suivrait l'argumentation de l'intimée, la société Phileog fait valoir que le délai a été respecté puisque la décision du 13 mars 2020 est intervenue dans le mois ayant suivi la rupture du contrat du 15 février 2020.
A titre subsidiaire, la société Phileog sollicite que le montant de la condamnation soit réduit à la somme de 203 700 euros, faisant valoir qu'elle a dû régler la « flat tax » auprès de l'administration fiscale (prélèvement forfaitaire unique de 30 %).
Mme [C] [U], M. [M] [O], M. [A] [J], M. [K] [E], M. [I] [N], M. [D] [W] et M. [T] [F] concluent dans le même sens que la société Phileog, sollicitant l'infirmation de l'ordonnance attaquée.
Ils rappellent que l'idée majeure du pacte d'actionnaires est que l'entreprise ne réunira que des actionnaires actifs, salariés de l'entreprise et contributifs de son résultat et de son développement, de sorte que lorsqu'un actionnaire quitte l'entreprise, il s'engage à vendre ses actions selon les modalités définies dans ce pacte.
Ils exposent que la motivation de l'ordonnance dont appel est totalement imbriquée avec le jugement du 19 janvier 2023 qui fait l'objet d'un appel pendant ; que pourtant, ce jugement fait une mauvaise interprétation du pacte d'actionnaires, n'ayant pas tranché la question de la validité de la cession de titres intervenue par suite de la levée d'option consentie par Mme [G] au titre du pacte d'actionnaires.
Ainsi, sur l'interprétation du pacte, ils avancent qu'il a pour objet de définir les relations entre les différents associés et qu'en revanche, aux termes des statuts de la société Phileog, le directeur général de la société a le pouvoir d'embaucher et de licencier le personnel ; que la société Phileog n'intervenant pas au pacte, il ne peut lui être imposée une procédure qu'il prévoit ; que les statuts primant le pacte d'actionnaires, le PDG ne peut être privé des pouvoirs conférés par ces statuts et le licenciement n'a pas à être autorisé préalablement.
Ils entendent démontrer qu'il découle des stipulations du pacte si dans le cadre des 4 premières causes limitatives de « rupture », la levée d'option de cession consentie par le signataire partant est automatique, dans le 5e cas, qui concerne la révocation du mandat social ou le licenciement pour faute simple ou pour cause économique, les actionnaires doivent se prononcer sur la levée d'option. Ils soutiennent qu'il s'agit-là de l'exercice d'un contre-pouvoir de la part des actionnaires pour éventuellement atténuer les sanctions prises à l'encontre de leur coassocié, soit par le président, pour l'aspect salarial, soit par le conseil d'administration en cas de révocation d'un mandat social.
Ils font ensuite valoir que le 5e cas, qui vise la « décision des 2/3 des actionnaires en voix votant pour la rupture du contrat de travail ou/et la révocation du mandat social d'un associé (décision prise sous toutes ses formes) » ne peut être interprété que comme devant intervenir postérieurement à la rupture par l'autorité compétente, et qu'il s'agit d'un contre-pouvoir susceptible d'atténuer les effets d'une décision.
Ils prétendent également qu'en application des dispositions de l'article 1189 du code civil, qui obligent le juge à interpréter les clauses d'un contrat les unes par rapport aux autres, il découle de l'article 2 du pacte que le terme « rupture » englobe tous les cas d'absence de relation contractuelle de travail ou de mandat social, y compris le licenciement pour motif économique ou pour faute, faisant par ailleurs observer que ces différents points devront être tranchés par le juge du fond.
Ils font encore valoir que le jugement du 19 janvier 2023 n'ayant pas tranché la question de la propriété des titres, le juge des référés ne pouvait retenir qu'il induirait une créance certaine, liquide, exigible et non contestable sur des distributions de dividendes.
A titre subsidiaire, ils soutiennent qu'aucune faute détachable de leur position d'actionnaires n'étant démontrée, ils ne sauraient être condamnés solidairement avec la société Phileog.
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent que leurs condamnations soient ramenées à hauteur de 70 % des sommes réclamées par Mme [G] en raison du paiement opéré par l'intermédiaire de la société de la « flat tax ».
L'intimée, Mme [G], sollicite la confirmation de l'ordonnance attaquée, soutenant que le pacte n'a pas besoin d'être interprété au vu de la clarté de ses stipulations.
Elle relate que si le pacte d'actionnaire organise la cession des actions de l'actionnaire dont le contrat de travail ou le mandat social est rompu, dans le cadre du licenciement pour motif économique dont elle a fait l'objet, c'est le point 5 de l'article relatif à la définition de la « rupture » qui s'applique, de sorte que pour se prévaloir d'une promesse de vente à leur bénéfice, les actionnaires devaient, par décision des 2/3, voter pour ce licenciement et ce, préalablement à sa mise en 'uvre par le président de la société, comme l'a justement retenu le premier juge.
Elle prétend qu'en l'espèce les actionnaires n'ont pas voté « pour la rupture du contrat de travail », mais ont seulement constaté cette décision prise par le président et agréé la rupture.
Elle conteste toute méconnaissance par le tribunal de commerce de la commune intention des parties liées par le pacte, notamment en ce qu'il a retenu que « ce principe de cession étant pénalisant, des conditions strictes d'application ont été définies », de sorte qu'à supposer qu'une interprétation soit nécessaire, elle devrait être faite en sa faveur.
Elle expose que si la commune intention des parties est que la perte de la qualité de salarié ou de mandataire social entraîne la perte de la qualité d'actionnaire à des conditions financières pénalisantes, ce n'est pas dans toutes les hypothèses mais dans certains cas limitativement énumérés.
Sur l'argumentation adverse, elle rétorque qu'elle ne disconvient pas que la société n'étant pas partie au pacte, il ne peut lui être imposé une procédure prévue par ce dernier ; que le président de la société Phileog n'est pas privé de son pouvoir de licencier.
Elle indique cependant qu'en dehors des cas de rupture limitativement énumérés, si le président licencie un salarié actionnaire ou si le conseil d'administration révoque un mandataire social, celui-ci ne pourra pas être contraint de céder ses actions à des conditions extrêmement désavantageuses.
Elle entend démontrer que dans les 4 premiers cas de rupture prévus à l'article 2 du pacte, la levée d'option d'achat n'est pas automatique ni obligatoire et qu'en dehors des 4 premiers cas de rupture, ce sont les 2/3 des actionnaires qui doivent voter la rupture pour se prévaloir de la promesse de vente.
Elle soutient que la commune intention des actionnaires est d'empêcher le président, sans l'accord préalable de la majorité des 2/3 des actionnaires, de décider d'une rupture du contrat de travail qui entraînerait obligation pour l'actionnaire de céder ses actions à des conditions désavantageuses pour lui.
N'étant pas en l'espèce en présence d'un des cas de rupture prévu par le pacte, l'intimée soutient qu'il ne peut lui être opposé pour la contraindre à céder ses actions.
En tout état de cause, elle ajoute que la durée de l'option était expirée quand elle a été exercée ; que la rupture lui a été notifiée par l'envoi de la lettre de licenciement le 15 février 2020, tandis que la notification de la rupture ne lui a été envoyée que le 9 avril 2020, soit 53 jours après la notification, et non dans les 30 jours calendaires prévus à l'article 2 du pacte.
Elle prétend également que la notification n'a pas été faite valablement puisqu'elle a été effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception alors que l'article 16 du pacte prévoit qu'elle doit être faite selon d'autres formes précises.
Toujours en réponse aux conclusions adverses, elle soutient que le tribunal dans sa décision du 19 janvier 2023 ne pouvait pas condamner la société Phileog au paiement de dividendes sans avoir constaté sa qualité d'actionnaire, constat qui n'a pas à figurer au dispositif de la décision.
Elle considère donc qu'en vertu de ce jugement exécutoire de plein droit, elle n'a jamais perdu sa qualité d'actionnaire.
Elle demande à la cour d'apprécier si sa demande de condamnation in solidum est justifiée ou non, relevant que sa demande à l'encontre des actionnaires est une demande de remboursement de dividendes perçus par eux à tort.
Sur le prétendu paiement de la « flat tax » de 30 % à son nom, elle indique qu'il n'est pas démontré.
Sur la demande de communication des documents sociaux, elle relève qu'il s'agit de ceux devant être publiés au greffe, de sorte qu'il n'y a aucun secret des affaires à protéger ; qu'elle veut seulement connaître les résultats de la société Phileog, et savoir si des dividendes ont de nouveau été distribués.
Elle ajoute que la société Phileog s'étant exécutée, cela lui a permis de découvrir qu'au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2022, une somme de 3 474 000 euros a été distribuée, de sorte qu'étant toujours détentrice de 291 actions, il lui est dû en plus la somme de 80 121 euros.
A titre subsidiaire, si la cour infirmait l'ordonnance dont appel, elle demande sur le fondement de l'article 1961 du code civil que soit désigné un séquestre avec mission de conserver les dividendes attachés aux 291 actions au profit de qui il sera décidé au fond.
Sur ce,
A titre liminaire il convient d'observer qu'il n'y a pas lieu de répondre à la société Phileog sur son intérêt à agir, Mme [G] ne soulevant pas dans ses dernières conclusions l'irrecevabilité de son appel.
Sur les demandes principales de Mme [G] :
Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Il y a contestation sérieuse et, donc, absence de pouvoir du juge des référés dès lors que celui-ci est contraint de trancher une question de fond pour justifier la mesure sollicitée. En application de ce principe, le juge des référés ne peut se prononcer sur l'interprétation d'un acte juridique.
Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. En l'espèce, la charge de la preuve de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable incombe donc à Mme [G] qui réclame le versement de sommes correspondant à des dividendes dus en vertu de sa qualité d'associée de la société Phileog.
Il lui revient donc de prouver, avec l'évidence requise en référé, que le licenciement économique dont elle a fait l'objet le 15 février 2020 n'a pas valablement entraîné l'application des stipulations prévues à la section II du pacte d'actionnaires en date du 23 juin 2016, intitulée « Principe de cession en cas de départ », et qu'elle est demeurée actionnaire de la société Phileog postérieurement à son licenciement, lui donnant droit de percevoir les dividendes au titre des distributions décidées les 14 avril 2022 et 30 mars 2023.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge dans l'ordonnance critiquée, il n'infère pas nécessairement du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 19 janvier 2023, qui a condamné la société Phileog à verser à Mme [G] la somme due au titre des dividendes de l'exercice 2019, ni de l'ordonnance du premier président délégué statuant en référé du 6 juillet 2023 ayant indiqué « (') que la somme en cause correspond, pour le tribunal de commerce, à des dividendes dus pour l'exercice 2019, de sorte qu'il n'y a pas non plus lieu de continuer à priver Mme [G] du bénéfice de cette somme », que la question de la qualité d'actionnaire de Mme [G] serait définitivement tranchée, un appel étant notamment pendant devant une autre chambre de cette cour à l'encontre du jugement rendu au fond le 19 janvier 2023.
Il revient en effet à la cour de déterminer si Mme [G] était, avec la certitude requise en matière de référé, toujours actionnaire de la société Phileog lors des distributions de dividendes décidées en 2022 et 2023 et pour ce faire, de déterminer si, à l'évidence, l'article 2 du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, intitulé « Rupture du contrat de travail et/ou du mandat social d'un signataire ' promesse unilatérale de vente par le signataire partant » n'a pas trouvé à s'appliquer lors de son licenciement du 15 février 2020, ou si le cas échéant les modalités prévues pour l'exercice de la promesse de cession auraient été respectées de manière opérante comme le prétendent les appelants.
Ledit article 2 du pacte contient un paragraphe préliminaire ainsi rédigé :
« Chacun des signataires accepte le principe de cession de ses titres dans les conditions définies ci-après en cas de notification de Rupture telle que défini par le présent acte de son contrat de travail et/ou de son mandat social au sein de la société Phileog ou en cas d'absence de relation contractuelle de travail et/ou de mandat social entre le propriétaire des titres et la société ».
Le même article prévoit ensuite dans un paragraphe 1, que « en cas de rupture conformément aux termes du présent pacte, tout signataire partant concède irrévocablement aux actionnaires restants la faculté d'acquérir la pleine propriété portant sur 100 % de ses titres à la date de notification de la Rupture », dans un paragraphe 2 que « la présente option est consentie pour une durée de trente (30) jours calendaires qui prendra cours au jour de la notification de la Rupture. Passé ce délai sans que le signataire partant ait reçu de la part des actionnaires restants la notification commune de la part des actionnaires restants (sic) d'acquérir les titres désignés, la présente promesse de vente sera considérée comme caduque, sans indemnité de part ni d'autre » et dans un paragraphe 3, que « l'exercice de la présente promesse devra être notifié par écrit au signataire partant avant le terme indiqué ce-dessus ».
Par ailleurs, figurent à la section I du pacte, certaines définitions des termes qui y sont employés.
S'agissant du mot Rupture, il est stipulé que :
« Le terme Rupture désigne la cessation (i) du contrat de travail et/ou (ii) du mandat social d'un Signataire (ci-après défini par le Signataire Partant) pour les causes limitatives suivantes :
- rupture de la période d'essai à l'initiative du Signataire Partant ou de la société Phileog SA,
- absence de conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée avec le Signataire Partant dans un délai de deux mois à compter de la souscription de ses titres de la société Phileog SA par le Signataire Partant,
- démission de ses fonctions de salarié et/ou de son mandat social par le Signataire Partant,
- absences répétées perturbant le fonctionnement de la société Phileog SA ou faute grave ou lourde du Signataire Partant,
- décision des 2/3 des actionnaires en voix votant pour la rupture du contrat de travail ou/et la révocation du mandat social d'un associé (décision prise sous toutes formes). »
Au cas présent, Mme [G] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 février 2020.
Lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société Phileog du 13 mars 2020, ont été adoptées les résolutions suivantes :
- deuxième résolution en ces termes : « L'assemblée Générale après avoir pris connaissance du Rapport du Conseil d'Administration constate la décision prise de procéder au licenciement pour motif économique de Madame [Z] [G].
En conséquence, les Actionnaires représentés par l'Assemblée Générale, après avoir pris connaissance du Rapport du Conseil d'Administration, confirme la décision et agrée la rupture du contrat de travail de Madame [Z] [G] notifiée le 17 février 2020. » ;
- troisième résolution : « Suite à ce départ de Madame [Z] [G], et en conséquence du pacte d'actionnaires la liant à l'ensemble des actionnaires de la société Phileog, les actionnaires représentés par l'Assemblée Générale, après avoir pris connaissance du Rapport du Conseil d'Administration, notifient à Madame [Z] [G] leur intention d'acquérir selon les termes du pacte d'actionnaires du 23 juin 2016, les titres qu'elle détient au sein de la société. » ;
- quatrième résolution : « En conséquence, tous pouvoirs sont donnés au Président afin d'engager les procédures de notification de levée d'option et réalisation des opérations d'acquisition. »
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 avril 2020, la société Phileog, en la personne de M. [W], président directeur général, a notifié à Mme [G], « dans le cadre du mandat » « donné par l'ensemble des actionnaires », leur « volonté commune de lever l'option de rachat de [ses] titres tels qu'inscrits au pacte d'actionnaires, 291 actions [détenues] au sein de la société Phileog au prix de 52 110,60 euros ».
Or, afin de déterminer si la rupture du contrat de travail de Mme [G] est intervenue dans des conditions permettant la mise en 'uvre du processus de cession prévu au pacte d'actionnaires comme le prétendent les appelants, soit sur « décision des 2/3 des actionnaires en voix votant pour la rupture du contrat de travail (...) » lors de l'assemblée générale extraordinaire du 13 mars 2020, ou pas comme le prétend Mme [G], considérant que la prise de cette décision des 2/3 des actionnaires aurait dû être antérieure à la notification du licenciement pour motif économique par l'employeur, analyse qui ne saurait s'imposer avec l'évidence requise en référé puisque cette clause est imprécise, il convient de procéder à une interprétation de cet écrit, notamment en application des dispositions des articles 1188 à 1192 du code civil, qui prévoient notamment que le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes ou encore que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.
De cette analyse dépendra en outre, le cas échéant, celle qui permettra de déterminer si les modalités d'exécution de la cession ont été respectées, ainsi qu'au besoin, la sanction d'un éventuel irrespect de celles-ci.
De la détermination de la qualité d'actionnaire ou pas de Mme [G] dépendra également celle de son droit ou pas à obtenir communication des documents sociaux de la société Phileog.
Le juge de l'évidence qu'est le juge des référés ne pouvant procéder aux interprétations qui s'imposent en l'espèce et qui excèdent ses pouvoirs juridictionnels, par voie d'infirmation de l'ordonnance querellée, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [G].
Sur la demande subsidiaire de séquestre :
En vertu de l'article 1961 du code civil , le juge peut ordonner le séquestre :
1/ des meubles saisis sur un débiteur,
2/ d'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes,
3/ des choses qu'un débiteur offre pour sa libération.
Il est admis que le juge ne peut ordonner un séquestre ou un dépôt judiciaire qu'en cas de litige existant, imminent ou menaçant, qui porterait atteinte au recouvrement de la créance.
Au cas présent, Mme [G] n'allègue ni ne démontre l'existence d'un risque quant au recouvrement des créances alléguées s'il devait être fait droit à ses demandes au fond.
Aucun risque sérieux portant atteinte au recouvrement des créances invoquées n'étant établi, Mme [G] sera déboutée de sa demande de mise sous séquestre des sommes réclamées.
Sur les demandes accessoires :
Les appelants étant accueillis en leur recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, Mme [G] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande en revanche de débouter l'ensemble des parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance du 22 décembre 2023,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [Z] [G],
Déboute Mme [Z] [G] de sa demande subsidiaire de mise sous séquestre,
Dit que Mme [Z] [G] supportera les dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président