CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 10 octobre 2024, n° 23/05594
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Crédit Foncier de France (SA)
Défendeur :
Vivons Energy (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Durand
Conseillers :
Mme Coulibeuf, Mme Arbellot
Avocats :
Me Leopold Couturier, Me Pierron
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé en date du 22 avril 2012, M. [P] [N] a conclu un contrat de vente n° 411701 auprès de la société Vivons Energy (Activ'eco) portant sur la fourniture et l'installation de 12 panneaux photovoltaïques pour une puissance globale de 3 000 watts - crêtes pour un montant de 33 600 euros.
Selon offre en date du 22 avril 2012, le Crédit Foncier a accordé à M. [P] [N] et à Mme [T] [N] née [V] un crédit d'un montant de 33 600 euros destiné à financer la vente et la pose de panneaux photovoltaïques par la société Activ'eco (devenue par la suite Vivons Energy).
Par ordonnance en date du 13 juin 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux a rejeté la demande d'expertise formée par M. et Mme [N] afin de vérifier les conditions de fonctionnement de l'installation, d'indiquer les causes d'anomalies de fonctionnement constatées, les techniques à mettre en 'uvre pour permettre d'y remédier et leur coût et pour s'expliquer sur les chefs de préjudice subis par les époux [N] à raison du non-fonctionnement de l'installation réceptionnée le 16 juin 2012 avec règlement concomitant du solde d'une facture de 33 600 euros TTC.
Aux termes de cette décision, le juge des référés a indiqué qu'aucune pièce n'était produite de nature à établir l'existence de dysfonctionnements de l'éolienne de toit et d'un ballon d'eau chaude thermo 800 litres adoucisseur.
Par jugement du tribunal de commerce en date du 13 décembre 2017, la société Vivons Energy a été placée sous liquidation judiciaire et la Selafa MJA prise en la personne de [R] [Z] a été désignée en tant que mandataire liquidateur.
M. [N] a par anticipation intégralement remboursé le prêt au mois de décembre 2018.
Par jugement réputé contradictoire en date du 25 mai 2021, le juge en charge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Charenton-le-Pont, saisi acte des 8 et 11 janvier 2021 par M. [N], a :
- constaté la nullité du contrat de fourniture et de pose des panneaux photovoltaïques du 22 avril 2012 ainsi que la nullité subséquente du contrat de crédit affecté y afférent conclu avec le Crédit Foncier,
- condamné in solidum la société Vivons Energy et le Crédit Foncier à payer à M. [N] la somme de 5 000 euros au titre des frais de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état,
- condamné le Crédit Foncier à restituer à M. [N] les sommes versées par lui dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit affecté.
Par déclaration en date du 6 août 2021, le Crédit Foncier a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 9 février 2022, le Premier Président près la cour d'appel de Paris saisi par le Crédit Foncier, a suspendu l'exécution provisoire du jugement du 25 mai 2021 en raison de la possible prescription de l'action de M. [N].
M. [N] est décédé le 29 décembre 2022 entraînant l'interruption de l'instance constatée par ordonnance en date du 14 février 2023, avant réinscription de l'affaire à la suite de l'intervention volontaire de son conjoint survivant Mme [T] [N] née [V] et de ses enfants et héritiers Mme [W] [N], M. [M] [N], M. [S] [N], Mme [C] [N], ci -après dénommés les consorts [N].
Par conclusions n° 3, le Crédit foncier demande à la cour :
- de donner le cas échéant acte aux héritiers de [P] [N] de leur intervention volontaire devant la cour,
- d'infirmer le jugement du juge en charge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Charenton du 25 mai 2021 en toutes ses dispositions,
- en conséquence :
- de déclarer irrecevables toutes les demandes, fins et prétentions des consorts [N] car prescrites par application de l'article 1182 du code civil,
- à défaut, de les en déclarer mal fondés et les en débouter intégralement,
- subsidiairement et en cas d'annulation et/ou de résolution du contrat de vente et du contrat de prêt consenti par le Crédit Foncier,
- de condamner les consorts [N] à lui payer la somme de 33 600 euros, outre intérêts au taux légal depuis la date de mise à disposition des fonds, somme de laquelle il conviendra de déduire les versements effectués par [P] [N] et ordonner la compensation sur le fondement des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil,
- de condamner la Selafa MJA prise en la personne de Me [R] [Z] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy à garantir les consorts [N] de toutes les sommes qu'ils pourraient devoir au Crédit Foncier,
- de fixer au passif de la procédure collective de société Vivons Energy les sommes correspondant au préjudice subi par le Crédit Foncier qui résulterait de la résolution du contrat de prêt, lequel est constitué par les intérêts et frais contractuellement dus à la Banque depuis l'origine du prêt, et qui s'élève à la somme de 15 597,60 euros,
- de condamner les consorts [N] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Béatrice Léopold-Couturier, avocat.
Le Crédit Foncier soulève tout d'abord l'irrecevabilité des demandes des débiteurs sur deux fondements.
A l'appui de ses prétentions, il expose que dès le mois de mars 2014, [P] [N] avait parfaitement connaissance des prétendus dysfonctionnements dans le cadre de la vente et de la pose des panneaux photovoltaïques par la société Activ'éco et des irrégularités affectant le bon de commande sur le fondement de l'article L. 121-23 du code de la consommation , puisqu'il avait à cette époque, avec un avocat, sollicité la désignation d'un expert judiciaire et que dès lors, la demande tendant à l'annulation du contrat de vente et du contrat de prêt comme celle fondée sur le dol ainsi que celle fondée sur le manquement au devoir de mise en garde par la banque, étaient prescrites lorsqu'il a agi en justice par actes en date des 8 et 11 janvier 2021.
Il estime par ailleurs irrecevables les demandes de nullité du contrat de vente, sur le fondement de l'article 1182 du code civil au motif que la nullité sanctionnant le non-respect des obligations prescrites au vendeur par les articles du code de la consommation, constitue une nullité relative qui peut donc être couverte par le consommateur selon l'article 1338 du code civil, qui, en toute connaissance des irrégularités affectant le contrat, a entendu néanmoins en poursuivre l'exécution et s'en prévaloir puisqu'il a bénéficié du raccordement de l'installation pendant plusieurs années, ne s'est jamais plaint de qualité de l'installation et a intégralement remboursé le crédit affecté.
Sur le fond, le Crédit Foncier précise ne jamais avoir eu connaissance de l'assignation en première instance et n'avoir su qu'en appel les reproches qui lui étaient faits qui consistent en des généralités reprises dans de nombreuses contestations d'acquisition de panneaux photovoltaïques.
Il précise que dans le cas d'espèce, le bon de commande est illisible, ne faisant même pas apparaître le nom du client ou celui du démarcheur, et ne permet donc pas de savoir s'il remplit ou non les exigences légales et donc d'instaurer un débat contradictoire, qu'en tout état de cause les mentions qui seraient manquantes ne sont pas requises à peine de nullité.
Il estime par ailleurs que n'est pas rapportée la preuve que le contrat de vente conclu avec la société Activ'éco aurait fait suite à un acte de démarchage tel que visé par les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction alors applicable.
A titre subsidiaire, il considère qu'en cas d'annulation des contrats, il devra obtenir la restitution du capital prêté et débloqué et, en contrepartie, il restituera aux consorts [N] les sommes réglées par le défunt, avec compensation en application des anciens articles 1289 et suivants du code civil, et ce avec intérêts au taux légal depuis la date de mise à disposition des fonds.
Enfin, il sollicite la condamnation du mandataire liquidateur de la société Vivons Energy, par la faute de laquelle la résolution de la vente et, partant, du prêt serait prononcée, à garantir les consorts [N] du remboursement des sommes qui lui sont dues.
Il demande également que lui soit alloué le montant des intérêts conventionnels et frais dont il a été privé alors qu'il était en droit de les percevoir, et ce à titre de dommages et intérêts, soit la somme de 15 597,60 euros (49 197,60 euros ' 33 600 euros) qu'il déclarera à la procédure collective de la société Vivons Energy.
Il conteste avoir commis une faute dans le cadre de la libération des fonds malgré l'absence d'achèvement des travaux, qui serait de nature à le priver de sa créance de restitution, puisqu'il a débloqué une partie des fonds à partir de la présentation d'une autorisation de versement des fonds au prestataire le 15 avril 2012 puis à partir d'une seconde autorisation de versement des fonds le 18 juin 2012.
Il ajoute qu'un procès-verbal de réception des travaux sans réserve a été régularisé par [P] [N] le 19 juin 2012.
Il nie également avoir commis une faute en libérant les fonds sans qu'aient été obtenues en amont les autorisations administratives préalables, alors qu'il était tiers au contrat de vente conclu entre la société Activ'éco et [P] [N], prestations qui n'étaient en tout état de cause pas rentrées dans le champ contractuel.
Il s'oppose enfin à toute nullité du contrat de prêt pour dol en ce qu'il n'a commis aucune man'uvre de nature à altérer le consentement de [P] [N] et précise que c'est librement et en toute connaissance de cause que celui-ci s'est engagé dans l'opération litigieuse.
Sur le reproche qui lui est fait de manquement à son devoir de mise en garde, il rappelle que cette obligation ne porte que sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt et que les consorts [N] ne versent aux débats aucun élément portant sur les revenus de [P] [N] ou de son épouse, coempruntrice solidaire, ou sur leur patrimoine pouvant prouver que ce prêt était manifestement disproportionné par rapport à leur situation, et ce d'autant qu'il a toujours été remboursé dans les délais et a été intégralement réglé en décembre 2018. Enfin, il souligne qu'il n'appartient pas à une banque de s'immiscer dans les projets de ses clients ni de délivrer un conseil au-delà du périmètre du contrat de crédit lui-même.
A titre très subsidiaire, il rappelle que les consorts [N] n'établissent en tout état de cause aucunement que le défunt ait subi un quelconque préjudice puisque l'installation photovoltaïque a été raccordée, est fonctionnelle et a produit de l'électricité, que de surcroît [P] [N] a vraisemblablement bénéficié d'un crédit d'impôt.
Les consorts [N] représentés par leur conseil, concluent le 13 février 2023 par RPVA à ce qu'ils soient reçus en leur intervention volontaire à l'instance en leur qualité d'ayants droits de M. [P] [N] et en leurs écritures, en les y déclarant bien fondés, et demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [P] [N] du surplus de ses prétentions, c'est-à-dire de sa demande tendant à la condamnation des sociétés Crédit Foncier et Vivons Energy devenue Activ'Eco à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture en son état initial, à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de ses préjudices financiers et de son trouble de jouissance et à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de réparation de son préjudice moral,
- de condamner solidairement les sociétés Vivons Energy devenue Activ'éco et Crédit Foncier à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture en son état initial, la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leurs préjudices financiers et de leur trouble de jouissance et la somme de 3 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral,
- de condamner la société Crédit Foncier à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Crédit Foncier aux dépens dont distraction au profit de Maître Thierry Pierron conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile en ce compris les coûts des commissaires de justice.
À l'appui de leurs prétentions, ils expliquent in limine litis avoir intérêt à intervenir volontairement en cause d'appel pour reprendre l'essentiel des prétentions formulées par [P] [N], le défunt, devant le premier juge.
Par ailleurs, ils estiment que leur action n'est pas atteinte par la prescription quinquennale au motif que le point de départ de celle-ci n'est pas la date de conclusion des contrats de vente et de crédit mais la date à laquelle le consommateur commence à s'interroger sur la validité de son engagement eu égard à l'irrespect des obligations contractuelles et pour les man'uvres dolosives, la date à laquelle les contractants ont pris connaissance des man'uvres jugées frauduleuses effectuées pour obtenir le consentement.
Ils soutiennent que l'installation a été mise en service le 19 septembre 2013 mais que la première facture de production d'électricité est intervenue le 28 mai 2017 date à laquelle [P] [N] a pu se rendre compte du préjudice subi, la procédure de référé de 2014 ne portant que sur l'éolienne de toit et le ballon d'eau chaude et non pas sur les panneaux photovoltaïques.
Ils ajoutent que [P] [N] étant un consommateur profane, le point de départ du délai de prescription est le jour de la découverte des anomalies et correspond à la date de la première échéance due postérieurement à la première facture de production d'électricité.
Sur le fond, ils considèrent que le contrat de vente conclu à domicile encourt la nullité en l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande qui est très peu lisible et font valoir que : manquent les caractéristiques essentielles du bien (modèle, marque, référence du produit, puissance, intensité, rendement, type, nombre de cellules, dimensions, poids, surface et températures), l'indication du prix unitaire de chaque bien et du coût de la main d''uvre, les détails de l'exécution de l'obligation, les modalités de paiement, le nom du démarcheur.
Ils soutiennent également que [P] [N] a été victime d'un dol, ayant été démarché par voie téléphonique par un agent de la société Vivons Energy prétendant intervenir pour le compte de la société EDF dans le cadre d'une campagne d'information des usagers et avoir ainsi reçu la visite d'un agent qui a fait état de partenariats mensongers, qui a passé en revue les différentes pièces de la maison pour lister les améliorations envisagées dans un but d'économies d'énergie.
Ils expliquent que [P] [N] a cru ne remplir qu'un dossier de candidature pour s'apercevoir après écoulement du délai de rétractation, que le contrat en cause était en fait définitif.
Ils ajoutent que [P] [N] s'est engagé en raison de la perspective d'un autofinancement et d'une rentabilité de l'installation au vu des éléments chiffrés donnés par l'agent mais dont celui-ci n'a laissé aucune trace, constituant ainsi des man'uvres dolosives.
Ils contestent qu'il ait confirmé le contrat en le purgeant ainsi des vices de forme, simplement en ayant laissé la vente s'exécuter et qu'en tant que consommateur profane, la simple lecture des articles du code de la consommation ne lui permettait pas d'avoir connaissance des éventuels vices affectant le contrat.
Ils concluent à la nullité du contrat de crédit en raison de l'interdépendance avec le contrat de vente mais aussi en raison du dol dont s'est rendu coupable le Crédit Foncier qui ne pouvait ignorer les mécanismes douteux de conclusion des différents contrats de vente de la société Vivons Energy, qui a apporté son concours au financement d'opérations frauduleuses et qui n'a pas conseillé et mis en garde son client.
Ils estiment que la banque a commis une faute dans la libération des fonds, en ne vérifiant ni la régularité du contrat principal (conformité du bon aux exigences du code de la consommation) ni son exécution comme l'accord de la mairie ou le raccordement dans le respect de la réglementation en vigueur, et ajoutant que l'attestation de fin de travaux signée sans réserve ne supplée pas aux exigences du bon de commande. Ils en déduisent la privation pour le banquier d'obtenir la restitution des fonds en cas de nullité.
Ils considèrent également que la banque a manqué à son devoir de mise en garde alors que le prêt était excessif et qu'elle ne s'est pas renseignée sur la capacité de remboursement de l'emprunteur, la privant dès lors des intérêts produits par la somme prêtée.
Enfin, ils prétendent à l'existence d'un préjudice puisqu'ils ne pourront pas espérer récupérer le prix de l'installation auprès de la société venderesse placée en liquidation judiciaire outre un préjudice lié à une installation inesthétique et inutile et à la nécessité de subir des travaux de désinstallation.
Par courrier en date du 4 avril 2023, la Selafa MJA a écrit à la cour d'appel de Paris ne pouvoir représenter la liquidation judiciaire de la société Vivons Energy en raison de l'impécuniosité du dossier.
La Selafa MJA prise en la personne de [R] [Z] es qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte remis à personne morale le 12 octobre 2021, et à qui les conclusions du Crédit Foncier ont été signifiées par acte remis le 3 mai 2022 à personne, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l'affaire appelée le 5 mars 2024.
Par arrêt en date du 2 mai 2024, la cour d'appel de Paris a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [N] née [V] et de ses enfants Mme [W] [N], M. [M] [N], M. [S] [N], Mme [C] [N], es qualité d'ayants droits de [P] [N] décédé le 29 décembre 2022,
- avant dire droit sur le surplus des demandes, a ordonné la réouverture des débats afin de permettre la communication par RPVA aux consorts [N] et au greffe par le crédit foncier de ses conclusions n° 3 avant le 1er juin 2024,
- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 18 juin 2024 à 14 heures pour plaider.
À l'issue de l'audience du 18 juin 2024, l'affaire a été mise à disposition au greffe au 26 septembre 2024 prorogé au 10 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la communication des conclusions du Crédit Foncier
A la suite de la réouverture des débats, il convient de constater que le Crédit Foncier a communiqué par RPVA le 30 mai 2024 ses conclusions n°3 à Maitre Thierry Pierron, conseil des consorts [N], et à la Selafa MJA prise en la personne de [R] [Z] es qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy.
Par ailleurs le conseil des consorts [N] a confirmé avoir reçu les conclusions n°3 du Crédit Foncier.
Dès lors, il doit être considéré que ces conclusions n°3 du Crédit Foncier ont bien été communiquées aux parties adverses respectant le principe du contradictoire et de la loyauté des débats.
Sur les dispositions applicables
Le Crédit Foncier conteste que le contrat du 22 avril 2012 ait été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile comme le soutiennent les consorts [N].
S'il est vrai que sur le contrat de vente aucun lieu de conclusion du contrat n'est indiqué, il n'en demeure pas moins que le contrat a été rédigé entièrement manuscritement, est composé d'une feuille simple et ne fait pas partie d'une liasse imprimée, que l'on peut en déduire qu'il a été amené par l'agent de Vivons Energy chez M. et Mme [N] et qu'il l'a rempli sur place.
Il résulte de ces éléments de fait que, comme l'immense majorité des contrats d'installation de panneaux photovoltaïques et comme le soutiennent les consorts [N], le contrat a été conclu au domicile des acheteurs.
Dès lors, ce contrat, conclu le 22 avril 2012, est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.
Par ailleurs, le contrat de crédit affecté est soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
Enfin, il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Sur les fins de non-recevoir
Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription
La société Crédit Foncier conclut à hauteur d'appel à la prescription de la demande d'annulation des contrats fondée sur des irrégularités formelles ou sur un dol au regard de la prescription quinquennale tout comme à celle visant à mettre en cause sa responsabilité.
En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
En l'espèce, [P] [N] a formé à titre principal une demande d'annulation du bon de commande daté du 22 avril 2012 par actes introductifs d'instance en date des 8 et 11 janvier 2021 pour inobservations des dispositions formelles des articles L. 121-23 du code de la consommation mais aussi pour dol.
Les consorts [N] ont repris ces demandes à hauteur d'appel sollicitant la confirmation du premier jugement qui a annulé le contrat pour défaut de validité du bon de commande qui ne présentait ni les caractéristiques essentielles du bien, ni les modalités et délais de livraison du bien.
Ils demandent l'annulation du contrat de crédit comme conséquence de l'annulation du contrat principal au sens de l'article L. 311-32 du code de la consommation.
Enfin, ils entendent mettre en cause la responsabilité de la banque au titre du contrat de crédit.
' sur la demande d'annulation du contrat principal pour inobservation des dispositions du code de la consommation et d'annulation du contrat de crédit comme conséquence de l'annulation du contrat principal au sens de l'article L.311-32 du code de la consommation
L'instance a été initiée par actes délivrés les 8 et 11 janvier 2021.
Plus de cinq années s'étant écoulées depuis la conclusion des contrats en 2012, [P] [N], et désormais ses ayants droits, sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat principal sur le fondement des articles L.121-23 et suivants du code de la consommation alors applicables, en invoquant des irrégularités formelles qui - à les supposer avérées - étaient visibles par lui à la date de conclusion des contrats, qu'il suffisait pour lui de procéder à un examen de la teneur du contrat pour les identifier.
Le fait qu'il ait intenté une action en référé en 2014 pour obtenir une expertise de l'installation dans son ensemble, et non seulement du ballon et de l'éolienne de toit comme le prétendent les intimés, et dans le but de vérifier ses conditions de fonctionnement, et de déterminer les causes des anomalies constatées, permet en outre de considérer que [P] [N] était, dès cette date, en mesure de connaître les conséquences juridiques des omissions dénoncées.
De même c'est en vain que les intimés soutiennent que le point de départ de la prescription de l'action en nullité doit être reporté au 28 mai 2017, date de l'établissement de la première facture de vente à EDF de l'électricité, non versée aux débats, alors même que la date de l'établissement de la facture de revente est sans lien avec les causes de nullité formelles invoquées.
Il convient donc d'infirmer la décision du premier juge et de constater la prescription de cette action.
' Sur la demande d'annulation fondée sur un dol
Les intimés demandent aux termes du dispositif de leurs écritures à voir prononcer l'annulation des contrats sur le fondement d'un dol. Ils visent les articles 1110 et 1116 du code civil.
La société Crédit Foncier soutient que l'action est prescrite.
Les consorts [N] soutiennent que la première facture d'électricité qui aurait révélé le dol qu'ils invoquent date du 28 mai 2017. Ils ne la produisent toutefois pas et se contredisent sur ce point en reconnaissant que l'installation était fonctionnelle dès le 19 septembre 2013. Dès lors leur action intentée par acte des 08 et 11 janvier 2021 est irrecevable comme prescrite.
Le jugement doit dès lors être infirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable.
' Sur la demande visant à mettre en cause la responsabilité de la société Crédit Foncier
S'agissant de l'action en responsabilité formée à l'encontre de la société Crédit Foncier, l'article 2224 du code civil fixe le point de départ du délai de prescription quinquennale à la date à laquelle la personne intéressée a connaissance des faits qui lui permettent d'agir.
Les moyens invoqués à l'appui de l'action en responsabilité du prêteur pouvaient être découverts soit à la date de signature du contrat de crédit comme cela est le cas des éventuelles non-conformités du contrat principal aux dispositions du code de la consommation, soit à la date non contestée du déblocage des fonds le 4 mai 2012, comme cela est le cas de l'éventuelle faute dans le déblocage des fonds.
L'action a été introduite plus de neuf années plus tard, de sorte qu'elle est tardive et doit donc être déclarée prescrite.
Sur les autres demandes
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles doivent être infirmées. Les consorts [N] qui succombent sont tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel. Ils sont condamnés in solidum sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société Crédit Foncier une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties sont déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable car prescrite l'action visant à l'annulation du contrat principal pour inobservation des dispositions du code de la consommation et d'annulation du contrat de crédit comme conséquence de l'annulation du contrat principal au sens de l'article L.311-32 du code de la consommation ;
Déclare irrecevable car prescrite l'action visant à l'annulation des contrats fondée sur le dol ;
Déclare irrecevable car prescrite l'action visant à mettre en cause la responsabilité de la société Crédit Foncier ;
Déboute Mme [T] [N] née [V], Mme [W] [N], M. [M] [N], M. [S] [N] et Mme [C] [N], venant aux droits de [P] [N], de l'intégralité de leurs demandes ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires ;
Condamne in solidum Mme [T] [N] née [V], Mme [W] [N], M. [M] [N], M. [S] [N] et Mme [C] [N], venant aux droits de [P] [N], aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers distraction au profit de Maître Béatrice Léopold-Couturier, avocat ;
Condamne in solidum Mme [T] [N] née [V], Mme [W] [N], M. [M] [N], M. [S] [N] et Mme [C] [N], venant aux droits de [P] [N], à payer à la société Crédit Foncier la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.