CA Chambéry, 1re ch., 8 octobre 2024, n° 22/00143
CHAMBÉRY
Autre
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
CGM (SAS)
Défendeur :
Franalex (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pirat
Conseillers :
Mme Reaidy, M. Sauvage
Avocats :
Me Dormeval, Me Vercruysse, SCP Milliand Thill Pereira
Faits et procédure
La société Franalex, exerçant sous l'enseigne 'LVH Hôtels et Résidences-LVH Vacances', spécialisée dans l'hébergement touristique, a confié en mars 2019 à la société CGM, entreprise de travaux publics, la réalisation de travaux de terrassement en vue de la construction d'un complexe hôtelier 4 étoiles et d'une résidence de tourisme à [Localité 4], pour un montant forfaitaire et global de 160 044, 44 euros HT.
En cours de chantier, la société CGM a successivement établi les quatre factures suivantes:
Facture n°0019198 du 20 juin 2019 d'un montant de 47 595,24 euros HT,
Facture n°0019235 du 21 août 2019 d'un montant de 18 353,11 euros HT,
Facture n°0019268 du 25 septembre 2019 d'un montant de 82 640,80 euros HT,
Facture n°0019282 du 4 octobre 2019 portant sur des travaux supplémentaires de remblaiement d'un montant de 26 700 euros HT.
Les factures des 20 juin et 21 août 2019 ont été réglées, mais pas les deux autres, suite à la survenance d'un litige opposant les parties sur les zones à remblayer.
Par courrier du 17 octobre 2019, la société CGM a informé sa contractante qu'elle ne reviendrait pas sur le chantier tant que les factures des 25 septembre et 4 octobre 2019 demeureraient impayées et qu'un accord n'aurait pas été trouvé sur le devis de travaux supplémentaires de remblaiement.
Par courrier du 22 octobre 2019, la société Franalex a pris acte du refus de l'entreprise de reprendre les travaux, qu'elle a interprété comme un abandon de chantier, et a confié à la société SER TP la fin des travaux de remblaiement. Cette dernière a sous-traité le chantier à la société Buttard TP.
Par acte d'huissier du 5 décembre 2019, la société CGM a assigné la société Franalex devant le juge des référés du tribunal de commerce de Chambéry en paiement de ses deux factures des 25 septembre et 4 octobre 2019.
Par ordonnance du 3 avril 2020, le président du tribunal de commerce de Chambéry a condamné la société Franalex à payer à sa contractante la somme provisionnelle de 48 325,10 euros HT (57 990,12 euros TTC), la somme de 500 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et s'est déclaré incompétent pour le surplus vu les contestations existantes.
Par acte d'huissier du 10 juin 2020, la société Franalex a assigné la société CGM devant le juge des référés du tribunal de commerce de Chambéry notamment aux fins qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 132 600 euros TTC au titre de la valeur des déblais lui appartenant que la société CGM aurait emportés.
Par ordonnance du 7 août 2020, le président du tribunal de commerce de Chambéry a débouté la société Franalex de cette demande.
Suivant exploit en date du 8 juillet 2020, la société CGM a assigné la société Franalex devant le tribunal de commerce de Chambéry en paiement du solde de ses deux factures.
Par jugement du 22 décembre 2021, le tribunal de commerce de Chambéry a :
- pris acte que la société Franalex a déjà réglé à la société CGM la somme de 48 325,10 euros HT à titre d'acompte sur la facture n°0019268 du 25 septembre 2019 d'un montant de 82 640,80 euros HT en application de l'ordonnance du juge des référés du 3 avril 2020 ;
- dit qu'il y a lieu de déduire de la facture n° 0019268 d'un montant de 82 640,80 euros HT la somme de 34 315,70 euros HT correspondant à des prestations facturées mais non réalisées par la société CGM ;
- débouté en conséquence la société CGM de sa demande de paiement de la somme de 34 315,70 euros correspondant au solde à régler de la facture n°0019268 ;
- débouté la société CGM de sa demande de paiement de la facture n°0019282 du 4 octobre 2019 concernant le changement de mode opératoire du terrassement d'un montant de 26 700 euros HT ;
- débouté la société CGM de sa demande de paiement d'une somme de 50 000 euros HT à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Franalex en paiement de la somme de 110 500 euros HT correspondant à la valeur des déblais extraits du chantier et non restitués par la société CGM ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Franalex en paiement d'une indemnité d'un montant de 10 000 euros pour procédure abusive ;
- condamné la société CGM au paiement de la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société CGM aux entiers dépens ;
- liquidé les frais de greffe à la somme de 73,22 euros TTC avec TVA = 20 %, comprenant les frais de mise au rôle et de la présente décision.
Au visa principalement des motifs suivants :
La société CGM ne démontre pas que les prestations de pose d'une toile Geotextile de classe 4 pour un montant de 5 916,50 euros et d'aménagement d'une couche de forme de 40 cm pour un montant de 28 399,20 euros ont bien été exécutées, et en déduisant la somme correspondant à la facturation de ces deux prestations, il apparaît que le solde dû par la société Franalex à la société CGM est nul ;
le marché conclu entre les parties étant forfaitaire et en l'absence d'accord entre les parties sur la facturation complémentaire du 4 octobre 2019, la société Franalex est fondée à refuser le règlement ;
l'attitude et les écrits des dirigeants de la société CGM ont contribué indiscutablement à la rupture de la relation entre les deux co-contractants et en conséquence il y a lieu de rejeter sa demande d'indemnisation pour rupture abusive de la relation contractuelle ;
la facture d'un montant de 110 500 euros HT émise par la société Franalex au titre des déblais conservés par la société CGM n'est pas justifiée.
Par déclaration au greffe du 26 janvier 2022, la société CGM a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :
- pris acte que la société Franalex a déjà réglé à la société CGM la somme de 48 325,10 euros HT à titre d'acompte sur la facture n°0019268 du 25 septembre 2019 d'un montant de 82 640,80 euros HT en application de l'ordonnance du juge des référés du 3 avril 2020 ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Franalex en paiement de la somme de 1 10 500 euros HT correspondant à la valeur des déblais extraits du chantier et non restitués par la société CGM ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Franalex en paiement d'une indemnité d'un montant de 10 000 euros pour procédure abusive ;
- liquidé les frais de greffe à la somme de 73,22 euros TTC avec TVA = 20 %, comprenant les frais de mise au rôle et de la présente décision.
Prétentions et moyens des parties
Aux termes de ses dernières écritures du 14 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société CGM sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- condamner la société Franalex à lui payer les sommes de :
- 34 315,70 euros HT au titre des factures géotextile pour 5 916 50 euros et couche de forme pour 28 639,20 euros,
- 26 700,00 euros HT au titre du terrassement,
- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle,
- confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Chambéry du 22 décembre 2021 en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle de la société Franalex en paiement de la somme de 110 500 euros HT soit 132 600 euros TTC correspondant à la valeur prétendue des déblais que la société CGM a extrait du chantier confié par la société Franalex ;
- confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Chambéry du 22 décembre 2021 en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle de la société Franalex en paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;
En tout état de cause,
- condamner celle-ci au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux entiers dépens qui comprendront le coût des constats d'huissier de Me [W], huissier de justice distraits au profit de la société Milliand Dumolard Thill, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société CGM fait valoir notamment que :
les prestations de pose d'une toile Geotextile de classe 4 et d'aménagement d'une couche de forme de 40 cm se trouvent mentionnées sur la situation du 20 juin 2019, dans un compte-rendu de chantier du 27 juin 2019, et la société Franalex les a réglées ;
ces prestations ont bien été effectuées et le maitre d''uvre n'avait émis aucune réserve ou observations sur ce point et a validé l'intervention ;
le changement du mode opératoire au titre des travaux de terrassement a été réalisé à la suite d'un accord verbal intervenu entre son dirigeant et celui de de la société Franalex, sur le maintien des conditions du marché, sur les zones accessibles et sur la nécessité de convenir de nouvelles méthodologies de remblaiement pour les zones inaccessibles avec l'élaboration d'un nouveau devis ;
la rupture unilatérale de la relation contractuelle est imputable à la société Franalex, dès lors qu'elle n'avait aucune intention d'abandonner le chantier mais juste d'obtenir le règlement de ses situations de travaux non réglées ;
la demande de la société Franalex au titre des déblais est infondée, dès lors qu'elle a été remplacée sur le chantier sans avoir été mise en demeure d'achever ses prestations, qu'elle tient ces déblais à la disposition de la partie adverse et que les sommes réclamées à ce titre sont fantaisistes.
Dans ses dernières écritures du 8 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Franalex demande de son côté à la cour de :
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Chambéry du 22 décembre 2021 n°2020F00141 en ce qu'elle a :
- débouté la société CGM de sa demande de paiement de la somme de 34 315,70 euros HT correspondant au solde à régler de la facture n°0019268 d'un montant de 82 640,80 euros HT :
- après avoir pris acte du paiement de la somme qu'elle a déjà réglé à la société CGM la somme de 48 325,10 euros HT à titre d'acompte sur la facture n°0019268 du 25 septembre 2019 d'un montant de 82 640,80 euros HT en application de l'ordonnance du juge des référés du 3 avril 2020,
- et dit qu'il y a lieu de déduire de la facture n°0019268 d'un montant de 82 640,80 euros HT, la somme de 34 315,70 euros HT correspondant à des prestations facturées mais non réalisées par la société CGM,
- débouté la société CGM de sa demande en paiement de la facture n°0019282 du 4 octobre 2019 concernant le changement de mode opératoire du terrassement d'un montant de 26 700,00 euros HT,
- débouté la société CGM de sa demande en paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle,
- réformer la décision du tribunal de commerce de Chambéry pour le surplus et statuant à nouveau :
- condamner la société CGM à lui payer la somme de 30 600 euros TTC correspondant à la valeur des déblais pour 8.500 m3 qu'elle a pris sur le chantier et qu'elle a entreposés pour son propre usage alors que ces déblais ne lui appartiennent pas,
- condamner la société CGM à lui payer la somme 10 000 euros pour procédure abusive,
- débouter la société CGM de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner la société CGM à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Dormeval, avocat.
Au soutien de ses prétentions, la société Franalex fait valoir notamment que :
les prestations de pose du feutre Geotextile de classe 4 et la réalisation d'une couche de forme de 40 cm n'ont pas été réalisées dès lors que la plateforme et la couche de fondation ont été réalisées par « enlèvement de déblais et non par apport de tout venant avec une interposition anti contaminant, comme il se déduit de l'attestation du maître d'oeuvre et des photographies qu'elle verse aux débats ;
la facture qui a été émise suite au changement de mode opératoire de terrassement pour 26 700 euros HT n'est pas justifiée, alors que cette prestation supplémentaire est imputable aux erreurs commises par la société CGM et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune acceptatio expresse de sa part ;
la société CGM a abandonné le chantier, de sorte que sa demande au titre de la rupture abusive de la relation contractuelle est infondée ;
la société CGM ayant conservé sans son autorisation les déblais qui lui appartiennent, destinés au remblaiement, elle est fondée à en réclamer le prix.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 25 mars 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 21 mai 2024.
Motifs de la décision
Sur le solde de la facture du 25 septembre 2019 d'un montant de 82 640,80 euros HT
Aux termes de l'article 1353 alinéa1er du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Il est par ailleurs de jurisprudence constante que celui qui engage une action en paiement fondée sur un contrat d'entreprise doit rapporter la preuve de la réalisation des travaux dont il sollicite le paiement.
En l'espèce, la facturation d'un montant de 82 640, 80 euros HT, intervenue le 25 septembre 2019, correspond au solde du marché de travaux conclu entre les parties, déduction faite du poste afférent au 'remblaiement périphérique du bâtiment' d'un montant de 11 455, 29 euros HT, qui n'a pas été réalisé par la société CGM suite à la rupture des relations contractuelles. La somme de 34 315,70 euros HT dont l'appelante réclame le paiement dans le cadre de la présente instance au titre du solde de cette facture se compose des deux prestations suivantes, prévues au marché de travaux, dont la société Franalex conteste la réalisation par sa contractante :
- pose d'une toile Géotextile de classe 4 pour un montant de 5 916, 50 euros,
- aménagement d'une couche de forme de 40 cms, pour un montant de 29 399, 20 euros.
Comme le fait observer la société CGM, ces deux prestations se trouvent mentionnées dans la situation n°1 établie le 20 juin 2019, qui a été réglée par la société Franalex. Par ailleurs, le compte-rendu de chantier du 27 juin 2019 rédigé comporte la mention 'fait' au titre de la 'mise en place des plateformes stabilisées'. L'appelante en déduit qu'aucune réserve ou observation n'a été formulée sur ces deux postes, de sorte que paiement lui est dû à ce titre, conformément au marché de travaux liant les parties.
Force est cependant de constater que, comme l'ont justement relevé les premiers juges, l'émission de situations intermédiaires, comme celle du 20 juin 2019, qui est une pratique courante du secteur du BTP, permet uniquement d'échelonner les paiements en fonction de l'état d'avancement des travaux. Ces situations doivent ainsi s'analyser comme de simples acomptes, et seul le décompte général et définitif (DGD) permet de clore financièrement un marché de travaux et de fixer les droits respectifs des parties.
Il n'est en outre nullement établi que le maître d'oeuvre aurait procédé à une quelconque vérification de la réalité des travaux mentionnés dans cette situation intermédiaire. Et il convient d'observer, à cet égard, qu'aucune réponse n'a été apportée par le maître d'oeuvre aux demandes de validation des situations n°1 et n°2 qui lui ont été adressées par l'entreprise suivant courriels des 21 juin et 22 août 2019.
Quant au compte-rendu de chantier, il se contente, comme le fait observer l'intimée, de faire état de ce que la plate-forme a été réalisée à cette date, sans que cela implique que la toile géotextile était en place et la couche de forme rapportée.
Les éléments produits par l'appelante ne sauraient ainsi suffire à rapporter la preuve de la réalisation effective des travaux litigieux.
Il se déduit au contraire, sans ambiguïté, de l'attestation établie par M. [V] [O], maître d'oeuvre, ainsi que du reportage photographique qu'il a réalisé, qui sont versées aux débats par la société Franalex, qu'en fait, la plate-forme litigieuse et la couche de fondation ont été réalisées 'par enlèvement des déblais et non par apport de Tout Venant avec interposition d'un feutre anticontaminant'. Deux des photographies du chantier qui sont produites, datées du 5 septembre 2019, mettent ainsi en exergue l'absence de pose d'une toile géotextile et d'une couche de fondation de 40 cms, qui étaient prévues au contrat.
Compte tenu de l'absence de preuve de la réalisation effective des deux prestations susvisées, le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de paiement formée de ce chef par la société CGM.
Sur la facture du 4 octobre 2019 portant sur des travaux supplémentaires de remblaiement d'un montant de 26 700 euros HT
Il est constant que la société CGM s'est engagée à traiter le lot 'terrassements généraux' dans le cadre d'un marché forfaitaire, dont le prix a été fixé dans un document intitulé DPGF (décomposition du prix global et forfaitaire).
Aux termes de l'article 1793 du code civil, 'lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire'.
Il est de jurisprudence constante, au visa de ce texte, que dans un marché forfaitaire, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s'ils sont nécessaires à la réalisation de l'ouvrage (Cour de Cassation, 3ème Civ, 18 avril 2019, n°18-18.801), et que seul un 'accord exprès et non équivoque' du maître d'ouvrage peut justifier la facturation de travaux supplémentaires (Cour de Cassation, 3ème Civ, 27 juin 2019, n°16-25.262).
Force est de constater, en l'espèce, que la société CGM se contente de faire état d'un simple accord oral qui lui aurait été donné par sa contractante sur la réalisation des travaux supplémentaires de remblaiement qui font l'objet de la facturation du 4 octobre 2019, sans apporter le moindre élément susceptible de caractériser son existence. En tout état de cause, elle ne produit aucun accord exprès par écrit émanant du maître de l'ouvrage.
Il convient d'observer, en outre, que cette facture a été contestée par la société Franalex, et qu'elle est à l'origine du litige survenu entre les parties, ayant abouti à la rupture de leurs relations contractuelles.
Il se déduit par ailleurs de l'attestation du maître d'oeuvre qui est versée aux débats par l'intimée que le 'changement de méthodologie de remblaiement' qui a été ainsi facturé par l'entreprise est en réalité imputable au terrassement non réalisé par cette dernière conformément au plan de l'architecte. De sorte que ces travaux supplémentaires, non acceptés par le maître d'ouvrage, ont été rendus nécessaires par les seules erreurs commises par la société CGM, qui ne saurait donc en réclamer le paiement en dehors du forfait.
La société CGM sera donc déboutée de cette demande en paiement.
Sur la rupture des relations contractuelles
L'appelante réclame des dommages et intérêts en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par la rupture unilatérale et abusive, par la société Franalex, de leurs relations contractuelles.
Si, comme elle le fait observer, le courrier qu'elle a adressé à sa contractante le 17 octobre 2019 ne manifestait aucune intention explicite de la part de l'entreprise d'abandonner le chantier, il n'en demeure pas moins qu'elle s'inscrivait, comme l'ont justement relevé les premiers juges, dans une stratégie de 'bras de fer' , la société CGM menaçant d'abandonner le chantier si elle n'était pas payée de ses factures en souffrance, ce qui supposait en particulier de valider son devis afférent aux travaux supplémentaires de remblaiement. Or, comme il a été précédemment exposé, cette facturation n'était nullement justifiée.
Il se déduit par ailleurs de l'examen des échanges intervenus entre les parties qu'une réunion houleuse s'était auparavant tenue le 16 octobre 2019, au cours de laquelle des invectives auraient été formulées, et qui aurait acté le désaccord entre les parties sur la facturation des travaux supplémentaires.
Il est constant, en outre, que la société Franalex s'est trouvée confrontée à une situation d'urgence puisque les travaux de remblaiement qui restaient à réaliser devaient impérativement être effectués avant l'arrivée de l'hiver, ce qui l'a contrainte à trouver en urgence une solution de remplacement en ayant recours aux services d'une autre entreprise. Cette situation d'urgence a pu la dispenser de délivrer à sa contractante une mise en demeure préalable avant de lui signifier la rupture de leurs relations contractuelles.
Il ne saurait dans ce contexte être fait grief à la société Franalex, compte tenu de cette situation de blocage et des tensions qui existaient entre les parties, d'avoir pris acte de l'abandon du chantier par la société CGM (ce qui était nécessairement le cas du reste dès lors que son devis de travaux supplémentaires ne pouvait être validé) et de lui avoir signifié la rupture du contrat qui les liait. Aucun manquement contractuel imputable à l'intimée ne se trouve ainsi caractérisé.
Du reste, il convient d'observer que la société CGM n'apporte aucun élément qui permettrait à la cour de déterminer la marge brute dont elle aurait été privée suite à la rupture du contrat, étant observé qu'elle a été payée de l'ensemble des prestations qu'elle justifie avoir réalisées, et que seuls les derniers travaux de remblaiement, d'un montant de 11 455, 29 euros HT, restaient à effectuer.
L'appelante ne pourra donc qu'être déboutée de ce chef de demande.
Sur les déblais conservés par la société CGM
La société Franalex expose que sa contractante aurait conservé les déblais qui étaient destinés au remblaiement périmétrique, et qui se distinguent de ceux qui étaient destinés à la déchetterie. Elle a fait évaluer par un géomètre-expert, M. [F], dans un rapport du 4 mars 2020, à l'aide du logiciel Autocad, le volume des déblais retirés de son chantier, et entreposés par CGM au niveau du hameau '[Adresse 3]', aboutissant à un volume de 8 500 m3. En cause d'appel, sur la base d'un courriel d'évaluation émanant de la société 2 Savoie géotechnique, elle estime leur valeur marchande à 3 euros/m3, ce qui lui permet d'aboutir à la somme de 25 500 euros HT, soit 30 600 euros TTC, dont elle sollicite le paiement.
Il est constant qu'en l'absence de mention contraire contenue dans le marché de travaux, qui acterait une quelconque vente au profit de la société CGM, les déblais litigieux, provenant du chantier, sont restés la propriété de la société Franalex.
Force est cependant de constater que le volume de déblais qui devait revenir sur le chantier pour le remblaiement périmétrique était fixé par le marché de travaux à hauteur de 1 212, 20 m3 et non à 8 500 m3, de sorte que le droit de restitution éventuel de l'intimée ne peut porter le cas échéant que sur ce volume.
Par ailleurs, la société Franalex n'apporte aucun élément, en dehors de ses seules affirmations contenues dans ses courriels, permettant de démontrer que la société CGM ferait obstacle à la restitution des déblais litigieux, alors qu'elle ne le lui a jamais demandé et que l'intéressée indique qu'ils se trouvent à sa disposition, ce qui se déduit du reste du rapport établi par le géomètre-expert.
Il convient d'observer également que c'est suite à la résiliation du contrat, intervenue à l'initiative de la société Franalex, que l'appelante s'est retrouvée en possession de ces déblais, et rien n'indique qu'elle aurait souhaité en faire l'acquisition.
Enfin, d'une manière plus générale, aucun contrat de vente, qui serait susceptible de faire prospérer son action en paiement, avec un accord sur la chose et le prix, ne se trouve caractérisé.
L'intimée sera ainsi déboutée de cette demande.
Sur la procédure abusive
L'intimée ne fait état par ailleurs d'aucun élément susceptible de démontrer la mauvaise foi ou l'existence d'une erreur grossière équivalente au dol qui serait susceptible de faire dégénérer en faute le droit pour la société CGM d'agir en justice, alors que de son côté, elle a également été déboutée de ses prétentions indemnitaires. La demande de dommages et intérêts qu'elle formé de ce chef ne pourra donc qu'être rejetée.
En tant que partie perdante, la société CGM sera condamnée aux dépens exposés en appel, ainsi qu'à payer à la société Franalex la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.
La demande formée de ce chef par la société CGM sera enfin rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société CGM aux dépens exposés en appel, avec distraction au profit de Maître Clarisse Dormeval, avocat,
Condamne la société CGM à payer à la société Franalex la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,
Rejette la demande formée par la société CGM au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 08 octobre 2024
à
la SCP MILLIAND THILL PEREIRA
Me Clarisse DORMEVAL
Copie exécutoire délivrée le 08 octobre 2024
à
Me Clarisse DORMEVAL