Décisions
CA Chambéry, 1re ch., 8 octobre 2024, n° 22/00148
CHAMBÉRY
Autre
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GS/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 08 Octobre 2024
N° RG 22/00148 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G42V
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 08 Novembre 2021
Appelants
Mme [O] [X]
née le 25 Décembre 1990 à [Localité 7] - SUISSE, demeurant [Adresse 4] - SUISSE
M. [K] [Y]
né le 15 Novembre 1989 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentés par la SELARL FAVRE-DUBOULOZ-COFFY, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimé
M. [I] [P]
né le 18 Août 1962 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par la SELAS RTA AVOCATS, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
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Date de l'ordonnance de clôture : 25 Mars 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 mai 2024
Date de mise à disposition : 08 octobre 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Myriam REAIDY, Conseillère, en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre régulièrement empêchée, qui a entendu les plaidoiries, en présence de M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
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Faits et procédure
Suivant acte notarié en date du 28 mai 2018, M. [I] [P] a consenti à Mme [O] [X] et M. [K] [Y] (ci-après les consorts [X]-[Y]) une promesse unilatérale de vente, portant sur une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 6], au prix de 275 000 euros.
Cette promesse a été conclue pour une durée expirant le 20 août 2018, sous la condition suspensive de l'obtention d'un crédit bancaire d'un montant maximum de 265 000 euros, avant le 31 juillet 2018. Une indemnité d'immobilisation de 10 000 euros a été versée en la comptabilité du notaire par les acquéreurs. L'acte stipulait également une clause pénale d'un montant de 27 500 euros si l'acte authentique de vente ne pouvait être régularisé.
Après un premier refus de financement exprimé par le Crédit Agricole, un avenant a été conclu le 30 août 2018, prévoyant l'acquisition du bien par Mme [X] seule, la prorogation du délai d'obtention du prêt au 5 octobre 2018 au plus tard et la fixation de la date d'expiration de la promesse au 31 octobre 2018.
Le 30 octobre 2018, Mme [X] a obtenu une proposition de prêt de la société Crédit Agricole. M. [P] a cependant refusé, le 16 novembre 2018, de signer un nouvel avenant prorogeant à nouveau la promesse jusqu'au 31 décembre 2018 et a mis en demeure ses contractants, le 20 décembre 2018, de lui verser l'indemnité d'immobilisation.
Par acte d'huissier du 13 décembre 2019, les consorts [X] ' [Y] ont fait assigner M. [P] devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains notamment aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de l'indemnité d'immobilisation et de la clause pénale.
Par jugement du 8 novembre 2021, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, devenu le tribunal judiciaire, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
- débouté les consorts [X] ' [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamné in solidum les consorts [X] ' [Y] à payer à M. [P] :
- la somme de 10 000 euros correspondant à l'indemnité d'immobilisation,
- la somme de 27 500 euros correspondant à la clause pénale ;
- condamné in solidum les consorts [X] ' [Y] à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum les consorts [X] ' [Y] à supporter les entiers dépens de l'instance.
Au visa principalement des motifs suivants :
les consorts [X] ' [Y] n'ont pu justifier avoir obtenu une offre de prêt répondant aux caractéristiques contractuelles convenues ni avant la fin du délai initial de la promesse unilatérale de vente, le 20 août 2018, ni avant la fin de sa prolongation, le 31 octobre 2018 ;
les consorts [X] ' [Y] n'ont déposé, tant durant le délai initial de la promesse que pendant sa prolongation, qu'une seule demande de prêt et ne peuvent justifier avoir déposé concomitamment deux demandes de financement alors que les sociétés Crédit Agricole et Crédit Mutuel leur ont opposé un refus ;
les consorts [X] - [Y], qui n'ont pas respecté les conditions et clauses de la promesse de vente, ne peuvent se prévaloir de la non-réalisation de la condition suspensive d'obtention d'une ou plusieurs offres de prêt ;
la vente n'ayant pu être réalisée en raison du non-respect, par les requérants, des délais convenus pour la présentation d'une offre de prêt conforme aux caractéristiques de la promesse.
Par déclaration au greffe du 27 janvier 2022, les consorts [X] - [Y] ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Dans leurs dernières écritures du 19 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les consorts [X] - [Y] sollicitent l'infirmation de la décision et demandent à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 8 novembre 2021 sur l'indemnité d'immobilisation ;
- dire et juger que M. [Y] n'est débiteur d'aucune indemnité ou pénalité au bénéfice de M. [P] ;
- dire que l'indemnité d'occupation de 10 000 euros sera restituée à M. [Y] ;
- dire et juger qu'ils ont rempli leurs obligations contractuelles ;
- dire et juger qu'ils justifient ne pas avoir levé les conditions suspensives de la promesse de vente et de son avenant ;
- en conséquence, ordonner la restitution de l'indemnité d'immobilisation de 10 000 euros à leur bénéfice ;
- réformer le jugement en ce qui concerne la pénalité ;
- dire et juger que les conditions d'obtention de cette pénalité ne sont pas remplies en ce qui concerne M. [P] ;
- le condamner à leur verser la somme de 27 500 euros au titre de la clause pénale, assortie de l'intérêt de retard depuis le jour de la délivrance de l'assignation ;
Subsidiairement,
- réduire le montant de la clause pénale à la somme de 10 euros ;
- condamner M. [P] à la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux dépens qui comprendront ceux de première instance.
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [X] - [Y] font valoir notamment que :
l'avenant du 30 août 2018 décharge M. [Y] puisque les parties conviennent qu'il ne serait plus acquéreur des biens, de sorte qu'il ne peut être tenu au paiement de la moindre somme ;
ils ont essuyé deux refus de prêt, dont ils justifient, mais ont obtenu finalement, le 30 octobre 2018, le financement sollicité, de sorte qu'ils ont parfaitement respecté leurs obligations contractuelles ;
il appartenait au promettant de les mettre en demeure de justifier de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive ;
ce n'est qu'en raison du refus du vendeur de signer un avenant de prorogation, alors qu'ils avaient obtenu une offre de prêt, que la vente n'a pu être réalisée ;
la clause pénale a pour objet de sanctionner la mauvaise foi de l'une des parties, qui refuse de signer l'acte de vente, ce qui n'est manifestement pas le cas d'espèce au vu des démarches multiples qu'ils ont entreprises pour obtenir un financement et acquérir le bien.
Aux termes de ses dernières écritures du 23 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [P] demande quant à lui à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains le 8 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;
- juger que les consorts [X] - [Y] n'ont pas respecté leur obligation de déposer une demande de prêt dans les délais et conformément aux caractéristiques de la promesse de vente du 28 mai 2018 et son avenant du 30 août 2018 ;
- juger que les consorts [X] - [Y] ne justifient nullement de la levée de la condition suspensive d'obtention d'une offre ferme et définitive de prêt avant la date d'expiration de la promesse de vente ;
- juger que les consorts [X] - [Y] ne rapportent nullement la preuve, qui leur incombe, d'avoir subi quelque préjudice que ce soit ;
En conséquence,
- débouter les consorts [X] - [Y] de leurs fins, demandes et conclusions ;
A titre subsidiaire et en toute hypothèse,
- ramener la clause pénale insérée à la promesse de vente à la somme de 1 euro ;
A titre reconventionnel,
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros due à titre d'indemnité d'immobilisation ;
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] à lui payer la somme de 27 500 euros due au titre de la clause pénale ;
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] aux entiers frais et dépens de l'instance, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bollonjeon, avocat.
Au soutien de ses prétentions, M. [P] fait valoir notamment que :
que ce soit à la date d'expiration initiale de la promesse, soit le 20 août 2018, ou à la date d'expiration prévue à l'avenant, soit le 31 octobre 2018, les consorts [X] - [Y] n'ont pas justifié avoir obtenu une offre de prêt conforme aux stipulations contractuelles ;
la non réalisation de la condition suspensive est due à leur négligence et qu'ils n'ont respecté aucune des prescriptions de la promesse leur permettant de se prévaloir de la défaillance de ladite condition ;
la proposition de financement datée du 30 octobre 2018 ne constitue pas une offre ferme et définitive de prêt ;
les consorts [X] - [Y] n'invoquent, ni ne justifient avoir subi un préjudice d'un montant de 27 500 euros au titre de la clause pénale.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 25 mars 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 21 mai 2024.
Motifs de la décision
Sur l'indemnité d'immobilisation
Aux termes de l'article 1304-3 du code civil,' la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement'. L'article 1304-6 alinéa 3 du même code précise qu' 'en cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé '. Il est par ailleurs de jurisprudence constante que lorsque, dans une promesse synallagmatique de vente, un délai est prévu pour la réalisation de la condition suspensive et qu'à la date prévue pour la réitération par acte authentique, cette condition n'est pas accomplie, la promesse est caduque.
La clause relative à l'indemnité d'immobilisation contenue dans la promesse de vente prévoit qu'elle restera acquise au promettant à titre d'indemnité forfaitaire en cas de non-réalisation de la vente, sauf si l'une des conditions suspensives venait à défaillir selon les modalités et délais prévus dans l'acte.
L'acte authentique du 28 mai 2018 stipule par ailleurs, dans son paragraphe afférent à la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt (pages 9 et 10 de l'acte) :
'Pour pouvoir bénéficier de la protection de la présente condition suspensive, le bénéficiaire devra :
- justifier du dépôt de sa ou ses demandes de prêt et du respect de ses obligations aux termes de la présente condition suspensive;
- et se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus, par télécopie ou courrier électronique confirmés par courrier recommandé avec avis de réception adressée au promettant à son domicile élu, du refus de ce ou ces prêts;
À défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le promettant aura la faculté de mettre le bénéficiaire en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation de la défaillance de la condition.
Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception au domicile ci-après élu.
Passé ce délai de huit jours sans que le bénéficiaire ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le promettant retrouvera son entière liberté mais le bénéficiaire ne pourra recouvrer l'indemnité d'immobilisation qu'il aura le cas échéant versée qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, l'indemnité d'immobilisation restera acquise au promettant. (....)
Le bénéficiaire s'engage, en cas de non obtention du financement demandé, à justifier de deux refus de prêt répondant aux caractéristiques ci-dessus. En conséquence le bénéficiaire s'engage à déposer simultanément deux demandes de prêt'.
Il est manifeste qu'à la date d'expiration de la promesse de vente, fixée au 31 octobre 2018 par l'avenant du 30 août 2018, la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt par Mme [X] (devenue seule acquéreure du bien suite à l'avenant précité), aucune offre ferme et définitive de prêt n'avait été obtenue. En effet, comme l'a relevé le premier juge, seule une 'proposition de financement' émanant du Crédit Agricole, datée du 30 octobre 2018, avait été émise, ce document précisant qu'il ne constituait qu'un 'devis et/ou une simulation réalisée à l'initiative du consommateur', mais en aucun cas une offre de crédit ayant une valeur contractuelle. Et ce alors que la promesse de vente se réfère expressément, en sa page 9, à l'obtention d'une ou plusieurs 'offres définitives de prêt entrant dans le champ d'application de l'article L. 313-1 du code de la consommation'.
Il appartient dans ces conditions aux appelants de justifier de ce qu'ils ont respecté leur obligation contractuelle d'accomplir des démarches suffisantes leur permettant d'obtenir le financement nécessaire à l'acquisition projetée, suivant les conditions prévues dans la promesse authentique de vente, leur permettant de se prévaloir de la condition suspensive et d'obtenir en conséquence la restitution de la somme de 10 000 euros qu'ils ont versée à titre d'indemnité d'immobilisation.
En l'espèce, il se déduit de l'examen des pièces qu'ils versent aux débats que les consorts [X] - [Y] ont déposé une demande de financement auprès du Crédit Agricole le 7 juillet 2018, qui a été refusée par cet organisme bancaire, ce dont ils ont informé M. [P] par texto en août 2018, alors qu'ils étaient en vacances en Thaïlande. Ce refus a conduit à la signature de l'avenant du 30 août 2018, prévoyant l'acquisition du bien par Mme [X] seule, la prorogation du délai d'obtention du prêt au 5 octobre 2018 au plus tard et la fixation de la date d'expiration de la promesse au 31 octobre 2018.
Une seule demande de prêt avait ainsi été déposée, à ce stade, par les bénéficiaires de la promesse, et elle ne correspondait nullement aux conditions contractuelles, puisqu'elle portait sur un financement de 267 401 euros, supérieur au montant maximum de 265 000 euros fixé dans la condition suspensive. Aucune conséquence ne peut cependant en être tirée, dès lors que l'avenant précité a fait courir de nouveaux délais au bénéfice de Mme [X] seule.
Postérieurement à l'avenant du 30 août 2018, Mme [X] a déposé, le 12 septembre 2018, une demande de financement auprès du Crédit Mutuel, portant sur un montant de 217 230 euros, conforme aux stipulations contractuelles, qui a été refusée le 28 novembre 2018 par la banque.
Elle a également, à une date indéterminée mais à une époque concomittante, entrepris des démarches auprès d'un courtier, Prêt Immo Conseil, lui permettant d'obtenir, le 30 octobre 2018, une réponse positive de la part du Crédit Agricole, sur le principe d'un prêt d'un montant de 238 700 euros, qui apparaît conforme, là encore, aux clauses de l'acte authentique. Etant observé que Mme [X] a augmenté le montant de son apport personnel, à l'aide d'une aide apportée par sa famille, pour obtenir le déblocage d'un tel financement.
En réalité, il se déduit clairement des échanges qui sont intervenus par courriel entre les parties et le notaire instrumentaire que tant Mme [X] que le notaire pensaient que M. [P] avait signé un nouvel avenant permettant de proroger la promesse de vente jusqu'au 30 novembre 2018, ce qui permet de penser que l'intéressé avait à tout le moins donné un accord oral de principe pour une telle prorogation. De fait, seule Mme [X] a signé un tel avenant rédigé par le notaire le 30 octobre 2018.
Par ailleurs, les échanges entre les parties mettent également en exergue le fait que c'est en raison du refus de M. [P], manifesté le 16 novembre 2018, d'accorder une nouvelle prorogation, que la vente n'a pu se réaliser, alors que de son côté, Mme [X] souhaitait sans ambiguïté poursuivre cette opération immobilière. L'intéressée avait du reste rendez-vous avec son courtier pour signer l'acte de prêt définitif le 12 novembre 2018, mais elle a été contrainte de l'annuler en l'absence de signature par le promettant d'un nouvel avenant de prorogation de la promesse de vente.
Il doit nécessairement se déduire de ces constatations que Mme [X], qui était seule liée par la promesse de vente suite à la signature de l'avenant du 30 août 2018, justifie avoir accompli des démarches suffisantes pour obtenir le financement nécessaire à l'acquisition, notamment en déposant deux demandes de prêt de manière concomittante, l'une auprès du Crédit Mutuel, qui a été refusée, et l'autre auprès du Crédit Agricole, conformément à ses engagements contractuels. Il ne saurait en outre être tiré argument de ce que ce second organisme bancaire aurait accédé à sa demande, ce qui ne lui permettrait pas de justifier d'un second refus de prêt, alors que c'est M. [P] qui a finalement décidé de ne pas donner suite à l'opération, compte tenu des délais écoulés depuis la signature de l'acte authentique.
Il convient d'observer enfin que M. [P] n'a à aucun moment mis en demeure sa contractante de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition, conformément aux termes de la promesse de vente.
Par conséquent, M. [P] sera condamné à restituer aux appelants la somme de 10 000 euros qu'ils ont versée à titre d'indemnité d'immobilisation.
Sur la clause pénale
Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, 'lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire'.
En l'espèce, la 'stipulation de pénalité' contenue en page 8 de l'acte authentique prévoit que, 'au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 27 500 euros à titre de dommages-intérêts'.
Force est de constater que cette clause pénale ne trouve application que lorsque l'une des parties refuserait de réitérer la vente alors que l'ensemble des conditions prévues par la promesse se trouveraient accomplies, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce, dès lors que, comme il a été précédemment exposé, aucune offre définitive de prêt n'avait été obtenue par Mme [X] à la date d'expiration de la promesse, le 31 octobre 2018, sans que l'intéressée ait fait obstacle à l'obtention d'un tel financement. Au contraire, c'est bien M. [P] qui a refusé de poursuivre l'opération immobilière, alors que de son côté, sa contractante a exprimé de manière constante sa volonté d'acquérir. Aucune indemnité ne saurait ainsi être mise à la charge des appelants.
Il en va de même de M. [P], qui était parfaitement libre de refuser de signer un avenant de prorogation de la promesse, au regard des délais déjà écoulés depuis la signature de l'acte authentique du 28 mai 2018, et pouvait prendre acte de l'expiration de la promesse pour abandonner son projet de vente, sans que cela ne puisse lui être imputé à faute.
Les demandes qui sont formées par chacune des parties au titre de la clause pénale ne pourront ainsi qu'être rejetées.
Sur les mesures accessoires
En tant que partie perdante, M. [P] sera condamné aux dépens exposés en première instance et en appel, ainsi qu'à payer aux appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.
La demande formée à ce titre par M. [P] sera par contre rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] [X] et M. [K] [Y] de leur demande formée au titre de la clause pénale,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne M. [I] [P] à restituer à Mme [O] [X] et M. [K] [Y] la somme de 10 000 euros qu'ils ont versée à titre d'indemnité d'immobilisation,
Rejette la demande formée par M. [I] [P] au titre de l'indemnité d'immobilisation,
Rejette la demande formée par M. [I] [P] au titre de la clause pénale,
Condamne M. [I] [P] aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel,
Condamne M. [I] [P] à payer à Mme [O] [X] et M. [K] [Y] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés en première instance et en cause d'appel,
Rejette la demande formée de ce chef par M. [I] [P].
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 08 octobre 2024
à
Me Michel FILLARD
la SELARL BOLLONJEON
Copie exécutoire délivrée le 08 octobre 2024
à
Me Michel FILLARD
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 08 Octobre 2024
N° RG 22/00148 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G42V
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 08 Novembre 2021
Appelants
Mme [O] [X]
née le 25 Décembre 1990 à [Localité 7] - SUISSE, demeurant [Adresse 4] - SUISSE
M. [K] [Y]
né le 15 Novembre 1989 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentés par la SELARL FAVRE-DUBOULOZ-COFFY, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimé
M. [I] [P]
né le 18 Août 1962 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par la SELAS RTA AVOCATS, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
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Date de l'ordonnance de clôture : 25 Mars 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 mai 2024
Date de mise à disposition : 08 octobre 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Myriam REAIDY, Conseillère, en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre régulièrement empêchée, qui a entendu les plaidoiries, en présence de M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
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Faits et procédure
Suivant acte notarié en date du 28 mai 2018, M. [I] [P] a consenti à Mme [O] [X] et M. [K] [Y] (ci-après les consorts [X]-[Y]) une promesse unilatérale de vente, portant sur une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 6], au prix de 275 000 euros.
Cette promesse a été conclue pour une durée expirant le 20 août 2018, sous la condition suspensive de l'obtention d'un crédit bancaire d'un montant maximum de 265 000 euros, avant le 31 juillet 2018. Une indemnité d'immobilisation de 10 000 euros a été versée en la comptabilité du notaire par les acquéreurs. L'acte stipulait également une clause pénale d'un montant de 27 500 euros si l'acte authentique de vente ne pouvait être régularisé.
Après un premier refus de financement exprimé par le Crédit Agricole, un avenant a été conclu le 30 août 2018, prévoyant l'acquisition du bien par Mme [X] seule, la prorogation du délai d'obtention du prêt au 5 octobre 2018 au plus tard et la fixation de la date d'expiration de la promesse au 31 octobre 2018.
Le 30 octobre 2018, Mme [X] a obtenu une proposition de prêt de la société Crédit Agricole. M. [P] a cependant refusé, le 16 novembre 2018, de signer un nouvel avenant prorogeant à nouveau la promesse jusqu'au 31 décembre 2018 et a mis en demeure ses contractants, le 20 décembre 2018, de lui verser l'indemnité d'immobilisation.
Par acte d'huissier du 13 décembre 2019, les consorts [X] ' [Y] ont fait assigner M. [P] devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains notamment aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de l'indemnité d'immobilisation et de la clause pénale.
Par jugement du 8 novembre 2021, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, devenu le tribunal judiciaire, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
- débouté les consorts [X] ' [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamné in solidum les consorts [X] ' [Y] à payer à M. [P] :
- la somme de 10 000 euros correspondant à l'indemnité d'immobilisation,
- la somme de 27 500 euros correspondant à la clause pénale ;
- condamné in solidum les consorts [X] ' [Y] à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum les consorts [X] ' [Y] à supporter les entiers dépens de l'instance.
Au visa principalement des motifs suivants :
les consorts [X] ' [Y] n'ont pu justifier avoir obtenu une offre de prêt répondant aux caractéristiques contractuelles convenues ni avant la fin du délai initial de la promesse unilatérale de vente, le 20 août 2018, ni avant la fin de sa prolongation, le 31 octobre 2018 ;
les consorts [X] ' [Y] n'ont déposé, tant durant le délai initial de la promesse que pendant sa prolongation, qu'une seule demande de prêt et ne peuvent justifier avoir déposé concomitamment deux demandes de financement alors que les sociétés Crédit Agricole et Crédit Mutuel leur ont opposé un refus ;
les consorts [X] - [Y], qui n'ont pas respecté les conditions et clauses de la promesse de vente, ne peuvent se prévaloir de la non-réalisation de la condition suspensive d'obtention d'une ou plusieurs offres de prêt ;
la vente n'ayant pu être réalisée en raison du non-respect, par les requérants, des délais convenus pour la présentation d'une offre de prêt conforme aux caractéristiques de la promesse.
Par déclaration au greffe du 27 janvier 2022, les consorts [X] - [Y] ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Dans leurs dernières écritures du 19 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les consorts [X] - [Y] sollicitent l'infirmation de la décision et demandent à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 8 novembre 2021 sur l'indemnité d'immobilisation ;
- dire et juger que M. [Y] n'est débiteur d'aucune indemnité ou pénalité au bénéfice de M. [P] ;
- dire que l'indemnité d'occupation de 10 000 euros sera restituée à M. [Y] ;
- dire et juger qu'ils ont rempli leurs obligations contractuelles ;
- dire et juger qu'ils justifient ne pas avoir levé les conditions suspensives de la promesse de vente et de son avenant ;
- en conséquence, ordonner la restitution de l'indemnité d'immobilisation de 10 000 euros à leur bénéfice ;
- réformer le jugement en ce qui concerne la pénalité ;
- dire et juger que les conditions d'obtention de cette pénalité ne sont pas remplies en ce qui concerne M. [P] ;
- le condamner à leur verser la somme de 27 500 euros au titre de la clause pénale, assortie de l'intérêt de retard depuis le jour de la délivrance de l'assignation ;
Subsidiairement,
- réduire le montant de la clause pénale à la somme de 10 euros ;
- condamner M. [P] à la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux dépens qui comprendront ceux de première instance.
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [X] - [Y] font valoir notamment que :
l'avenant du 30 août 2018 décharge M. [Y] puisque les parties conviennent qu'il ne serait plus acquéreur des biens, de sorte qu'il ne peut être tenu au paiement de la moindre somme ;
ils ont essuyé deux refus de prêt, dont ils justifient, mais ont obtenu finalement, le 30 octobre 2018, le financement sollicité, de sorte qu'ils ont parfaitement respecté leurs obligations contractuelles ;
il appartenait au promettant de les mettre en demeure de justifier de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive ;
ce n'est qu'en raison du refus du vendeur de signer un avenant de prorogation, alors qu'ils avaient obtenu une offre de prêt, que la vente n'a pu être réalisée ;
la clause pénale a pour objet de sanctionner la mauvaise foi de l'une des parties, qui refuse de signer l'acte de vente, ce qui n'est manifestement pas le cas d'espèce au vu des démarches multiples qu'ils ont entreprises pour obtenir un financement et acquérir le bien.
Aux termes de ses dernières écritures du 23 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [P] demande quant à lui à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains le 8 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;
- juger que les consorts [X] - [Y] n'ont pas respecté leur obligation de déposer une demande de prêt dans les délais et conformément aux caractéristiques de la promesse de vente du 28 mai 2018 et son avenant du 30 août 2018 ;
- juger que les consorts [X] - [Y] ne justifient nullement de la levée de la condition suspensive d'obtention d'une offre ferme et définitive de prêt avant la date d'expiration de la promesse de vente ;
- juger que les consorts [X] - [Y] ne rapportent nullement la preuve, qui leur incombe, d'avoir subi quelque préjudice que ce soit ;
En conséquence,
- débouter les consorts [X] - [Y] de leurs fins, demandes et conclusions ;
A titre subsidiaire et en toute hypothèse,
- ramener la clause pénale insérée à la promesse de vente à la somme de 1 euro ;
A titre reconventionnel,
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros due à titre d'indemnité d'immobilisation ;
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] à lui payer la somme de 27 500 euros due au titre de la clause pénale ;
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner, in solidum, les consorts [X] - [Y] aux entiers frais et dépens de l'instance, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bollonjeon, avocat.
Au soutien de ses prétentions, M. [P] fait valoir notamment que :
que ce soit à la date d'expiration initiale de la promesse, soit le 20 août 2018, ou à la date d'expiration prévue à l'avenant, soit le 31 octobre 2018, les consorts [X] - [Y] n'ont pas justifié avoir obtenu une offre de prêt conforme aux stipulations contractuelles ;
la non réalisation de la condition suspensive est due à leur négligence et qu'ils n'ont respecté aucune des prescriptions de la promesse leur permettant de se prévaloir de la défaillance de ladite condition ;
la proposition de financement datée du 30 octobre 2018 ne constitue pas une offre ferme et définitive de prêt ;
les consorts [X] - [Y] n'invoquent, ni ne justifient avoir subi un préjudice d'un montant de 27 500 euros au titre de la clause pénale.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 25 mars 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 21 mai 2024.
Motifs de la décision
Sur l'indemnité d'immobilisation
Aux termes de l'article 1304-3 du code civil,' la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement'. L'article 1304-6 alinéa 3 du même code précise qu' 'en cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé '. Il est par ailleurs de jurisprudence constante que lorsque, dans une promesse synallagmatique de vente, un délai est prévu pour la réalisation de la condition suspensive et qu'à la date prévue pour la réitération par acte authentique, cette condition n'est pas accomplie, la promesse est caduque.
La clause relative à l'indemnité d'immobilisation contenue dans la promesse de vente prévoit qu'elle restera acquise au promettant à titre d'indemnité forfaitaire en cas de non-réalisation de la vente, sauf si l'une des conditions suspensives venait à défaillir selon les modalités et délais prévus dans l'acte.
L'acte authentique du 28 mai 2018 stipule par ailleurs, dans son paragraphe afférent à la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt (pages 9 et 10 de l'acte) :
'Pour pouvoir bénéficier de la protection de la présente condition suspensive, le bénéficiaire devra :
- justifier du dépôt de sa ou ses demandes de prêt et du respect de ses obligations aux termes de la présente condition suspensive;
- et se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus, par télécopie ou courrier électronique confirmés par courrier recommandé avec avis de réception adressée au promettant à son domicile élu, du refus de ce ou ces prêts;
À défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le promettant aura la faculté de mettre le bénéficiaire en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation de la défaillance de la condition.
Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception au domicile ci-après élu.
Passé ce délai de huit jours sans que le bénéficiaire ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le promettant retrouvera son entière liberté mais le bénéficiaire ne pourra recouvrer l'indemnité d'immobilisation qu'il aura le cas échéant versée qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, l'indemnité d'immobilisation restera acquise au promettant. (....)
Le bénéficiaire s'engage, en cas de non obtention du financement demandé, à justifier de deux refus de prêt répondant aux caractéristiques ci-dessus. En conséquence le bénéficiaire s'engage à déposer simultanément deux demandes de prêt'.
Il est manifeste qu'à la date d'expiration de la promesse de vente, fixée au 31 octobre 2018 par l'avenant du 30 août 2018, la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt par Mme [X] (devenue seule acquéreure du bien suite à l'avenant précité), aucune offre ferme et définitive de prêt n'avait été obtenue. En effet, comme l'a relevé le premier juge, seule une 'proposition de financement' émanant du Crédit Agricole, datée du 30 octobre 2018, avait été émise, ce document précisant qu'il ne constituait qu'un 'devis et/ou une simulation réalisée à l'initiative du consommateur', mais en aucun cas une offre de crédit ayant une valeur contractuelle. Et ce alors que la promesse de vente se réfère expressément, en sa page 9, à l'obtention d'une ou plusieurs 'offres définitives de prêt entrant dans le champ d'application de l'article L. 313-1 du code de la consommation'.
Il appartient dans ces conditions aux appelants de justifier de ce qu'ils ont respecté leur obligation contractuelle d'accomplir des démarches suffisantes leur permettant d'obtenir le financement nécessaire à l'acquisition projetée, suivant les conditions prévues dans la promesse authentique de vente, leur permettant de se prévaloir de la condition suspensive et d'obtenir en conséquence la restitution de la somme de 10 000 euros qu'ils ont versée à titre d'indemnité d'immobilisation.
En l'espèce, il se déduit de l'examen des pièces qu'ils versent aux débats que les consorts [X] - [Y] ont déposé une demande de financement auprès du Crédit Agricole le 7 juillet 2018, qui a été refusée par cet organisme bancaire, ce dont ils ont informé M. [P] par texto en août 2018, alors qu'ils étaient en vacances en Thaïlande. Ce refus a conduit à la signature de l'avenant du 30 août 2018, prévoyant l'acquisition du bien par Mme [X] seule, la prorogation du délai d'obtention du prêt au 5 octobre 2018 au plus tard et la fixation de la date d'expiration de la promesse au 31 octobre 2018.
Une seule demande de prêt avait ainsi été déposée, à ce stade, par les bénéficiaires de la promesse, et elle ne correspondait nullement aux conditions contractuelles, puisqu'elle portait sur un financement de 267 401 euros, supérieur au montant maximum de 265 000 euros fixé dans la condition suspensive. Aucune conséquence ne peut cependant en être tirée, dès lors que l'avenant précité a fait courir de nouveaux délais au bénéfice de Mme [X] seule.
Postérieurement à l'avenant du 30 août 2018, Mme [X] a déposé, le 12 septembre 2018, une demande de financement auprès du Crédit Mutuel, portant sur un montant de 217 230 euros, conforme aux stipulations contractuelles, qui a été refusée le 28 novembre 2018 par la banque.
Elle a également, à une date indéterminée mais à une époque concomittante, entrepris des démarches auprès d'un courtier, Prêt Immo Conseil, lui permettant d'obtenir, le 30 octobre 2018, une réponse positive de la part du Crédit Agricole, sur le principe d'un prêt d'un montant de 238 700 euros, qui apparaît conforme, là encore, aux clauses de l'acte authentique. Etant observé que Mme [X] a augmenté le montant de son apport personnel, à l'aide d'une aide apportée par sa famille, pour obtenir le déblocage d'un tel financement.
En réalité, il se déduit clairement des échanges qui sont intervenus par courriel entre les parties et le notaire instrumentaire que tant Mme [X] que le notaire pensaient que M. [P] avait signé un nouvel avenant permettant de proroger la promesse de vente jusqu'au 30 novembre 2018, ce qui permet de penser que l'intéressé avait à tout le moins donné un accord oral de principe pour une telle prorogation. De fait, seule Mme [X] a signé un tel avenant rédigé par le notaire le 30 octobre 2018.
Par ailleurs, les échanges entre les parties mettent également en exergue le fait que c'est en raison du refus de M. [P], manifesté le 16 novembre 2018, d'accorder une nouvelle prorogation, que la vente n'a pu se réaliser, alors que de son côté, Mme [X] souhaitait sans ambiguïté poursuivre cette opération immobilière. L'intéressée avait du reste rendez-vous avec son courtier pour signer l'acte de prêt définitif le 12 novembre 2018, mais elle a été contrainte de l'annuler en l'absence de signature par le promettant d'un nouvel avenant de prorogation de la promesse de vente.
Il doit nécessairement se déduire de ces constatations que Mme [X], qui était seule liée par la promesse de vente suite à la signature de l'avenant du 30 août 2018, justifie avoir accompli des démarches suffisantes pour obtenir le financement nécessaire à l'acquisition, notamment en déposant deux demandes de prêt de manière concomittante, l'une auprès du Crédit Mutuel, qui a été refusée, et l'autre auprès du Crédit Agricole, conformément à ses engagements contractuels. Il ne saurait en outre être tiré argument de ce que ce second organisme bancaire aurait accédé à sa demande, ce qui ne lui permettrait pas de justifier d'un second refus de prêt, alors que c'est M. [P] qui a finalement décidé de ne pas donner suite à l'opération, compte tenu des délais écoulés depuis la signature de l'acte authentique.
Il convient d'observer enfin que M. [P] n'a à aucun moment mis en demeure sa contractante de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition, conformément aux termes de la promesse de vente.
Par conséquent, M. [P] sera condamné à restituer aux appelants la somme de 10 000 euros qu'ils ont versée à titre d'indemnité d'immobilisation.
Sur la clause pénale
Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, 'lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire'.
En l'espèce, la 'stipulation de pénalité' contenue en page 8 de l'acte authentique prévoit que, 'au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 27 500 euros à titre de dommages-intérêts'.
Force est de constater que cette clause pénale ne trouve application que lorsque l'une des parties refuserait de réitérer la vente alors que l'ensemble des conditions prévues par la promesse se trouveraient accomplies, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce, dès lors que, comme il a été précédemment exposé, aucune offre définitive de prêt n'avait été obtenue par Mme [X] à la date d'expiration de la promesse, le 31 octobre 2018, sans que l'intéressée ait fait obstacle à l'obtention d'un tel financement. Au contraire, c'est bien M. [P] qui a refusé de poursuivre l'opération immobilière, alors que de son côté, sa contractante a exprimé de manière constante sa volonté d'acquérir. Aucune indemnité ne saurait ainsi être mise à la charge des appelants.
Il en va de même de M. [P], qui était parfaitement libre de refuser de signer un avenant de prorogation de la promesse, au regard des délais déjà écoulés depuis la signature de l'acte authentique du 28 mai 2018, et pouvait prendre acte de l'expiration de la promesse pour abandonner son projet de vente, sans que cela ne puisse lui être imputé à faute.
Les demandes qui sont formées par chacune des parties au titre de la clause pénale ne pourront ainsi qu'être rejetées.
Sur les mesures accessoires
En tant que partie perdante, M. [P] sera condamné aux dépens exposés en première instance et en appel, ainsi qu'à payer aux appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.
La demande formée à ce titre par M. [P] sera par contre rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] [X] et M. [K] [Y] de leur demande formée au titre de la clause pénale,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne M. [I] [P] à restituer à Mme [O] [X] et M. [K] [Y] la somme de 10 000 euros qu'ils ont versée à titre d'indemnité d'immobilisation,
Rejette la demande formée par M. [I] [P] au titre de l'indemnité d'immobilisation,
Rejette la demande formée par M. [I] [P] au titre de la clause pénale,
Condamne M. [I] [P] aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel,
Condamne M. [I] [P] à payer à Mme [O] [X] et M. [K] [Y] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés en première instance et en cause d'appel,
Rejette la demande formée de ce chef par M. [I] [P].
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 08 octobre 2024
à
Me Michel FILLARD
la SELARL BOLLONJEON
Copie exécutoire délivrée le 08 octobre 2024
à
Me Michel FILLARD